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« J’ai très mal au travail » et je m’apprête à entrer en situation de retraite

Réflexion, rapide et à compléter, à partir de la lecture du Monde Diplo et de la vision du film de Jean Michel Carré.

En lisant l’article ci-dessous, puis en visionnant le DVD « j’ai très mal au travail [1] », nous nous sommes posé la question : si le travail fait très mal, l’entrée en situation de retraite peut-elle être un soulagement ?
Préparer sa situation en retraite : une proposition.
 
Crise oblige, les priorités des Français se modifient, à en croire les sondages : 75 % (+ 18 points par rapport à juin 2008) d’entre eux placent en tête l’emploi, et 58 % (+ 4 points) le pouvoir d’achat. Reportée loin derrière par l’angoisse du chômage et des fins de mois difficiles, la question des conditions de travail n’en reste pas moins terriblement présente au quotidien. A preuve son expression extrême : la multiplication des cas de suicide pour raisons professionnelles. L’immense qualité du film de Jean-Michel Carré J’ai très mal au travail, c’est de nous faire entendre cette souffrance dont témoignent les travailleurs eux-mêmes - ouvriers, employés, cadres.
Destruction des formes de solidarité collective, solitude et mise en concurrence des salariés, ces nouvelles réalités du travail prennent ici tout leur sens, à travers les analyses de chercheurs, psychanalystes, sociologues mais aussi de salariés. La relecture de spots publicitaires, d’images d’actualité ou de films de fiction, insérés entre ces témoignages, offre un voyage initiatique dans cette comédie humaine que sont l’entreprise et le salariat d’aujourd’hui [2].
 
 
« J’ai très mal au travail [3] »
 
Peu de personnes peuvent vivre sans travailler. Des femmes et des hommes choisissent ou subissent, l’acte de travailler, d’autres voudraient et ne peuvent ou ne trouvent pas d’emploi. Le travail, qui assure ou devrait assurer les moyens de subsistance et d’existence, influence donc le déroulement de la vie. Il n’est pas étonnant que, suivant comme il est perçu, il puisse « faire très mal ».
 
C’est ainsi que le type de profession (manuelle, intellectuelle, de services, d’éducation et d’enseignement…) ; le niveau hiérarchique des responsabilités que l’on assume (grand patron, directeur, chef de service…) ; le montant des revenus (qui détermine souvent une partie des conditions de vie) ; la nature de l’entreprise (petite, grande, administration, multinationale, fonction publique, haute administration…) ; les situations personnelles (milieu familial, culture ou enseignement…) ou plus spécifiques (manque de moyens, économie locale…), sont des éléments qui influencent les modes de vie des personnes au travail. Par conséquence naturelle de proximité, ils ont des influences aussi sur les personnes de leurs environnements. 
Ce qui fait que, si nous n’arrivons pas à maîtriser correctement les applications des évolutions des progrès des sciences et des technologies, « j’ai très mal au travail » risque de devenir l’endémie des prochaines décennies pour les pays industriels ou en train de le devenir.
 
De même, les conditions et les environnements du travail (lieu, conditions d’exercice, intérêt, relations aux autres et à la hiérarchie, ambiance, insécurité…), ou si l’emploi n’est ni choisi ni accepté (emploi exercé pour les seuls besoins alimentaires, ou parce qu’il est limité par le fait d’une désertification industrielle du lieu de vie…) ; ou encore lorsque ceux-ci ne se déroulent pas avec la satisfaction d’un développement personnel (aucune reconnaissance, pas de valorisation des savoir-faire…) ; ces conditions et environnements du travail donc, peuvent avoir un impact sur la santé mentale, physique, psychologique, et être la cause de perturbations qui s’accumulent au long des années.
 
Sans compter que le fait de se trouver dans l’impossibilité de travailler (chômage, handicap, maladie, insuffisance ou manque de qualification professionnelle, conjoncture…) peut aussi détruire l’équilibre de la vie. Cette situation, qui devient une crainte de plus en plus forte depuis ce début de XXIe siècle (c’est le cas de la crise actuelle) met en « germe » un état d’esprit qui peut se transformer en « révolte » ou en abandon et mener à voir certains citoyens s’exclure de la société, pis, aller jusqu’au suicide.
 
Pourtant, la plupart des travailleurs, lorsqu’ils entrent dans le monde du travail, choisissent leur profession et souvent le type d’entreprise dans lequel ils vont exercer. Ils espèrent une progression de leur vie professionnelle, du moins ils en ont une petite idée qui participe à installer leur confiance dans l’avenir.
Seulement, depuis quelques décennies, l’assurance d’un emploi est moins sûre, et la carrière est soumise aux changements résultant des progrès de plus en plus rapides.
 
Il devient évident que l’évolution de la richesse du monde par les progrès continus, non seulement « oublie », quand ce n’est pas pire, ceux qui y contribuent par leur travail, mais ajoute à leurs conditions d’existence le « mal au travail ». C’est véritablement un non-sens, lorsque l’on parle de « progrès ». Il faut que l’on repense, plus que jamais, une gouvernance des responsabilités sociales et environnementales ainsi que l’engagement de tous les acteurs politiques.
 
C’est donc de l’engagement et de la responsabilité de chacun, mais aussi à celle de l’ensemble de la société et des gouvernements des pays, d’engager les recherches et de mettre en place des dispositions innovantes. C’est seulement ainsi que pourront cesser les causes et les effets du « mal au travail », et, qu’en fin de carrière, celui-ci ne « contamine » pas les jeunes retraités.
 
 
L’entrée en situation de retraite, une « aspirine » pour le « mal au travail » ?
 
L’un des changements les plus simples et caractéristiques, pour la grande majorité des entrants en situation de retraite, est le supplément de temps libre qui leur est offert.
C’est généralement un effet immédiat sur les changements des environnements de vie.
 
En tout état de cause, si la fin de carrière « libère » de l’emploi obligé et de ses contraintes, elle laisse, parfois, des séquelles qui font très mal et dont certains porteront les conséquences bien au-delà de leur temps de travail obligé.
 
Contrairement à ce qui peut paraître simple et facile, la gestion du temps libre n’est pas toujours aisée. Elle peut être une cause de « mal vie » qui s’ajoute au « mal au travail ». En effet, lorsque l’on est habitué, conditionné, par l’encadrement et la structure du milieu du travail, ou lorsqu’il faut choisir à qui, comment, avec qui…, consacrer ce temps libre ajouté (c’est tout de même 35 heures par semaine pour faire vite), les problèmes se cumulent rapidement les uns aux autres.
De plus, lorsque l’on souhaite se faire plaisir en même temps qu’aux autres ( la famille, la garde des petits-enfants, ou l’aide aux parents voire aux grands-parents…), les difficultés deviennent vite des angoisses.
Une certitude et une évidence : ce temps libre ne peut pas être laissé ni au hasard, ni à l’aléatoire. C’est donc un équilibre et une harmonie de vie qu’il faut construire entre l’activité voulue et choisie et l’inactivité supportable (ne rien faire n’est guère possible très longtemps).
 
Une piste nous a semblé très intéressante. Nous pouvons constater, chacun autour de nous, combien certains que l’on sait « avoir très mal au travail » se trouvent, cependant, moins affectés que d’autres.
Ils « supportent » mieux leur souffrance, la montrent moins, semblent vivre mieux que beaucoup de leurs voisins.
La raison est à chercher dans ce que l’on appelle souvent « le jardin secret ». Ce lieu intérieur où sont parfois enfouies des ressources de vie : la passion, l’envie, le projet…, d’être et de faire.
Ce jardin secret qui, heureusement, les anime, c’est l’« aspirine » qui soulage des maux de la vie.
 
 
Mais une vraie préparation à la retraite semble tout de même essentielle.
 
Le seul fait d’entrer en situation de retraite, n’est pas l’assurance d’une guérison. Et les effets de « l’aspirine » ne suffisent pas. Ce n’est qu’une aide chimique.
 
Les maux ont souvent plusieurs origines, mais les causes et les raisons humaines sont les plus essentielles et les premières à prendre en compte. Elles doivent donner lieu à un temps de réflexion, « d’auscultation » afin de cadrer l’état « du mal au travail » pour permettre d’envisager, au moins, une amélioration sensible, et mieux une guérison.
Les professionnels de santé (médecin, psychologue, conseiller professionnel divers …) ont des rôles de plus en plus délicats et difficiles dans les entreprises. Au nom de la liberté de chacun, pour ne pas gêner le déroulement de la carrière, pour l’image de l’entreprise…, devant les dégradations humaines dont ils se rendent compte et qui ne sont pas toujours capables de faire entendre, eux aussi, un jour pourraient avoir « très mal au travail ».
 
Ce temps nécessaire doit-être mené en parallèle à « l’aspirine » Il permet l’exploration des ressources intérieures, pour les développer, en faire naître de nouvelles.
 
C’est notre projet de vie en situation de retraite. C’est l’aboutissement de la réflexion que nous menons depuis près de dix années maintenant. Nous l’avons élaboré dans l’intention de mettre en place des outils permettant à chacun de continuer d’apprendre pour comprendre et entreprendre les vingt, trente ans et plus qui lui sont offerts en situation de retraite.
 
C’est un lieu, genre université ouverte à tous, où les retraités peuvent venir construire leur projet de vie en situation de retraite. Ce « travail » se fait sous la forme d’auto formation dans l’échange réciproque de leur savoir-être, et de leur savoir-faire (chacun est riche de quelques décennies d’expériences personnelles et professionnelles), afin de développer les « outils » d’échanges entre eux et avec les générations plus jeunes[4].
Car, nous pensons que le « travail » demeurera le lien social, sans doute le plus universel, qui permettra, de construire la vie entre les générations durant quelques décennies encore,
 
 
Par contre, la « réunion » de l’éducation, de la formation et de la culture[5], nous semble être de nature à faciliter, d’une manière indiscutable, le travail de recherche et de mise en pratique d’un projet de vie.
Ce sont des « outils » qui permettent à chacun d’espérer construire un équilibre harmonieux, c’est à dire choisi, agréable et enrichissant physiquement, intellectuellement, mentalement. Ces trois piliers sont indispensables pour assurer les capacités nécessaires à l’autonomie, à l’indépendance dans la dignité et le respect de soi et des autres dans le temps de la retraite.
 
Chacun le comprend, du moins nous l’espérons et par cette prise de conscience, nous voudrions éviter que ce « mal au travail » se prolonge en « mal hors travail » qui pourrait être la raison de découragement ou d’abandon.
C’est pourquoi nous pensons que préparer sa retraite c’est ménager cette nouvelle étape de parcours de vie. Une étape que le « mal au travail » ne doit pas gâcher.
 
Il est essentiel d’en avoir conscience, car
« … il va concerner une part importante des populations pour laquelle l’allongement de la durée de la vie est en constante progression pour pratiquement l’ensemble des pays de l’OCDE, Organisation de Coopération et de Développement Economique ». Source OCDE rapport 2007.
 
 
L’allongement de la durée de la vie ne peut pas être un mal sans quoi il faut cesser tous progrès.
Peut-être devons-nous vraiment apprendre à nos plus jeunes que le travail doit être l’un des outils de leur épanouissement. Nous qui avons connu le travail toute notre vie, gardons notre place dans cette société en construction, pour les accompagner. Parlons de nos souffrances, car nous en avons eu (les heures et les jours de formation au lieu des fêtes de famille par exemple, les responsabilités qui ne nous ont pas été confiées…) mais aussi et surtout des plaisirs que nous avons vécus avec nos copains d’atelier ou de bureau, avec nos chefs et nos patrons. Pour ces derniers, ce n’étaient pas les mêmes : nous les connaissions entrepreneurs et travailleurs. C’est un sujet que nous entreprendrons.
 
Pierre Caro
Retraité
Chercheur autodidacte : retraite et vieillissement.


[1] L’article du Monde Diplomatique propose, sur le site « info-diplo » l’achat de ce DVD. Un film de Jean Michel Carré
 
[2] Présentation sur le site du Monde Diplomatique
 
[3] Il n’est pas question de présenter le contenu du document, mais de l’idée qui nous est venue de lier conditions de travail et entrée en situation de retraite.
 
[4] Nous sommes très attaché à ce temps d’échanges vers les générations plus jeunes. Nous nous sommes rendu compte combien quarante années de vie personnelle, d’exercices professionnels, n’étaient pas obligatoirement des savoir-être ni des savoir-faire à transmettre. L’obsolescence des sciences et des technologies oblige à faire le ménage de nos connaissances.
 
[5] La culture nous l’entendons ici comme la façon personnelle de mener sa vie avec notre savoir-être, nos savoir-faire et d’une façon réfléchie, comprise et assumée.

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3 réactions à cet article    


  • Polemikvictor Polemikvictor 14 mars 2009 12:14

    Que ce soit dans la vie professionnelle ou la retraite la qualité de sa vie dépend surtout de la façon dont on la maitrise : se sent on plutot acteur ou plutot victime ?
    Il ya des gens qui perçoivent plus facilement que d’autres la part d’autonomie qu’ils ont dans leur vie et agissent en conséquence.
    Cette autonomie est plus grande à la retraite que pendant la vie professionnelle.

    Si on se perçoit comme victime, c’est à dire comme subissant les évènements, je crains qu’il soit un peu tard pour changer sa vision de la vie à l’age de la retraite d’autant plus que dans ce cas ceux qui ne veulent pas changer attendent que cela vienne des autres. A 20ans je l’admets, à 60ans c’est une autre histoire....


    • Gasty Gasty 14 mars 2009 19:32

      Nous l’avons élaboré dans l’intention de mettre en place des outils permettant à chacun de continuer

      C’est un lieu, genre université ouverte à tous, où les retraités peuvent venir construire leur projet



      Ou sont les outils, ou est le lieu ?????????????????????????????????


      • lineon 15 mars 2009 10:12

        La litanie du retraité. Toujours travaillé, toujours obéir, et maintenant toujours se faire chier.
        Fallait penser autrement, bosser differemment, voter intelligemment.
        On récolte ce que l’on sème.

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