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Accueil du site > Actualités > Technologies > Êtes-vous sûr que votre corps est bien à vous ?

Êtes-vous sûr que votre corps est bien à vous ?

Car depuis peu, une partie appartient peut-être aux Etats-unis ! 

En effet, l’Office européen des brevets vient de mettre un terme définitif à une bataille juridique qui durait depuis des années, en rétablissant en appel le brevet demandé par la société Myriad Genetics, qui concernait des tests sur des mutations génétiques prédisposant aux cancers du sein et des ovaires, mais avec une portée plus limitée que la version d’origine. 

Si vous avez la malchance de posséder une certaine séquence du gène BRCA1, nous avons le regret de vous apprendre que la société étasunienne Myriad Genetics et l’université de l’Utah ont maintenant un brevet dessus. Le reste est à vous, pour l’instant !

Un peu d’historique :
« La société Myriad Genetics a déposé des demandes de brevets dès 1994. Dès 2001, lorsque le premier brevet a été délivré par l’Office européen des brevets (OEB), la contestation a commencé. En France, l’Institut Curie, l’Assistance publique-hôpitaux de Paris (Ap-Hp), l’Institut Gustave-Roussy se sont élevés contre ces brevets, estimant qu’ils étaient injustifiés et qu’ils bloquaient les recherches d’autres laboratoires. »
(Le Nouvel Obs en ligne, d’après Science et Avenir )

Mais les opposants du monde entier s’étaient réjouis trop tôt, l’Office européen des brevets s’est montré en appel favorable à cette demande, dans une version aux prétentions moins vastes :

« ce brevet ne porte plus que sur une sonde étroitement définie pour détecter une seule mutation. Et l’usage de cette sonde n’est pas un point de passage obligé. Ces décisions mettent fin au monopole juridique revendiqué par Myriad Genetics sur le gène BRCA1 dans sa totalité et sur le diagnostic génétique du cancer du sein. Elles laissent le champ libre aux généticiens européens qui peuvent développer et mettre en oeuvre leurs méthodes de tests dans le cadre d’une organisation clinique et à caractère non lucratif. »

« "Nous sommes un peu déçus", a déclaré à l’AFP le professeur Dominique Stoppa-Lyonnet de l’Institut Curie (Paris) à l’origine de la mobilisation internationale contre ce brevet. »

Il faut savoir qu’il s’agit d’une question de gros sous. Au départ, la société Myriad Genetis a néanmoins fait une vraie découverte :

« En 1995, la société américaine Myriad Genetics identifie le gène BRCA1, portant sur une méthode pour le diagnostic d’une prédisposition à un cancer du sein et de l’ovaire. Elle dépose immédiatement un brevet sur ce gène. Tous les tests ou les médicaments l’utilisant doivent alors lui verser des royalties. Profitant de ce monopole, la société oblige les laboratoires européens à envoyer leurs tests à leur propre laboratoire, leur présentant au passage une facture exorbitante : 2700 euros, trois fois et demi le coût normal dans un labo français »
(Nouvel obs)

Mais d’après les opposants, dans leur précipitation à déposer des brevets, le coup n’était pas complètement assuré :

« Dans son communiqué, les trois opposants français se réjouissent de cette décision. Ils expliquent que les premières demandes de brevet de Myriad Genetics portaient sur des séquence du gène BRCA1 qui contenaient des erreurs. Lors du second dépôt, en mars 1995, la séquence était disponible dans des bases de données et ne répondait plus au critère de nouveauté exigée pour le brevet. »

Cette conclusion en faveur des USA témoigne aussi, d’une certaine façon, de la faiblesse de l’Union européenne, car les opposants, ont perdu la bataille alors qu’ils étaient nombreux et représentatifs :

« Mais en France, l’Institut Curie proteste vivement et dépose une plainte auprès de la Commission Européenne. Suivent les Ministères de la Santé belges, hollandais, la ligue allemande contre le cancer ou Greenpeace… 11 pays vont au final se joindre à la plainte. Principales failles du dossier : le manque de description du gène et sur le "défaut d’activité inventive", une des conditions principales pour l’obtention d’un brevet. En mai 2004, l’OEB finit par révoquer le brevet. »
(Inserm)

Que les machos sans ovaires, ne se réjouissent pas trop vite, ce n’est pour eux que partie remise : demain, peut-être, la mutation qui leur permet d’attirer toutes les femelles – qu’ils disent - grâce à des phéromones de tout premier choix, sera brevetée par une autre société, et ils devront payer des droits à la moindre utilisation !

Ce qui est en jeu, au-delà du gros business scientifique des tests diagnostics et prédictifs, c’est l’affrontement entre deux conceptions de la science, de la société, de la vie : d’un côté de l’Atlantique, la brevetabilité du vivant, du moindre fruit et de la moindre semence que Dame nature a mis à notre disposition, et du côté de l’UE, une majorité penche pour le libre accès au vivant, et pour limiter le brevetage aux seules techniques et méthodes, en excluant donc celui d’une séquence de gènes. Selon cette optique, ceux qui découvrent telle ou telle prédisposition doivent se satisfaire de la gloire et de l’avance acquise dans la course aux techniques, ce qui ferait déjà le bonheur de nombreux chercheurs.

Curieusement, l’Office européen des brevets n’a pas suivi l’avis majoritaire des chercheurs et des pays de l’UE... Pourquoi ? Bonne question, qu’il faut poser à tous ceux qui ont défendu la signature du protocole de Londres sur la langue des brevets, au motif qu’une langue serait neutre et ne véhiculerait pas d’idéologie, et que l’usage de l’anglais dans la partie descriptive des brevets ferait économiser de l’argent aux entreprises...

On pourrait comparer ça à la course à la lune : sera-t-elle à tous, ou y verra-t-on des pancartes « propriété privée, no trepassing ou vous allez trépasser ». Ce sont les techniques pour y aller et y vivre qui seront brevetées, pas la lune elle-même, du moins faut-il l’espérer...
Et l’orbite géostationnaire, va-t-elle être vendue à la découpe ? Je vous en mets combien de millions de mètres-cubes ?

Dorénavant, toutes les équipes médicales qui travailleront sur cette séquence de gènes pourront être poursuivies pour contrefaçon ! Bravo l’UE, décision aussi nulle que celle du faux chocolat.


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25 réactions à cet article    


  • JJ il muratore JJ il muratore 27 novembre 2008 14:53

    @krokodilo. Merci d’avoir évoqué cette affaire et avec elle le véritable scandale qu’est la prétention des US à breveter le vivant. Les exemples sont nombreux où l’office des Brevets US a permis à des sociétés (Us bien entendu) de s’approprier nombre d’éléments de la nature connus et utilisés depuis des siècles par des groupes humains. La méthode est simple : repérer de par le monde l’utilisation ancestrale d’une plante (ou tout autre élément du vivant aux vertus bien connues par un groupe humain, écrire un mémoire "scientifique" sur celle-ci, déposer une demande de brevet que ne refuse que rarement l’office des brevets US et ainsi déposséder les collectivités ancestralement utilisatrices !!!
    Ainsi les paysans mexicains se sont vus dépossédés de telle variété de haricots qu’ils cultivaient depuis 2500 ans env. Les Indous de telle espèce d’arbre aux vertus multiples, seuls les Brésiliens aujourd’hui semblent résister à ces prédations.
    Oui, l’Europe vient de commettre une grave erreur en reconnaissant ce droit à breveter le vivant.
    Une erreur morale associée à une erreur économique.
    Pour prendre un exemple ’terre à terre’ ( le vôtre sur la Lune n’est pas mal !) n’importe quelle société américaine pourrait commander à des scientifiques une étude sur les vertus du Camenbert, obtenir un brevete et nos producteurs normands devraient payer des royalties à cette société !
    La force de frappe énorme des labos scientifiques et des cabinets d’avocats US, sans autre horizon que le fric leur permet de s’approprier TOUT le vivant.
    Cela mérite un vaste mouvement de résistance non ?
    Bien à vous.


    • Gasty Gasty 27 novembre 2008 15:14

      Et quelque part après le crach boursier, ils ont le culot de prétendre changer ce capitalisme destructeur. Même la recherche se trouve baillonné par ces dépôts de brevets dont le seul but est l’argent et l’argent.

      Alors que ! (voir)


    • Avatar 27 novembre 2008 15:15

      A JJ,

      Entièrement d’accord avec votre commentaire, ces brevets sur le vivant sont révoltants !!!

      A l’auteur,

      Merci d’avoir évoqué le sujet si souvent passé sous silence par les médias officiels.


    • Krokodilo Krokodilo 27 novembre 2008 15:43

      Oui, j’avais aussi en tête cet inénarrable méga-agriculteur texan qui ne voyait pas le problème avec cette semence du mexique qu’il avait brevetée (peut-être dans le reportage célèbre sur Monsanto, ou un autre reportage télé), mais je n’avais pas les références sous la main pour l’inclure dans l’article. Ils ne manquent pas d’air, dans leurs grands espaces !


    • foufouille foufouille 27 novembre 2008 16:33

      leur seul but est de faire payer la reproduction
      monsanto essaye la meme chose avec le porc


      • JJ il muratore JJ il muratore 27 novembre 2008 16:52

        Cette affaire est politique selon moi. Aussi ai-je posté un appel dans la rubrique Politique à venir lire l’article de Krokodilo dans la rubrique Sciences et Techno...


        • Anti-OGM.info Anti-OGM.info 27 novembre 2008 17:05

          Je n’ai pas trouvé votre article dans la section modération, monsieur.

          Krokodilo, le brevet en question porte sur des tests de repérage de mutations génétiques spécifiques de la séquence BRCA1. Pas sur le gène lui-même.


        • Krokodilo Krokodilo 27 novembre 2008 18:18

          Anti-OGm info,
          Je sais, j’ai voulu présenter un sujet un peu austère avec un brin de fantaisie. Mais de fait, il y a une ambiguïté quant aux implications juridiques de ce brevet :

          Après le premier dépôt de brevet, ces firmes l’utilisaient pour empêcher les concurrents de développer leurs propres outils diagnostiques :

          "Curie avait dénoncé le coût des tests Myriad "trois fois supérieur à ceux réalisés en France", avec obligation d’envoyer les prélèvements aux Etats-Unis, et ce alors que 10 à 20 % des mutations n’étaient pas détectées par la firme."

          Et maintenant, malgré la réduction de leurs ambitions, la même question se pose toujours : royalties ou pas ?

          " Myriad pourrait donc désormais poursuivre pour contrefaçon les tests sur "ses" mutations. Mais, "il va y avoir "un problème d’applications du brevet et, au moins en France, je pense qu’il y là matière à saisir les tribunaux", dit le Pr Stoppa Lyonnet. En effet, explique-t-elle, il existe des milliers de mutations BRCA1 réparties sur l’ensemble du gène et quand on recherche une mutation BRCA1 de prédisposition au cancer du sein on le fait sur l’ensemble du gène, sans savoir d’avance quelle mutation on recherche. Dans ces conditions, il paraît difficile d’être accusé de contrefaçon."

          (lien dans l’article)

          A mon avis, en ménageant la chèvre et le chou, l’OEB a refusé de trancher un débat de fond, et les litiges se poursuivront.


        • Krokodilo Krokodilo 27 novembre 2008 18:22

          Anti-OGM info,
          D’ailleurs, en raisonnant à l’envers : si le brevet ne portait vraiment que sur les tests, rien n’empêcherait la concurrence de développer ses propres tests, et ce litige juridique n’existerait même pas, n’aurait pas lieu d’être.


        • Proto Proto 27 novembre 2008 18:20

          « On pourrait comparer ça à la course à la lune : sera-t-elle à tous, ou y verra-t-on des pancartes « propriété privée, no trepassing ou vous allez trépasser ». »

          Si je ne m’abuse la lune est découpée depuis longtemps comme des morceaux de mandarine par un consortium américain.

          Sinon oui le phénomène de brevetage du vivant est des plus inquiétants, rien qu’à considérer le nombre de ceux qui meurent aujourd’hui de ne pas bénéficier de la « pharmacopée occidentale » pour des raisons de rentabilité qui semblent toujours prévaloir sur l’humanisme le plus élémentaire.

          Le phénomène de création des brevets est connu : les sociétés viennent piller dans les pharmacopée traditionnelles comme celle de l’Inde puis elles s’approprient tous les bénéfices de la commercialisation des nouveaux produits, pareil pour Monsanto et les sociétés agronomiques.

          Il y a un sacré problème avec le concept même de propriété intellectuelle, les lois sur la protection contre le piratage ne sont-elles pas hypocrites vis-à-vis des us et coutumes ? Montrez-moi un seul magistrat qui ne possède aucune copie de quoi que ce soit.


          • hurlevent 27 novembre 2008 18:34

             "Si vous avez la malchance de posséder une certaine séquence du gène BRCA1, nous avons le regret de vous apprendre que la société étasunienne Myriad Genetics et l’université de l’Utah ont maintenant un brevet dessus. Le reste est à vous, pour l’instant !"

            C’est complètement faux. Le brevet porte sur la sonde qui permet de détecter ce gène, pas sur le gène lui-même. N’importe qui peut inventer une autre méthode de détection du gène et l’utiliser.

            Article mensonger.


            • Krokodilo Krokodilo 27 novembre 2008 18:39

              OK, Hurlevent, alors sur quoi portent ces années de protestations des chercheurs ?


            • JJ il muratore JJ il muratore 27 novembre 2008 18:58

              @hurlevent. Connaissez vous l’histoire du procés qui dure depuis des années et qui oppose des cultivateurs mexicains à un cultivateur américain ?
              L’affaire est simple : depuis 2500 ans les ploucs mexicains cultivent une variété dite"amarillo" de haricot. Ce haricot plaît beaucoup, ils en exportent même aux us.
              Un cultivateur Texan prétend avoir découvert ce haricot. Il fait réaliser une étude par un labo, engage à grands frais un cabinet d’avocats et obtient de l’administration un brevet. Maintenant si les ploucs mexicains veulent exporter aux US leur production de cette variété de haricots ils doivent payer des royalties à ce cultivateur. (précision d’importance ; le Texan n’a en rien modifié cette espèce ; il se l’ai juste appropriée)
              Trouvez-vous cela normal ?
              Merci pour votre réponse.


            • Yena-Marre Yena-Marre 27 novembre 2008 19:21

               Il faut lire l’article , pas seulement le titre !
              Ceci dit c’est immoral de breveter n’importe quoi , çà mene à ce que des molecules n’arrivent pas dans les pays les plus pauvres et que ce soit justifie par les juges . Des recherches qui sont par ailleurs souvent financees par le contribuable ne devraient pas profiter à des interets prives mais etre declarees d’interet humanitaire . Bien que le concept reste à inventer .Nos dirigeants arrivent bien à s’entendre pour la finance pourquoi pas pour la sante ?


            • faxtronic faxtronic 28 novembre 2008 09:42

              Oui ce serait excellent, mais helas rien n’’ est finance par le contribuable. Meme les projets d etats ( style europeens ou nationaux) ne sont finance qu en minorite par l etat, le reste est finace par des "user groups"", c a d des clients prives. Donc barre.


            • JJ il muratore JJ il muratore 28 novembre 2008 10:00

              @Hurlevent. Dans votre dernier commentaire vous écrivez " article mensonger" en rappelant que le brevet ne concerne que la sonde. Ce qui est exact ; ce qui est également écrit par Krokodilo. Donc ça ne peut être mensonger puisqu’il le dit ?
              Mon commentaire présent concerne plus ces phénomènes de relation-communication qui à tout moment peuvent nous embarquer dans des jugements à l’emporte pièce.
              Krokodilo l’a fait en grossissant le trait, en mêlant ce qui est pour lui (comme pour moi d’ailleurs) le fond du problème avec le cas particulier, vous itou comme moi parfois. Les commentaires de krokodilo concernent en fait les 12 premières années du procés pendant lesquelles la société Myriad Génétics prétendit avoir des droits sur l’exploitation de ce gêne, (ce qui justifie Krokodilo à donner son avis sur le fond du problème) prétention qui in finé fut réduite à ses seuls droits sur sa seule invention (la sonde). 
              Qu’il soit difficile et compliqué d’être précis est bien connu, mais indispensable, pour cela il faut accepter la lenteur, hors nous voulons tous aller au plus court. De là vient tout le mal.
               Bien à vous.


            • TimeLord Wetz25 28 novembre 2008 01:34

              Ha, encore les prétentions US ? 
              Je n’en dirais pas plus, les précédents commentaires le font déjà.Encore et toujours leur habitude à favoriser et avantager leurs entreprises, leur parmettre de breveter, s’approprier tout et n’importe quoi. 


              • Syrius Syrius 28 novembre 2008 04:08

                Succintement (ahah, je viens de relire ce que j’ai écrit, mon annonce est mensongère) :


                - Le principe même de la brevetabilité c’est d’accorder un droit permettant un monopole d’exploitation (plus vraisemblablement un monopole d’interdiction). Méthode classique : on investit dans une recherche et on veut éviter que ceux qui n’ont pas participé à cette recherche la parasitent en vendant les résultats de mon investissement beaucoup moins cher, puisque eux n’ont pas à subir les 10 ans de recherche + les 3 ans de test pendant lesquels il n’y a pas eu de retour sur investissement. En gros, c ’est simple : soit on accorde des brevets sur le corps humain et notamment sur le gêne humain, soit on abandonne définitivement l’idée d’un traitement global lié aux gênes. Le principe de la brevetabilité du vivant n’est pas choquant dans la mesure où elle est la seule solution immédiate en attendant la grande utopie de la grande fraternité qui n’arrivera jamais.


                - En l’espèce, l’affaire est assez complexe : les brevets couvrent la séquence génétique principalement quand le produit industriel commercialisé tire sa source de la séquence génétique originale. En gros la séquence code une protéine commercialisée industriellement. On couvre donc par le brevet la protéine (le résultat) et la séquence (le procédé). C’est classique en droit des brevets. Ceci dit comme je le disais, en l’espèce il est difficile de savoir si le produit industriel est produit par le gêne codant la protéine ou s’il s’agit d’une méthode diagnostic qui utilise la simple découverte de la séquence de BRCA 1 et 2. Dans ce cas, la réponse de l OEB souffrirait d’une petite faiblesse (ce ne serait pas la 1ère fois). Mais je suis de l’avis de hurlevent, je pense que l’auteur de l’article s’est mépris sur la portée de la décision de l’OEB, parceque la solution me semblerait un peu trop absurde pour être validée dans la mesure où il s agit d une méthode diagnostic et non d’une protéine synthétisée.


                - Sur la question des US : l’USPTO commence à faire machine arrière sur un certain nombre de questions liées à la brevetabilité du vivant, qu’il s’agisse de brevets issus des savoirs traditionnels (la condition de nouveauté n’est pas remplie) ou de savoirs liés aux cellules souches embryonnaires humaines (l’affaire WARF). Pour le reste, l’Union Européenne s’est dotée de la directive 98/44/CE partiellement transposée en droit français dans le cadre de la loi bioéthique 2 d’août 2004 (après une condamnation pour manquement). La brevetabilité du vivant est donc une réalité juridique en France et dans l’UE.
                Une nuance amusante cependant : le texte a été volontairement mal transposé. Ainsi, la directive imposait que la séquence génétique à protéger devait l’être intégralement. Le droit français a imposé plusieurs nuances, notamment la limitation à la stricte partie codante, et surtout à la même molécule. Ainsi, les protéines incidentes synthétisées par la même séquence ou séquence partielle de gêne permettrait la brevetabilité de la même séquence ou partie de séquence de gêne à une partie candidate au brevet portant sur une autre protéine incidente. En gros, la protection par le biais de la propriété intellectuelle du gêne en France, contrairement aux autres pays, n’est lié qu’à la protéine liée et non à la simple isolation de la partie codante.


                - Sur la question des haricots mexicains, normalement le brevet américain devrait être retiré pour défaut de nouveauté. En dehors de ces questions, vous serez heureux d’apprendre que l OMPI et l’UNESCO travaillent depuis plusieurs dizaines d’années sur une solution permettant la reconnaissance de droits préexistants au cultures traditionnelles et folkloriques. Le projet me paraît bancal, mais il a le mérite d’exister. Succintement pour le présenter, il s’agit de reconnaître l’existence d’un droit coutumier traditionnel propre aux populations indigènes et de ne pas soumettre leur culture intégralement à notre domaine public. Il s’agit de reconnaître leur valeur et leurs sentiments, et de permettre parallèlement leur développement économique en leur laissant le contrôle sur les signes du folklore et du savoir traditionnel qu’ils utilisent encore actuellement et qui fait partie de leur héritage vivant. Un office administratif les aidera à gérer leurs droits avec les firmes souhaitant acquérir leur droit, permettant ainsi une reconnaissance de ces cultures et un partage équitable des richesses liées à l’exploitation de la biodiversité et des savoirs traditionnels.

                Voila, c’était très chiant, merci de m’avoir lu.


                • JJ il muratore JJ il muratore 28 novembre 2008 09:26

                  @Syrius. Merci pour votre contribution à la clarification des débats. En particulier en répondant à la question : "de quoi s’agit-il "ou "quels sonts les faits" C’est un travail fastidieux et ingrat mais nécessaire et vous avez bien voulu vous y coller. Bravo !


                • Krokodilo Krokodilo 28 novembre 2008 10:03

                  Syrius,
                  Pas chiant du tout, très intéressant au contraire, merci de ces précisions.
                  Comme dit plus haut, j’ai volontairement accentué le trait pour blaguer un peu sur ce sujet austère, mais, comme vous le dites vous-même, il y a une certaine ambiguïté dans ce brevet (« assez complexe »), et les commentaires déçus ou dubitatifs des scientifiques montrent bien qu’il y a une incertitude quant à sa portée réelle - qui devra payer et dans quelles circonstances ? Je n’ai pas voulu extrapoler quand les gens concernés hésitent eux-mêmes sur l’étendue et les limites de ce brevet. On peut d’ailleurs regretter que ce sujet ne trouve pas davantage d’écho dans les médias classiques.

                  J’ignorais que l’OMPI et l’Unesco travaillaient depuis « plusieurs dizaines d’années » à une reconnaissance des cultures préexistantes, mais il faut remarquer que ces nombreuses années ont été utilisées au maximum par certains groupes, et que la réflexion des instances internationales n’existe que parce que d’autres ont résisté et fait valoir l’injustice qu’il pouvait y avoir à de tels comportements, comme dans l’histoire du haricot mexicain.



                • Jimd Jimd 28 novembre 2008 10:09

                  merci syrius.
                  je trouve cela extrement constructif.

                  ’Le principe de la brevetabilité ’ est tres importatnt car il encourage la recherche.
                  Bien sur ’breveter le vivant’ est tres dangereux et nous touchons donc uin sujet extremement complexe et pointu, en pleine evolution. D’ou l’interet de votre commentatire qui apporte des explications sur un sujet qui amene souvent des reaction simplistes et tres ’emotionelles’


                  • dup 28 novembre 2008 11:25

                    « Lorsque Dieu a créé l’homme et la femme, il a oublié de les breveter, si bien que maintenant, le premier imbécile venu peut en faire autant »

                    G. Bernard Shaw


                    • Syrius Syrius 28 novembre 2008 11:42

                      Pour apporter quelques précisions quand au projet conjoint OMPI-UNESCO, c’est un sujet très sérieux et qui a été envisagé même antérieurement à, par exemple, la Convention de Rio sur la biodiversité de 1992. La question s’est précisée du fait d’internet qui a permis un renouveau paradoxal des cultures traditionnelles et a permis la cristallisation d’un mouvement pan indigène. La commission de l’OMPI travaille ainsi avec différents pays et différentes cultures.

                      A priori, le projet semble prendre le chemin d’une dérogation au droit commun de la propriété intellectuelle par le biais de la protection d’expressions artistiques ou d’éléments du savoir traditionnel millénaires par le droit. Ainsi, non content de permettre la reconnaissance de l’antériorité de ses inventions (permettant d’empêcher la brevetabilité ultérieure dans un autre office), ce droit permet d’attribuer une paternité et un droit aux populations indigènes sur leur culture propre.

                      Mais bon, j’avoue que je connais un peu ce sujet, j’ai fait un mémoire sur la brevetabilité des éléments du corps humain et un sur le projet de l’OMPI...


                      • Krokodilo Krokodilo 28 novembre 2008 15:37

                        Quelques éléments légaux pour creuser le sujet :

                        http://209.85.129.132/search?q=cache:u4EZJEA6VdEJ:www.era.int/web/de/resources/5_2341_2679_file_en.3670.pdf+brevet+EP699754&hl=fr&ct=clnk&cd=1&gl=fr&client=firefox-a
                        (ou « googler » EP699754 pour l’obtenir en pdf.)

                        « Art. L. 611-18 − Seule une invention constituant l’application technique
                        d’une fonction d’un élément du corps humain peut être protégée par
                        brevet. Cette protection ne couvre l’élément du corps humain que dans
                        la mesure nécessaire à la réalisation et à l’exploitation de cette
                        application particulière. Celle-ci doit être concrètement et précisément
                        exposée dans la demande de brevet.
                        « Ne sont notamment pas brevetables : d) Les séquences totales ou
                        partielles d’un gène prises en tant que telles. »

                        « Art. 5ter – „3. Seule une invention constituant l’application technique
                        d’une fonction d’un élément du corps humain peut être protégée par
                        brevet. Cette protection ne couvre l’élément du corps humain que
                        dans la mesure nécessaire à la réalisation et à l’exploitation de cette
                        application particulière. Celle-ci doit être concrètement et précisément
                        exposée dans la demande de brevet.“

                        Mais un des articles sur lesquels j’ai basé mon papier était lui aussi ambigü « (…) couvre l’utilisation de la séquence du gène à des fins de diagnostic quelle que soit la technique utilisée."

                        Ce qui donne, à la source (OEB) :
                        « Désolé. Actuellement, cette page n’existe pas en français. » !

                        « The patent now relates to diagnostic methods for the detection of a predisposition for breast and ovarian cancer caused by a specific group of mutations of the gene, so-called frame shift mutations. It does not contain claims directed to the BRCA1 gene itself or to mutated forms thereof. The patent cannot be further contested at European level. »
                        http://www.epo.org/topics/news/2008/20081119.html

                        Et aussi, enfin trouvé en français :

                        « Munich, le 19 novembre 2008 — Au terme d’une procédure orale, la chambre de recours technique de l’OEB a décidé de maintenir sous une forme modifiée le brevet européen n° 699 754. Le brevet est détenu conjointement par la University of Utah Research Foundation et l’État américain.

                        Le brevet européen portant sur une "méthode pour le diagnostic d’une prédisposition à un cancer du sein ou de l’ovaire" a été délivré par l’OEB le 10 janvier 2001 à Myriad Genetics, à la University of Utah Research Foundation et à l’État américain. Plusieurs parties se sont opposées à cette délivrance, notamment plusieurs instituts de recherche français et divers centres nationaux de génétique humaine. En première instance, la division d’opposition avait décidé que les motifs d’opposition faisaient obstacle au maintien du brevet, et le brevet avait été révoqué en conséquence le 18 mai 2004. Le titulaire avait formé recours contre cette décision.

                        Statuant en deuxième instance, la chambre de recours technique de l’OEB constituée en l’occurrence de trois membres techniciens et de deux membres juristes, a annulé la décision de la première instance et maintenu le brevet, quoique sous une forme modifiée. Le brevet porte désormais sur des méthodes de diagnostic pour détecter une prédisposition au cancer du sein ou de l’ovaire par le truchement d’un type spécifique de mutations génétiques - les mutations décalant le cadre de lecture ou "frameshift mutations". Il ne contient pas de revendication visant directement le gène BRCA1 en tant que tel ou ses mutations. Le brevet ne peut plus être attaqué au niveau européen.

                        Dans la procédure de recours, la chambre a appliqué le droit européen des brevets en vigueur tel que codifié dans la Convention sur le brevet européen. Les motifs détaillés à la base de cette décision seront consignés par écrit et publiés en temps voulu. »
                        http://www.epo.org/about-us/press/releases/archive/2008/20081119_fr.html


                        Finalement, la conclusion de l’affaire est peut-être peu favorable aux Etasuniens, et moins que je ne le pensais en rédigeant mon article, sans que le débat sur la brevetabilité du vivant soit tranché ; on peut même avancer qu’il n’est pas près de l’être…



                        • Syrius Syrius 28 novembre 2008 17:19

                          Il n est tellement pas prêt de l’être que l’affaire WARF refait parler d’elle ! En effet, la grande chambre des recours de l OEB a refusé d’accorder le brevet portant sur des cellules souches embryonnaires humaines pour un motif éthique ! En effet, il semble qu’il ne puisse y avoir de brevet portant sur un processus emportant nécessairement la destruction d’embryons humains !

                          Pour éclairer encore les éléments mis à disposition par l’auteur en ce qui concerne le texte législatif, la phrase "les gênes ou séquences partielles de gênes ne peuvent être brevetées en tant que tels" est une transposition parfaite de la directive communautaire : elle s’oppose à ce qui a été initié aux USA (puis refusé) à savoir l’utilisation d’applications informatiques pour déterminer des séquences de gênes, sans trouver sa protéine codante ni même sa fonction. Ainsi, la Loi précise bien que ce n’est pas le gêne qui est breveté, mais bien sa fonction, le gêne n’intervenant que comme procédé industriel.

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