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Emmanuel Petit : « Il faut changer la donne de notre société »

Mardi 23 août 2011, Paris, Champ de Mars. Fondu dans le public, Emmanuel Petit assiste tranquillement aux matchs de la Homeless World Cup. Visiblement disponible et à l’aise en short-claquettes, l’auteur d’un des buts les plus jouissifs de l’histoire du foot français distribue sourires et accolades comme jadis il assurait ses passes. Et pourtant, le champion du monde 98 se bat aujourd’hui sur un terrain autrement plus grave, aux côtés des sans-abri de tous pays. S‘il croit dur comme fer aux vertus sociales du sport, le parrain de la compétition n’en reste pas moins lucide sur la portée limitée de l’évènement. Et n’hésite pas à renvoyer la balle aux hommes politiques. Entretien (pour Aligre FM)

Depuis combien de temps êtes-vous engagé pour la cause des sans-abri ?

Emmanuel Petit : Je suis engagé depuis très longtemps dans tout ce qui me semble être noble et juste. Aujourd’hui ce sont les sans-abri, demain ça sera autre chose. Pour moi, il n’y a pas de projets à mettre de côté du moment qu’il s’agit du bien-être général.

Pourquoi parrainez-vous cet évènement en particulier ?

Emmanuel Petit : Je crois en l’impact social du sport. C’est pour cette raison que je soutiens le projet depuis deux ans. Pour reprendre les chiffres de la Coupe du monde des sans-abri, le taux de réinsertion dépasse 60% après la participation des joueurs à la compétition, ce n’est pas négligeable. C’est vrai qu’il est très important de retrouver sa place dans la société, mais il est auparavant important de se reconstituer mentalement. Le sport influe sur la construction physique et mentale d’une personne. Et dans la conjoncture économique et sociale actuelle, où il y a dans le monde entier de plus en plus d’exclus, de marginaux, de laissés pour compte, c’est une petite alternative qu’on représente. Que ce soit les bénévoles, le comité ou Mel Young – le fondateur de la Homeless World Cup - on connaît l’importance du sport, et de ce qu’il peut véhiculer comme valeurs, tant pour les personnes lambda que pour celles en difficulté. C’est dans ce processus là que l’on s’inscrit.

Que peut changer ce Mondial pour la condition générale des sans-abri ?

Emmanuel Petit : Ces gens sont quasiment invisibles dans leur propre pays et sont totalement exclus de la société et de ses normes. Cette compétition change leur quotidien en leur redonnant progressivement le sentiment d’exister. Pendant une semaine et pendant toute la préparation, ils s’imposent une rigueur mentale, respectent des règles bien définies, avec une hiérarchie, le respect de soi et celui d’autrui. Le football leur fournit les outils pour réapprendre à avoir confiance en eux. Après, c’est donnant-donnant : on leur dit qu’on est prêt à les aider et que s’ils jouent le jeu, alors ils vont au devant de surprises très agréables.

Y a t-il des équipes qui vous ont étonné par leur jeu ?

Emmanuel Petit : D’un point de vue athlétique, certaines sont bien mieux préparées que d’autres, aussi bien chez les filles que chez les garçons. Mais c’est aussi cette diversité qui fait la beauté de la Coupe. Chacun cherche des choses différentes dans cette épreuve. Certains sont là pour la performance sportive, et cherchent à travers elle le sentiment d’exister. D’autres sont ici pour se découvrir eux-mêmes et tenter de trouver leur place au sein d’un collectif. Mais ne vous méprenez pas, cette Coupe du monde ne dure qu’une semaine. L’exposition médiatique est intense, et c’est pour ça qu’ils se donnent à fond les mecs. Les voir pleurer lorsqu’ils portent le maillot de l’équipe de leur pays, c’est pas souvent qu’on voit ça ! D’un autre côté, on sait que dans une semaine, ils vont retourner à leur quotidien qui est souvent terrible. Mais on espère que la préparation et la compétition leur donneront le sentiment qu’il y a autre chose dans la vie et qu’il ne faut pas toujours attendre de l’extérieur, même si on a connu des déboires, des difficultés, voire des tragédies. Il y a des injustices qui seront toujours là. Néanmoins il ne faut pas toujours attendre qu’on vous tende la main pour essayer de se relever, il faut aussi aller vers les autres.

Pour la suite, la Coupe a t-elle permis de créer des partenariats ?

Emmanuel Petit : Dans chaque pays, lorsque le tournoi est donné, des organismes sont mis en place. Après la compétition, un Centre National d’Insertion à travers le Sport et la Culture verra le jour (Ndlr : l’ouverture du C.N.I.S.C est prévue au printemps 2012). La culture est elle aussi primordiale. Puisqu’avec elle, on sollicite la créativité des personnes qui est restée en sommeil pendant très longtemps. Mais ce qui est intéressant, c’est qu’en dehors de la responsabilité des pouvoirs publics, beaucoup d’entreprises françaises s’inscrivent dans ce projet-là. C’est une alternative au sponsoring qui existe dans le monde du sport. Aujourd’hui, les entreprises sont nombreuses qui soutiennent et sponsorisent des évènements à vocation sociale comme celui-ci. Elles s’inscrivent dans la durée, et s’engagent à prendre ensuite des garçons et des filles pour les réinsérer dans le monde du travail. Ça, c’est vraiment quelque chose de concret.

Est-ce que cette compétition et les entreprises qui la soutiennent s’insèrent dans un domaine que les pouvoirs publics ont déserté ?

Emmanuel Petit : Non. Les pouvoirs publics nous soutiennent. Sans eux et sans tous les organismes de mécénat, les fondations et autres, l’évènement n’aurait pas eu lieu. Le problème du logement en France est extrêmement important. De plus en plus de gens se retrouvent à la rue. Je crois que tout le monde est conscient qu’à travers le monde, on vit une crise extraordinaire et on n ‘en a pas encore vu la fin. Si l’on ne prend pas des mesures concrètes, qu’on ne change pas un peu les donnes actuelles de notre société, on risque pour beaucoup d’avoir de très mauvaises surprises dans les années à venir.

Justement, dans le contexte actuel de réduction des dépenses alloués à l’hébergement d’urgence et dans celui plus général de la crise du logement, ne pensez-vous pas que ce Mondial est un peu l’arbre qui cache la forêt ?

Emmanuel Petit : Bien sûr. Le Samu Social perd des fonds, la crise du logement touche de nombreux Français et il y a des restrictions budgétaires au niveau gouvernemental. C’est la crise… Maintenant, je crois que les solutions existent et il appartient aux hommes politiques de les prendre. Mais, ça n’est pas un problème franco-français. A l’heure actuelle, dans la mondialisation, la pauvreté fait malheureusement partie de la hiérarchie. Si les politiques ne prennent pas ensemble les décisions qui s’imposent, le peuple les prendra à leur place.

Vous seriez prêt à vous engagez en politique ?

Emmanuel Petit : (Sourire) Non. Je ne sais pas mentir.

 

Vous pouvez aussi écouter L’insertion au bout du pied, un reportage radiophonique dont l’entretien est issu, réalisé par Léa Luiz de Oliveira, Rémy Dodet et Marc Bourreau et diffusé le 29 août sur Aligre FM.


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