Un été très mouvementé pour le Dalaï Lama et le Tibet
Début juillet, nous avons appris avec regret le report de la visite en Europe du Dalaï Lama. Il devait notamment consacrer le Temple pour la Paix de Vajradhara, en Normandie. Ses médecins lui ont imposé un repos complet.
Malgré ces nouvelles inquiétantes, le régime chinois a renforcé sa stratégie contre la culture tibétaine. Les deux blogs de la poétesse tibétaine Woeser ont subitement été fermés fin juillet, à la demande des autorités chinoises et alors qu’une vague de censure dénoncée par Reporters sans frontières frappe actuellement l’Internet chinois. Woeser y publiait des essais sur la culture tibétaine, ainsi que des articles de Wang Lixiong, écrivain tibétologue chinois, dont le forum a aussi été fermé.
Fin juillet, un écrivain et enseignant tibétain âgé de 29 ans, Dolma Kyab (ou Gyab), a été condamné à dix ans de prison, et enfermé dans la pire prison du Tibet. Dans une lettre adressée aux Nations unies et sortie clandestinement de prison, Dolma Gyab veut attirer l’attention sur la situation au Tibet et chercher de l’aide contre une condamnation injuste. L’enseignant d’histoire déclare : « J’ai écrit un livre qui n’a pas encore a été publié. Dans ce livre j’aborde la question de la démocratie, de la liberté, et la situation du Tibet. C’est cela la raison principale de ma condamnation. » Il avait écrit un livre de 57 chapitres qu’il avait appelé Himalaya sans repos, et avait débuté un livre sur la géographie tibétaine qui devait aborder des sujets sensibles comme la présence de camps militaires chinois au Tibet. Ces manuscrits non publiés ont été apparemment trouvés dans sa maison. Dolma Gyab a écrit : « Ils peuvent me tuer, mais ils ne peuvent pas tuer l’amour de la nature, de la science et de la géographie. Je veux garder courage.”
Début août, le numéro un au Tibet, Zhang Qingli, de l’ethnie han majoritaire de la Chine, chef du Parti communiste, nommé à ce poste par Hu Jintao, a eu des propos inqualifiables à l’égard du Dalaï Lama. Dans une interview publiée par un hebdomadaire allemand, il déclare : « Le Dalaï Lama était un chef religieux reconnu, c’est un fait incontestable, mais ce qu’il a fait le rend indigne du titre. » Il ajoute : " Le but de ses visites à l’étranger est de rassembler les éléments anti-chinois, de se livrer à de la propagande et de colporter ses idées indépendantistes". « Sa prétendue "voie du milieu" est en fait une indépendance légèrement déguisée. La voie du milieu du Dalaï Lama recherche un "Grand Tibet" qui aurait plus d’autonomie que Hong Kong ou Macao. » Voilà une vision caricaturée des demandes du Dalaï Lama qui aspire à une voie démocratique à l’intérieur de la Chine pour l’ensemble des régions tibétaines (U-Tsang, Kham et Amdo).
Très récemment, des nouvelles plus rassurantes nous sont parvenues : le Dalaï Lama s’est rendu en Mongolie, où des milliers de personnes l’ont accueilli, à Oulan-Bator. Son déplacement avait été tenu secret jusqu’au dernier moment pour ne pas provoquer Pékin. Dans une comparaison osée, le Dalaï Lama a déclaré : "Il y a de longues années, la Mongolie était comme le Tibet, et les citoyens des deux pays étaient des barbares. Mais à force d’éducation et d’apprentissage, nous sommes devenus les pays que nous sommes aujourd’hui." Les relations entre le Tibet et la Mongolie sont en effet anciennes. La venue du Prix Nobel de la paix 1989 couronne une année de célébration pour la Mongolie, qui a fêté, en juillet 2006, les 800 ans de la création par Genghis Khan de l’Etat mongol. Gengis Khan (1167-1227) fut un chef militaire mongol redoutable, qui entreprit de conquérir l’Asie. Les Mongols ont envahi et dominé la Chine. Les assauts mongols aux frontières tibétaines étaient des plus violents. Au XVIe siècle, les tribus mongoles, au Nord du Tibet, étaient en lutte entre elles. Lors d’un siège, deux moines de l’Ecole des vertueux (Guélougpa) furent fait prisonniers par une tribu mongole. Le prince Altan Khan, qui régnait alors sur les Mongols, fut séduit par leur attitude et par leur religion. Altan Khan invita deux fois le chef de l’Ecole Guélougpa, Sonam Gyatso, en Mongolie (1569, 1578) et prit refuge dans le bouddhisme durant la seconde visite. L’immense empire des nations mongoles devint par la suite bouddhiste. Altan Khan créa et offrit le titre de Dalaï Lama ("Océan de sagesse") à Sonam Gyatso, chef de l’Ecole Guélougpa, titre qui fut appliqué rétrospectivement à ses deux précédentes incarnations.
En août 2006, dans les traces de ses prédécesseurs, le 14e Dalaï Lama a donné une conférence dans la capitale mongole devant 10 000 personnes, au cours de laquelle il a notamment déclaré que « l’héritage bouddhiste du Tibet a aidé son peuple au cours des hauts et des bas de son histoire ».
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