Décidément, la majorité semble décidée à dépasser les Républicains par la droite. Et le droit du travail pourrait en être une nouvelle victime avec le chantier ouvert par le gouvernement mercredi avec la réception d’un rapport explosif qui propose de complètement déconstruire notre modèle social.
La troisième fusée du dispositif
L’offensive du gouvernement contre le droit du travail est particulièrement bien chorégraphiée. Il y a trois mois,
c’est Robert Badinter, encore auréolé par son rôle dans la fin de la peine de mort, qui a défriché le terrain en co-écrivant un livre sur le sujet. Puis, il y a quelques jours, c’était le tour de Terra Nova, la boîte à idées du Parti Socialiste, qui a publié un rapport «
suggérant de laisser aux accords d’entreprise la possibilité de fixer la quasi totalité des règles du droit du travail ». Et maintenant, c’est en grandes pompes, à Matignon,
que le rapport Combrexelle a été dévoilé par le Premier ministre et la nouvelle ministre du travail, signe de l’importance du dossier pour une majorité qui semble toujours autant confier une part prépondérante de son avenir à des politiques de l’offre, favorables aux entreprises.
D’ailleurs,
le Monde, jamais à la traine pour faire la publicité de l’agenda néolibéral, souligne que «
le rapport Combrexelle satisfait les syndicats réformistes et le patronat », disant implicitement que seuls les archaïques pourraient ne pas accueillir positivement
les propositions de ce rapport détonnant. Tout ceci démontre que la communication autour de la réforme du droit du travail est extrêmement travaillée. Non seulement, le chemin a été bien préparé entre l’annonce de la réforme,
le livre de Badinter,
le rapport de Terra Nova, puis celui-ci. Mais de plus, le gouvernement a adopté une ligne de défense assez habile, entre critique du poids du code actuel et souci affiché de protéger les fondamentaux (temps de travail, SMIC).
L’idée d’un SMIC différent par région ne servant qu’à jouer le rôle utile d’épouvantail.
Hollande dépasse Sarkozy par la droite
Sarkozy avait mis en place les accords de compétiitvité,
notamment utilisés par Renault, qui permettent déjà de mettre la marche arrière sociale face à la pression de la compétition internationale. Mais François Hollande,
décidemment plus néolibéral que les Républicains, semble penser que ce n’est pas assez. Déjà,
les partenaires sociaux s’étaient rapprochés pour assouplir les conditions d’utilisation de ces accords, soit le moyen d’accélérer la déconstruction du droit du travail. Et
la loi Macron a largement étendu le travail du dimanche, tout en donnant discrètement le moyen de réduire le supplément de rémunération pour le faire. Mais ici,
avec le rapport Combrexelle, même s’il peut sembler préserver l’essentiel, comme le communique le PS,
le diable est dans le détail, une déconstruction sournoise.
En effet, ce que permettrait ce rapport,
donc beaucoup de médias ont souligné le caractère révolutionnaire, c’est de transformer une grande partie du droit du travail en menu à la carte, personnalisable entreprise par entreprise, bien sûr, sous réserve d’accord d’une majorité des salariés. Mais, entre concurrence étrangère déloyale, comptabilité créative ou aléa de la conjoncture, ne serait-il pas simple pour bien des entreprises d’utiliser une telle possibilité au moindre soubresaut comme un chantage à la délocalisation ?
Dans un pays où le chômage est au plus haut, il s’agit d’une bombe à retardement social car le rapport de force restera pour longtemps en faveur des entreprises et en défaveur des salariés. Mais Hollande est habile, il vend la déconstruction du droit social comme une concertation paritaire…
Bien sûr, il y a sans doute besoin de simplifier des éléments de notre droit, ou de notre fiscalité, d’autant plus que la complexité ne profite qu’à ceux qui ont les moyens de se faufiler dans les interstices. Mais ici, il s’agit d’une révolution néolibérale sournoise, où la bonhommie de Hollande cache des choix thatchériens.