Le patriotisme UMP-PS : du marketing bâclé déguisé
Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal sont censés s’affronter sur leur vision du patriotisme. Mais en réalité, les positions des candidats de l’UMP et du PS sur le patriotisme sont du marketing bâclé et improvisé, conçu dans l’urgence pour essayer de maintenir sur eux l’attention de l’opinion publique.
En s’approchant de la fin de campagne du premier tour, les candidats de l’UMP et du PS multiplient les déclarations ayant pour thème le patriotisme. Leur affrontement par médias interposés donne à première vue l’impression d’une bataille gauche contre droite, entre deux visions de l’amour de notre pays.
Il semblerait pourtant que, aussi bien de la part de M. Sarkozy que de Mme Royal, l’irruption de cette thématique soit surtout une affaire d’improvisation et de course à l’échalote, plutôt qu’un affrontement vision contre vision.
En ce qui concerne Nicolas Sarkozy, tout part de sa proposition d’un ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale. Comme nous l’expliquions dans un précédent article sur ce blog, nous pensons que sa déclaration fracassante d’alors entrait dans sa tactique habituelle de « Docteur Jekill & Mister Hyde. » D’abord, se replacer au centre des débats grâce à un pavé dans la mare qui attire l’attention des médias et crée la polémique. Ensuite, développer un discours consensuel sur le fond, pour s’afficher en candidat courageux victime de la pensée unique. Il s’agissait donc fondamentalement pour Nicolas Sarkozy de refaire parler de lui, dans un contexte de « Bayroumania » et de perte de vitesse de sa propre campagne de premier tour.
En ce qui concerne Ségolène Royal, on peut difficilement trouver dans ses positionnements politiques passés ou dans les 100 propositions de son pacte présidentiel, la moindre trace de rhétorique cocardière. L’irruption soudaine de son appel à afficher davantage de drapeaux tricolores aux fenêtres de nos maisons peut donc légitimement surprendre. On peut alors, pour comprendre, avancer deux hypothèses. Soit la candidate du PS a découvert subitement que le thème du patriotisme méritait en soi une importance nouvelle dans sa candidature à la magistrature suprême. Soit, plus pragmatiquement, la polémique suscitée par le candidat de l’UMP autour de son ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale lui rendait indispensable de rapidement se positionner elle aussi sur ce thème. Le caractère manifestement improvisé de son intervention patriotique, et la façon dont visiblement elle l’a construite en contrepoint des propos de Nicolas Sarkozy, tendent à privilégier la seconde hypothèse plutôt que la première. Il s’agissait donc pour Ségolène Royal, fondamentalement, de refaire parler d’elle autant que Nicolas Sarkozy a refait parler de lui.
Dans un cas comme dans l’autre, on peut regretter que la question du patriotisme soit abordée par les candidats des deux grands partis sous la forme d’un marketing politique bâclé et de propositions superficielles. Un ministère improbable et tendancieux pour l’un, une invite aux Français pour afficher davantage de drapeaux tricolores pour l’autre. En revanche, il n’y a pas lieu d’être surpris par cette superficialité.
Par définition, invoquer auprès des citoyens le patriotisme, l’amour de la patrie, implique entre autres choses de nous rassembler autour d’une communauté de destin. Cette communauté de destin suppose, quant à elle, de proposer aux Français un cap pour le pays, un cap qui dépasse les attentes catégorielles des électeurs. L’on ne peut donc pas espérer autre chose qu’un patriotisme publicitaire de la part de deux candidats engagés, l’un comme l’autre, dans une campagne clientéliste, au sens où leurs propositions ciblent les électeurs catégorie par catégorie à la manière de paniers de consommateurs.
Thomas Guénolé
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