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Encore un rapport sur l’orientation : le HCE manie l’art du résumé

Le Haut conseil de l’éducation (HCE) a rendu public le 9 juillet 2008 un rapport sur l’orientation. L’AEF a été la première à en parler, voilà quelque temps, mais depuis quelques jours les articles se sont succédés. Ce rapport me fait penser à un mémoire universitaire car c’est en fait une compilation des nombreux rapports qui l’ont précédé. On y sent l’envie de mettre le point final à la question avant une réforme annoncée dans le cadre de la présidence européenne. La synthèse de 39 pages est écrite avec une police de caractère lisible. Les auteurs ont attribué le caractère gras aux affirmations qui leur semblaient importantes.

Il est à noter que la plupart de nos grands médias en ligne se sont contentés de « recopier » la dépêche de l’AFP. Je veux bien admettre que la presse ait de plus en plus de difficultés financières, mais il y a des limites. Beaucoup de médias aujourd’hui font appel à des « rédacteurs » qui se contentent de compiler l’info au lieu de la collecter par eux-mêmes. C’est infiniment dommage car le « copier-coller » n’apporte rien à l’information du public. En dehors de l’AEF et l’AFP, il semble que seuls Le Monde et Le Café pédagogique aient manifestement lu ce rapport. Dramatique, eu égard à l’importance de la question !

Revenons-en au rapport. Un certain nombre d’affirmations montrent que les problèmes d’orientation sont bien davantage liés aux dysfonctionnements du système scolaire qu’à la responsabilité des professionnels dans leur mission d’aide à l’orientation. Quatre affirmations issues du rapport :

  • L’orientation consiste à trier les élèves en fonction de leurs seuls résultats scolaires dans les savoirs abstraits.
  • Même à résultats scolaires comparables, l’orientation varie en fonction de la profession des parents et de leurs diplômes.
  • L’offre de formation professionnelle s’adapte lentement aux nécessités économiques.
  • C’est pourtant elle (l’offre de formation) qui régit les politiques d’orientation dans les académies.

André Caroff et Jacky Simon, tous deux inspecteurs généraux de l’Education nationale affirmaient déjà… en 1988 : « Il est tout à fait significatif d’observer que l’évolution des vœux des familles (pour une orientation en lycée professionnel) suit l’évolution des capacités d’accueil. »

On trouve des constats dans ce rapport mais je n’ai pas vu de réelles propositions novatrices.

Bien évidemment, le HCE parle aussi des structures d’information, d’aide à l’orientation et de leurs professionnels. Dans la deuxième partie du rapport, les contradictions existent. La nécessité de coller à l’esprit des rapports précédents est omniprésente.

Le rapport reprend l’idée de faire assumer les missions d’accueil et d’information par les régions : sont cités pêle-mêle centres d’information et d’orientation, missions générales d’insertion, missions locales, délégations régionales de l’Onisep, réseau Information Jeunesse, services de l’enseignement agricole, prestations offertes par les Chambres consulaires, centres d’animation de ressources et d’information sur la formation, observatoires régionaux de la formation et de l’emploi…

Le rapport précise que la Délégation interministérielle à l’orientation traduit la volonté de l’Etat de définir une politique d’orientation tout au long de la vie. Une volonté qui n’a pas été jusqu’à nommer un remplaçant à Bernard Thomas, Délégué à l’information et à l’orientation : le poste est vacant depuis le 1er janvier 2008 !

Le rapport regrette que le changement d’appellation des Cop en 1991, devenus conseillers d’orientation-psychologues, place l’aide à l’orientation dans un cadre psychologique. Ce fait interdirait, semble-t-il, « une compréhension fine et actualisée des métiers et du monde du travail ».

Le rapport demande le placement des conseillers d’orientation-psychologues sous l’autorité des chefs d’établissements et l’arrêt de leur recrutement. Comme la structure CIO n’existerait plus, le HCE propose de confier les directeurs de CIO aux régions. Mais à quoi serviraient-ils ?

Pour exercer le conseil en orientation, il est proposé de confier cette mission à des enseignants à temps partiel avec une formation d’une durée de trois semaines à quelques mois. Ce pourrait être une seconde carrière pour ces enseignants. L’idée mérite en effet d’être étudiée, mais que dire d’une formation de trois semaines, notoirement insuffisante pour préparer ces futurs professionnels !

Le rapport parle aussi des professeurs documentalistes en CDI et de leur rôle important pour cette orientation. Peu cités par les rapports, ils ont en effet un rôle essentiel dans l’établissement, mais leur mission est loin de se limiter à l’information sur les métiers et les formations !

Il est temps que cette avalanche de rapports s’interrompe. Ces derniers mois, on a simplifié à outrance les questions au sujet de l’orientation. Qu’une part moins importante soit faite à la psychologie, soit. De là à nier son intérêt, il n’y a qu’un pas qu’il serait imprudent de franchir ! Les fameux coachs, dont raffolent tant le secteur privé et l’Etat avec ses contrats d’autonomie, n’ont-ils pas, pour bon nombre d’entre-eux, une formation en psychologie ? Certains d’entre eux ne sont ils pas d’anciens conseillers d’orientation-psychologues ? Comment ce qui serait bon pour le privé deviendrait une hérésie pour le secteur public !

Restreindre les choix professionnels d’un jeune à une simple adéquation entre le marché du travail à un instant T et son orientation future est pour le moins réducteur. Les choix d’un jeune prennent en compte aussi des raisons personnelles dans lesquelles la rationalisation à outrance a peu de place. Enfin que dire de ces grands spécialistes qui connaitraient avec certitude les débouchés du marché du travail dans cinq ans, voire plus ?

Depuis 1981, je réclame avec insistance la création d’un guichet unique, respectueux des compétences des professionnels, permettant de jouer la complémentarité des approches. A plusieurs reprises la réforme a été souhaitée, voire annoncée par les politiques.

Mais une telle réforme implique d’entendre les professionnels, pas de stigmatiser systématiquement leur mission !


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6 réactions à cet article    


  • Yohan Yohan 15 juillet 2008 13:00

    Quand on est dans le potage, on pond des rapports que personne ne lit, puisqu’ils sont la plupart du temps destinés à un enterrement de 14ère classe


    • é-cop-on 17 juillet 2008 01:20

      Et tous ces rapports de médiocre facture, particulièrement redondants, et qui n’ont pour seul but que de re-formater l’opinion publique (ou ce qu’il en reste...) et repris mâchés par l’AFP, digérés sans ou peu de regard critique par les rédactions des journaux...
      C’est vraiment inquiétant ce que nous vivons là ...
      Pourtant les contradictions dans ce rapport ne sont pas difficiles à repérer !!!...

      Merci à vous Christian Bensi d’avoir la volonté de mettre le doigt sur les incohérences souvent mensongères...de faire la part des choses quant aux responsabilités des professionnels de l’orientation dans les divers dysfonctionnements... qui existent en effet mais qui leur incombent souvent pas... ce qui est sûr, c’est qu’ils ne sont aucunement responsables de l’orientation (lapidaire !) par exemple occasionnée par les notes ou par le niveau socio-culturel des parents ...
      Le but est autre, il me semble...et ce n’est pas nos pauvres professeurs qui pourront devenir multi compétents ...en assurant à eux seuls l’orientation de "leurs" jeunes élèves...
      La problématique que pose de plus en plus l’orientation des jeunes va développer un secteur professionnel de coachs qui vont proposer du "clé en main" à l’image du soutien scolaire...et ce secteur professionnel jusque là non marchand va pouvoir maintenant se passer des subsides de l’Etat !!!... alors qu’une garantie d’objectivité ne peut être assurée que par des acteurs non impliqués dans un secteur marchand forcément partial...et c’est normal...
      Mais pour reprendre le propos d’un internaute que je viens de lire sur un autre site et que j’approuve... l’époque que nous vivons est à l’insertion en précarité (à la chinoise ?)...et puis plus besoin non plus de professionnels "trop" respectueux du désir d’épanouissement de l’individu...





      • Christian Bensi Christian Bensi 18 juillet 2008 00:21

        Laxisme des médias ou manque de journalistes spécialisés. Absence d’écoute des difficultés rencontrées par les professionnels. Absence d’analyse critique des citoyens. Tout cela est en effet inquiétant !


        • Daerel Daerel 20 juillet 2008 20:34

          Etant enseignant, je ne savais même pas qu’un nouveau rapport sur l’orientation avait été publié sur ce sujet.

          Ayant lu votre synthèse et ayant un peu fouiné pour le lire, je suis assez héberlué par ce que j’y ai lu (genre la régionalisation des CIO et l’arrêt du recrutement des COPsy qui passeraient sous l’autorité des chefs d’établissement). Mais, il faut être enseignant et déjà connâitre l’horreur de l’orientation pour voir qu’on va créer un enfer pire que celui actuel.

          Pour information, l’orientation telle qu’elle est conçue actuellement est digne d’Ubu-roi.

          Premier cas de figure : votre enfant va en seconde générale. Là, aucun souci, l’orientation est facile.

          C’est pour les autres types d’orientation que l’enfer débute. Si un élève n’a pas les capacités d’aller en seconde générale ou n’en a pas envie car il a en tête un autre type de parcours de formation, l’enfer débute.

          Tout d’abord, l’orientation est définie pour les BEP par un logiciel à la cruelle logique des notes. Etant donné que les notes varient sur une même copie dans une amplitude de 5 points selon le prof qui corrige, vous imaginez bien que ce logiciel favorise ou défavorise certains gamins. Ceci connu des professeurs, certains surnotent des gamins qui ont commencé à formuler l’idée d’un parcours dans le but que ce gamin obtienne son affectation par le logiciel... et là, paf les parents d’élèves voient les notes monter et ils demandent une seconde générale où le gamin va se planter... (expérience vécue une bonne vingtaine de fois).

          ENsuite, les affectations sont sectorisées par bassin. Le logiciel va favoriser les enfants du bassin en donnant des points. DOnc, si dans le bassin il n’y a pas le type de BEP que veut le gamin, celui-ci n’aura souvent rien car il sera débouté du logiciel en faveur de ceux qui vivent dans le bassin visé.

          Pire, si le gamin veut un BEP rare qui existe dans une autre académie (imaginons un gamin qui vit à Sarcelles, académie de Versailles, et qui veut un BEP photographie situé à Saint-Denis, 10 mn en train de Sarcelles, il sera refusé car hors-académie ou alors il devra présenter un dossier en béton, càd avoir au minimum 15 de moyenne partout... bref, les gamins qui n’aiment pas l’école classique mais qui ont un projet spécifique sont anéantis par la logique administrative).

          Maintenant imaginons que ce gamin obtienne la possibilité d’aller dans une autre académie pour avoir un BEP spécifique... encore faut-il qu’il y ait de la place car souvent 90% des places sont réservés aux élèves dudit établissment (et là, le gamin doit retourner dans son académie d’origine et là, rebelote, dossier administratif pour annuler l’exeat).

          Les professeurs principaux de 3e en ZEP sont des preux chevaliers qui donnent un temps énorme pour que chacun de leurs gamins puissent obtenir quelque chose qui leur plait.

          Rajouter à tout ceci que souvent ils doivent motivés des gamins qui s’en contrefichent ou n’ont aucune idée, luttent contre des parents qui veuelnt que leur gamin aillent en seconde générale car le grand frère/la grande soeur y a été... oulalalalalala...

          Et attendez, ce n’est pas fini... car les professeurs de 3e sont alors confrontés à leurs prinicpaux... qui doivent fournir du chiffre de passage en seconde générale... bazardant tout le travail d’orientation des COPsy et des professeurs principaux.

          Les passages en seconde générale ont augmenté très fort dans pas mal de collèges de ZEP ces dernières années et le taux d’échec en seconde générale a aussi explosé... Aucune corrélation lorsque des professeurs en font la remarque lors des conseils pédagogiques où les principaux montrent les chiffres en montrant la réussite éclair de l’établissement depuis des années (où on montre qu’un taux de 54% de redoublement en seconde des élèves issu du collège est mieux que les 30% d’autrefois, vous comprennez nous envoyons maintenant 61% des élèves en seconde générale contre 31% autrefois... ah et le petit chiffre de 46% de disparition du circuit scolaire en BEP contre 3% n’a rien à voir avec la transformation de l’heure de TSO en une demi-heure par semaine depuis l’arrivée de la nouvelle équipe de direction et sa nouvelle politique de contrainte budgétaire pour favoriser les IDD).

          Alors, si en plus, les COPsy doivent passer sous les ordres des chefs d’établissement... on court à la catastrophe en ZEP.

          SI tout cela vous semble être absurde et impossible, que j’éxagère... je ne raconte que la moitié de ce que j’ai vu et j’ai dû accepté dans ma courte carrière.

          Comprenez bien que maintenant la volonté politique sur l’orientation n’est pas le désir et les possibilités des gamins mais les quotas fixés par sous-entendus aux principaux et surtout les offres du bassin du collège.

          Savez-vous par exemple que dans certains bassins, 90% des BEP sont des BEP Vam (vente action marchande), Comptabilité ou Secrétariat ? Et que les BEP carrière sanitaire et social (pour devenir puéricultrice, auxiliaire de vie ou infirmière) sont microscopiques... 20 à 40 places seulement dans la Val d’Oise contre plus de 800 demandes... et dans une France qui vieillit et qui manque justement de ces métiers...

          L’offre d’orientation est dingue, le processus d’orientation est dingue, les objectifs auxquels sont invités les principaux (en jargon de l’Education nationale, inviter signifie ordonner) ubuesque...

          Non, pour réussir son orientation, il faut être bon élève et aimer l’école classique. Vous êtes un élève en difficulté ou un élève qui a dû mal avec le monde scolaire... bah... vous allez connaître Ubu !

          AH oui, beaucoup de professeurs ne veulent plus être professeur principal de 3e... c’est curieux non ;) !


          • Christian Bensi Christian Bensi 20 juillet 2008 22:50

            Merci pour ce commentaire particulièrement détaillé. Je connaissais certains des dysfonctionnements que vous décrivez ici mais votre récit "d’homme de terrain" fait froid dans le dos.

            Ces questions-là sont essentielles. Pourquoi ne sont elles pas traitées ?


            • é-cop-on 21 juillet 2008 00:10

              Et oui c’est ubuesque !
              En tant que copsy j’entends ce genre de récit dans toutes les salles de professeurs que je fréquente...
              Sur les 18 professeurs principaux avec qui je travaille, plus de la moitié arrête soit au mieux pour passer le relais à d’autres ...soit parce qu’ils craquent !...mais les chefs d’établissement insisteront à la rentrée...après les vacances réparatrices et méritées(...)
              J’ai le sentiment d’être un garde-fou qui observe un système fou, écoute les diverse plaintes ...et essaie de colmater ce qui me semble le plus injuste...
              Maintenant on veut se passer de nous -les copsy- car c’est un système qui se veut maintenant "automatisé" à 100%...avec plus du tout de redoublements, d’appels, d’entretiens en tête en tête pas "controlables"...et surtout trop coûteux !!!
              Les services d’orientation coûtent 270 millions d’euros (le cinquième des indemnités données aux ProfsPrincipaux pour un ordre de grandeur...) ...Les PP "méritent" bien sur cette indemnité...qui s’appelle l’ISO(indemnité de suivi)...mais je ne comprends pas pourquoi on fait un tel pataquès pour des services non marchands qui ne coûtent pas tant à la nation ! Flûte pour rester poli !
              Sauf que l’orientation c’est devenu "juteux"...et les familles angoissées semblent prêtes à payer environ 450€ le super coach !
              Et pour revenir aux inquiétudes de Daerel, il est probable qu’en régionalisant d’une part et aussi en "enfermant" les jeunes dans une logique de bassin d’emploi, nous recherchons politiquement à rendre captive la future main d’oeuvre recherchée par les entreprises du coin...
              Les plans de formations vont dans ce sens (épouser les besoins locaux) et donc orienter les jeunes -comme j’aime à le faire- vers des formations éloignées géographiquement deviendra de plus en plus difficile !!!
              Aussi fini le projet personnel !!!...et c’est cela que je ressens au fond de moi en lisant ce rapport minable... Pour des personnes soi-disant si estimables, qui n’ont plus rien à prouver...comment peuvent-ils cautionner un pouvoir qui n’a que pour seule ambition de démollir...






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