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La sémantique au secours de l’exploitation

« Le livre noir de l’animation »

Il y a longtemps que dans ma profession, l’éducation populaire, je m’insurge contre les formations d’animateurs qui ne font plus qu’un lointain rappel à ce concept que l’on peut définir ainsi : l’éducation populaire est le développement des capacités de chacun à comprendre son environnement, à pouvoir s’y situer pour agir et le transformer. La notion politique, dans son sens le plus noble, en est donc partie entière. Cela demande du professionnalisme, mais également la fibre militante. Hors, quid de cette dimension justement ?

Je viens de finir un ouvrage éclairant à bien des points de vue : Le livre noir de l’animation socioculturelle. Dans la conclusion, on trouve ce paragraphe qui devrait interpeller bien plus que les travailleurs sociaux :

"On nous impose des mots qui désignent la réalité sans la critiquer :"développement durable" (local, social, culturel), "partenariat", "lien social", "exclusion"... Des mots qui ont pour fonction de dissimuler la réalité des rapports sociaux, en gros, tous les mots qui nous empêchent de penser, mais qui nous font travailler. Cette grande astuce ne nous permet plus de désigner la réalité telle que nous la regardons. Quand on ne peut plus désigner ce qui se passe dans un quartier pauvre avec des termes tels que "aliénation", "exploitation", "domination", qui existaient encore il y a vingt ans, et qu’à leur place on utilise "exclus", "défavorisés"... on désigne différemment une seule et même réalité, mais d’une façon qui va nous obliger à la travailler autrement. Et les mêmes formes de notre implication, comme acteurs sociaux, sont forcément différentes. Nous ne pouvons pas travailler de la même façon si nous prétendons agir sur l’exploitation et l’aliénation, ou si nous prétendons agir sur l’insertion et l’adaptation".

Voilà pour moi, qui partage à 100% ce constat terrible, ce qui me fait dire que tout travailleur social qui n’a pas conscience de cela, devrait de lui-même se déclarer contrôleur social. Le travailleur social doit penser le politique, mais également interférer, même au mépris de l’institution pour laquelle il travaille et qui, au fil du temps, a su pervertir sa mission et le rendre complice d’une forme de renouveau du capitalisme, acceptant que tout soit contractualisé, évalué, quantifié, marchandisé via les appels d’offres. Ne nous faisons pas plus longtemps complices de cette imposture et reprenons des leçons de militantisme. Chez Alinsky, par exemple...


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4 réactions à cet article    


  • Alexandre Santos (---.---.183.195) 21 juin 2006 10:20

    Ce serait plus interessant de circonstancier votre billet d’humeur.

    « On nous impose des mots qui désignent la réalité sans la critiquer »

    Qui vous impose cela ? Comment est-ce que ca se passe ?

    En dehors de la periode de formation, y a-t-il des obstacles concrets a la mise en place d’une education de la vie politique ?

    Je ne nie rien de ce que vous affirmez, mais ce serait plus interessant de donner des elements concrets.

    Finalement, n’oublions pas que l’utilisation de mots connotes politiquement ne garantit pas non plus une education politique equilibree (voir les fonds de commerce typiques des dictatures sovietiques).


    • marsiho (---.---.28.83) 21 juin 2006 10:39

      Pour cela il faut lire le livre... Et pourquoi « les dictatures soviètiques » ? A ma connaissance, il n’y en a eu qu’une seule sur ce territoire, et j’ajoute que toutes les dictatures, y compris celle de la démocratie, se servent de la dialectique. Quant aux obstacles concrets, en dehors de la formation (mais qu’appelez-vous formation ?), et bien ils existent quotidiennement ! L’institution (dans son ensemble) est réfractaire par définition aux changements. LA notion de citoyenneté doit être entretenue, car jamais l’institution ne favorisera son expression (j’entends par institution les pouvoirs politiques, les médias et autres masses significatives de notre société).


    • Marsupilami (---.---.37.172) 21 juin 2006 11:17

      Ouaf !

      Rien de neuf. On avait déjà remplacé « licenciement collectif » par « plan social »...

      Houba houba !


      • zen (---.---.105.91) 21 juin 2006 12:11

        Le meilleur en la matière revient, à mon avis, à l’expresssion « ouverture du capital »,en vogue sous Jospin...

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