Donnant-donnant
L’Observatoire
international des prisons (OIP) n’aurait pas reçu de Matignon sa
subvention annuelle de 10 000 euros et de la MILDT celle de 40 000
euros. Le Délégué national de l’OIP, Patrick Marest, dans un entretien
sur le site du Nouvel Observateur, s’inquiète de cette abstention et la
juge contradictoire avec l’action d’utilité publique reconnue à
l’organisme.
Pour ma part, tout en étant en désaccord avec sa
philosophie pénale et pénitentiaire parce que j’y trouve de l’angélisme
avec une occultation des réalités lourdes de la criminalité et des
conséquences qu’elles imposent, j’ai toujours apprécié l’aiguillon, le
stimulant que l’OIP représente pour un Etat dont les priorités ne sont
clairement pas, pour l’instant, d’ordre carcéral. Par ailleurs, l’OIP a
été notamment présidé par un ami, très grand avocat, Thierry Lévy, et
aussi par une remarquable journaliste, Catherine Erhel, que j’estimais
et qui est malheureusement décédée. Ces liens n’ont pas manqué de me
rendre très sensible aux combats de l’OIP, en dépit du fond.
Je ne
sais pas ce qu’il en est de l’octroi annulé ou non de ces subventions,
mais il est évident que pour notre démocratie leur maintien ne me
semblerait pas injustifié. J’ajoute que je peux m’abriter sous le plus
haut patronage qui soit puisque le président de la République a écrit,
le 7 janvier 2007, à l’occasion des Etats généraux de la condition
pénitentiaire, que "des organismes comme l’OIP jouent un rôle
déterminant pour mobiliser l’opinion publique et inciter les
gouvernements à agir".
Une fois admis le principe de l’aide - encore une fois, nous ignorons, sur ce plan, ce qui adviendra -, reste à déterminer si la subvention ne doit pas avoir pour contrepartie l’exigence d’une responsabilité de la part de l’OIP. Patrick Marest anticipe d’ailleurs cette difficulté puisqu’il se demande si la double carence actuellement relevée ne pourrait pas être "la conséquence des constats que nous dressons sur les effets de la politique pénale et pénitentiaire mise en oeuvre depuis l’accession de Nicolas Sarkozy à la présidence". Il s’interroge, mais dénie à l’Etat, de toute manière, le droit de prendre acte d’une opposition systématique pour décider de ne plus aider financièrement l’OIP.
Pourtant, un tel débat sur le rôle des associations subventionnées par l’Etat n’aurait rien de choquant. Entre la naïveté absolue qui consisterait à payer quoi qu’il en coûte et l’intransigeance totale, il existe un chemin médian. Ce qui me semble incontestable, c’est qu’il n’est pas honteux, pour un gouvernement qui a vu approuvée sa politique pénale par la représentation nationale, de prétendre fixer des règles et fixer des limites. Un Etat, s’il ne paie que pour se faire battre, peut se lasser de son masochisme et exiger en retour d’autres conséquences moins rudes. Il ne s’agit pas de vouloir être récompensé par de la complaisance, mais au moins par une forme de participation à l’oeuvre commune.
Pour l’OIP, autant je crois nécessaires ses interventions et ses propositions dans le champ pénitentiaire, aussi unilatérales qu’elles puissent apparaître, autant sa volonté de relier son programme carcéral à une réflexion plus large sur la qualité de la politique pénale menée en amont me semble sujette à caution. D’une part, parce que cette dernière est devenue un acquis à partir de quoi il faut analyser la nouvelle "donne" pénitentiaire et, d’autre part, parce que se constituer en opposant systématique dénature le rôle spécifique de l’OIP, le rend moins crédible et ne lui permet plus d’assurer l’amélioration du monde pénitentiaire dans son ensemble. Si l’OIP sort de la seule mission qui implique une concertation avec l’Etat, celui-ci n’a plus aucune raison pour octroyer des aides à fonds perdus dans tous les sens du terme. Il serait totalement inéquitable de laisser au gouvernement la charge d’être généreux et à l’OIP la chance d’être irresponsable. C’est un donnant-donnant qu’il convient de mettre en oeuvre. L’OIP reçoit, il devra aussi donner. De la sorte, il ne se trahira pas. Pour faire bouger les choses et changer une insupportable réalité, il faudra bien dialoguer avec l’Etat qui sera le maître d’oeuvre de ce qu’on aura, parfois à bon escient, instillé.
Des subventions, d’accord. Mais pas avec n’importe quel OIP !
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