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Accueil du site > Actualités > Société > Fin de conflit et début d’une autre Histoire en Martinique

Fin de conflit et début d’une autre Histoire en Martinique

Ces derniers jours ont été durs mais pour l’immense majorité de la population c’est un sentiment de joie et de victoire qui domine...

Fort de France, samedi 14 mars.

Je n’ai pas écrit ma chronique depuis une semaine. Pourquoi ? A partir du lundi 9 mars trop de choses, trop de rumeurs couraient. Tout et son contraire. D’une part il y avait la lassitude physique d’une grande partie de la population ne pouvant se ravitailler normalement, soutenant néanmoins jusqu’au bout le blocus des grandes surfaces empêchées de rouvrir par des barrages qu’avaient édifiés des piquest de grève. D’autre part des avancées, remises en cause jusqu’au dernier moment, allaient sans nul doute être acquises. Bien sûr la partie patronale tentera un dernier baroud. Une rumeur a ainsi circulé prétendant que de par ses statuts le MEDEF ne pouvait en aucun cas signer les accords proposés. On tente aussi d’exclure de l’augmentation de salaire de 200 euros les contractuels de la fonction publique.

L’intersyndicale et le Collectif, compte tenu de l’état des négociations en cours, décidaient donc d’une pause. Et Michel MONROSE, le porte-parole, avait du se rendre lui-même dans les zones de barrages pour que ceux-ci soient levés, car on n’avait aucune confiance dans ce que pouvait nous dire les médias.

Bien des revendications étaient loin d’être acquises, comme celles concernant les minimas sociaux qui nécessitaient un vote parlementaire de l’Assemblée Nationale. Les élus étaient donc chargés d’y porter les doléances martiniquaises. L’application générale des accords sur la baisse des prix et les salaires contraignait à un suivi par une commission issue du Collectif. D’autres dossiers étaient toujours en cours de négociations, comme les tarifs de la téléphonie. Et enfin la revendication pour les bas salaires étant de 250 euros, et étant donné une obtention de seulement 200 euros, il restait donc un solde de 50 euros qui devait être remis sur la table des négociations en septembre.

Il s’est donc agi, en ce samedi 14 mars de signer un « accord de fin de conflit », les négociations continuant. Ce fut néanmoins un grand jour où, dans une période de crise internationale, alors qu’on ne promet aux salariés que des sacrifices et des larmes, le peuple d’une petite île uni et déterminé, avait réussi à faire plier l’Etat et des capitalistes, notamment ceux de la grande distribution.

Plus de 30000 personnes avait accompagné les membres du Collectif jusqu’à la Préfecture sous une haie d’honneur, pour cette ultime séance des signatures.

Dans la salle des négociations de la Préfecture, Michel MONROSE fit un court discours sobre et émouvant rappelant l’état de pauvreté d’une grande partie de la population et le sacrifice qu’avait représenté pour elle ce long conflit de 35 jours. Il rappela l’unité et la détermination de tout un peuple qui restait mobilisé jusqu’à l’obtention de ses revendications. Les vivats éclatèrent dès la fin de son intervention et des chants s’élevèrent à l’intérieur même de la Préfecture (« Martinik levé ! »). En face de lui, avec la partie patronale aux allures contrites, le Préfet Ange MANCINI, prit la parole pour se féliciter de cet arrêt du conflit et de la haute tenue des négociations et des manifestations dans la rue.

Jamais on n’avait cédé à la violence ni aux provocations. Celles-ci n’avaient été l’œuvre que d’une poignée de patrons békés, qui dans leur folle équipée en tracteurs, n’avaient du leur salut, tout comme les gardes mobiles, qu’à l’intervention des membres du Collectif qui les avaient sauvés du lapidage à Trénelle. J’apprendrai un peu plus tard que les habitants de ce quartier aux habitations et aux véhicules troués par les grenades des gardes mobiles se sont constitués en association pour porter plainte contre les forces de l’ordre.

Le Préfet veut passer le micro à Serge LETCHIMY. Il parait fatigué, très éprouvé, sans doute par les gaz qui l’ont fait suffoquer à Trénelle, son quartier natal, quand, le mardi précédent, abandonnant la salle ds négociations, il s’était porté à pied pour s’interposer entre les gardes mobiles et la population de ce quartier dont certains jeunes bombardaient de projectiles la manifestation - illicite et dangereuse - d’une partie des agriculteurs liés aux intérêts békés. Il avait réussi à convaincre les gardes mobiles de reculer avant de s’affaisser, pris d’un malaise. Son intervention, l’intégrité physique de sa personne mit ainsi en jeu, a incontestablement redoré son image. Image qui reste ternie chez les autres « politiques » hésitant et atermoyant, tel Alfred MARIE-JEANNE, retiré sur son Aventin et d’ailleurs absent lors de cette séance des signatures. Seule l’association des maires a eu une attitude vraiment responsable tout en soutenant le mouvement social.

Le Maire prend la parole, paraissant hésiter à chaque mot. Il dit avoir compris qu’un moment historique était aujourd’hui vécu et que ce combat entrepris n’était pas terminé.

Déjà à l’extérieur Ghislaine JOACHIM-ARNAUD répond aux journalistes comme à une tribune, appelant à la vigilance et à la mobilisation jusqu’à l’aboutissement des revendications, pour aller plus loin encore et construire une société plus juste. Pas loin, derrière la grille de la Préfecture, les chants et les slogans, mis au goût du jour, où Sarko rime avec Jégo, redoublent d’intensité.

Ange MANCINI en sortant veut se faire prendre en photo avec Michel MONROSE. Et pour la circonstance il revêt le tee-shirt rouge des manifestants. Le porte-parole s’approche un peu crispé. Voilà la photo est prise. Non Le Préfet n’a quand même pas levé le poing. J’ai l’image d’un souverain qui avait ainsi coiffé le bonnet phrygien de la République…

Nombreux sont ceux qui parlent à présent ouvertement de Révolution, qui disent s’intégrer à un combat anti-consumériste, anti-capitaliste, où la Grèce et l’Irlande ne sont pas très loin finalement, tout comme la France elle-même.


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9 réactions à cet article    


  • sissy972 17 mars 2009 15:50

    Bonjour
    Attendons quelques mois avant de crier victoire.
    A qui devrons s’adresser les entreprises mises à mal ou carrement en faillite suite à cette grève ?
    Mais puisqu’il s’agit de patrons ce n’est pas grave, ils n’ont qu’à crever ces salauds de patrons.
    J’aime beaucoup la banane martiniquaise mais je ne me vois pas manger plusieurs tonnes de ces fruits
    qui n’ont pas pu partir faute de blocage du port.
    Ma fille a perdu son emploi car le patron a dû licencier. A qui doit-elle s’adresser pour en retrouver un autre très rapidement ? A la fonction publique, dommage qu’elle ne licencie pas. 
    Qui a t-on guillotiné ici ?? Révolution ?? Juste une grève. L’avenir nous dira si cela en valait la peine.
    Pour les guillotinés, j’aurais bien une liste à soumettre ;


    • nemo3637 nemo3637 17 mars 2009 16:58

      Ma fille est dans la même situation. Ou plutôt elle n’a finalement pas été embauchée comme cela lui avait été promis.
      Oui des entreprises ferment et on ne fait pas d’omelette sans casser des oeufs.
      Est-ce à dire qu’il faiile toujours plier l’échine pour que ces messieurs les capitalistes - je ne parle pas ici des petits patrons martiniquais dont beaucoup ont rejoint le Collectif - puissent continuer à faire des profits pour nous en laisser éventuellement quelques miettes ? La situation de crise internationale montre bien que, même si l’on est "sage", les entreprises ferment de tous côtés. Est-ce la faute aux grèvistes ? Que représentent les maigres avantages gagnés ici par rapport aux seuls bénéfices d’une société comme Total ?
      Que va nous montrer l’avenir ? L’accentuation de la crise économique mondiale avec la faillite de General Motors et celle d’un grand pays comme la Grande-Bretagne, une misère généralisée produite par la déroute du capitalisme financier. Et dans cette perspective les Martiniquais - et d’autres - ont raison de se révolter. La solution réside dans l’autogestion généralisée des entreprises quand les capitalistes auront déguerpi et fermé leurs boites, comme cela s’est produit en Argentine en 2002. Qu’est-ce que l’on pourra faire d’autre alors ? Attendre les prochaines élections ?


    • foufouille foufouille 17 mars 2009 17:21

      @ sissy
      accepte de bosser plus pour etre paye pareil comme ca le boss pourra delocalise


    • sissy972 17 mars 2009 17:26

      Je ne suis pas contre la grève, loin de la. Je pense qu’elle aurait due être autrement. 
      Ceux qui gardent leur emploi (les fonctionnaires entre autres) n’ont pas à donner de leçons à ceux qui ont perdu le leur, par mauvaise gestion de la grève. 
      Même, Marie-Jeanne en a perdu de sa verve c’est tout dire ! 


      • nemo3637 nemo3637 17 mars 2009 22:44

        Les fonctionnaires garde la possibilité de faire grève sans risquer le licenciement comme c’est souvent le cas dans le privé. Et c’est pourquoi ils sont aussi porteurs des revendications de ceux qui n’ont pas le droit de se manifester. Ces "feignants-privilégiés" qui se battent et font ainsi grève paie aussi leur combat par le prix du sang, comme Jacques Bino, en Guadeloupe. Et ceux qui luttent, fonctionnaires ou pas, n’ont pas fini de "la ramener". Ce mouvement social, qui n’a pas été seulement une grève, a été mené de façon exemplaire, comme a du le reconnaître le Préfet Ange Mancini lui-même. Il a surtout "déçu" certains patrons.


        • foufouille foufouille 18 mars 2009 10:55

          @ sissy
          en plus les fonctionnaires avait rien a gagner
          ils ont deja une prime de 40%


        • nemo3637 nemo3637 18 mars 2009 12:14

          C’est vrai.
          Le salaire de ces fonctionnaire "privilégiés", dans une île où l’économie n’existe pas, fait souvent vivre tout le reste de la famille, sur deux générations, compte tenu du chômage endémique. Ce sont de véritables "vaches-à-lait" que l’on couvre de crédits - ils sont réputés solvables, bien sûr - sur lesquelles repose toute l’activité commerciale. Il y a quelques années, quand je m’inquiétais auprès d’un "banquier" sur le sort de la prime de 40%, celui-ci me répondit que "si elle était supprimée 80% des entreprises martiniquaises mettraient la clef sous la porte ! " Et c’est la raison pour laquelle le Premier Ministre Fillion a préféré sursoir - comme toujours - à la suppression de ladite prime.


        • sissy972 18 mars 2009 17:38

          Pour l’auteur : lisez dans le france antilles de ce mercredi 18 mars, le commentaire d’Alfred Marie-Jeanne.
          C’est exactement ce que j’écrivais hier. Ce n’était qu’une grève alors que cela aurait due être mieux que cela !!!!!!!!
          pourtant je ne porte pas du tout ce monsieur dans mon coeur.


          • nemo3637 nemo3637 19 mars 2009 01:33

            Alfred MARIE-JEANNE a eu, à mon sens, une habitude ambigue durant tout ce mouvement social. Il a tenté surtout de le freiner pour finalement s’éclipser, pensant que son absence allait être remarquée et commentée. Ce qui ne fut pas le cas. Son absence reflète celle de tous les "politiques" et particulièrement des indépendantistes qui n’avaient rien à dire de particulier dans ce conflit, à part agiter leurs drapeaux. L’ensemble de la population avait des revendications à caractère essentiellement social et non pas indépendantistes, contrairement à ce que cherchait à montrer de toutes forces les médias métropolitains.
            Pour revenir à Monsieur Marie-Jeanne j’ai l"impression que son image en a pris un coup à l’issue du conflit.

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