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Le réseau social Facebook

J’ai envie de profiter de l’été pour porter mes réflexions sur des questions que je n’avais jamais abordées jusqu’ici sur le fond. Certains ont suivi ma réflexion sur le Centrisme que je poursuivrais certainement. N’étant pas seulement qu’un Homo Politicus Vulgaris, j’avais envie aujourd’hui d’offrir mon point de vue sur le réseau social Facebook.

S’inscrire sur Facebook n’a rien d’une démarche évidente. Je me souviens être arrivé là, sans mode d’emploi, vers la fin de l’année 2007. Je n’avais absolument pas conscience de ce que c’était véritablement ; quelles en étaient les potentialités, les enjeux, le mode opératoire. J’avançais pas à pas, comme le tout à chacun, en remplissant un questionnaire, trouvant la démarche un peu potache.

Je me souviens que c’est beaucoup plus tard que j’ai pris conscience de m’être créé une identité numérique distincte de mon identité réelle ; celle qui m’avait jusque-là servi de passeport dans ma vie. Si j’avais eu conscience de cette dimension-là à ce moment précis, sans doute n’aurais-je pas été jusqu’au bout de la démarche. J’aurais sans doute pris peur. A tort. Mais Facebook ne me semblait à l’époque qu’un jeu, une sorte de Second Life simplifiée, beaucoup plus pragmatique.

Les personnes qui ont pris conscience de cette double identité, n’ont jamais vraiment franchi le pas. Si elles l’ont fait, c’est pour faire plaisir à la bonne copine ou aux parents éloignés. Mais elles feront toujours parti d’une espèce très particulière qui vient plutôt mâter, qu’exister sur la toile : elles observent, elles épient, mais préfèrent rester en retrait sans jamais véritablement pénétrer à l’intérieur du système. Ces personnes-là sont soudées par une même croyance qui se résume en une phrase : on accepte uniquement les gens qu’on connaît dans la « vraie » vie. Elles sont certaines d’énoncer une vérité de bon sens qui soit sans appel. 

Seulement, si on réfléchit à la façon dont nous faisons connaissance dans la vraie vie, cela ressemble étrangement à ce qui se passe sur Facebook. Cela se réalise par cercles concentriques (nos activités, notre vie professionnelle, etc..) ou par le plus grand des hasards. Un bébé recherche naturellement à se sociabiliser. Il ne se contente jamais de la proximité de son père, de sa mère, ou de la fratrie lorsqu’il en a une. Même si le noyau familial nucléaire incarne le monde social embryonnaire que nous n’avons pas choisi, nous sommes très vite à la recherche de l’Alter. C’est la raison pour laquelle cette vision est totalement stupide. Il craigne la dimension virtuelle du réseau social : « oui, mais tu ne le connais pas dans la Vraie Vie ! » Et alors !

Cette seconde entité qu’on se forge, fonctionne comme la construction de la première : en se frottant ou se heurtant à l’autre. C’est une des similitudes de Facebook avec les sites de rencontres que nous connaissons tous assez bien, ou le bar dans lequel on prend un verre et on échange. Soit on paye une tournée générale, soit on sympathise avec quelqu’un d’autre, ou bien on tourne le dos à son voisin.

A la fin 2007, c’était encore avant-gardiste en France d’être sur Facebook. De mémoire, il me semble que le réseau social n’était pas traduit en français, ce qui constituait un frein naturel pour certains.

Donc Facebook m’oblige à un exercice réflexif sur moi. Je suis obligé d’en passer par là. A un certain moment je suis conscient que ce mode est le seul sur lequel je puisse m’engager. Au début je suis multiple et je progresse en gommant certaine choses de ma personnalité et en accentuant d’autres. Je fini par adopter une conduite cohérente. Elle me servira de socle, de système référentiel. Tout ce que je déciderai de montrer de moi par la suite, aura la même grammaire, suivra la même mise en scène. Le reflet de cette personnalité numérique naissance, ce sont les autres qui la valident ou la rejettent. Comme dans la vraie vie, le surmoi fini par apparaître : c’est l’agent critique.

Plus tard il peut se produire une sorte de conflit entre le moi de la vie réel et ce moi numérique. Cela m’est déjà arrivé personnellement de me trouver en compétition avec mes deux moi. Je ne veux pas m’étendre sur les travaux d’Erving Goffman et la notion d’un insight : les spécialistes comprendront ce que je veux dire et les autres pourront pousser plus loin la réflexion s’ils le souhaitent. Mais il n’y avait rien de schizophrénique là-dedans. Même si tout de même, l’une pouvait jalouser l’autre ou bien lui faire peur de temps à autre.

La photo est à l’origine de l’idée première de Mark Zuckerberg. Le jeune étudiant est à Harvard lorsqu’il lui vient une toute petite idée vraiment très modeste : il souhaite réunir un album photo électronique qui regrouperait tous ses anciens camarades de l’année universitaire qui se termine. Sûrement pour ne pas perdre contact avec eux. Alors il crée un site où ses amis peuvent s’inscrire par le biais de leur adresse électronique personnelle, il l’appelle « Trombinoscope ». Facebook est né.

Je me demande toujours quelle image dois-je donner de moi-même ? Je change souvent de photo pour coller le plus près à ce que je suis au quotidien. Je n’aimerais pas mettre une photo de moi qui ne me ressemble plus par exemple. A moins de le faire avec humour, comme lorsque j’avais mis une photo de moi très jeune. C’est devenu assez obsessionnel d’ailleurs. Si je me laisse pousser la barbe, je mets une photo correspondante. Si je me la rase, j’en mets une autre dans laquelle je suis rasé. J’ai essayé l’avatar. Cela m’a pris pas mal de temps pour créer un petit personnage qui me ressemble. Je ne m’en suis pas trop mal tiré. Il est très ressemblant. Mais je m’en sers très peu. Je crois que je n’ai pas une culture bande-dessinée très importante. L’image me lasse assez vite.

L’image est incontrôlable sur Facebook. Quoi que vous décidiez de mettre, elle reste la charge la plus exposée et la plus subjective que vous donnez aux autres de vous-même. Quel que soit ce que vous mettiez. Il y a un dicton que j’aime assez et qui dit : parler c’est s’impliquer. Et bien je pense que montrer une photo de profil sur Facebook, c’est s’avouer en quelque sorte. Personne n’y échappe. Même ceux qui ont pris le parti de ne pas mettre d’image. Il y a la silhouette bleue qui apparaît par défaut. Et bien croyez-moi, elle en dit long sur celui qui la laisse.

Il y a ceux qui mettent la photo de leur enfant, ou une photographie d’eux avec leur enfant ; ceux qui mettent la photo de leur animal de compagnie, d’un personnage historique, d’une fleur, d’une couleur, d’un doudou. Tout fait signe, tout fait sens sur Facebook, tout vous raconte. L’essentiel est dit que vous décidiez d’apparaître de telle façon, plutôt que telle autre. L’argument qui prétend que ne pas mettre sa photo protège sa vie privée, ne tient pas. Essayer de reconnaître quelqu’un dans la rue, muni d’une seule photo identifiant cette personne : la réalité est que vous n’arriverez pas.

 Je vais vous confier un secret : l’absence d’image est possible sur Facebook, si vous téléchargez un monochrome blanc qui se confonde avec le fond du portail lui-même. Et bien à ma plus grande surprise, je n’ai jamais trouvé sur ce réseau social, un profil qui soit dans le déni de la démarche elle-même : n’offrir aucune image de soi et éviter le dialogue, la confrontation. Cela m’a toujours frappé et j’espère que je ne donnerai pas de mauvaises idées à certains !

Je réfute l’idée que Facebook vous dépouillerait, contre votre volonté, de votre vie privée et serait dangereux. Facebook ne raconte de vous, que ce que vous avez décidé de dire sur vous-même. En cela, ce réseau social est moins malveillant qu’une carte de crédit ou qu’un téléphone portable par exemple. Ici c’est vous qui choisissez ce que vous voulez que les autres apprennent de vous, ou ne sachent pas. Ceux qui vous connaissent dans la vie réelle, connaissent cette différence.

L’idée du réseau est celle qu’on assimile assez rapidement. Même si, lorsqu’on arrive sur cette espace, on s’agrège au hasard à des premiers contacts qui nous sont proposés de façon aléatoire par le réseau lui-même.

Enfin, en partie aléatoire. J’ai compris par la suite que Facebook traitait déjà les quelques enseignements que j’avais alimentés sur mon profil pour me proposer de prendre contact avec des profils partageant un parcours éducatif (ceux qui avaient fréquenté mon école), professionnel (ceux qui avaient travaillé dans la même entreprise que moi), géographique (ceux qui vivaient ou étaient nés dans la même ville que moi) similaires aux miens.

D’emblée, c’est hyper-intrusif lorsqu’on y songe. Mais la grande difficulté pour l’automate est que je n’avais rempli que très peu de choses. Sauf ma couleur politique. Et là, je fus très étonné de voir apparaître les premiers encartés du MODEM, les Bloggeurs du Centre et les toutes premières personnalités politiques.

Cela fait trois ans que je suis sur ce réseau sans avoir eu jamais à m’en plaindre. Les critiques émanent généralement des médias et de reportages construits autour du phénomène, sans distance analytique, ni critique.

Il s’agit la plupart du temps d’une construction journalistique pour faire du sensationnel et effrayer les gens qui ne connaissent pas le réseau, quitte à formuler des contre-vérités.

Facebook est une mode. Comme tout ce qui se crée sur la Toile, son temps est compté. Très vite nous poursuivrons l’aventure numérique ailleurs et un jour nous aurons oublié même jusqu’à ce qu’était Facebook. Qui se souvient encore de MOSAIC ou de NESTCAPE  ?

Le réseau social en général (oublions Facebook) est une source d’ouverture sur l’autre absolument nouvelle. Il y a quelques années je n’avais qu’une poignée d’amis à ma disposition et qu’un téléphone portable pour me relier aux autres. Et quelques années auparavant, je n’avais même pas de téléphone cellulaire.

Aujourd’hui, j’ai fait la connaissance d’un nombre d’êtres humains inenvisageable il y a seulement dix ans. Nous sommes reliés entre nous et je me suis construit une identité sociale dont j’ai peine à me défaire. Revenir à la situation antérieure serait comme une certaine forme de régression, de médiocrité, de pauvreté sociale. J’ose le mot d’amputation.

La révolution que je suis en train de vivre à travers le réseau social est unique dans l’histoire humaine. Facebook n’est qu’un élément du puzzle que représente la révolution Internet en général et du Web.2. en particulier. Sans bien nous en rendre compte, nous voici reliés les uns aux autres, interdépendants, en mode partage, avec une prise de conscience planétaire à la clé.

Des organisations sociales se créent dans lesquelles des liens d’un type nouveau, se nouent. Des solidarités nouvelles se développent. Le niveau de conscience de chacun s’en trouve amplifié. La liberté individuelle immensément plus large. C’est aussi cela le réseau social : utiliser notre potentiel individuel pour générer de l’intelligence collective et de nouvelles formes de solidarités.


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3 réactions à cet article    


  • easy easy 28 juillet 2010 18:52

    J’apprécie ce genre de travail. C’est de la réflexion personnelle et c’est rarissime.


    • clostra 28 juillet 2010 20:20

      Comme on aimerait en effet comme vous ne voir que la partie émergée de l’iceberg bien que vous ne soyez pas naïf, d’autres le sont beaucoup plus que vous et n’ont pas votre niveau de réflexion.

      On a bien du vous apprendre que le gratuit ça n’existe pas d’ailleurs récemment confirmé par le créateur de facebook disant faire du bénéfice après n’en avoir pas fait mais certainement s’être payé correctement.

      Alors si ce n’est pas gratuit ce doit être (très) payant.

      C’est là où le bât blesse car ce qui est vendu (acheté) vous échappe et peut un jour ou l’autre menacer non pas (que) votre liberté mais celle de tout le monde. En utilisant des « logs » ont peut déduire statistiquement des comportements, des profiles dont l’objet n’est certainement pas de « générer de l’intelligence collective et de nouvelles formes de solidarités » mais bien plutôt de les exploiter.

      Ceci pour réfléchir par avance quand « ça » arrivera et non pas pour freiner une « culture » qui émerge, peut-être une antidote, qui sait ?


      • Senatus populusque (Courouve) Senatus populusque 28 juillet 2010 20:32

        Facebook a le grand mérite d’éviter la promiscuité intellectuelle et de permettre une véritable communication entre pairs.

        Facebook n’offense en rien la vie privée. Il suffit de savoir faire ses réglages, ou bien d’aller voir ailleurs.
        « Facebook » peut enfin se comprendre, selon l’idéal ancien, à la fois comme le « registre des visages » ou comme surtout le « livre des confrontations ».

        http://laconnaissanceouverteetsesdetracteurs.blogspot.com

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