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Accueil du site > Actualités > Société > Polémique autour des métiers de l’intelligence économique

Polémique autour des métiers de l’intelligence économique

La publication d’une liste de métiers de l’intelligence économique suscite des polémiques (voir le blog IE des Echos). Il est une fois de plus regrettable de constater qu’en France, toute démarche tournée vers l’avenir suscite des réactions négatives, et souvent décourageantes.

Un flou conceptuel

L’intelligence économique est un mode de management « de et par » l’information et la connaissance. Elle vise trois types de capacités à atteindre : maîtrise et protection de l’information, influence stratégique. Cette définition montre que l’IE est essentiellement une agrégation de fonctions, idéalement une mise en synergie de compétences. Elle se traduit dans la réalité par une culture de l’information propre à chaque organisation, c’est-à-dire par sa capacité à intégrer l’usage informationnel dans la conduite de l’entreprise.

L’IE reste donc un concept flou dont l’ambiguïté repose sur un questionnement permanent : est-elle un état d’esprit, ou une fonction ? De ce choix dépend celui de l’organisation : compétences collectives, ou branche fonctionnelle ? La réponse se trouve sans doute à mi-chemin entre les deux.

Métiers et compétences

La notion de métier repose à la fois sur l’idée d’un art reconnu et sur celle d’une fonction identifiée au sein d’une organisation. Un art reconnu suppose des savoirs et des savoir-faire acquis au cours d’une formation, tandis que la fonction suppose un besoin identifié de compétences, formalisé par une fiche de poste. La formation à un métier suppose une reconnaissance professionnelle via l’attribution d’un diplôme ou d’une attestation d’apprentissage. La fonction requiert de son côté une qualification et une procédure de recrutement.

Il y aurait ainsi une relation directe entre art et fonction, formation et qualification, diplôme et recrutement. La situation paraît simple, elle l’est d’ailleurs dans bien des cas : chaudronnier, dentiste, pâtissier, pilote de ligne ou comptable sont autant de métiers répondant à des fonctions parfaitement identifiées sur le marché de l’emploi.

Dans le domaine de l’intelligence économique, les choses se compliquent un peu. En termes de métiers, on distinguera ceux qu’appelle la mise en œuvre d’une démarche d’IE : les métiers liés à la recherche/exploitation (veilleur, analyste, enquêteur... ?), ceux liés à la protection (juriste, ingénieur SSI, responsable sécurité... ?), enfin ceux liés à la stratégie (lobbyiste... ?). Il est évident que cette approche par agrégation est très limitative. De fait, les métiers existent indépendamment de l’IE, et leur interrelation n’est que théorique, excepté si l’organisation prévoit une fonction de coordination (en supposant que cette dernière ait les moyens de sa mission). Les points d’interrogation suggèrent par ailleurs l’émergence de métiers spécifiques non encore identifiés.

En termes de compétences, il ne suffit pas de dire que l’IE est l’affaire de tous pour exploiter ou développer des savoir-faire ; encore faut-il organiser la collectivité, sans que cela devienne une contrainte liée à un effet de mode. Or on s’aperçoit, à l’usage, qu’il s’agit moins d’un problème de compétences que d’une évolution des méthodes de travail, voire plus simplement des mentalités. Car les compétences collectives liées à l’IE reposent essentiellement sur le partage de l’information et des connaissances entre tous les acteurs de l’organisation. Tout cela semble bien théorique, mais il suffit par exemple d’aller au Vietnam pour observer concrètement ce qui chez nous reste à l’état de concept.

Fallait-il publier une liste de métiers ?

La réponse est oui, sans hésitation. La mise en œuvre d’un politique publique d’intelligence économique repose sur une reconnaissance de cette démarche, à travers notamment l’encouragement des entreprises à définir de nouvelles fonctions ou à organiser celles qui existent déjà. C’est l’essence même de cette politique que d’aboutir à la définition de métiers, non pas en les réinventant, mais en leur donnant une nouvelle tonalité en vue de créer de nouvelles synergies. Certains argueront qu’il s’agit d’une démarche cosmétique ou même d’une réappropriation, voire d’une usurpation fonctionnelle. La réponse est claire : si la compétitivité passe par la réorganisation du management ou des fonctions de l’entreprise, et par la création de postes spécifiques, personne ne devrait logiquement s’en plaindre.

La question de la formation

En outre, la définition des métiers de l’IE, même perfectible, prend acte de la diversité des compétences requises pour mettre en œuvre cette démarche. Elle fait apparaître l’impossible omniscience et la contradiction que supposerait la formation d’un « monsieur IE » au sein d’une entreprise. Rattachée à une logique de formation et de recrutement, la définition des métiers permet ainsi de clarifier les objectifs de formation initiale ou continue, dans une perspective d’évolution concrète à moyen terme. Ajoutons à cela que le HRIE a réuni autour de la table l’ensemble des parties prenantes du marché de l’emploi, dans une logique de concertation et de pragmatisme. Ayant émis quelques suggestions sur le travail de la commission, j’ai eu l’honneur d’y être admis dernièrement, preuve que le système est ouvert et évolutif.

La démarche du HRIE s’inscrit de fait dans une logique dont la critique systématique revient à récuser l’existence même d’une politique publique d’IE. Comme toute démarche volontariste, elle bute sur des réticences culturelles, idéologiques, voire sur des intérêts commerciaux, quand ce n’est pas tout simplement sur l’esprit de contradiction, notre sport national.


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12 réactions à cet article    


  • krokodilo (---.---.156.83) 5 décembre 2006 11:19

    Excusez-moi de vous demander pardon, mais quelle est la différence entre management et gestion ?


    • krokodilo (---.---.156.83) 5 décembre 2006 15:22

      Oublié de dire que le terme anglais d’intelligence économique semble englober tout à la fois l’espionnage, la veille économique et la protection : chapeau ! Puisque l’anglais est tellement supérieur au français, n’hésitons pas : abandonnons complètement le français ! Après tout, ce serait rationnel, non ?

      PS : allez les anglophones, go on, encore un petit effort, j’ai déjà fait moins 18 de moyenne comme notation de commentaire, j’espère toujours faire mieux !


    • mauvaisens (---.---.243.251) 5 décembre 2006 22:39

      bonsoir,

      Moi je viens de prendre un -6 pour une fois que je parle, je dois être nulle. Bref, ce site n’est qu’un moyen détourné pour faire des liens avec d’autres sites , c’est une évidence puisque un des rédacteurs me l’a confirmé de vive voix.

      L’Intelligence économique doit aussi passer par ici.


    • Yassine (---.---.231.25) 8 décembre 2006 16:33

      Le terme intelligence économique ne provient pas de l’anglais « intelligence » (synonyme de renseignement), mais de la forme latine qui signifie « compréhension ». Compréhension du monde économique : très différent d’espionnage !!!!


    • tomawalk (---.---.4.88) 16 décembre 2006 10:41

      Eh Krokodilo ! J’ai lu la pertinence de tes commentaires. Immédiatement, j’ai consulté Le Petit Robert & le Larousse. J’ai été étonné de ne pas te trouver dans la rubrique des personnalités historiques (même pas à la rubrique Francois Pignon).

      Un second élément a attiré mon attention : « Krokodilo », c’est francais ?! Juste ?

      Sincérement, vient diner mardi soir à la maison, le thême sera l’IE !


    • SINA (---.---.125.242) 15 janvier 2007 17:09

      Il n’y a pas de domaines réservés à la gestion ou au management seulement des comportements différents dans chaque discipline. Gérer relève de l’ordre du calcul, manager de celui de la créativité, du refus des règles, de la transgression des contraintes. Gérer, c’est mettre en évidence une solution, épuiser la logique d’une situation (quantitatif), prendre une série de décisions cohérentes. Acte tourné essentiellement vers les moyens. Manager, c’est trouver une solution qui n’est pas forcément contenue dans les données du problème, c’est optimiser le cadre des contraintes voire en sortir, oser refuser la fatalité du cadre imposé (qualitatif, intuitif voire affectif). C’est un acte tourné essentiellement vers les fins. Gérer relève plus de la pensée verticale (recherche de solutions), manager de la pensée latérale (recherche de questions).


    • mauvaisens (---.---.243.251) 5 décembre 2006 14:10

      Bonjour,

      Un petit problème de communication, pour moi IE veut dire intelligence émotionnelle,notion aussi flou que votre IE. Pourquoi faire un liste, pour référencer des compétences qui existent déjà dans les PME et PMI et faciliter le travail des DRH qui eux même devraient faire partie de cette liste ? Encore des listes, des réunions pour rien qui coûtent.L’intelligence ne s’apprend pas quelle soit économique ou autre, c’est simplement une faculté pour certains cerveaux (au niveau physiologique) de répondre à tels ou tels cas.

      ps:pardon pour les fautes, si il y en a, la dyslexie !!!Je n’ai pas l’intelligence de l’orthographe ou, est-ce un savoir faire ? Pas envie de m’interdire d’écrire sous prétexte que je fais des fautes.


      • mauvaisens (---.---.243.251) 5 décembre 2006 14:21

        Re bonjour,

        C’est pire que ce que je pensais,après la lecture de l’article des Echos. Mais qui est, cette intelligence economique qui arrive à faire participer des entreprises à cette Académie.Voilà quelqu’un qui vient de créer son job en exploitant la crédulité.

        Faire un Académie, pour parler de la base des échanges économiques, je rêve.

        Rien de neuf, donc.


      • Yassine (---.---.231.25) 8 décembre 2006 16:41

        Il est indispensable de lister les métiers. Pour une simple et bonne raison : l’intelligence économique est un concept trop flou pour de nombreuses personnes (vous êtes le parfait exemple), notamment en entreprise. Le but n’est pas de se glorifier d’une liste de métiers qui seraient gravés dans le marbre, mais d’aider à mieux cerner les champs que l’IE recouvre. Toute entreprise, quelque soit sa taille pratique l’IE, selon sa situation (environnement concurrentiel ou non), sa taille etc. Permettre de définir précisément les métiers couverts par l’IE doit permettre de mieux profiter des savoirs internes et d’aller rechercher ensuite en externes ceux dont on aura besoin. Cela peut également permettre à certaines entreprises motivées pour mieux gérer leur gestion de l’information de comprendre le fonctionnement d’un sytème de veille par exemple. Il est ridicule de critiquer sans raison (ou si : par ignorance) le travail de personnes motivées, qui souhaitent développer une culture stratégique de l’information dans notre pays.

        http://intelleco.canalblog.com


      • loga (---.---.81.109) 5 décembre 2006 18:12

        l IE est valable si les informations sont exactes . On ne peut faire de l IE quand se sont les financiers (actionnaires par exemple qui décident )Le temps de rendement de ceux ci ne correspond pas parfois au recul nécessairede pour une analyse positive. L IE devrait intégré la culture des pays ,les possibilités humaines ,l ’avolution des syndicats ... en gros reprendre aussi l éducation de nos politiques (gauche/ droite)


        • IECoutZero 6 décembre 2006 11:09

          Une telle démarche (produire un docucument synthétique de deux pages résumant les métiers et compétences identifiés de l’IE) ne pouvait qu’aboutir à un résultat restrictif, puisque tel était précisément son but ! Face à un résultat « un peu court » comme celui-ci, il convenait donc de faire quelques recherches et de se poser un minimum de questions :

          Y avait-il des éléments en annexe à ce document permettant d’approfondir la réflexion ? En l’occurence oui. Un des signataires, l’ADBS, a élaboré en annexe une cartographie des métiers de l’IE, mais aussi les domaines et métiers impactés et faisant appel à des compétences IE. http://www.serialmapper.com/archive/2006/11/18/cartographie-des-metiers-ie.html

          Y a t’il des « signaux faibles » à tirer de cette annonce ? A nouveau oui : l’ANPE dans la liste des signataires. Cela n’est pas annodin, voir l’ANPE s’engager dans une démarche de reconnaissance de l’IE indique sa volonté à intégrer l’IE dans ses définitions de codes métiers et de compétences. Un signal plutôt interessant pour la profession.

          Ces pistes de réflexions sont hélas passés inaperçues, de nombreux commentateurs préférant dégainer les premiers. Ce n’est pas condamnable en soit, mais inquiétant de la part d’acteurs d’une profession prétendant analyser l’information...


          • 6 Weeks Rabbit (---.---.217.17) 16 décembre 2006 11:23

            REPONSE A KROKODILO,

            Cher Ami,

            Vous qui semblez être très cultivé dans le domaine de l’Intelligence Economique, il apparaît surprenant que votre esprit soit en confusion sur l’étymologie exacte de l’expression « Intelligence Economique ». Intelligence apparaît au XIIe siècle dans la langue FRANCAISE. Le terme est de racine latine Intelligentsia (comprendre), Intelligentem(discerner) mais également de Intelligere, combinaison d’inter et legere (italien). Ce dernier représente à mon sens, la définition la plus sagace de « intelligence » tel que nous la percevons. En effet, inter pour indiquer la mise en relation de deux éléments ou entités et legere qui en italien signifie lire et plus anciennement choisir ou mettre en évidence. Historiquement, la notion d’information et de renseignement apparaît officiellement au XVIe siècle mais sa pratique remonte à la Rome antique.

            Il n’y a donc aucunes racines anglaises ou de anglo-saxonnes dans le terme « Intelligence ».

            Cher Krokodilo, un conseil, développez un peu plus votre sens de l’intelligence en pratiquant « l’intelligere » avant de nous faire part de votre opinion sur Agoravox.

            Cordialement,

            6 W.R.

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Auteur de l'article

Franck Bulinge


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