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Après le typhon numérique, le monde de l’édition littéraire se reconstruit

2014... Création d’une multinationale de l’édition, OPA sur tous les auteurs, accès gratuits aux œuvres, nouvelles formes de lecture... Après le tsunami qui a ravagé en 2010 le monde de l’édition littéraire et anéanti les circuits traditionnels de production et de distribution de livres, le paysage s’est reconstruit. Galipart Depaques, historien de la numérisation, revient sur ce bouleversement.

Comment tout a commencé ?

Comme dans tous les domaines, par des certitudes et des signes avant-coureurs que l’on ne veut pas voir. Jusqu’en 2009, il était de bon ton d’affirmer que le livre papier avait encore de beaux jours devant lui. Plusieurs versions de livres électroniques avaient connu des échecs qui confirmaient l’immuable pérennité du livre. Dans un bel élan, les éditeurs aimaient à dire que le progrès avait encore beaucoup de progrès à faire car, question technique, il n’y avait rien de mieux que le livre : on n’avait pas besoin de le recharger, il n’était infecté par aucun virus, il était facilement transportable... Si des Cassandre affirmaient que l’édition allait connaître les mêmes déboires que les industries musicales et cinématographiques, les éditeurs n’étaient pas inquiets et se contentaient de lutter contre les projets de numérisation d’œuvres littéraires orchestrés par les géants du Net de l’époque. En résumé, alors qu’on était entré dans un monde de numérisation et de dématérialisation, les éditeurs pensaient encore que l’objet livre résisterait.

Et ce fut le coup de théâtre ?

Oui, le 11 novembre 2009, quatre géants, Amazon, Google, Apple, Microsoft, et certains frères ennemis, annoncèrent qu’ils unissaient leurs forces pour créer un joli bébé du nom de Bookle. Sans attendre, Bookle annonça qu’il achetait toutes les œuvres littéraires existantes et les proposait en téléchargement gratuit. Les écrivaillons du monde entier lui envoyèrent leurs œuvres. Bookle constitua un catalogue avec parfois du meilleur et souvent du pire. Il le compléta en versant de généreuses royalties aux ténors du clavier.

Vous expliquez dans votre livr’blog que les éditeurs furent fatalistes et cyniques ?

Ils cherchèrent quelques failles juridiques pour mettre des bâtons dans les roues à Bookle. N’en trouvant pas, ils se dirent que ce cirque ne durait pas. Aussi confortables du portefeuille soient les actionnaires de la société Bookle, ils en auraient rapidement assez de cracher au bassinet pour acheter des autobiographies de tous ces inconnus qui étaient partis de rien pour arriver à rien. Leur grand jeu, relayé par la presse, était de faire acheter à Bookle les textes les plus stupides. Il y avait même des concours de l’ineptie.

Et ce fut le deuxième coup de théâtre.

Non, la deuxième étape fut plus subtile. Alors que les internautes téléchargeaient massivement les milliards d’œuvres gratuites, Bookle proposa à bas prix des modes de lecture originaux. Les premières furent l’odiolire et le livre jetable. Ensuite il y eut le livre écran, l’holire... (cf. Les livres de demain ou d’après-demain).

Quels éditeurs résistèrent à la tempête ?

En toute logique ceux qui avaient acquis une culture du numérique au moment de la tempête. Les autres continuèrent à s’accrocher à leurs croyances en l’immortalité du livre. Leurs réactions furent pour le meilleur et le pire de la création littéraire. Certains misèrent sur quelques stars du mot. Ils achetèrent à prix d’or le copyright d’auteurs morts ou vivants et l’exploitèrent au-delà de la raison.

Le boom de « à la manière de... »

Oui, ils utilisèrent l’ordinateur pour produire ce qu’on appelle les livres avatars ou livres moulinés par des ordinateurs qui reproduisent le style, la sémantique, l’imaginaire d’un écrivain pour traiter d’un nouveau sujet. Certains poussèrent le bouchon sur les rives du n’importe quoi. Quand le virus nommé « mortdudernieroursblanc » a congelé les réseaux informatiques pendant plusieurs jours, ils ont lancé « Trip au bout de la night » qui utilisait la plume de Céline pour raconter l’événement. Ce fut, à ma connaissance, un des livres les plus téléchargés. D’autres fabriquèrent des fast books. Une armée d’écrivaillons dispersés aux quatre coins de la planète travaillait sous les ordres d’un ordinateur sémantique pour écrire le livre qui devait plaire aux Touaregs du désert comme à la ménagère de moins de cinquante ans du fin fond du Colorado.

Des succès ?

Oui, celui du PGMM (plus grande médiocrité du monde). Pour le bonheur de la création, ce furent des échecs commerciaux retentissants. Côté plus, des éditeurs utilisèrent la technologie pour le meilleur de l’écrit. Ils copièrent le système de Bookle en misant sur la qualité de l’écriture et du conseil. Très rapidement, les lecteurs ont en eu assez de devoir s’enfiler des heures de fadaises avant de trouver un écrit comestible. Ils abandonnèrent les producteurs de hachis industriel de mots pour les exigeants. Une multitude d’éditeurs de qualité prirent pignon sur le Net et le paysage éditorial devint multiculturel et spécialisé.

Quels furent les gagnants et les perdants de l’histoire ?

Les gagnants sont en priorité les lecteurs. Ils peuvent aujourd’hui pour un budget raisonnable avoir accès à des productions littéraires de qualité adaptées à leurs goûts. D’autre part, les auteurs. Dans cette confrontation avec les ordinateurs, leur savoir-faire a été reconnu et ceux qui ont du talent ont des rémunérations en adéquation avec leur travail. Les perdants furent les éditeurs qui avançaient avec des idées fixes. Ils furent dépassés par les événements et durent plier bagage. Enfin, il semble que les nouveaux n’aient pas pour autant compris la leçon car de nouveaux signes de scléroses sont en train de miner le marché.

Toutes ressemblances avec des faits qui existeront demain ne sont pas fortuites.


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11 réactions à cet article    


  • (---.---.140.111) 22 mars 2007 12:28

    Vous êtes déjà out !

    Le clavier disparaît au profit de la commande vocal, et vous vous endormirez avec les comptes des mille et une chaude nuit versions live, avec la douce voix suave de votre tendre et cher !

    Bonne nuit...


    • Céline Ertalif Céline Ertalif 22 mars 2007 22:20

      ils ont lancé « Trip au bout de la night » qui utilisait la plume de Céline pour raconter l’événement. C’est faux, Céline n’y est pour rien, c’est la plume de Tall qui se lance toute seule sur la « route de l’enfer ». smiley


    • L’exilé (---.---.136.186) 22 mars 2007 13:32

      Personnellement je n’ai jamais autant lu que depuis que j’ai Bittorent...

      Je pense avoir l’équivalent de la bibliothèque nationale dans l’un de mes disques dur.

      Il me semble que le contenu de cet article est déjà un petit peu dépassé.


      • L’exilé (---.---.52.3) 22 mars 2007 13:59

        Mais si voyons... Ca permet de partager et de faire plaisir à ses amis smiley

        Accessoirement ça permet aussi d’éviter d’avoir à user pour rien de la bande passante et d’attendre à chaque fois trois plombes avant de pouvoir relire un passage sympa.


      • Lartiste (---.---.75.65) 22 mars 2007 16:13

        « Ça ne sert à rien de stocker sur son disque dur ce qu’on peut retrouver en un clic à tous moments sur le réseau. »

        C’est toute la subtilité des Disques Durs amovible. Le problème du Net c’est son instabilité, or la mémoire a besoin de stabilité pour mémoriser et structurer.

        Si les ramifications ne sont pas permanentes, ce n’est pas un arbre logique mais une espèce de pieuvre.

        Par ailleurs il existe une arborescence optimum du Disque Dur. Le net c’est bien mais il sera toujours trop lent...à moins d’arriver à la photonique.

        Les adresses Webs ne permettent pas un classement merveilleux de l’info, un repertoire windows plus ou moins.


      • pouter. (---.---.121.76) 23 mars 2007 03:39

        Et puis il ya atoujours un moment ou on n’a pas l’internet (dans le métro, dans l’avion ).

        C’es trop fort de lire sur un PDA/téléphone mobile, avec le rétro éclairage de l’écran , on peut lire sans allumer la lumière de la chambre : du coup, je lis jusqu’a plus d’heures alors aue ma douce et tendre dort sans etre génée par la lumière smiley


      • Philippe Boisnard (---.---.147.246) 22 mars 2007 17:09

        Beaucoup de problèmes dans cette fictions, certes attrayante. La question de la littérature n’est pas seulement une affaire de goût et de rentabilité, n’en déplaise à l’auteure de ce texte.

        Mais faut-il s’intéresser à la littérature.

        De plus il y a une analogie avec la musique et l’image qui ne fonctionne pas, au sens où le support est très prégnant au niveau de la lecture livre : à savoir la qualité lumineuse de l’inscription sur papier n’a strictement rien à voir avec celle d’un écran. Etant arrivé, en tant qu’écrivain très rapidement sur les écrans (1989) et sur le net (1997), que je sache, autour de moi, personne ne lit des livres entiers sur écran. J’ai bien quantité de textes sur mon ordinateur, mais ce n’est jamais pour les lire en totalité ou les découvrir, cela sert à mes recherches, à écrire des articles, en bref il y a transformation de la chose : du littéraire, elle devient document. De plus, n’oubliez pas que la littérature (celle qui fait littérature, et non pas le roman de gare, ou l’écriture sacrifiée, sans style) existe aussi par un réseau de petits éditeurs, qui malgré leur petit tirage [200-2000], pourtant permettent aux textes, sans doute classique de demain, d’apparaître. Nombre des classiques d’aujourd’hui ont suivi ce type de diffusion au tout début, voire même pour certain le compte d’auteur [Proust]. Par exemple sachez-le, Jarry dont on fête l’anniversaire, pour un livre comme l’amour absolu, n’a tiré que 20 exemplaires.

        Votre fiction, si elle touche le produit commercial livre, ne touche pas la littérature. Vous êtes en fait symptomatique de toute la logique mercantile actuelle, sans réfléchir vraiment à l’ensemble du champ dans lequel vous vous impliquez. Je pourrai vous dire la même chose pour le cinéma, ou bien la musique : le vinil il faut le savoir existe et est encore produit, écouté, mixé, etc...

        Autre précision : beaucoup de lecteurs de littérature ou de poésie, ou de philosophie écrivent sur leur livre, tissent leur pensée avec celle des autrs auteurs. De m^me vous oubliez qu’un certain nombre de lecteurs, et parmi les plus gros, adorent les bibliothèques chez eux.

        Si le numérique concerne bien le livre, et certaines dimensions du livre au niveau de sa diffusion, etc... ce sera directement par le déplacement médiumique : l’audiolivre comme au Canada, dont les entreprises font environ 400% de chiffre d’affaire en plus par an. Car ceux qui n’aiment pas les livres, c’est qu’ils n’aiment pas lire, et qu’ils recherchent d’autres manières d’avoir accès au livre.


        • selsek (---.---.106.249) 22 mars 2007 21:54

          Mmh... cette perspective ne m’etonne pas.

          Le livre numerique est en EXCELLENTE voie, avec ceci : http://www.silicon.fr/fr/silicon/news/2004/01/23/lecran-papier-numeriquepar-fujitsu

          Avec ceci, les maisons d’edition sont a l’agonie. Ce ne sont plus ces livres avec ecran. Mais bien une feuille de papier avec contenu changeant. Fini de lire ces livres electroniques sur ecran, fini la lecture sur un pda a l’autonomie limitee.

          Donc, resolue la lecture des livres numeriques.

          Pour ce qui est de la « mediocrisation » de la culture... On le voit, le culture tend a etre le plus accessible possible. Facile d’acces, facile a consulter, oubliable sans dommage, narcissique au possible, voyeuriste. En poussant ce modele, elle n’eleverait plus le spectateur mais s’abaisserait a elle. (on dit ca a chaque generation, que la culture se perd, mais je n’ai pas vu de retour aux temps barbares... pas encore)

          Je suis d’accord sur le fait que la « litterature » ne tombera pas de si tot, et qu’elle gardera un volume constant de la production, de meme que le autres chefs-d’oeuvre culturels. ATTENTION ! J’ai bien parle de « volume », et pas de proportion !

          J’imagine bien que le volume global de production culturelle va exploser d’ici peu. Que les diamants seront noyes dans une montagne de charbon. Et le tout sera diablement accessible.

          Donc dans cette perspective, on aura des roses et de la m3rde, le tout en quantites incommensurables, et accessibles en un clin d’oeil.

          La question ne devrait-elle pas etre : Comment choisir ? Qui apprendra au lecteur ce qui est bon ou mauvais ? Ce lecteur des temps nouveaux saura-t-il encore definir ce qui est interessant, ou est-ce qu’il repetera l’avis qui lui est imposé ? Nous avons pour beaucoup eu le reflexe de consulter les avis des autres avant d’aller regarder un film, au vu de l’enorme choix qui nous est proposé. Est-ce cela le « choix » ? Se restreindre a ce qui nous est conseillé ?


          • Mody (---.---.14.66) 22 mars 2007 23:56

            Le papier est mort, que se soit ici ou là. Le web va bientot donner le coup de grace et les imprimeurs vont finir au RMI


            • pouter. (---.---.121.76) 23 mars 2007 03:48

              Eh Oui, les choses changent !

              Il n’y a plus de maréchaux ferrands,

              En 30 ans, 70.000 quinquaillers on fermé boutique sans pouvoir revendre leur fond de commerce, (ca devient dur de trouver une quinquaillerie de nos jours)

              Récemment, les photographes se sont pris une bonne baffe avec les appareils numériques, certains on pu s’adapter d’autre ont arrêté.

              Demain les disquaires/DVDistes,

              Après-demain les libraires ?


            • Un étudiant (---.---.254.71) 24 mars 2007 12:53

              Bonjour,

              Je ne suis pas d’accord avec votre prospective qui devrait d’abord se construire sur les faits réels actuels.

              En premier lieu, il n’existera jamais d’alliance entre les 4 grands grands que vous citez pour un livre numérique. Certains étant concurrents et ayant des modèles de diffusion différent.

              De manière prospective, je pense qu’on peut dégager trois tendances dans la diffusion du livre sur internet : Une payante avec la vente de livres numériques sous format pdf (par amazon par exemple), une gratuite avec publicité sur le modèle de google et une non marchande sur le modèle de la bibliothèque numérique européenne (plusieurs millions de livres seront bientôt disponibles...)

              Pour l’ebook, les technologies tendent à rendre la lecture bien plus agréable et pourraient bientôt se géneraliser, augmentant ainsi le téléchargement de livre.

              De manière générale, à l’avenir on aura certainement les grands classiques libre de droit disponibles gratuitement (on peut pas acheter les droits d’un auteur mort à propos, mais on peut l’interpréter comme dans le cas d’audio-livre), des nouveautés payantes mais disponibles sur les réseaux P2P et une masse de publication gratuite ou à bas prix cherchant un lectorat.

              De celà, on peut effectivement s’interroger sur l’avenir des éditeurs. Mais la tendance semble infirmer votre prospective, car ceux ci s’adaptent et se servent d’intermédiaires (le publieur ou amazon par exemple) pour diffuser les oeuvres de leurs écrivains sur internet en reversant certainement une part moindre que ce qu’ils doivent reverser au distribiteur classique (environ 30% du prix du livre).

              Bref, je rejoins Philippe Boisnard sur l’avenir du livre, où la masse risque de noyer les créations originales, avec le risque comme celà se passe actuellement avec la musique, que les écrits perdent de leur substance et ne deviennent plus qu’un moyen d’attirer de la publicité et non plus de s’exprimer.

              De même, à l’inverse d’un CD ou d’un journal, on prend plaisir à montrer ou à regarder « l’objet » livre. Il y a une force dans les pages qu’il n’y aura jamais dans un e book et donc les ventes matérielles sur une période baisseront probablement (quand les technologies seront arrivées à maturité) mais je pense pas qu’elles soient menacées à long terme, car le livre est plus qu’un support usuel !!!

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