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Accueil du site > Actualités > Technologies > André Brahic, neptunologue patenté et vulgarisateur passionné

André Brahic, neptunologue patenté et vulgarisateur passionné

« Notre vie quotidienne est bercée par les découvertes scientifiques les plus récentes. Écouter la radio ou la télévision, prendre la voiture ou l’avion, téléphoner, communiquer, utiliser Internet ou un GPS, aller à l’hôpital, etc., nous conduit à bénéficier d’une batterie de nouveaux instruments dont nous ne pouvons plus nous passer. Par exemple, notre téléphone mobile fonctionne grâce aux applications de la mécanique quantique et de la relativité générale. Pourtant, la science est malheureusement absente de la société civile. Il est frappant de constater l’absence de scientifiques parmi les ministres, les députés, les sénateurs, les directeurs des journaux ou des moyens audiovisuels, les membres des cabinets ministériels, les capitaines d’industrie ou les acteurs des lieux de décision. Les chercheurs portent leur part de responsabilité dans cette absence d’engagement, mais ce hiatus est dommageable pour la bonne marche de notre pays et favorise nombre d’attitudes irrationnelles. Par exemple, les municipalités qui souhaitent à juste titre réduire la circulation automobile dans les villes ne devraient pas ignorer les principes de bases de la mécanique des fluides. Cela leur éviterait de prendre des décisions aberrantes qui conduisent à une augmentation des embouteillages et de la pollution. » (André Brahic, "Le Figaro Magazine", le 5 juillet 2012).

La maladie l’a terrassé le matin du dimanche de la Pentecôte, ce 15 mai 2016, à Paris. L’astrophysicien André Brahic est parti dans les étoiles à l’âge de 73 ans. Bien trop tôt. Il attendait impatiemment la fin de la mission Cassini-Huygens (prolongée jusqu’au 15 septembre 2017) pour analyser toutes les informations recueillies sur la planète Saturne (la sonde euro-américaine avait été lancée le 16 octobre 1997) et il comptait bien participer à la conception d’une nouvelle mission de lancement de sonde qui étudierait précisément les anneaux de Neptune. Pour des questions d’optimisation des distances interplanétaire, cette sonde devrait quitter la Terre en 2032 et arriver à destination en …2057, soit à ses 115 ans : « Si vous m’interviewez en 2059, je serai peut-être un peu fatigué. ».

J’ai eu la chance de l’avoir rencontré le samedi 23 février 2013 à la Sorbonne. Il participait entre autres à un forum sur les sciences organisé par la radio France Culture. Il avait débattu avec l’astrophysicien Francis Rocard, responsable de l’exploration du Système solaire au Centre national d’études spatiales (fils de Michel Rocard et petit-fils du physicien Yves Rocard), le spationaute Patrick Baudry et Violaine Sautter (médaille d’argent 2016 du CNRS), minéralogiste des roches endogènes des profondeurs du manteau terrestre à la surface martienne, sur le thème : "Curiosity sur Mars, l’Espace est-il l’avenir de l’Homme ?" et très vite, la discussion a dérivé sur la pertinence, ou pas, de faire venir des humains sur la planète Mars.

Je n’ai hélas pas retrouvé sur le Web la vidéo de ce forum mais un numéro de l’émission "C dans l’air" diffusé sur France 5 le 7 août 2012 donnait déjà quelques éclaircissement sur cette idée d’aller ou pas sur Mars.



À la Sorbonne, André Brahic avait montré la passion frétillante du scientifique qui voulait transmettre la compréhension des principaux enjeux de la science actuelle au grand public, et notamment aux citoyens. Il râlait périodiquement, et avec raison, contre l’ignorance récurrente des dirigeants politiques en France à propos de la science, et sa triste disparition en a même fait une magistrale démonstration puisque, dans un communiqué publié par l’Élysée le 15 mai 2016 à 19 heures 31, le Président de la République François Hollande s’est emmêlé dans les planètes en attribuant à André Brahic la découverte des anneaux de Saturne, anneaux découverts en fait il y a plus de quatre siècles, aperçus par Galilée en 1610 et analysée par Christiaan Huygens en 1655, puis par Robert Hooke en 1666 et par Giovanni Domenico Cassini en 1675.

En fait, André Brahic avait personnellement contribué à la découverte des anneaux de… Neptune, et pas de Saturne (le communiqué présidentiel avait aussi failli sur l’appellation des arcs que les services de l’Élysée avait confondus avec les anneaux). Pas étonnant que l’astronome avait milité (en boutade) pour que les candidats à la Présidence de la République fussent « au moins titulaires d’une thèse » !

André Brahic, astrophysicien majeur, spécialiste de la formation du Système solaire et de la dynamique des anneaux planétaires, était aussi un vulgarisateur hors pair, à l’instar d’un Hubert Reeves, très présent tant dans les médias que dans les amphithéâtres des universités où il faisait très fréquemment des conférences à destination du grand public. Sa verve l’a même parfois rendu un peu cabotin, au point même de postuler, sans succès, le 26 juin 2014 à l’Académie française, au fauteuil du Prix Nobel François Jacob.


Le découvreur

Né le 30 novembre 1942 à Paris, André Brahic a suivi ses études secondaires au lycée Voltaire de Paris puis a obtenu sa licence de mathématiques. C’est un peu par hasard qu’il est devenu astrophysicien en suivant les cours d’astronomie du passionnant Evry Schatzman, père de l’astronomie française. Après une thèse sur la formation des galaxies dirigée par le mathématicien et astrophysicien Michel Hénon, il démarra une brillante carrière universitaire.

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Professeur à l’Université Paris-VII (Paris-Diderot) et directeur du Laboratoire Gamma-Gravitation au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives de Saclay, il participa aux grandes découvertes de l’exploration spatiale de la fin du siècle dernier qui lui apporta une réputation mondiale. Il a toujours insisté pour rappeler l’importance, dans son cursus et dans sa vocation, de ses deux "parrains", Evry Schatzman et surtout Michel Hénon, et encourageait régulièrement les jeunes à aller rencontrer directement les spécialistes des disciplines qui les passionneraient.

Travaillant sur les collisions des nuages interstellaires, André Brahic a pu trouver des explications à l’aplatissement des galaxies en spirale. Il a alors testé son modèle mathématique sur la formation des anneaux de Saturne. Un travail qu’il estima au départ de quelques mois et qui n’avait que valeur de confirmation de son étude. Il voulait plutôt travailler sur les étoiles qu’il pressentait comme porteuses de bien plus d’intérêt scientifique que les planètes. En fait, il s’aperçut que le sujet était bien plus compliqué qu’il ne le croyait. Beaucoup de physiciens et de mathématiciens de réputation historique n’étaient pas parvenus à trouver des explications satisfaisantes.

André Brahic est devenu ainsi planétologue et spécialiste de la formation des anneaux planétaires. Comme peu de monde dans la communauté scientifique internationale avait étudié ce sujet, ce fut très logiquement qu’on l’appela pour participer aux missions des sondes Voyager (I et II) dans les années 1970 et 1980. Il travailla ainsi pour le prestigieux California Institute of Technology où collaboraient de grands physiciens comme le Prix Nobel Richard Feynman et surtout l’astrophysicien Carl Sagan (fondateur de l’exobiologie et grand vulgarisateur avec sa célèbre série télévisée "Cosmos" diffusée en 1980), qui fut son collègue et ami au sein de l’équipe d’imagerie des sondes Voyager au sein du Jet Propulsion Laboratory.

À cette époque, où l’instrumentation devenait de plus en plus sophistiquée, de nombreux physiciens ont pensé avec raison que l’observation de l’Espace donnerait beaucoup de compréhension aux lois de la Nature et aussi à la formation de la Terre. Mais inversement, c’est aussi grâce aux progrès récents de la physique (physique quantique et relativité générale) que les astronomes ont pu acquérir des outils très puissants.


Neptune

Le 22 juillet 1984, sur des observations de l’Observatoire de La Silla, au Chili (faites par Patrice Bouchet, Reinhold Häfner et Jean Manfroid), André Brahic démontra l’existence d’anneaux de Neptune et aussi l’existence d’arcs de matière, avec d’autres physiciens de l’Observatoire de Meudon (Bruno Sicardy et Françoise Roques) grâce à son programme d’observation d’occultation d’étoiles proposé dès 1974.

L’idée était assez simple : quand une planète passe devant une étoile, elle cache le rayonnement de cette étoile. Si la planète a des anneaux, la lumière de l’étoile est cachée avant et après le passage de la planète. Les premières observations eurent lieu le 10 mai 1981 par plusieurs équipes. Une autre occultation a eu lieu le 15 juin 1983 mais n’a apporté aucun résultat non plus.

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Ainsi, une soixantaine de scientifiques qui cherchaient en vain les anneaux de Neptune désespéra et publia un article disant que Neptune n’avait pas d’anneau. André Brahic, plus persévérant, refusa de signer un tel article. Une autre équipe de chercheurs, dirigée par William B. Hubbard (avec Faith Vilas et L.-R. Elicer), a contribué, elle aussi, à la découverte de ces cinq anneaux de Neptune. Après le renoncement des autres, il ne restait en effet plus que deux équipes pour observer le 22 juillet 1984 l’interruption de signal durant 0,8 seconde seulement avant le passage de Neptune et pas après (car ils avaient observé des arcs : « détection probable d’un arc d’anneau situé à trois rayons neptuniens de la planète et qui aurait environ dix kilomètres de large »).

Ces cinq anneaux furent confirmés et même photographiés par la sonde Voyager II le 25 août 1989, lors de son survol à 29 240 kilomètres de la surface de Neptune. Rappelons que l’observation depuis la Terre, très lointaine et polluée par son atmosphère, est très différente de l’observation depuis une sonde venue au voisinage de l’astre à observer. La perspicacité d’André Brahic a contribué à sa renommée mondiale sur ce sujet.

Dans le dernier anneau, trois arcs ont également été découverts (confirmés) en 1989 et nommés par André Brahic Liberté, Égalité et Fraternité en l’honneur du Bicentenaire de la Révolution française. Un quatrième arc fut découvert par une de ses doctorantes, Cécile Ferrari (aujourd’hui professeure à l’Université Paris-VII et astrophysicienne au CEA), appelé Courage pour le C de son prénom (les quatre arcs devenant CLEF : « Leur étude est peut-être la clef de la théorie du confinement de la matière. »). Il y a quatre siècles, Johannes Kepler avait pourtant exclu l’existence d’arcs de matière.

Fort des succès des deux sondes américaines, André Brahic encouragea fortement la mise en place d’une mission euro-américaine pour lancer la sonde Cassini-Huygens et explorer encore plus précisément les astres du Système solaire, surtout Saturne (une opération qui a coûté à peu près le prix du grand accélérateur du CERN de Genève, le LHC). Il fut alors membre de l’équipe d’imagerie de Cassini à partir de 1991 (la sonde est arrivée près de Saturne le 1er juillet 2004) et avait prévu d’y rester jusqu’en 2021.

Une petite parenthèse justement concernant le coût astronomiques des programmes scientifiques. André Brahic avait coutume de dire que le retour sur investissement est encore plus élevé et rappelait que Frédéric II du Danemark avait consacréprès de 5% du PNB de son pays à la construction de l’Observatoire d’Uraniborg (le plus grand d’Europe) dont la première pierre fut posée le 8 août 1576 (l’histoire de ce grand centre de recherche fut néanmoins tragique). Cela a permis au grand astronome danois Tycho Brahe de faire ses premières observations rompant avec la pensée traditionnelle sur les astres et amorçant un véritable foisonnement de découvertes dans toute l’Europe (Kepler utilisa notamment ces données).


Le vulgarisateur

Auteur de nombreux articles et ouvrages scientifiques de référence, André Brahic fut aussi reconnu internationalement pour ses talents de vulgarisation, en recevant, en 2001, la Médaille Carl-Sagan pour l’excellence de la communication publique en planétologie (remise par l’Union américaine d’astronomie), et, en 2006, le Prix Jean-Perrin destiné à récompenser les effort pour populariser la science (remis par la Société française de physique). Parmi les précédents lauréats du Prix Jean-Perrin, on peut citer Haroun Tazieff (1975), Jean-Marc Levy-Leblond (1980), Michel Chevalet (1981), Hubert Reeves (1983), Jean-Marie Pelt (1985), Stéphane Deligeorges (1988), Jean-François Augereau (1995), Gilles Cohen-Tannoudji (1996), Étienne Klein (1997) et Marie-Odile Monchicourt (1999).

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L’une des premières idées qu’avait souhaité diffuser André Brahic fut la raison de la très grande éclosion des découvertes récentes en astronomie (plus de 2 000 exoplanètes en 2016) : « Nous pouvons maintenant recevoir et interpréter toute l’information envoyée par les astres, quelle que soit la longueur d’onde du rayonnement reçu. (…) Aujourd’hui, nous ne sommes plus aveugles ni en radio, ni en ultraviolet, ni en X, ni en gamma, c’est un progrès considérable. » (1994). C’est comme si, avant, on n’entendait que le triangle, et maintenant, les cent cinquante instruments qui jouent une symphonie.

Il n’hésitait jamais à faire des digressions très instructives, comme celle-ci à propos de l’observation spatiale évoquée juste avant : « Nos deux yeux sont bien adaptés pour le visible, bon écartement des deux récepteurs pour percevoir le relief, bonne sensibilité des bâtonnets et des cônes de la rétine pour être touchés par les photons de lumière visible (de 0,4 à 0,8 micromètre de longueur d’onde). Pour percevoir avec la même sensibilité des ondes radio, il faudrait des récepteurs de 300 mètres de diamètre placés à quelques kilomètres l’un de l’autre. Un individu aussi gigantesque est irréalisable, sa masse proportionnelle au cube de sa taille serait énorme et devrait être portée par un squelette dont la résistance est proportionnelle à la section des os (donc au carré de la taille) : toutes ces contraintes permettent de calculer la taille maximale des être vivants, soit environ 50 mètres ; effectivement, les plus longs diplodocus avaient moins de 30 mètres de long. » (1994).


Vertige du très grand

L’univers est gigantesque à l’échelle humaine. C’était ce sentiment de vertige que voulait aussi transmettre André Brahic. Par exemple, le vertige des distances : la distance entre la Terre et la Lune (environ 384 000 kilomètres) est 20 000 milliards de fois plus petite que le rayon de l’univers observable.

Le vertige du temps, aussi : si un an s’était écoulé depuis le Big-Bang (qui aurait eu lieu le 1er janvier), la Voie lactée se serait formée le 1er avril. Le Système solaire serait apparu le 9 septembre. La Terre se serait formée le 14 septembre. La vie y aurait surgi le 25 septembre. Les algues seraient apparues le 9 octobre. Les microorganismes se seraient sexués le 1er novembre. La photosynthèse des plantes aurait démarré le 12 novembre. L’atmosphère se serait oxygénée le 1er décembre. Les premiers dinosaures auraient conquis les territoires le 24 décembre et les derniers auraient disparu le 28 décembre. L’homme serait apparu le 31 décembre à 22 heures 30.

Et la Renaissance en Europe aurait eu lieu une seconde avant le premier des douze coups de minuit : « L’humanité est un grain de poussière sur un grain de poussière un peu plus gros. Nous essayons de comprendre ce qu’est cet univers mais nous arrivons tard et depuis si peu de temps que nous ne pouvons avoir tout compris. Il reste à la science un immense travail à accomplir. ». Et de revenir ainsi sur le passé : « Il a fallu près de 4 000 ans à l’humanité pour qu’elle explore toute la surface de la Terre, 500 ans pour qu’elle comprenne la position de la Terre dans l’univers, un petit demi-siècle pour qu’elle commence à explorer le Système solaire par robots interposés. Tout cela n’est vraiment qu’un début. L’humanité est en enfance, il lui reste beaucoup à apprendre, il est temps de s’en occuper, priorité à la science ! » (1994).

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Autre vertige, l’origine du matériau biologique : « Se rappeler que dans les matériaux des [êtres] vivants, tous les éléments autres que l’hydrogène et l’hélium ont été formés au sein d’une étoile qui n’était évidemment pas le Soleil. ».

L’origine des planètes du Système solaire n’est pas solaire : les planètes sont issues d’un disque qui se serait formé autour du Soleil au début de la formation du Soleil (c’est aujourd’hui le scénario le plu probable) : « Quand la température au centre du Soleil atteint le million de degrés, les réactions nucléaires s’engagent, la contraction s’arrête, la pression de radiation équilibrant la gravitation. Le Soleil adopte son régime de croisière, celui d’une petite étoile économe de ses réserves. À la périphérie du disque, le gaz se refroidit. (…) Dans le disque, des défauts d’homogénéité entraînent la formation de planétoïdes, fragments de toutes dimensions qui s’entrechoquent et se brisent ou s’agglomèrent. ».

La diversité est à tous les étages : « Un rêve ancien, aller sur d’autres mondes, est devenu réalité. Le Système solaire a été bien inventorié dans sa diversité (…). Retenir que la diversité des objets est la conséquence naturelle de la diversité des masses. ». Le projet Rosetta a pour but justement d’étudier ces petits astres . Plus les corps sont petits, plus ils sont « descendants directs de morceaux de la nébuleuse primitive, la comète un planétoïde du froid des confins du Système solaire, l’astéroïde un planétoïde des régions plus chaudes ». En effet, le 12 novembre 2014, le module Philae de la sonde Rosetta s’est posé sur le sol de la comète 67P/Tchourioumov-Guérassimenko à… 510 millions de kilomètres de la Terre !


Existe-t-il de la vie extraterrestre ?

Ce qui est en quelques sortes reposant et soulageant, c’était d’entendre André Brahic se poser les seules questions qui vaillent vraiment à l’être humain : d’où venons-nous ? comment l’univers s’est-il formé ? y a-t-il des extraterrestres ? Cela rehaussait un peu le niveau de préoccupation qu’on peut avoir l’habitude d’entendre ou de lire dans les médias et la presse.

Sur les "petits bonshommes verts", André Brahic, comme tout bon scientifique, c’est-à-dire, comme toute personne rigoureuse mais aussi ouverte, n’excluait rien mais n’hésitait pas à reconnaître sa totale ignorance sur le sujet. Il ne pouvait que supposer que dans les milliards de milliards de galaxies que compte l’univers, les milliards d’étoiles que compte chaque galaxie, et les dizaines de planètes que compte chaque étoile, sans compter les galaxies qui ont disparu et celles qui vont naître, il serait quand même très étonnant que ne se soit développée la vie que sur ce petit bout de Terre, autour d’une étoile très moyenne au milieu de nulle part.

Il l’a exprimé dans ses livres et aussi dans ses nombreuses interviews, comme celle-ci dans le journal télévisé de France 2 le 27 février 2008.



Malgré sa prudence, cela ne l’empêchait quand même pas de faire un pronostic : s’il existait de la vie à proximité de la Terre (reste à définir le mot "proximité"), il a parié que l’humanité le saurait avant la fin de ce XXIe siècle car nous avons des moyens d’investigation très performants (il les comparait à l’époque de Christophe Colomb : aujourd’hui, nous ne faisons qu’envoyer des robots dans l’Espace, c’est beaucoup moins dangereux que les expéditions pour découvrir l’Amérique).


Casseur de mythes

Cet esprit à la fois indépendant et rentre-dedans n’hésitait pas à casser des mythes, comme celui de la cause antinucléaire : « Trop de radioactivité tue, mais sans elle, la vie n’existerait pas sur Terre. Grâce au nucléaire, nous pouvons soigner les cancers. Le Soleil nous fournit la chaleur de ses réactions nucléaires. (…) Il est paradoxal de voir des manifestants tenter de bloquer la progression d’un train chargé d’oxyde d’uranium tout en fumant. Alors qu’ils pensent lutter contre la radioactivité, ils inhalent volontairement du polonium radioactif introduit dans leurs cigarettes par les fabricants. La cause écologique est trop importante pour que certains la déconsidèrent par une attitude irrationnelle. » ("Le Figaro Magazine", le 5 juillet 2012).

Autre mythe, l’escroquerie astrologique : « Je recommande à mes étudiants de boycotter toutes les maisons de presse, d’édition et de moyens audiovisuels qui diffusent un horoscope, une rubrique d’astrologie ou des histoires de soucoupes volantes. Je n’ai évidemment aucun ressentiment contre ceux qui croient à ces fadaises, leur naïveté pourrait m’attendrir, mais je ne supporte pas que d’autres, qui n’y croient pas, en fassent commerce. (…) La République, qui consacre avec raison d’importantes sommes d’argent à l’éducation, ne devrait pas tolérer ces escroqueries. La pollution intellectuelle qu’elles engendrent est tout aussi dangereuse que les autres formes de pollution. » (Université de tous les savoirs, le 7 juillet 2000).

Une finalité à l’univers ? Rien du tout, affirmait André Brahic : « Dans le débat "entropie et anthropie", [certains scientifiques] arguent de la complexité croissante de l’étoile à la planète, puis de la planète à l’homme, pour suggérer que celui-ci soit bien le but de l’univers. Quelle ambition démesurée ! Quelle mégalomanie ! » (2000).


Science et démocratie

André Brahic savait distinguer ce qui devait faire partie de la démocratie et le reste : « La science, profondément, n’est pas démocratique. Aucune découverte n’a jamais été faite par le vote d’une majorité, en général, même, la majorité est contre : voyez Galilée, Darwin, Einstein, Marie Curie… Les découvreurs bousculent les idées préexistantes, ils sont souvent rejetés pour finalement être reconnus avec beaucoup de retard. Par contre, la science est nécessaire à la démocratie. Sa démarche et ses résultats sont essentiels pour l’éducation du citoyen. (…) Ne confondons pas la science et la technologie ! Développons la culture scientifique ! » ("Le Figaro Magazine").

Et de faire ainsi l’apologie de la science : « La science a pour seul but d’essayer de comprendre le monde. Elle nous apprend à raisonner. Elle nous enseigne le doute et l’humilité. Elle est un rempart contre l’obscurantisme. Elle est un moyen de lutte contre la violence, fille de l’inculture. Elle est le moyen de lutter contre le chômage en développant l’innovation. (…) Il faut apprendre aux jeunes la nature de la démarche scientifique et leur enseigner qu’elle repose sur des allers et retours permanents entre ses deux piliers : d’une part, l’observation ou l’expérience, et de l’autre, la théorie ou l’interprétation. Il faut insister sur le caractère ludique des expériences scientifiques. Il faut leur faire comprendre que la science ne permet pas de savoir ce qui est vrai, mais qu’elle nous révèle ce qui est faux. » ("Le Figaro Magazine"). Cette dernière phrase est dans la pensée de Karl Popper.

André Brahic trouvait d’ailleurs loufoque l’organisation de l’enseignement supérieur en France, entre des grandes écoles accessibles uniquement sur concours (pour raison historique, les révolutionnaires avaient créé de grandes écoles pour court-circuiter les universités tenues alors par l’Église) et des universités sans sélection : « La préparation au concours s’opérera selon la technique du foie gras avec un bourrage de crâne. Les étudiants sélectionnés sont de grande qualité, mais ces concours d’entrée récompensent essentiellement la résistance au stress, la rapidité et la puissance de travail alors que la recherche demande du temps et de la réflexion. » ("Le Figaro Magazine").


Une conférence type, celle du 17 mars 2016

Parmi les nombreuses conférences qui ont été filmées, je propose l’une des dernières (peut-être la dernière ?), à l’Université libre de Bruxelles le 17 mars 2016, où André Brahic expliquait qu’il y avait deux sciences : « La science appliquée a pour seul but de nous rendre la vie plus facile (…) [et] la science fondamentale, elle a pour seul but de comprendre le monde. » et cette dernière repose sur deux postulats : « Le monde obéit à des lois, et nous sommes capables de comprendre ces lois. ».



Certes, sa comparaison avec les photographies de personnes poilues en contre-jour sur la plage au soleil couchant n’était pas forcément du meilleur goût, mais il était comme cela, justement, André Brahic, parlant précisément de choses intéressantes et en même temps, aimant faire son petit effet de style parfois avec un peu de facilité.


Tout est possible chez les homo rigolus

Parce qu’il était devenu un homme public très écouté, André Brahic n’hésitait pas à faire plus que de la science. Il militait pour combattre « les homo tristus » pour favoriser les « homo rigolus, moins nombreux et plus utiles » et pour que le monde gagne « une petite dose d’enthousiasme et d’envie » en plus, en imaginant, forcément de façon utopique, que le programme des candidats à l’élection présidentielle se résume à trois mots : recherche, culture et éducation : « Je rêve d’un Ministère de l’Avenir ou du Long Terme où l’urgence n’occulterait pas l’important. » ("Le Figaro Magazine").

Pour "Science et Avenir", Cécile Ferrari avait exprimé son émotion en apprenant la disparition d’André Brahic : « André était une présence, une empathie, une joie, une impulsion, un futur, une force gravitationnelle, une ouverture à tous les possibles, une transmission, un don… Il visait au cœur. Ceux qui l’ont côtoyé sont porteurs, sans doute, d’une petite pépite, d’une pensée, d’un souvenir qui, à peine effleuré, les fait sourire, leur donne un nouvel élan, leur fait croire en un avenir brillant. (…) C’était un chercheur ouvert à la discussion, au débat, à la diversité. Il était hors norme, libre. C’était la vie au grand air, une vie où tout est possible. » (17 mai 2016).

Je ne résiste pas à la tentation de proposer une autre conférence, celle du 19 janvier 2012 à Supélec, à Gif-sur-Yvette, au début de laquelle André Brahic a raconté comment il avait rencontré Cécile Ferrari, à l’époque stagiaire élève-ingénieure de Supélec travaillant dans son équipe et qu’il a emmenée avec lui à Pasadena, en Californie, pour regarder en direct le survol de Neptune par Voyager II, ce qui fut une formidable opportunité pour l’étudiante. Le reste de la conférence est commune aux autres.



Quant à la radio (André Brahic y fut un excellent conteur de science), Mathieu Vidard lui a consacré un hommage dans son émission "La Tête au carré" du lundi 16 mai 2016 sur France Inter.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (19 mai 2016)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Quelques textes d'André Brahic à télécharger.
André Brahic.
Evry Schatzman.
Ernst Mach.
Darwin vaincu ?
Jean-Marie Pelt.
Karl Popper.
Emmanuel Levinas.
Hannah Arendt.
Paul Ricœur.
Albert Einstein.
La relativité générale.
Bernard d’Espagnat.
Niels Bohr.
Paul Dirac.
François Jacob.
Maurice Allais.
Luc Montagnier.

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13 réactions à cet article    


  • Pyrathome Pyrathome 19 mai 2016 15:42

    Mouais, un représentant du dogme scientiste sans concession dans toute sa splendeur, un négateur d’évidence arque bouté sur des idées d’un autre siècle...
    .
    « Le discours anti-OVNIs de l’astrophysicien André Brahic est un mélange d’insultes classiques et de jugements expéditifs. Il dénonçait ceux qui « exploitent la crédulité humaine en racontant des histoires de ‘soucoupes volantes’ » ...

    tout en avouant qu’il n’avait pas étudié une seule ligne du dossier, fallait oser !...
    .
    À part comme on dit »vulgariser" avec une certaine suffisance médiatique, je ne vois pas ce qu’il aura apporté à la science, ce monsieur...
    Paix à son âme, de là où il est, il devrait contempler ses erreurs et ses fourvoiements dans l’ouverture d’esprit qui lui manquait terriblement sur terre....


    • La mouche du coche La mouche du coche 19 mai 2016 18:56

      La physique quantique est à la physique,
      .
      ce que l’art contemporain est à l’art,
      ce que la cuisine moléculaire est à la gastronomie,
      ce que le darwinisme est à la biologie,
      ce que le freudisme est à la psychanalyse,
      ce que l’athéisme est à la religion,
      .
      ... une escroquerie contemporaine. Virez moi ce truc de dégénérés. smiley



    • mmbbb 19 mai 2016 20:53

      @La mouche du coche le degenere,celui qui veut a nouveau repandre l obscurantisme Le Savanarole, celui qui veut nous faire bruler les livres scientifiques et nous refaire revenir a une croyance morbide c’est toi. 


    • mmbbb 20 mai 2016 10:15

      @Pyrathome Avec vous on a tout de suite envie de regresser intellectuellement Si M BRAHIC ouvrait les portes comme M PELT M SERRE , vous les fermez. . Des grosses pointures comme la mouche coche . 


    • Jo.Di Jo.Di 19 mai 2016 16:08

       
       
      Pour la vérité comprise par l’Être, la gravité, force à distance, tient autant du mythe, que la pomme ramenée sur Terre, par un ange en g accélération ...
       
      Et on ne parle pas de l’incertitude d’Heisenberg, du corps-onde, des cordes vibrions etc ...
       

       


      • Phoébée 19 mai 2016 17:29

        Pour une fois l’auteur me donne envie d’aller plus loin. J’enregistre l’article....


        • Ebootis (---.---.55.246) 19 mai 2016 18:40

          @ Sylvain Rakotoarison


          Merveilleux article consacré à un grand passionné !
          A sa conférence à l’ ULB ,le 17 mars dernier,près de chez moi, il faisait preuve
          d’ un dynamisme sans faille. Sa disparition subite m’a littéralement stupéfié.
          Votre article nous a donné un bon compte-rendu, en fait un hommage bien 
          mérité.
          Grand merci pour cet article et les multiples références.
          Amicalement


          • mmbbb 19 mai 2016 20:49

            il y eut Hubert Curien un des rares scientifiques dans un gouvernement Il y eut M Louis Pouzin qui donna son avis sur Internet et ne fut pas ecoute, Giscard nous fit rater l ere du numérique. Quant a la voiture helas c’est par nécessité, l’urbanisme est aussi un facteur agravant Quant a la science elle baigne notre univers quotidien mais nous apporte t elle pour autant la prosperite Non nous avons du chomage et les avancees de la sciences servent surtout a l’armement. Plus la science avance plus les armes sont sophistiquées plus les budgets explosent en particulier ceux des USA La recherche sur la fission Otto Hahn et lise Meitner n’etait que de la recherche fondamentale . Lise Meitner fut affectée lorque la premiere bombe atomique explosa . La science est neutre c’est l usage que l on en fait qui la rend mortelle ou au service de l humanite


            • amiaplacidus amiaplacidus 20 mai 2016 15:45

              @mmbbb
              Ne calomniez pas Giscard, c’est quand même lui qui nous a fait découvrir les avions renifleurs.


            • mmbbb 20 mai 2016 21:45

              @amiaplacidus Avoir fait tant de conneries et être a l academie francaise me laisse perplexe sur le serieux de cette institution. C’est vrai ces avions renifleurs qui avaient fait les choux gras du canard


            • legrind legrind 20 mai 2016 06:57

              Quelqu’un de sympathique qui nous apportait de l’intelligence, de la passion et qui va nous manquer.

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