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Accueil du site > Actualités > Société > Petite Histoire de Fille

Petite Histoire de Fille

"Woman Tax".

C'est par cet anglicisme qu'une association féministe : Georgette Sand, dénonce la "taxe", en plus ou en moins d'ailleurs, sur les articles dont les emballages marketing les destinent soit aux hommes, soit aux femmes.

En cliquant sur le lien inséré plus haut, vous en verrez tout un florilège (de dénonciations) qui s'attaque majoritairement aux produits de toilette. La démarche suivante consiste à aller voir du côté des jouets, désormais estampillés aux couleurs rose et bleu pour bien signifier aux parents ce qu'ils doivent offrir à leurs enfants, mais en même temps pour les entreprises de se faire un maximum d'argent sur ces stéréotypes.

Sans doute en ferai-je un billet plus étayé le moment venu.

Mais, il est de toute façon une "taxe" réelle, que paient uniquement les femmes, du seul fait qu'elles soient femmes, justement, et qui est une taxe physiologique. Celle sur l'achat des tampons, serviettes hygiéniques ou maintenant coupe menstruelle. En France, les débats fleurissent avec des réactions tout aussi misogynes et sexistes qu'outre-atlantique.

Pour ma part, c'est en souvenir et par le début de cette vie de femme que j'avais envie d'aborder cet aspect.

Me voici donc revenue un peu plus de 40 années en arrière.

Le début de mon adolescence a commencé en mai 68 et en tant que fille, je dois avouer que cela n'a pas été toujours simple.
Le rapport au corps tout d'abord.

Qu'est-ce que c'était que tous ces changements qui s'opéraient sans mon autorisation et de quels droits ?
Et pourquoi du jour au lendemain sous prétexte que j'étais du sexe dit féminin, je devais porter des jupes ou des robes, alors que jusqu'à présent je m'habillais un peu comme je le voulais en portant les reliques vestimentaires de mes cousins et cousines ?

Alors quoi ? Des poils me poussent sous les bras, le sexe, mes seins apparaîssent, mes hanches s'élargissent et puis pour couronner le tout je me mets à saigner ?
Et ça devrait recommencer tous les mois ?
Ah non alors, non, non et non !

Et en plus les regards de la gent masculine louchent sur mes fesses, mon pull qui laisse poindre ma poitrine ?
Je refuse tout net, je refuse !
Est-ce que je regarde moi, leurs gros nez, leurs pieds disproportionnés ou si une bosse renfle la braguette de leurs pantalons ?
Berk, berk, berk....

Après avoir copieusement incendié ma mère sur le fait qu'elle m'ait faite à son image, c'est à dire "fille", je lui ai intimé l'ordre de remballer ses serviettes en tissu lavable :

- "Qu'est ce que c'est que ces inepties, est-ce que les garçons doivent porter "ça "... ?"

- " Non ? Et bien moi non plus !"

- "Et en plus je ne peux pas aller à la piscine ?"

- " C'est ce qu'on va voir..."

J'avais remarqué à plusieurs reprises dans les dernières pages du premier magazine télé paru à cette époque, un petit encart publicitaire discret qui "vantait" pudiquement l'efficacité de protections internes.
Tampon n'était pas encore l'appellation de mise, trop directe.
Un tabou, gros tabou, même dans la presse.
Mais c'est cela que je voulais !

Ma mère tenta de m'en dissuader en m'expliquant que c'était impossible puisque réservé à des "femmes" autres que moi .
Sous-entendu : ne sont plus plus "jeunes filles"...
En langage clair, cru et sans décodeur : ne sont plus vierges ou pucelles, se sont fait sauter la pastille, ont vu le loup, croqué la pomme...
Bref débauche alimentaire et/ou zoologique comprise(s), de mauvaise vie !

Sans compter que cela ne se trouvait pas encore au Félix Potin du coin, ni au Spar mais seulement dans"certaines pharmacies".
Encore fallait-il oser le demander !

Si elle avait accepté de m'acheter les toutes premières serviettes hygiéniques jetables ( bien épaisses, de celles que l'on n'oserait même plus penser aujourd'hui pour le derrière des tout-petits ), à nouer dans des culottes réservées à cet effet fond plastifié en sus, ou sur un appareillage compliqué fait de lien passé autour de la taille, avec boucles pendant entre les cuisses à l'avant et dans la raie des fesses à l'arrière, il n'était pas question qu'elle m'achète "cela", on verrait plus tard...
C'était d'un confortable et d'un esthétisme on ne peut plus douteux mais :


- "En attendant ma fille, c'est ce que font les autres et il faudra bien t'y faire..."

J'avais un peu d'argent offert par ma grand-mère pour mon anniversaire.
Clin d’œil contestable de Mère Nature, c'était ce jour-là que j'avais pris acte de l'ultime changement physiologique qui m'éloignait définitivement de l'enfance.
Et du haut de mes treize ans je suis allée m'acheter une boîte de "tampax" à la pharmacie réputée en commercialiser.

Regards sourcilleux et réprobateurs du tenant de l'officine qui me demande si c'est pour moi.
Je lui réplique avec aplomb que c'est pour ma grande soeur ( je n'en ai pas et n'en aurai jamais ).
Ce à quoi il me répond qu'elle pourrait faire ses courses elle-même :
"-Mais bon, ces jeunes d'aujourd'hui..."


- "Rien à faire de toute façon, vieux croûton, ça ne te regarde pas... " pensai-je tout bas.

Je sors de la pharmacie faussement contrite.
Victoire, j'ai mon petit paquet bien emballé au fond de mon cartable et je rentre vite fait chez moi, direction : ma chambre.

 Étudesdu document représentant une femme accroupie, son anatomie intime et quelques conseils dont se relaxer en introduisant ce rouleau de carton lubrifié avec poussoir contenant le remède salvateur à tous mes maux : un tampon .

Je regarde, palpe l'emballage de papier, le déchire, étudie la configuration du dit "engin" et me sens un peu désorientée.

- "Ah bon ? Tout ça peut tenir à l'intérieur de mon corps ? Et sans faire mal ?"

- " Bon, on va voir..."
D'un seul coup, j'ai un peu chaud mais il n'est pas question que j'abdique.
J'adopte la posture adéquate, positionne le cylindre magique tel un Spoutnik sur sa rampe de lancement (un peu de prospective, Appollo n'a pas encore aluni) et commence doucement l'introduction.

Curieuse sensation, c'est un peu froid.
Je bloque un peu, ai de plus en plus chaud, insiste et d'un seul coup, ça glisse.
Dernière manoeuvre, j'appuie sur le poussoir, puis enlève l'applicateur et me relève.

- " Je ne sens rien.."
Mais j'ai de bizarres et curieuses étoiles noires devant les yeux.
Loufoquerie et incongruité, ou enfer et damnation... J'ai "des vapeurs".
L'émotion ? Non, mais quelle idiote !
Je m'allonge sur mon lit, attends quelques instants, puis suis prise de panique :


- " Et si je n'arrivais plus à l'enlever ?"

Je me relève d'un bond, me baisse à toute vitesse, tire sur la petite ficelle et ressens une désagréable sensation de coton râpeux frottant conscienceusement mon intimité.
Ouf ! l'objet de ma frousse se retrouve au bout du cordon qui balance entre mes doigts.

Première peur de ma toute nouvelle vie de jeune fille.
Première rigolade en tant que telle aussi !
Dans les cinq minutes qui s'ensuivent, je suis prise d'un fou rire inextinguible au point que ma mère vient frapper à ma porte pour me demander si tout va bien .

Deuxième gros mensonge de la journée :


- "C'est le livre que je suis entrain de lire, Maman..."


- " Ah bon, et bien tant mieux..."

J'ai attendu quelques minutes et renouvelé l'opération première avec succès.


C''est ainsi que j'ai abordé , médicalement :


- mes ménorrhées, menstrues, menstruations, flux menstruel, cataménial...

banalement, insipidement :


- mes mois, histoires, cycles, règles, époques...

trivialement :


- mes affaires, anglaises, ours, pétoches, doches, ragnagnas...

et rigolotement :


- nte Rose...

Waouh ! Tout ça pour çà !

En Septembre dernier, ma fille L. a eu ses 13 ans.
Cet été avec son argent de poche elle a acheté ses premiers tampons.
Comme quoi ... !


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6 réactions à cet article    


  • foufouille foufouille 7 novembre 2014 13:09

    très drôle. merci
     smiley


    • Circé Circé 7 novembre 2014 13:54

      Bonjour Foufouille :

      Merci à vous d’être passé par ces rivages.


      • colere48 colere48 7 novembre 2014 17:06

         smiley smiley smiley :-> 


        • Circé Circé 7 novembre 2014 17:23

          Bonsoir Colère48 :

          ...Et pour finir, parce que sorcière


        • lsga lsga 8 novembre 2014 11:59

          Il faut supprimer les rayons genrés dans les magasins. 

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