Les enfants, victimes collatérales de la crise sanitaire ?
Fermeture des écoles en mars dernier, port du masque aujourd'hui. La COVID 19 a bouleversé la vie de nos enfants et les conséquences restent encore difficiles à évaluer. État des lieux.
Une scolarité bousculée
Le confinement total imposé au printemps dernier a entraîné la fermeture de tous les établissements scolaires à partir du 16 mars 2020. Malgré la réactivité des enseignants, la continuité pédagogique n'a pas eu le même impact dans toutes les familles. S'est tout d'abord posée la question de l'équipement numérique : le ministre de l'Education Nationale Jean-Michel Blanquer avait estimé à 5% le nombre d'enfants n'ayant pas le matériel nécessaire pour suivre la classe à distance. Le 30 mars, c'est entre 5 et 8% des élèves qui auraient disparu des radars de l'école. De fait, toutes les familles ne pouvaient pas offrir à leurs enfants les conditions, l'expertise, ou le temps nécessaire au bon déroulement de cette « école à la maison » sur fond de télétravail ou de situations inconfortables, voire précaires. Quelles en sont les conséquences aujourd'hui ? Les enseignants le pressentaient, les résultats des évaluations nationales (élèves entrants en CP, en CE1 et en 6e) le confirment : les compétences sont chutées par rapport à 2019. Et ce phénomène est encore plus marqué pour les élèves fragiles. Le domaine de la lecture en est particulièrement affecté pour les élèves de CP et de CE1. Des résultats "inquiétants mais pas étonnants" selon Marie Duru-Bellat, professeur de sociologie à Sciences Po et à l'observatoire sociologique du changement.
« Les élèves les plus faibles se trouvent aussi être ceux de certains quartiers défavorisés, le confinement a creusé les écarts entre les élèves." ajoute la spécialiste.
Précarité et insécurité
Cette analyse amène à s'interroger sur une autre problématique : une éventuelle menace sur la sécurité et le bien-être des enfants dans certains foyers. La pandémie, qui a entraîné une crise économique, sera synonyme de plus de précarité. Selon le Secours Catholique, « La France franchira la barre des dix millions de pauvres en 2020 », et parmi ces dix millions, des familles dont les enfants vont vivre les répercussions de cette situation : logements inadaptés, appauvrissement de la variété alimentaire, peu ou pas de loisirs. Autre phénomène inquiétant : la montée des cas de violences conjugales et intrafamiliales qui ont augmenté de près de 35 % depuis le début de la crise sanitaire. La proximité forcée du confinement entraîne une exacerbation des tensions déjà présentes au sein des familles, et peuvent mener au drame. Des dispositifs tels que le numéro de téléphone 119 ou « Alerte pharmacie » ont été mis en place pour répondre à ces situations à risque.
Des impacts sociaux et cognitifs
Plus souterrains, les impacts du confinements et de la crise sanitaire dans le développement social et cognitif des enfants n'en sont pas moins réels. Les jeunes écoliers ont vécu malgré eux dans un monde d'adultes pendant plusieurs mois, sans interactions avec leurs pairs. De la même façon, la suspension des éventuelles activités extrascolaires met un frein à leur besoin de socialisation. Les bébés et les enfants en âge d'aller à la maternelle risquent d'accuser un retard de langage et d'avoir plus de difficultés à interpréter les mimiques faciales des adultes, du fait du masque.
Marie-Rose Moro, pédopsychiatre, psychanalyste, et praticien hospitalier en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent à l'université Paris-Descartes pointe quant à elle le cas particulier des adolescents. La crise sanitaire a affecté plus spécifiquement les 10-19 ans : « On voit énormément de pathologies secondaires : une augmentation des tentatives de suicides, une augmentation des angoisses sous toutes ses formes. »
Transmission du virus : une pression inutile sur les enfants ?
Les établissements scolaires n'ont pas fermé leurs portes lors de ce second confinement, mais le port du masque y est obligatoire dès l'âge de six ans. Pourtant, de nombreuses études semblent attester que les enfants de moins de dix ans se contaminent peu entre eux et qu'ils sont rarement actifs dans la chaîne de transmission du virus. Les contraintes qu'ils vivent sont-elles alors justifiées ? : « La Covid-19 n’est définitivement pas une maladie pédiatrique [...] Il ne faut surtout pas que les enfants fassent l’objet de mesures draconiennes, pénibles à vivre, qui pourraient bouleverser leur quotidien, alors que ce microbe ne les concerne que vraiment très peu. » affirmaient encore le 2 septembre 2020 les professeurs de pédiatrie Christèle Gras-Le Guen, vice-présidente de la société française de pédiatrie, et Régis Hankard, coordonnateur du réseau de recherche clinique pédiatrique Pedstart. Si les pays européens n'ont pas aligné leur discours sur la contagiosité des enfants, les dernières études en date s'accordent pour indiquer que plus l'enfant est jeune, moins il est contaminant et contaminé que les adultes de 20 ans et plus.
Sources :
http://www.slate.fr/story/196708/covid-19-enfant-ecole-risques-developpement-apprentissage-peurs
https://www.unicef.org/fr/recits/proteger-les-familles-des-retombees-economiques-de-la-covid-19
https://www.franceinter.fr/emissions/grand-bien-vous-fasse/grand-bien-vous-fasse-11-novembre-2020
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