Les victimes d’agressions laissées à l’abandon
Témoignage du parcours d’une victime après une grave agression corporelle. Le 10 novembre 2004 fut, pour moi, un tsunami ; en cinq secondes, je passai de la vie d’un homme bien portant à celle d’une victime et là, quel monde !
Hospitalisé, je n’ai
eu la faculté de voir une infirmière psy qu’à ma sortie, sans aucune mesure de suivi par une personne
spécialisée sur les agressions. En dépit du suivi par un CMP, qui a fait ce
qu’il a pu, j’ai dû chercher par moi-même un psychologue spécialisé, au bout de cinq mois. Le mal était fait, je
plongeai.
Devinez qui paie le psy, pas la Sécu, pas l’employeur, moi, et sur la base d’une
séance par semaine depuis huit mois !
Seul avec votre entourage, vous luttez pour que le jour
suivant se lève, et quand vous ouvrez les yeux, le matin, vous vous dites que la
vie est douce, et que la journée qui s’annonce n’est pas la dernière.
Quand vous êtes victime, tout est une question d’argent, à
commencer par les expertises judiciaires, diligentées par le tribunal
correctionnel, par les médecins
assistants, car plus le degré de vos cicatrices physiques ou morales est haut, plus
vos indemnités sont élevées.
Vous, vous êtes face à des personnes qui vous regardent, jaugent,
sans comprendre tout à fait de quoi elles parlent.
Vient la CIVI, car
mon agresseur est insolvable, il est récidiviste, il sortait de prison pour la
même chose, mais bon. La prochaine fois il tuera., ce qui ne sera pas une fatalité. En dépit de qu’avait demandé le
procureur, l’administration pénitentiaire m’ a fait un cadeau, celui de décider de son incarcération à quelques
kilomètres de mon domicile.
La CIVI, qui n’est autre que le fonds de garantie des
victimes d’agressions ; alors là, victime, vous êtes obligé de vous retaper des
expertises, que vous avez déjà passées pour le tribunal correctionnel, mais ils
ont leur médecins, qui sont payés et qui font la même chose que l’expert
judiciaire. Donc, en tout, je vais
passer six expertises ; trois pour le tribunal correctionnel, et trois pour la CIVI.
Et pendant ce temps-là, vous payez, le psy, les factures de
médicaments non remboursés, les trajets
pour les rendez-vous médicaux, les avocats.
Pour être victime, soyez riche, tombez sur des gens
compréhensifs.
Victime d’un stress post-traumatique invalidant, je combats
jour après jour pour réapprendre à vivre, à marcher cent mètres, à marcher dans
des petites ruelles, à mener des combats journaliers, tel que commencer à
parler de mon agression, mais là, je ne peux pas encore en parler ; ce jour-là,
j’aurai gagné.
Pour gagner, il me faut une photo de mon agresseur, emprisonné
; alors là, c’est un combat, je dirais même plus, la guerre, pour en avoir une ; des
lettres au député, j’ai même écrit au président de la République, qui m’a
répondu qu’il passait la demande au ministre concerné. Vous êtes là, dans votre
appartement, et chez votre psy, à essayer de faire le deuil de votre agresseur, et vous
priez le bon Dieu que quelqu’un vous dise, tenez, monsieur, l’autorisation d’en avoir une, pour vous soigner.
Ma vie est brisée, à 53 ans, donnez-moi la possibilité de continuer à vivre.
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