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Accueil du site > Actualités > Société > La précarité, c’est que pour les « précaires » ?

La précarité, c’est que pour les « précaires » ?

Ce nouvel article sera plus judicieusement à prendre, en fonction de mes 5 articles précédents (du 14 nov au 16 déc). En effet, on se retrouve vite à buter sur des souhaitables reprises de certains positionnements d'analyse, ce à quoi on ne peut toutefois pas recourir, pour garder fraîcheur et accessibilité, à l'intention que l'on veut faire passer. Cependant, un axe les traverse tous au cœur : « occident et capitalisme, sont les 2 mamelles du malheur du monde »

SDF- porte étendard, à l'appellation déshumanisée, de la précarité. Un sondage avançait, il n'y a pas si longtemps : « plus de 50% des français ont peur de le devenir ! ». Ce n'est qu'une peur, mais elle témoigne combien la vie, ici en France, ici en occident, malgré notre richesse, n'est pas un long fleuve tranquille. Pour les « sans-domicile-fixe », TOUT s'est conjugué, TOUT se conjugue, pour donner cette vie d'errance, de mal être et de mal confort, continus et implacables. Certains en ont parlé*, en parlent encore, bien mieux que je ne saurais le faire. Ils énoncent les causes endogènes au cœur de l'enfance, du vécu familial-ou non, et celles, exogènes, d'une vie en société, rêche et rigide, d'une société qui ne ménagent pas les différents, quel qu'ils soient (pensons aux Roms). Et c'est d'abord, parce qu'ils ne s'intègrent pas à la norme, aux conventions qu'ils sont exclus les SDF. Eux, les damnés de la terre, dans leur extrême, ils fixent le début de la longue chaîne des « pauvres » (8 M en France) qui se battent avec la vie, plus qu'ils n'en profitent.

L'occident, à la mesure de son système capitalistique, véritable miroir aux alouettes pour les migrants, pour les pays du sud, ne fait que compenser, dans une course perdue d'avance, les effets de son organisation sociale mortifère. Amortisseurs sociaux, caritatifs, la liste serait longue de ce qu'il déploie pour tenter d'en atténuer, dans et pour « sa bonne conscience », ses effets nuisibles et délétères. Bien sûr, les « convenablement éduqués », ceux qui ont eu la possibilité de se construire des repères affectifs et cognitifs suffisamment stables, ceux qui vivent, de et par, les conventions, (que les précaires abhorrent) sont en mesure de se protéger avec les moyens sociaux à disposition.

Les uns sous-vivent, les autres sur-vivent.

Chacun s'accorde à reconnaître que vivre ici, c'est affronter nombre d'adversités, de duretés, au cours d'une trajectoire de vie. D'où la nécessité de se constituer tout un arsenal pour y faire face, les contourner, ou les conquérir, arsenal pour lequel, le milieu familial a son mot à dire, ou à maudire, et ce sans parler des conditions matérielles de vie. Le parcours d'école et de culture est, bien sûr, la 1ère des armes, mais la capacité à se construire un entre soi avec ses semblables, en est une autre, corollaire, aussi, sinon plus, déterminante : l'exclusion, avant tout, est une maladie du lien*, de la capacité à l'établir avec les autres. La notion de lien recouvre pour autant, une, voire plusieurs, problématiques qui rendent sa capacité d'établissement complexe. Se faire un ou des amis : des potes ou des alter ego ? Être en couple  : affaire de convention ou d'intime ? Si le SDF, ne réussit, ou mal, rien de tout cela, il appartient à chacun de s'y coller, car l'Homme est un être fondamentalement social. Pourquoi l'Homme s'intéresse à son semblable ? Parce que c'est l'Homme ». Mais même pour ceux qui y parviennent, tant bien que mal, c'est tellement rude, qu'ils sont obligés de s'arc-bouter dans l'entre soi, qu'il soit familial, syndical, « corporatif », voire du sportif ou du médiatisé. Et même pour la grande majorité d'entre eux, se battre toute une vie de travail (quand c'est possible), c'est déboucher sur une pension de retraite parcimonieuse, voire de « misère ».

C'est que, tous ici, nous vivons dans une société qui suscite, distille la précarité, par système. Si son effet sur les personnes, se différencie selon les classes sociales, ceux qui font tout pour ne pas la voir, la mettre à distance, ont en eux, cette peur : l'hyperconscience de ça est bien là. L'école, le lieu même du brassage social et du côtoiement institué, si elle constitue une chance inestimable, elle échoue tout de même à contrecarrer les effets systémiques du capitalisme, devenu financier. Il reste les religions du livre (religere-relier). Mais du Judaïsme, replié sur lui-même, aux Chrétien réduit au caritatif (et encore un caritatif cloisonné : allez vous présenter comme bénévole spontané ! j'en ai fait l'expérience obstruée à la semaine de Noël, à Paris), seul, peut être, l'Islam résiste, à sa façon, imprégnant d'un message de paix, d'accueil, de souci de l'autre, chacun de ses adeptes, pratiquant ou pas, mais aussi chaque membre de la communauté ( l'appel à la prière, traversant l'espace sonore de la cité, n'est-il pas un lien d'association spirituelle, au sein du peuple de la cité ?). Et de là, faire société.

Prenons maintenant un autre angle de vue – 1) distinguons à ce niveau, 2 typologies qui seront utilisées, à partir de ce point de l'article : les précaires massifs - PM (du sdf et « pauvre de France » au migrant extra-occidental ») - les précaires partiels - PP. - (ceux qui sont en mesure de bénéficier, décemment, du système de santé et de protection sociale qu'on nous envie) - 2) cherchons à nous repérer d'une autre façon : « prendre le mot précarité au mot », à partir de ses synonymes : fragilité-incertitude-insécurité-instabilité-vulnérabilité. Qui, parmi nous, ne s'est pas retrouvé dans l'un quelconque de ces états, et/ou dans la crainte d'y choir ? Qui parmi nous, ne s'est pas senti bousculé, en alerte, désorienté dans notre CHÈRE capitale, si magnifiée ? : demandez un renseignement, dans un espace cosmopolite et bigarré, comme un couloir de métro, PP vous fuit, PM s'arrête et accepte la rencontre du moment. Pourquoi ? Parce ce que dans cet espace « malfamé » à ses yeux, PP se sent insécurisé donc précarisé. La femme occidentale n'est elle pas précarisée, dans sa lutte contre les assauts du temps, son attractivité déclinant aux yeux de l'homme, au fur et à mesure du déclin de son apparence ? Que dire, des accros aux dernières technologies, de la propension, via la publicité, à créer des besoins artificiels : PP est rassuré quand il peut accéder au top, PM essaye tant mal que bien, de se donner l'impression qu'il fait partie du « train ».

Comme si tout avait une valeur marchande, qu'on prend et qu'on jette. Et là, les PMPP ont un point commun : pouvoir et devoir être consommateur. Et selon : de l'alimentaire, de l'habitat, du culturel, du médiatique . . . Ici on touche à toute l'habilité foncière du système capitaliste, à créer une PRÉCARISATION, au sein du peuple, pour l'amener à soulager ses angoisses (in fine de mort) par la consommation. Cette nécessaire précarisation, qui s'installe dès l'arrivée au monde de l'enfant (par l'offre de cadeaux, on l'enjoint à ne connaître le plaisir que venant de l'extérieur de lui-même, aux dépens d'une recherche intime) est le socle, sine qua non, de sa capacité à créer une appétence, voire une addiction, aux produits de la société de consommation.

Sans ça, ça ne marcherait pas.

Et c'est là, que je place la responsabilité foncière de l'occident. Cet occident qui n'a cessé de conquérir, de mettre sous le joug, d'exploiter le reste de la planète, provoquant ainsi précarisation et endiguement de développement. Agir de cette façon, ne peut que faire montre d'un esprit de mort, qui ne tient qu'en « vassalisant » les espaces humains et terrestres nécessaires à sa survie, qui sont nécessaires au maintien de sa croissance gabégique.

Seulement voilà, dire, écrire, c'est bien, mais comment prendre place, à la mesure de sa courte vie terrestre, dans cette remise en question d'un système, qui nous permet, tout de même, des espaces de liberté (celle de circuler, de s'organiser, de voir qui l'on veut . . .). Certes, à titre particulier, se mettre, à sa façon, à distance de l'élan de consommation en est un, mais il n'aura de réel effet que si on s'engage, encore une fois, à sa façon, dans une démarche spirituelle, la seule propre à dissoudre en nous, ce qui y est inscrit depuis notre toujours. Déjà, diffuser par notre manière d'être, un autre message de vie, est une étape à la portée de la responsabilité individuelle de chacun. Ensuite, y a t-il à « gagner pour tous » de se rapprocher des « précaires » ? Qu'il soit d'ici ou d'autres contrées « exploitées » par l'occident ? Oui, si on le fait pour eux, à se nourrir de leurs différences et non pas avec comme antienne : « on veut bien s'occuper des précaires, mais à condition qu'ils restent à leur place », qu'ils ne cherchent pas à s'élever au dessus de leur condition et finissent par porter atteinte au fragile équilibre que nous avons construit.

Une tache immense mais que l'on doit considérer, à la mesure de ce que c'est qu'une vie humaine, à la lumière d'Antonio Machado : « l'important n'est pas le but, mais le chemin qu'on fait vers lui . . . en marchant »

Bon courage et bon chemin !

Paris, le 23 déc 2014

 

Références :

Et si les pauvres nous humanisaient . . . de Colette et Michel COLLARD-GAMBIEZ

Les métamorphoses de la question sociale de Robert CASTEL (lire notamment le début de l'ouvrage consacré au vagabondage au moyen âge – succulent et édifiant)


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5 réactions à cet article    


  • leclairobscur leclairobscur 23 décembre 2014 19:53

    Mélangeons nous, sortons des ghettos installés ou de fonction, car ils ne font que soutenir un système qui prônent l’individu en valeur première, au détriment de son attachement à être dans un commun avec les autres. L’individualisme en est sa version exacerbée, la charité, son expression bienfaisante. A répéter, encore et encore : Mélangeons nous !
    signé, l’auteur de l’article


    • Le p’tit Charles 24 décembre 2014 08:01

      Bonjour..Vous savez les mélanges ne sont pas toujours digests...et à vouloir le mélange des races on ne trouve à l’arrivée que haine et guerres...Pourtant l’idée de départ est bonne mais le problème vient des gens qui dans leur grande majorité n’en veulent pas...(voir les tensions dans le monde)...

      Surprise..l’humanité est elle raciste.. ?


      • leclairobscur leclairobscur 24 décembre 2014 08:29

        Mélange des races, des ethnies, n’est ce pas l’histoire de l’Homme, depuis son avènement sur la planète terre ?
        Non, j’entrevoyais plutôt l’importance du côtoiement dans la diversité, le respect mutuel, voire le désir de comprendre ce qui fait l’autre, le différent. Prendre cela comme un enrichissement par l’esprit d’ouverture. car une vraie vie, pleine, en accomplissement de soi, ne passe pas par l’alignement moutonnier et le repli frileux sur l’entre-soi.
        Merci, en tout cas, d’avoir ouvert la colonne des commentaires
        Bonne fin d’année


        • Le p’tit Charles 24 décembre 2014 08:58

          L’intolérance de l’homme n’est plus une surprise de nos jours...Plus nous avançons dans le temps plus les haines se découvrent...un constat ptoyable mais hélas une réalité...

          Bonnes Fêtes...

        • leclairobscur leclairobscur 24 décembre 2014 09:28

          Tout ça est régi par la peur, l’appât du gain, accréditer sa vie parce qu’on domine l’autre, les autres, mais fondamentalement, cela renvoie à l’angoisse de mort, particulièrement présente en occident. Si on commence à se pencher sur l’histoire humaine, il y a eu, de tout temps, des massacres épouvantables, et c’est une tâche délicate de dégager le bon grain de l’ivraie. Je ne m’y risquerai pas. Cependant, nous avons les moyens de nos jours pour analyser, causes et conséquences, des choix géopolitiques, et ce, potentiellement, à la portée de tous.
          Tant que le peuple n’ouvrira pas la parole en son sein, la manipulation médiatique et politique battra son plein. Car parler aux autres, dans la diversité, c’est les rencontrer et dissoudre ainsi les peurs.
          Et quand le peuple n’a plus peur . . .

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