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Où sont les villes dans la politique régionale de l’UE ?


C’est l’un des paradoxes du processus d’élaboration des politiques de l’Union européenne (UE) : bien que la politique de la ville ne relève pas des compétences législatives de l’Union, il existe cependant une tradition de coopération non contraignante entre les États membres et la Commission européenne visant à explorer les diverses approches politiques à l’égard des problématiques de l’urbanité, et à partager les meilleures pratiques dans ce domaine. « Cities matter » (Les villes comptent), voilà une affirmation qui a fait son chemin au cours de l’année écoulée. Mais qui peut réellement dire ce que cela signifie pour la politique de l’UE ? S’agit-il une fois de plus d’une de ces expressions ronflantes, fruit de cette rhétorique « euro-technocratique » tant de fois décriée ? Ou ce concept annonce-t-il un soutien réel pour tous les acteurs de la ville ?

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Les réglements relatifs aux nouveaux fonds structurels

La dimension urbaine : avancées et nouvelles promesses


La dimension urbaine n’a pas été absente de la politique de cohésion territoriale menée par l’Union européenne au cours de la dernière période de programmation (2000-2006). La dimension urbaine a été prise en compte principalement dans le cadre de l’Objectif 2 (aide à la reconversion économique et sociale des régions et des zones en difficulté structurelle), du programme URBAN (pour les projets de rénovation urbaine) et, dans une moindre mesure, du programme EQUAL (pour la lutte contre les discriminations et les problèmes d’employabilité). Les principales actions éligibles à ce titre (c’est-à-dire pouvant être financées par ces programmes) concernaient la réhabilitation urbaine, l’accessibilité aux services, la qualité de la vie en ville, la sécurité, la formation des acteurs locaux et l’amélioration de l’environnement urbain. Parallèlement à la politique de cohésion, la Banque européenne d’investissement (BEI), la Banque de développement du Conseil de l’Europe (CEB) et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) contribuent au moyen de fonds d’emprunt et par leur expertise au cofinancement d’un grand nombre d’actions et de projets menés dans les zones urbaines. Ainsi, en 2004, la BEI a approuvé des prêts de 6,1 milliards d’euros pour améliorer l’environnement urbain dans les régions de l’UE, dont 3,2 milliards d’euros ont été octroyés à des initiatives de rénovation urbaine.

Pour la période 2007-2013, la dimension urbaine apparaît comme une composante importante de la politique de cohésion, l’initiative URBAN étant arrivée à son terme, il s’agissait d’intégrer son contenu dans un cadre approprié. Cette question fit l’objet d’âpres discussions entre les trois institutions de l’Union : quel poids accorder aux villes et à la dimension urbaine ? L’enjeu pour les acteurs du renouvellement urbain était d’obtenir des instruments susceptibles d’inciter les autorités nationales et régionales à élaborer des actions spécifiques et à y consacrer plus d’argent.

Afin de renforcer et de définir la dimension urbaine de la nouvelle politique de cohésion, la Commission européenne a publié un document de travail consacré aux villes et à la cohésion. Ce document sera intégré dans les Orientations stratégiques communautaires, qui déterminent le contenu de la politique de cohésion de l’UE et qui doivent être approuvées au cours de l’été ou de l’automne 2006. Le document de travail, qui deviendra une communication de la Commission aux institutions, insiste sur les différentes façons d’atteindre l’objectif qui a été fixé :

- Accordant une attention sensiblement accrue aux zones urbaines, par le biais d’interventions intégrées du type URBAN ciblant quatre priorités essentielles : les transports, l’accessibilité et la mobilité ; l’accès aux services et aux équipements ; l’environnement naturel et physique ; le secteur culturel.

- Réaffirmer le rôle de la politique de cohésion en tant qu’instrument essentiel de la stratégie de Lisbonne.

- Associer davantage les villes à la mise en oeuvre de la politique de cohésion. Cette implication peut aller jusqu’à déléguer aux autorités municipales la réalisation concrète d’actions telles que les interventions de revitalisation urbaine.
- Recourir à des instruments financiers innovants de renouvellement urbain tels que JEREMIE qui a pour vocation de mettre à disposition de la petite et moyenne entreprise des fonds d’amorçage et l’initiative de soutien communautaire pour l’investissement durable dans les zones urbaines (JESSICA) qui opère en collaboration avec la Banque européenne d’investissement et la Banque de développement du Conseil de l’Europe.

- Favoriser l’échange d’expériences et des meilleures pratiques par le biais de l’Audit urbain et du réseau URBACT.

Tout ceci est assez général et ressemble fort à une déclaration de bonne intention. La Commission européenne répond que son travail est de développer un cadre de travail et des outils pertinents et que ce sont aux Etats membres de s’en servir convenablement.

Un exemple intéressant de cette divergence entre la Commission européenne et les Etats membres ( qui explique que souvent entre la discours et la réalité, l’écart est flagrant non seulement aux spécialistes mais aussi aux citoyens) est celui du logement.


Le logement et les nouveaux fonds structurels : une histoire d’incertitude

Le relookage des fonds structurels pour la période 2007-2013
La finalité de la politique de cohésion de l’UE est de fournir aux États membres et à leurs régions l’aide nécessaire pour surmonter les insuffisances structurelles qui les affectent afin de réduire les disparités économiques, sociales et territoriales et de leur permettre de renforcer leur compétitivité et développer l’emploi. Pour la période 2007-2013, la politique de cohésion de l’UE a défini de nouveaux objectifs pour l’octroi des fonds : 1. Un objectif de convergence , visant à soutenir la convergence économique des régions les plus pauvres dont le PIB par habitant ne dépasse pas 75% de la moyenne communautaire ; 2. Un objectif de compétitivité régionale et d’emploi, visant à renforcer la compétitivité et à développer l’emploi dans des régions plus prospères ; 3. Un objectif de coopération (qui prendra le relais de l’initiative communautaire actuelle INTERREG en faveur de la coopération intérregionale), visant à financer les projets de coopération transfrontalière et transnationale. Les principaux instruments de mise en œuvre de la politique de cohésion pour cette période sont le Fonds européen de développement régional (FEDER), le Fonds social européen (FSE) et le Fonds de cohésion. Les anciennes initiatives communautaires (URBAN, LEADER, EQUAL...) sont intégrés dans les 3 nouveaux objectifs des fonds structurels réformés. Par ailleurs, les critères de zonage pour l’éligibilité aux fonds communautaires seront supprimés.

Une autre nouveauté est le renforcement de la portée stratégique de la politique régionale européenne, le but étant de définir des objectifs communautaires clairs et d’assurer que les fonds s’inscrivent dans le droit fil des agendas de Lisbonne et de Göteborg. Cette approche stratégique doit se déployer en trois phases : dans un premier temps, les États membres et le Parlement européen s’accordent sur un ensemble d’orientations communautaires stratégiques fixant les objectifs communautaires en matière de politique régionale ; ensuite, chaque État membre élabore un cadre de référence stratégique national fixant ses principales priorités pour l’affectation des fonds structurels et enfin les États membres élaborent des programmes opérationnels plus détaillés, précisant leurs plans d’affectation des fonds dans les régions concernées.

Malgré son rôle important dans le processus de renouvellement urbain, le logement n’a pas bénéficié jusqu’ici des mêmes efforts de coordination unissant les États membres et les institutions européennes dans le cadre de la politique des villes.

Au cours de la précédente période de programmation des fonds structurels, bien que les dépenses en matière de logement ne fussent pas éligibles aux fonds structurels, certaines sociétés de logement ont quand même pu bénéficier de l’aide européenne, principalement par le biais du Fonds européen de développement régional (FEDER) (au titre de l’Objectif 2 ou dans le cadre du programme URBAN II). Les activités éligibles aux aides communautaires comprenaient notamment les démolitions s’inscrivant dans des projets de réhabilitation urbaine, l’aménagement d’espaces extérieurs et la rénovation de logements dégradés, la promotion de la gouvernance locale, la mise en œuvre de mesures de sécurité pour les locataires. Le logement a bénéficié non seulement de l’apport des fonds structurels mais aussi de financements sous forme de prêts accordés par la Banque européenne d’investissement et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. En effet, en théorie, la politique de cohésion soutient les projets d’infrastructures, les actions visant à l’amélioration de l’environnement urbain, les réseaux TIC et les actions en faveur de l’efficacité énergétique, tandis que la BEI, la CEB et la BERD peuvent financer la construction ou la rénovation de logements sociaux individuels. Ainsi, la CEB a financé récemment (au moyen de prêts) un projet au Danemark destiné aux populations les plus vulnérables. Ce projet portait sur la construction et la rénovation de logements publics destinés aux personnes âgées. Pour la période 2007-2013, la position de la Commission européenne, telle qu’elle ressort de sa proposition originale de règlement des fonds structurels, est que, comme dans le passé, les dépenses en matière de logement ne doivent pas être éligibles aux interventions du FEDER. La motivation qui sous-tend cette position est d’éviter la spéculation immobilière et aussi une forme déguisée d’aide d’État aux organismes et sociétés de logement. Il est clair aussi que, pour la Commission, le logement (y compris le logement social) n’est et ne sera pas au cœur de l’action européenne en faveur du développement urbain. Inversement, le Parlement européen et le Conseil ont fait des propositions allant dans le sens d’une plus grande prise en compte du logement en général et du logement social en particulier. En juillet 2005, le Parlement européen a proposé d’introduire une dérogation à la non-éligibilité des dépenses en matière de logement en rendant éligibles « les dépenses en matière de rénovation de logement à vocation sociale dans le but de réaliser des économies d’énergie et de préserver l’environnement dans le cadre du développement urbain durable ». En décembre 2005, les chefs d’États et de gouvernements ont convenu que « le FEDER [pouvait] participer au financement de projets de logement dans les dix nouveaux État membres de l’UE (UE-10), la Roumanie et la Bulgarie ». Un texte de compromis pour le FEDER a été présenté le 21 décembre 2005. Ce texte estime que le logement est éligible aux interventions du FEDER, estimant « qu’à titre exceptionnel et dans le cadre d’une opération intégrée de développement urbain, dans tous les États membres qui ont adhéré à l’Union européenne le 1er mai 2004 ou après cette date, seront éligibles les actions de rénovation de logements sociaux, et notamment les interventions liées à l’amélioration de l’efficacité énergétique, à concurrence de 3% du montant total de la dotation du programme opérationnel concerné ».

En juillet dernier, le Parlement a adopté définitivement le "paquet fonds structurels 2007-2013". Concernant la possibilité de financer la rénovation de logement grâce aux fonds structurels, la situation suivante se dégage (conformément aux souhaits des Etats membres) : dans l’UE-10, l’éligibilité du logement aux aides du FEDER ne serait acquise que dans le cadre de projets intégrés de développement urbain et/ou pour le logement social, et dans l’UE-15, les projets de développement urbain intégré (en ce compris la rénovation des logements) seront
- comme lors de la période de programmation prédécente (2000-2006)- financés par les fonds structurels.

Quoi qu’il en soit, sur cette question, la Commission a dû se plier, à contre-cœur, aux Etats membres et doit maintenant s’efforcer de rendre la politique régionale cohérente et efficace (en veillant notamment à éviter toute spéculation immobilière dans les « nouveaux » Etats membres).

Conclusion : optimisme prudent

Comme bien souvent la question se pose de savoir si les slogans seront suivis d’effets et si les opportunités qu’offrent les textes législatifs seront saisies par les acteurs concernés. Et comme souvent, ce sont les Etats membres qui ont à cet égard une grande responsabilité. Car au-delà de la manne financière que représente l’éligibilité du logement aux fonds structurels, y aura-t-il les structures et institutions nécessaires (notamment dans les Etats de l’Est de l’UE) pour faire en sorte que les aides régionales atteignent réellement leur objectif : un développement urbain durable et intégré ?



illustration : le quartier de la gare Lille Europe à Lille (France) www.urbact.eu

Par Julien DIJOL


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3 réactions à cet article    


  • La Taverne des Poètes 8 septembre 2006 23:48

    Mais quand l’Europe apprendra-t-elle à parler aux gens ? smiley


    • La Taverne des Poètes 9 septembre 2006 13:52

      Je lis dans votre C.V : « dépasser les idées reçues », « outils pédagogiques », « exigence », bla bla bla...

      Je formule ma question différemment : Quand l’Europe se DECIDERA-t-elle à parler aux gens ? je sais que ma question se perdra dans les arcanes de l’indifférence de l’eurocratie modélisée. Pourtant, en venant ici, n’avez-vous pas franchi le Rubicon qui sépare l’élite du peuple ? Et accepté de descendre dans l’arène ? Si c’est pour ne pas en respecter les règles, alors continuez de jargonner dans votre coin et gardez votre souverain mépris ! smiley


      • l’est où l’europe ? (---.---.64.135) 2 octobre 2006 10:13

        Qui connait qqun qui bosse de près ou de loin pour l’europe ?

        Qui a vu un militaire européen,un fonctionnaire européen,un eurodéputé,un commissaire européen ?

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