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Communication scientifique : « le français en voie de disparition »

Le monde scientifique est composé de gens d’excellence, possédant une très grande connaissance et un niveau culturel élevé. Ils sont pour la majorité bilingue, voir trilingue et détiennent pour beaucoup de grandes valeurs humaines.

Pourtant jour après jour, ils se déresponsabilisent collectivement sur les conséquences de leurs actes en matière linguistique. Le sujet est même devenu tabou, où bien les débats se résument à « que pouvons-nous y faire ?... L’anglais est la langue dominante ». Lorsque l’on parle de défense du français dans le monde scientifique, cela ne signifie pas interdire, mépriser ou dénier l’anglais. Bien au contraire, mais doit-on continuer à accepter la disparition progressive de notre langue dans les publications scientifiques ?

L’anglais étant dominant, voir hégémonique ou à la mode en ce moment, il est compréhensible que publier dans cette langue soit fortement conseillé, même obligatoire. Néanmoins pourquoi les articles importants (au minimum) ne sont-ils pas traduits en français ou dans d’autres langues ? A cette question on rétorque souvent qu’une publication ne peut l’être que dans une langue, même si cela signifie la disparition à court terme des revues scientifiques francophones. Cette disparition a des conséquences néfastes à long terme, cela signifie que si un scientifique veut publier ses travaux, ceux-ci doivent obligatoirement être en accord avec les lignes directrices des grandes revues américaines, donc ses recherches doivent se calquer sur les axes décidés par les Étasuniens !!!

Si une prise de conscience a lieu dans la plupart des autres communautés linguistiques, étonnamment en France rien ne se fait. Le sujet est sans cesse écarté. Pourtant le bilan est catastrophique, voir dramatique. De nos jours il faut être conscient que 90% des articles sont faits en anglais et ceux écrits en français le sont, en règle générale, par des étrangers. Le phénomène va jusqu’à voir des situations burlesques où l’on présente en anglais à un public composé uniquement de francophones... L’argument principal de son utilisation est le gain de temps. A-t-on le droit de sacrifier sa culture, sa langue ; pour gagner quelques minutes au dépend de la compréhension ? Bien évidement personne n’ose protester pour préserver son image vis-à-vis de ses collègues. Pourtant il serait important de signaler son étonnement, son mécontentement... En d’autres termes, prendre ses responsabilités de francophone. Dans tout ça où est le respect de l’auditoire ?

Les doctorants et scientifiques qui viennent chercher une autre façon de faire des sciences et parfaire une nouvelle langue étrangère se trouvent généralement enterrés sous des tonnes d’articles, de livres, de références en anglais, ils doivent se battre pour communiquer en français. Parmi eux beaucoup sont déçus et surpris d’un tel accueil, il n’est pas rare d’entendre « si j’avais su, je serai directement allé dans un pays anglophone ». Et oui, l’original est toujours préféré à la copie.

A tout cela il ne faut pas oublier l’invasion des anglicismes dans le langage scientifique ou courant, même les institutionnels s’y mettent : la dernière trouvaille de la CCIB « La City Car », dommage pour le nom, le concept quant à lui est une réussite. Plus le temps avance et plus notre langue s’appauvrie. En France, la création de vocables pour expliquer, décrire les nouveaux phénomènes physiques est quasiment exotique. Et lorsqu’ils existent, ils sont trop risibles ou pas assez français car inventés par d’autres francophones.

Il est temps que les politiques, les élites, les scientifiques prennent conscience de la fragilité du français et des conséquences de négliger sa protection. Les choses pourraient être simple et convenir à tous, par exemple se doter d’un dispositif de traduction, imposer des quotas pour tous les laboratoires bénéficiant de subventions d’état (30 à 40%) et surtout que les gens retrouvent du bon sens !!! Il est dangereux de penser que la défense de la francophonie est un combat d’arrière garde ou seulement l’affaire du Québec. L’avenir de la diversité culturelle et linguistique, en particulier du monde occidental est primordial pour assurer le respect de tous, la prise de conscience commence à être soulevé par plusieurs instances supranationales comme l’UNESCO, l’ONU, L’Union Latine... il est important que la France soit dans « le bateau ».


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11 réactions à cet article    


  • Véronique Anger-de Friberg (---.---.206.230) 16 août 2005 11:27

    Mon commentaire est plutôt une anecdote : je suis tentée de créer mon propre blog, cette possibilité étant offerte aux abonnés du « Monde » en ligne. Loin d’être une pro... lorsque je parviens à la zone « créez votre typelist » je m’interroge. Heureusement, Le Monde a prévu une page type « FAQ » censée nous permettre de comprendre ce qu’est une typelist. J’ai été surprise de tomber sur une page de questions et réponses entièrement en langue anglaise ! Même si nous avons la réputation à l’étranger de parler un anglais exécrable, une majorité de Français baragouine tout de même plus ou moins cette langue. Doit-on pour autant expliquer les notions du blog en anglais, sous prétexte que cela concerne internet ? Si les grands quotidiens s’y mettent eux aussi, nous avons vraiment du souci à nous faire...


    • alcantar (---.---.254.253) 29 août 2005 15:23

      La communauté scientifique a besoin d’une langue de travail. C’a été le grec, puis l’arabe (sous le califat abbaside), puis le latin. C’est aujourd’hui l’anglais. Ca peut se comprendre, même si ça impose une difficulté supplémentaire aux étudiants francophones (mais quid des étudiants qui doivent faire carrière en français alors que leur langue maternelle est le wolof ou le bambara ?) Mais, et je suis tout à fait d’accord, il n’est pas normal que des marques commerciales courantes (surtout en informatique) fassent toute leur communication en anglais (j’ai constaté ça sur iomega.com) ou dans un français approximativement traduit (sur ibm.fr, j’ai vu des dates des 18e et 20e mois).


      • corsenap (---.---.149.74) 30 août 2005 17:29

        Oui la communauté scientifique a besoin d’une langue de travail mais pas forcément une langue unique. Encore récemment trois langues servaient aux échanges scientifiques internationaux (Anglais, Allemand et Français puis dans une moindre mesure l’Espagnole).

        Publier en français ne veut pas dire de s’interdire de publier dans d’autres langues (anglais, espagnole, chinois, arabe etc.). Prenons l’exemple des japonais dont le système est certainement un bon compromis : les scientifiques publient d’abord en japonais, puis lorsque leurs résultats sont reconnus dans le monde scientifique japonais ils sont transmis à toutes les industries japonaises et finalement les résultats sont publier en anglais dans des revues américaines dites revues internationales de notre époque (90% des revues européennes ayant disparues ces 30 dernières années). Il faut bien faire attention que lorsqu’une langue n’est plus capable d’exprimer les nouveaux phénomènes scientifiques elle est considérée comme archaïque et le préjudice peut être lourds de conséquences. Prenons l’exemple des anciens pays de l’est où la Russie a agit de manière similaire au monde anglo-saxon actuel : le russe a commencé par devenir l’une des deux langues de publication scientifique, puis la langue unique car tous les nouveaux concepts n’avaient plus de traduction et finalement le russe a été imposée comme langue de communication scientifique et politique... malgré l’opposition des dits pays il n’était plus possible d’inverser la machine... (La situation en Europe s’en rapproche même si tout n’est pas comparable : Bruxelles, Strasbourg, site Internet de l’union où seules toutes les informations sont uniquement disponibles en anglais etc.).

        Concernant le commerce il est clair que la pollution des anglicismes prend des proportions que l’on ne peut plus accepter. Oui une langue doit s’enrichir des autres langues mais en France nous vivons une systématisation de l’emploi des anglicismes qui en devient ridicule... évidemment c’est plus facile de prendre un mot anglais plutôt que d’être créatif... les slogans en anglais sont généralement risible et n’ont que très peu d’impacte dans la mémoire des consommateurs qui en règle générale n’en comprenne pas tout le sens... mais a priori on nous dit que cela fait moderne (quid cela rejoint ce que je disais précédemment...)

        Il est grand temps que l’on prenne conscience de ce qui nous attend. Et j’aimerai bien qu’on arrête de prendre l’OIF pour un pseudo organe post-colonial de la France... car la francophonie est active, très diversifier et créative partout sauf en France... le Canada, le Québec, Le Nouveau-Brunswick le Luxembourg, La Belgique, la Suisse etc. ne se considèrent pas comme des anciennes colonies françaises... De plus près d’un tiers des pays de l’ONU sont des pays francophones... cela n’est pas rien et devrait être un atout économique et culturel pour un monde qui se dit défenseur de la diversité culturelle et linguistique. Il faut quand même savoir que les espaces anglo-saxon et hispanophone sont très homogènes, alors que la francophonie est l’exemple même de la diversité.

        Merci de ton intervention car elle m’a permis de développer certains points de mon article.

        Pour ceux qui voudraient plus d’informations sur le sujet je vous conseille vivement de lire le livre de Bernard Lecherbonnier et la revue Hermès qui a traité le sujet dans son numéro 40.

        Merci de de votre intéret.

        Références récentes :
        - Revues Hermès : « Francophonie et Mondialisation » aux éditions CNRS.
        - Les défis de la francophonie (Pour une mondialisation humaniste) de Serge Arnaud, Michel Guillou et Albert Salon aux éditions Alpharès.
        - Revue Panoramiques : « L’avenir s’écrit aussi en français » aux éditions Corlet Marianne.
        - Pourquoi veulent-ils tuer le français de Bernard Lecherbonnier aux éditions Albin Michel.


        • krokodilo (---.---.66.83) 18 juillet 2006 19:20

          Excellent article. Il n’y aura jamais assez de cris d’alarme sur ce sujet. L’exemple japonais serait effectivement très simple à mettre en oeuvre, que font les ministères et autres académies ? Le ssimples pékins n’ont pas l’autorité, ni universitaire ni politique, c’est aux institutions de se bouger. Dommage que la plupart des scientifiques ignorent les possibilités de l’espéranto comme langue de communication, voire son existence, car sa régularité et son absence d’exceptions lui donnent un côté logique inhabituel en langues. En outre, les scientifiques savent bien que notre mémoire est limitée, et une langue qui fait davantage appel à l’intelligence qu’à la mémorisation d’innombrables exceptions saurait les séduire, à condition que les médias fassent effondrer leur mur du silence.


          • skirlet (---.---.13.60) 19 juillet 2006 00:54

            Corsenap, pouvez-vous m’expliquer cette phrase :

            « A cette question on rétorque souvent qu’une publication ne peut l’être que dans une langue »

            Qu’est-ce que ça veut dire exactement ? Est-il interdit en France de publier en plusieurs langues ?


            • corsenap (---.---.227.146) 19 juillet 2006 01:22

              Bonsoir,

              Tout d’abord, merci krokodilo pour vos remarques, je suis entièrement d’accord avec vous. Il est grand temps que les pouvoirs publics réagissent.

              Ensuite, pour répondre à votre question skirlet il n’est pas officiellement interdit de publier dans plusieurs langues pour le moment. Par contre, la politique de nombreux laboratoires, dont le miens, est d’autoriser la publication d’un article que dans une seule langue laquelle est automatiquement l’anglais (une petit tour sur les sites des laboratoires CNRS permettra aisément de s’en rendre compte. On ne veut pas sa traduction dans d’autres langues (français, espagnole, allemand, etc.). De plus, il faut savoir que le CNRS priviligie les publications anglophones par son système de notation. En effet, pour l’évaluation des scientifiques les revues les mieux notées sont les anglosaxones, majoritairement américaines... ce qui a fait disparaire les dernières revues francophones.

              Bonne soirée,


            • skirlet (---.---.36.252) 20 juillet 2006 12:40

              Merci Corsenap, c’est très instructif. Je vois que le système de notation en France est plutôt aplatventriste... Ceci dit, je ne sais pas exactement ce qui se passe dans les autres pays.

              « On ne veut pas sa traduction dans d’autres langues (français, espagnole, allemand, etc.) »

              Donc les artices sont écrits directement en anglais ? Et pourquoi ne pas vouloir d’autres versions linguistiques ?


            • krokodilo (---.---.250.57) 19 juillet 2006 19:22

              Je me souviens après coup que Jacquard, dans une de ses chroniques sur France-Culture, avait évoqué le sujet. Il me semble qu’il pensait en gros que nombre de publications étaient d’un intérêt très relatif (c’est un secret de polichinelle), mais que les articles novateurs ou réellement intéressants trouveraient toujours preneur dans une revue anglosaxonne bien cotée, même après publication en français. Ne manque finalement que la volonté politique et une opinion plus tranchée des académies scientifiques sur le problème linguistique pour imposer une prépublication en français comme le Japon, sans nuire à la carrière de personne. Mais tant d’intérêts sont en jeu, ajouté à l’inertie des systèmes, et aux avis partagés sur la question, que ce n’est pas évident. Mais c’est toujours utile d’en parler, et de rappeler que l’Institut Pasteur aurait économisé pas mal de frais d’avocats américains, si une fameuse publication sur le VIH avait eu l’antériorité en français...


              • (---.---.131.160) 19 juillet 2006 19:30

                « Je me souviens après coup que Jacquard... »$

                Quel Jacquard ? L’ineffable Albert ?

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