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Le spectre de Mai 68 fait-il encore peur ?

Le spectre de Mai 68 fait-il encore peur ?

La longue campagne électorale pour les présidentielles 2007 est terminée et les Français ont choisi leur nouveau président de la République. C’est M. Nicolas Sarkozy (UMP), le sixième président de la Ve République qui a recueilli 53,06% des voix contre 46,94% pour Mme Ségolène Royal, la candidate socialiste.

La réflexion que voici ne veut pas être une sorte de bilan de la campagne électorale, non plus qu’une profession de foi pour l’un ou l’autre candidat. Elle veut porter l’attention des lecteurs sur un aspect pas du tout marginal, Mai 68, qui ,catapulté dans l’arène politique la dernière semaine avant le vote du 6 mai, a suscité un regain d’intérêt dans l’opinion publique et dans la presse spécialisée.

En fait, un épanouissement de textes, émissions spéciales et films (comme si la bataille pour les présidentielles était l’occasion d’une mise à jour d’un événement capital qui a fait date) sans précedent, supporté par l’omniprésence médiatique de ceux qui ont fait 68, tels que Bernard-Henri Lévy, André Glucksmann, Luc Ferry, Alain Finkielkraut, Daniel Cohn-Bendit, les « hérauts » de la contestation soixante-huitarde.

C’est M. Sarkozy qui, le premier, à Bercy, a commencé les « hostilités » en dénonçant 68, coupable, selon le candidat de la droite, d’avoir imposé « le relativisme intellectuel et moral ». Ce spectre d’un passé trop longtemps mythisé à gauche réapparaît dans l’arène de la confrontation électorale, incarnant la cause de tous les maux de la France d’aujourd’hui. Une attaque de front jamais vue et inattendue à laquelle Mme Ségolène Royal répondit durement, craignant une forme de « confiscation » historique du mouvement, créature « intouchable » de la gauche.

Ce qui saute aux yeux c’est qu’à 39 ans d’intervalle, l’expérience soixante-huitarde résiste au temps, aux interprétations et aux tentatives de liquidation. Dans l’esprit combattant de milliers de révolutionnaires français, Mai 68 rappelle les luttes étudiantes (et les ouvriers où en sont-ils ?), les barricades du Quartier latin, les mobilisations et grèves, en un mot, la volonté des jeunes de résister aux formes de capitalisme les plus effrénées, au nom d’un esprit libertaire et égalitaire jamais enterré. C’est pour ça que le mouvement a séduit à l’époque plein de gens et continue à séduire encore aujourd’hui, surtout les classes les plus démunies.

Et alors, s’agit-il de :
- un rituel bien rodé qui ne sert qu’à déplacer les citoyens des problèmes vrais mettant en place une « pédagogie consensuelle » plus qu’à faire remarquer le clivage qui existe parmi les partis politiques ?
- une plus forte volonté de diaboliser le mouvement, avec la reprise du procès intenté à Mai 68 dans les années 70 par la France ?
- ou encore la nostalgie d’un modèle à reproposer même dans ce présent si incertain ?

Au-délà des interprétations légitimes ou pas et des convictions personnelles (certes il y eut des excès dans les actes mais il y eut surtout « un formidable sursaut citoyen », selon l’expression de Ph. Meirieu) qu’on a le devoir de respecter sur Mai 68, force est de constater que le mouvement estudiantin continue à diviser la France en deux. Deux politiques éducatives, deux visions de l’économie, deux styles de vie, deux courants de pensée se sont affrontés le long de ces 39 ans, sans jamais se rencontrer. Et Sarkozy et Royal, deux personnalités fortes et charismatiques, incarnent très bien ces deux tendances, même si le débat tourne autour d’un nouveau projet politique : l’Europe et la construction d’une Constitution européenne. Réanimant le débat qui dans la dernière semaine allait perdre de l’élan ils ont rouvert la polémique sur 68, faisant de ce thème le véritable enjeu de la dispute électorale.

D’un camp, en fait, Sarkozy a donné à l’idéologie de Mai 68 la responsabilité d’avoir détruit l’idée d’une école de la connaissance, du respect et de l’autorité enseignante si chère à Jules Ferry, d’avoir enterré l’appel au mérite et d’avoir rendu l’instruction plus faible faisant passer l’énoncé que les « connaissances procédurales » sont nettement à préférer aux « connaissances déclaratives ». De l’autre, on attribue à la liquidation de Mai 68 les actuels phénomènes de discriminations sociales et de ségrégations spatiales et surtout un nouvel esprit autoritaire qui a fini par engendrer un inquiétant sentiment d’insécurité et de grandes peurs.

Or, nous ne savons pas si la « belle » élection de Sarkozy (6 points de score sur sa rivale) a mis fin à « une série impressionnante d’idées reçues » comme soutient dans son éditorial Nicolas Beytout (Le Figaro du 7 mai 2007), dont Mai 68. Ce que nous constatons c’est que, pour la majorité des Français, Mai 68 n’appartient qu’à l’histoire du pays et qu’il est temps de tourner la page en direction d’autres valeurs que celles qui avaient enflammé à l’époque le mouvement des étudiants. Sarkozy a bien encarné l’exigence de renouvellement et de modernisation de l’Etat face à la tentative de Mme Royal de restaurer l’esprit de Mai. Le grand succès qu’il a obtenu confirme la large volonté des Français de considérer inéquivocablement 1968 comma anachronique et par certains aspects dangereux.

C’est que la mutation socioculturelle qui s’amorçait à l’époque comme nécessaire et mythique, au fil des décennies succèssives, est passée au second plan. L’élan combattant de la première heure s’est affaibli de plus en plus, parallèlement au déclin de ces forces politiques qui en Mai 68 fomentaient les masses d’étudiants à la révolte et revendiquaient le droit à la différence et à la liberté totale.

Ça signifie que les cultures politiques ne sont pas immortelles et qu’elles disparaissent par une multiplicité de motivations dont l’inaptitude à bien interpréter les nouveaux besoins qui viennent du bas face à une société en évolution continue.

Quoi qu’il en soit, le rêve-utopie de Mai 68 s’est defait sous le poids d’une forte crise économique et identitaire (la France est-elle encore une terre d’accueil ?), ce qui a provoqué un progressif éloignement des citoyens de la politique, des institutions et de la participation à la vie d’ensemble. Si à cela s’ajoute la crise des idéologies des années 90, culminant avec la chute du mur de Berlin (1989) et la mort du marxisme, voilà que l’image de la France du troisième millénaire en sort assez fragilisée.

Nous sommes convaincus que la recherche d’une nouvelle identité est le premier des objectifs que le nouveau président de la République doit se poser avec urgence. Nous croyons également que ça passe par une immédiate redéfinition des valeurs, une plus moderne réformulation de normes éthiques et génétiques et surtout mettre main au système éducatif et formatif national en panne d’idées et d’efficacités pour offrir à tous l’égalité des chances et essayer de réduire, hors et dans les établissements, des formes d’inégalités et de discriminations sociales encore présentes et tout à fait inacceptables.

Plus que des mobilisations, la France a besoin d’idées et de réformes. C’est à Sarkozy de maintenir ses promesses et de faire preuve de cohérence et d’efficacité. Bon courage, monsieur le président !

Prof. Raphaël FRANGIONE


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9 réactions à cet article    


  • tvargentine.com lerma 16 mai 2007 11:02

    Mai 68 est à remettre dans un contexte de l’histoire d’une révolte étudiante dans le monde avec en tache de fond la guerre du Vietman et en France,une société figée comme si la société française n’avait pas évolué entre 1958 et 1968.

    Ce que nous pouvons critiquer c’est la manière qu’une minorité d’ex gauchiste ,qui ont faient carrière dans la politique et aussi dans les médias ont toujours voulu imposer leur propre culture.

    Soutiens au régime de Mao

    Soutiens au régime Kmer rouge

    Soutiens aux régimes africains « dit progessiste »

    ............ ;; Bref ils n’ont faient que se tromper toute leur vie dans des analyses débiles

    Certains aujourd’hui sont devenu des cathos intégristes et écrivent dans la presse de droite,d’autres plus opportunistes se vendent par interet personnel pour des fins de mois difficile ? (Kouchner),hiers à gauche,aujourd’hui à droite.....

    Franchement,le discours et leur pensée unique imposait qui consistait à détruire les valeurs de la République est responsable de la société dans laquelle nous sommes.

    En fait ce sont des libéraux libertaires dont G Bush aurait été un bon représentant.

    Savez vous que G.Bush dispose d’une équipe de conseillers politiques autour de lui d’ex-troskistes qui ont viré à droite ? Ces gens n’ont pas de stabilité intellectuelle car les erreurs sont telles dans leurs analyses qu’ils devraient etre écarté de tout pouvoir de décision


    • Hesoneofus 17 mai 2007 09:23

      Mes parents etait trop jeunnes pour mai68. Seul mes proffeseurs m’ont parler de mai68, avec cette lueur de nostalgie qui m’a fait rever. Jusqu’a ce qu’a mes 25 ans j’etait tres mai68. Puis, a la lueur des emeutes de 2005/2006. J’ai compris. A tout dire, Mai 68 a été fait par les 68tard, pour les 68tard. il n’a jamais été question du futur., c’est a dire de moi, mais aussi de mes parents. L’ensemble des reformes des 68tards n’a servit que leurs propres interet, laissant la facture au generation suivante. voila pourquoi je ne m’identifie pas avec ces egoistes pour qui chaque jours je dois reparer et payer pour leurs erreurs de jeunnesse. Regardez autour de vous, dans vos familles, les 68tards. Certes ils semblent des gens sympatique, mais la plus part du temps, sont celibataires, sans enfants, vivant des heritages des vieux, ont pris leurs retraite 55ans, leurs enfants sont out, et bien souvent a dire , j’aime pas les arabes mais je suis pas racistes, ou a dire, les jeunnes sont des incompetants/stupide/apolitique. La verité est la , les 68tards sont les sauterelles de la france.


    • Hesoneofus 17 mai 2007 09:26

      Il faut bien rappeler une chose : Les 68 tards, sont des gens qui ont eu leurs diplome d’office. une de leurs revendications fut que le bac leurs soit donner car il pouvait pas reviser pendant les manif. C’est une generation inéducqué et qui a toujours eu ce quelle voullais pour leurs grande gueuelle et jamais leurs travail.


    • La mouche du coche La mouche du coche 16 mai 2007 17:15

      à leur époque, les soixantes-huitards étaient les vrais rebelles haïs et enviés par les moutons. smiley

      Aujourd’hui, qui est haïs et enviés par les moutons ? Héhéhé les bobos. smiley


      • Xavier 16 mai 2007 19:55

        Tout le monde avait oublié Mai 68 à peu de choses prêt. 40 ans (ok 39), ça fait un bail. Sauf pour le petit Nicolas. Qui devait avoir 13 ou 14 ans à l’époque. Comme moi. Je ne sais pas ce qui lui est arrivé à cette époque. Moi j’étais plutôt à me branler sur les photos de play-boy. Pour Nicolas : Un gros CRS ? Un gros gauchiste ? Curieux fantasme du petit Nicolas. Quoiqu’il en soit, il ne semble jamais s’en être remis. Tourner la page, dit l’article... Ca fait longtemps que tout le monde l’a fait, sauf... Lui, qui veut la tourner en arrière. Genre superman qui fait tourner la planète à l’envers pour sauver Jeanne ou Jean, en bref, le monde quoi. De toute la campagne, le délire qu’il a eu sur 68 est la chose qui m’a le plus fait rire. Allez Nico, change pas de main...


        • moebius 16 mai 2007 23:16

          Enfin 68 est au pouvoir, Degaulle et son dernier avatar Chirac sont mort, a gauche il ne reste plus qu’a enterrer Miterrand pour en finir avec l’aprés guerre et pour qu’enfin nous soyons politiquement en 68. La pendule politique retarde toujours de 39 ans, l’espace politique est un congélateur historique


          • armand armand 17 mai 2007 09:51

            L’esprit soixante-huitard est merveilleusement campé par un vieux dessin de Faizant : on y voit une série de personnages agitant leurs drapeaux respectifs et criant ’Vive le Vietnam’, ’Vive Cuba’, ’Vive la Palestine’ accompagnés de l’épithète ’valeureux patiote’. Mais quand on passe à un bonhomme coiffé d’un béret, agitant le drapeau tricolore et criant ’vive la France’ la légende devient : ’dangereux réactionnaire, présumé fasciste’.

            L’esprit 68 c’est le soutien à tout régime totalitaire pour peu qu’il s’annonce communiste tout en traquant le moindre indice d’autorité ou de discipline en France. ’Interdit d’interdire’, certes, mais aussi, et surtout, ’pas de liberté pour les ennemis de la liberté’ ce qui peut couvrir la pire intolérance.

            Mais s’amalgame à cet esprit, guère plus significatif que la vogue de l’anarchisme chez les jeunes artistes an 1900, une authentique révolte ouvrière contre des conditions de travail souvent déplorable.

            Mais ce que je reproche surtout aux 68ards actuels c’est que beaucoup, tout en proitant des délices de la société de consommation et des honneurs de la République, n’ont pas le moindre regret de leur engagement au service de ces grands bienfaiteurs de l’humanité qu’étaient Mao, Trotsky, tout en poussant des cris d’indignation au sujet de ceux qui, dans leurs années estudiantines, ont choisi les mouvements de droite.


            • chamoniard 20 mai 2007 13:08

              De mai 1968 je n’ai guère vu quoi que ce soit, sinon les grèves ouvrières (que mon père suivait), et Grenelle -dont je n’ai pas pris conscience : j’avais 12 ans. Ensuite, neuf ans plus tard, j’ai vu les pressions exercées sur de jeunes femmes appelées à être « libérées », pour que de trentenaires puissent en abuser. J’ai aussi cédé aux sirènes des communautés agrestes car je croyais qu’il y avait une vie en dehors de la consommation à tout crin. Résultat : des pseudo-hippies laissant les outils dans les champs, une expérience de berger où j’ai heureusement trouvé le soutien de paysans âgés mais d’une grande sagesse, et où j’ai dû écarter les « babas » aux comportements destructeurs... Enfin guéri de mon utopie (que je ne regrette pas), travail dans l’enseignement secondaire : démagogie ++, et à tous les niveaux. « L’esprit » de 68, institutionnalisé : l’élève -pardon, l’apprenant- au centre du système (la transmission de savoirs étant ringardisée) ; la tromperie généralisée avec les soi-disant « ouvertures » : le collège unique, le baccalauréat pour 80%... Et je subis quotidiennement dans mon travail les conséquences des slogans de l’époque, qui ont fini par imprégner les collègues, les parents d’élèves, et les élèves eux-mêmes : un seul exemple, les règles de la langue française seraient négociables par chacun !


              • Captain Cap 20 mai 2007 19:20

                Hesoneofus (IP:xxx.x7.44.3) le 17 mai 2007 à 09H23 : « Seul mes proffeseurs m’ont parler de mai68 »

                Ça se voit smiley

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