La folie quantique
L’on savait que la physique quantique avait bouleversé la pensée classique. Ce qui est, en physique classique, bien sagement connu par sa place dans l’espace et le temps devient « non localisé » dans le monde quantique. Peut-être bien ici, ou peut-être bien là-bas. Une physique probabiliste qui a laissé Albert Einstein dubitatif jusqu’à la fin de ses jours.
Mais la physique quantique ne se lasse pas de défier nos cerveaux au raisonnement bien linéaire, bien habitués à voir les choses se dérouler les unes après les autres dans le temps. Elle nous avait déjà prédit le coup de « retour vers le futur ». Plusieurs expériences du type « choix retardé » dans laquelle intervient la fameuse intrication quantique, nous parlent d’une possible influence du futur sur le passé. Un peu comme dans « Terminator » : On envoie un agent dans le futur pour changer le passé. Mais attention, cela se passe uniquement dans le monde de l’infiniment petit, chez les particules. Encore que, certains scientifiques vont plus loin, comne nous allons le voir.
Essayons d’expliquer cela un peu plus simplement que les "vrais" scientifiques.
La physique quantique s’applique aux particules élémentaires, appelées quanta. Les particules ont une "double nature" (ce qui n'est pas tout à fait exact mais peut se dire), qui se révèle selon le dispositif expérimental mise en œuvre : Corpusculaire ou ondulatoire.
Prenons la fameuse expérience de la double fente décrite dans tous les bons ouvrages de physique quantique : Nous avons une « bombe à particules » qui va envoyer des électrons sur une plaque comportant une double fente. Les électrons vont passer « par les deux fentes à la fois » et vont générer des franges d’interférence sur un écran placé derrière la double fente. Ils vont ainsi révéler la nature ondulatoire des particules. Car seule une onde peut générer des franges d’interférence. Sien revanche, l’on ferme l’une des deux fentes pour observer la trajectoire d’un électron, alors l’expérience ne révèlera pas d’ondes mais seulement des particules qui viennent frapper l’écran. Et là, nous ne voyons que la particule, la corpuscule. L'onde n'existe pas.
L'on obtient aussi ce résultat avec de la lumière dans le cas de l'expérience des trous d'Young.
Autre principe : Dans la théorie quantique, la particule est soumise au principe d’incertitude de Heisenberg qui dit en substance qu’on ne peut en connaître avec précision l’état. Elle est décrite par une formule mathématique appelée « fonction d’onde » ou équation de Schrödinger. Elle renferme en quelque sorte une superposition d’états « probables ». « Ainsi, si on oblige une particule à se déterminer dans un état précis pour répondre à la mesure que l’on cherche à effectuer, alors la superposition d’états disparaît. On assiste à une « réduction quantique ». La particule « choisit » un état, dépendant de la mesure. Comme les électrons dans l’expérience des deux fentes.
« Dès qu’il intervient, l’appareil de mesure devient une nouvelle caractéristique de l’objet qu’il observe, et perd toute indépendance avec le donné. » Peut-on ainsi lire dans : les impertinences quantiques.
Un monde irréel qui devient réel quand on l’observe ?
Ainsi, comprendre les équations de la physique quantique, c’est s’apercevoir que les concepts d’espace, de temps et même de réalité dans le sens usuel du terme ne sont plus tout à fait de mise dans ce "monde-là".
Les électrons et autres particules quantiques ne sont en réalité ni des ondes ni des particules mais quelque chose d'autre, qui dépend du dispositif expérimental employé.
Le grand physicien John Wheeler déclarait :
« Aucun phénomène n’est réel tant qu’il n’est pas un phénomène observé ».
La mécanique quantique choque le raisonnement classique, seul employé dans notre monde macroscopique et demande une nouvelle flexibilité mentale pour l’appréhender. Dans notre monde : Un objet est localisé dans l’espace et le temps. et existe dans l’absolu. De nombreux scientifiques ont réfléchi aux paradoxes de la physique quantique et ont même écrit des ouvrages flirtant avec la cosmologie. Car c’est un monde dont l’expérience a démontré les équations. Nous sommes bien dans la science pour les tenants du « je crois ce que je vois ».
Mais nous flirtons avec la magie. Surtout quand il est question de temps, un temps en vrac qui sautille de-ci delà. Que le passé, le futur, ne sont plus tout à fait comme nous l’imaginions :
Quid du temps en physique quantique ?
Pour comprendre, il faut revenir à la notion d'intrication quantique, que j’avais déjà évoquée dans cet article sur Alain Aspect**, l'un de nos plus grands scientifiques en la matière, récompensée par la médaille Albert Einstein en mars 2012.
Dans le cadre du paradoxe EPR ou l’expérience d’Alain Aspect et ses collègues, on a vu que l’intrication quantique montre une non-localité dans l’espace. Extrait « Ainsi, en 1935, Einstein, Podolsky et Rosen (EPR), émettent l’idée d’états quantiques dits « intriqués », dans lesquels on suppose que des particules sont corrélées indépendamment de la distance qui les sépare. L’exemple connu est celui des deux photons qui sont émis ensemble puis séparés. En exerçant un champ magnétique sur l’un, cela entraîne la polarisation de l’autre. Ainsi, ce qui advient à l’un advient à l’autre avec une simultanéité parfaite. En d’autres termes, si je mesure les propriétés d'une des deux particules, je peux connaître automatiquement les propriétés de sa « jumelle éloignée », ce qui implique que « l’influence » constatée dans l’expérience EPR se propagerait plus vite que la lumière, ce qui est en contradiction avec la théorie de la relativité restreinte d’Einstein. A l’époque, Einstein, Podolsky et Rosen concluent que la théorie quantique est incomplète et ne peut expliquer la « réalité ».
De façon analogue, il existe en mécanique quantique une sorte de corrélation incontrôlable entre certains événements du passé et du futur. Et c’est John Wheeler qui avait proposé à l’époque l’expérience du « choix retardé ». C’est assez délicat à expliquer, laissons-donc l’explication aux scientifiques, par cet extrait d’un article de futura sciences.
« La magie de la mécanique quantique semble inépuisable si on la prend vraiment au sérieux. Une expérience récente [NDLR : récente pour l'article qui a été choisi pour la simplicité de l'explication, car plusieurs expériences sur le temps retardé ont été menées depuis Wheller], effectuée par Jean François Roch et ses collègues de l'ENS Cachan, a permis de réaliser, bien mieux qu'auparavant, l'expérience dite du choix retardé proposée il y a moins de 30 ans par le grand John Wheeler. Tout en vérifiant les prédictions de la mécanique quantique, elle montre que celle-ci est encore plus folle que ses créateurs avaient pu l'imaginer en 1927 . A la base, il s'agit de reprendre l'expérience de la double fente, dans les conditions les plus idéales possibles, et de ne considérer que le passage d'un électron ou d'un photon à travers cette double fente. On prendra le cas avec des photons. Au lieu de déterminer le passage d'un photon au moment où il traverse les fentes, on attend que l'onde lumineuse du photon ait largement dépassé celles-ci. Au dernier moment, l'observateur se donne le choix soit de laisser l'écran E pour obtenir des franges d'interférence, soit de le remplacer par une série de deux télescopes T1 et T2 focalisés sur chacune des fentes. Dans ce dernier cas, on peut montrer que cela revient à observer une trajectoire pour le photon.
Schéma de l'expérience de Wheeler. Au dernier moment on choisit soit un écran E soit deux télescopes T.
Crédits : www.npl.washington.edu
C'est là que l'expérience devient stupéfiante. Bien qu'ayant dépassé les deux fentes, c'est le choix de l'observateur qui va déterminer dans le passé par quelle fente le photon a voyagé, par une ou par les deux en même temps ! Si vous vous sentez pris de vertige, tant mieux ! C'est le critère que Niels Bohr avait adopté pour déterminer si quelqu'un avait vraiment pris conscience de ce qu'est la mécanique quantique. »
Dans un article publié le 30 avril sur Science on msnbc.com, l’on peut lire (traduction) :
« L'intrication quantique est un état bizarre où deux particules restent intimement connectées, même quand séparées sur des distances énormes…. Pour la première fois, les scientifiques ont intriqué des particules après qu'elles aient été mesurées et ne peuvent plus même exister. »
L’expérience a fait l’objet d’une publication dans la revue scientifique Nature physics. Le 22 avril 2012.
Et à l’échelle de notre monde ?
John Wheeler, l’un des plus grands scientifiques quanticiens du siècle dernier, a osé aller plus loin encore. A l'échelle des galaxies, pas moins ! Selon lui, s’il existe une fonction d'onde de l'Univers, alors, « peut être que ce qui a provoqué sa réduction, et la naissance de notre Univers classique à partir d'une « particule quantique » de la taille de la longueur de Planck il y a 13,7 milliards d'année, c'est justement le fait qu'il y aurait plus tard des systèmes classiques collecteurs d'informations, comme les êtres humains, et effectuant une observation sur celui-ci » extrait de cet article
Nous sommes donc en plein défonce quantique. Et ce sont les scientifiques qui ont commencé…
Références
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/alain-aspect-laureat-de-la-112532
http://fr.wikipedia.org/wiki/Longueur_de_Planck
** Alain Aspect est un physicien français, né en 1947, connu notamment pour avoir conduit le premier test concluant portant sur un des paradoxes fondamentaux de la mécanique quantique, le paradoxe Einstein-Podolsky-Rosen. Alain Aspect est le lauréat de la médaille d'or du CNRS en 2005 et du Prix Wolf en 2010. (source wiki)
Il est actuellement directeur de recherches du CNRS et professeur à l'Institut d'Optique Graduate School et à l'École polytechnique.
« Alain Aspect. Un éclaireur dans la lumière » titre le journal du CNRS dans un article. Il est certainement l’un des plus grands physiciens de notre temps".
Article d’Alain Aspect expliquant ses travaux en détail (lien pourlascience.fr)
http://feynman.phy.ulaval.ca/marleau/pp/03epr/epr_2/epr_2...
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