Les banlieues sont sauvées, les politiques s’en occupent !
Il faut, vous le savez, un fil rouge pour chaque élection présidentielle. Si l’insécurité de tous les Français fit un succès lors des précédentes, les violences urbaines, plus communément appelées émeutes de banlieue, sont en passe de devenir le thème central du débat politique français.
Avant toute chose, j’aimerais rappeler ce qu’on appelle une banlieue. Commençons par une simple définition :
"La banlieue est la zone périphérique urbanisée autour d’une grande ville. En France, le terme s’est d’abord appliqué à la banlieue de Paris, puis s’est généralisé à toutes les grandes agglomérations.
Étymologiquement,
la banlieue désignait le territoire situé dans un rayon d’une lieue
autour de la ville et qui était soumis au « ban », c’est-à-dire à la
juridiction de ladite ville. Le ban est aussi une condamnation à l’exil, au bannissement."
Source http://www.banlieue.info/
Cette définition exclut donc toute péjoration, comme celles mises en avant systématiquement par la presse et beaucoup d’élus. A moins que, pour certains mouvements politiques, la deuxième partie de la définition ne soit une réalité ?
En effet, en périphérie de la capitale, on trouve autant de villes prospères que pauvres. Par contre, on trouve beaucoup moins (voire pas du tout) de cités à Neuilly-sur-Seine, Issy-les-Moulineaux, Levallois, Vincennes qu’à Nanterre, Ivry, Vitry-sur-Seine, Bondy ou Clichy-sous-Bois.
Eh oui, le problème se situe bien au niveau des habitats « provisoires » construits dans les années 1960 et quasiment réservés aux banlieues rouges qui ne s’appelaient pas encore la Seine-saint-Denis, le Val-de-Marne, le Val d’Oise ou l’Essonne.
Il est vrai que les partis de droite qui gouvernaient dans ces années (et dont l’UMP est le digne héritier) se faisaient un plaisir de construire des logements de qualité « soviétique » dans les communes dirigées majoritairement par des communistes, afin d’y loger les populations qu’ils ne souhaitaient pas chez eux.
Les années passant, si le profil des élus a changé, le provisoire est devenu sordide, et les populations qui vivent dans ces cités ont été obligées de composer ou de partir pour laisser leur place à de plus déshérités qu’eux.
Mais, au fait, combien d’élus de la nation habitent encore dans des cités ?
Les cités exclues du droit à la sécurité
Pendant des années, à l’exception de quelques maires, nul ne s’est préoccupé de savoir si les habitants des cités périphériques souffraient d’insécurité. Cet oubli a été opportunément corrigé par notre ministre de l’Intérieur au travers de ses légendaires déclarations sur les « racailles » dont il allait débarrasser les habitants, puis sur les cités qu’il allait nettoyer au « kärcher ».
Faire un remake de la Bataille d’Alger en envoyant les forces de l’ordre encercler des cités n’a rien réglé. Soit les populations de ces cités sont assimilées à un sous-prolétariat, soit elles appartiennent à la nation française. Encercler pour mieux contrôler ne résout rien.
L’insécurité reste, mais les gesticulations continuent.
Doit-on obligatoirement détruire des biens de l’Etat pour se faire entendre ?
Les navrantes affaires d’autobus pris d’assaut et brûlés sont à condamner sans réserve. Beaucoup se sont posé la question de savoir pourquoi les transports en commun avaient été choisis par les agresseurs. Le bus est bien souvent le dernier service public qui existe.
Les auteurs des caillassages, dégradations et incendies ont choisi cette cible parce qu’elle représente à leur yeux l’Etat, et plus précisément les pouvoirs publics.
Si la répression contre les auteurs de ces attaques est unanimement demandée par l’ensemble des Français, qu’envisage-t-on de faire pour que les habitants paisibles de ces cités aient accès à des services publics de qualité ?
Quelles sont les revendications de la majorité des populations des cités ?
Une amélioration des conditions de vie et des emplois. Les obligations budgétaires de la France nous conduisent à penser qu’il faudrait à la cadence actuelle environ dix ans pour que les choses commencent à bouger. Si les intentions de M. Borloo sont louables, elles sont tributaires des prochains gouvernements. Or rien n’indique que le prochain locataire de l’Elysée s’engagera sur des promesses qui ne font pas partie de son programme.
En ce qui concerne l’emploi, la priorité étant à la réduction du nombre de fonctionnaires et à la création d’emplois marchands, les Français ont pu noter que les seules propositions de ces derniers temps sont la création de nouvelles zones franches et un recrutement dans la police ou dans l’armée.
Il faut être bien naïf pour croire que des exonérations de charges sociales vont régler un problème de chômage qui touche de 30 à 50 % de certaines cités. Si organiser la franchise fiscale a permis à quelques commerces ou entreprises de s’installer, rien ne les oblige à recruter prioritairement des habitants des cités.
Il faut l’être encore plus pour croire que les jeunes des cités ont vocation à grossir les effectifs de la police ou de l’armée française. Si un certain nombre d’élus français s’inspirent de l’exemple américain, ils oublient que les nouveaux policiers sont affectés principalement dans leur quartier d’origine, ce qui implique de ne jamais le quitter, et que la majorité des soldats envoyés en Irak sont surtout volontaires pour obtenir leur nationalité américaine. Le souhait de ces élus est-il de mettre en place un communautarisme ethnique ?
Qui dit emplois dit entreprises
L’emploi ne se décrète pas, c’est vrai. Il n’en reste pas moins qu’il est indispensable que les confédérations patronales acceptent de rentrer vraiment dans le débat. Medef comme CGPME attendent beaucoup de l’Etat en termes d’allègement de charges, de souplesse dans le contrôle et de remise en cause du Code du travail mais... repoussent le CV anonyme.
Les populations des cités, si elles peuvent se sentir concernées par les initiatives d’organismes comme la HALDE, attendent surtout d’être acceptées dans les entreprises comme n’importe quel citoyen français. Il est indispensable que les syndicats d’employeurs proposent de vraies pistes au lieu d’attendre que l’Etat montre son impuissance. En attendant...
Pourquoi ne pas aider à la création d’entreprises de maintenance et d’entretien au cœur des cités, et leur donner un monopole temporaire ?
Pourquoi ne pas mettre en place des tutorats permettant aux habitants des cités de se former et de devenir des acteurs économiques ?
J’entends déjà certains grincheux nous expliquer qu’il s’agirait d’une concurrence déloyale. Mais combien d’entreprises ont leur siège social dans les cités, et combien n’y mettent jamais les pieds ?
Les cités sont partie intégrante des villes et de la nation. Tout discours prétendant le contraire est immédiatement disqualifié. Ce n’est qu’en réunissant tous les acteurs politiques, associatifs, économiques et citoyens autour d’une table qu’on pourra amorcer des solutions pour un futur immédiat.
Pierre André, sénateur et maire UMP de l’Aisne, rapporteur de la mission sur le bilan et les perspectives d’avenir des politiques conduites envers les quartiers en difficulté depuis une quinzaine d’années, était ce matin sur Europe 1 pour parler d’un rapport rédigé avec le concours de toutes les formations parlementaires.
Espérons que ce rapport ne sera pas une fois de plus destiné à orner le bureau des députés et sénateurs !
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