Magistral boomerang des Rolling Stones à Paris
Stade de France - Samedi 16 juin 2007 - 21 h 20
Bis repetita, les voilà donc de retour après l’unique
concert de l’année dernière à Paris, maintenu à la suite des tribulations de
Keith Richards aux îles Fidji.
Le Bigger Bang effectue une ultime escale en France en ayant
restreint la fonction des plates-formes de sa superstructure qui n’accueillent
plus d’happy few en ses ex-balcons d’opéra rock avec vue plongeante et à
rebours du plateau.
Seuls les projecteurs du light show flamboient sur les
quatre étages de galeries de part et d’autre de l’immense écran vertical
intégré dans le dispositif scénique.
Trente dates pour cette tournée estivale européenne sont
prévues en compensation des annulations pour cause de trépanation et de
laryngite lors de l’été 2006.
"Bonjour Stade de France" et c’est reparti pour
deux heures d’effusion intense tellement la performance paraît dantesque,
émouvante et quasiment magique.
En avance relative de cinq minutes sur l’ouverture 2006,
"Start me up" va d’emblée remettre les pendules à l’heure, mais voici
déjà qu’un "Lets spend night together" plonge la nostalgie envoûtante
dans des réminiscences venues des sixties.
En place de l’hommage à Ray Charles l’an passé, voici celui
dédié à James Brown avec l’interprétation de "I’ll go crazy", sur
lequel Liza Fischer va faire frissonner sa sensualité vocale en la déclinant
d’un blues guttural, fièrement enveloppée d’une robe prenant le vent en
circonvolutions époustouflantes.
Bien des standards seront au rendez-vous, jusqu’au
tourbillon final, "Honky Tonky Women", "It’s Only Rock ’n’
Roll", "Sympathy for the devil", "Brown sugar",
"Jumpin’ Jack flash" etc., avec bien entendu en point d’orgue l’incontournable
"(I can’t get no) Satisfaction".
Cependant les voici maintenant tous arrimés au convoi
ferroviaire les amenant au centre du Stade pour un show intimiste mais dont le
son continuera à provenir de la scène principale à l’inverse du show initial.
Ce lent aller et retour en wagon tracté et surélevé prend
des allures nocturnes étranges où il ne manquerait que le brouillard pour en
parachever le caractère fantastique. Le ronronnement des guitares, claviers et
batterie semblent saccader le rythme d’un long voyage en provenance de l’enfer
où le démon aurait ses sympathies.
Mais en sont-ils réellement revenus depuis l’accident
fondateur des tourments du Bigger Bang ?
De tous, Charlie Watts est devenu le plus serein au-delà de
ses aléas de sant ; Ron Wood semble flirter allègrement avec les lois de
l’équilibre sur une corde raide ; quant à Mick Jagger, jamais son engagement n’a
été aussi sollicité ; non seulement il joue son propre rôle au mieux du
personnage vibrionnant qu’il affiche aux foules toujours en manque, mais tel un
pater familias inquiet, il est à l’affût de tous et de chacun en garant
préventif de l’harmonie générale, revissant les boulons de synchro par ici,
encourageant du geste par là, tout en monopolisant l’attention du public par
ses contorsions afin de masquer habilement les éventuelles failles de ses
partenaires :
En effet si Keith Richards est réellement présent sur scène,
sa silhouette quelque peu voutée, fragilisée, voire mal à l’aise, pourrait
aisément en laisser deviner l’ombre de lui-même.
Bien entendu, si les doigts du guitariste jouent le jeu en
faisant frémir les cordes à l’unisson sur le manche de l’instrument, c’est que
les automatismes fonctionnent à merveille grâce au savoir-faire acquis depuis
près d’un demi-siècle.
Mais au souvenir d’un visage fermé qui l’an passé soutenait
une fébrilité créatrice, il semblerait que le mal-être ait maintenant gagné du
terrain jusqu’à pouvoir rendre l’artiste absent de son sourire.
Ainsi en continuant de donner le change dans une grimace
implicite mais ô combien humaine, les Rolling Stones révèlent leur véritable
noblesse, celle d’un groupe transgressant les séquelles.
Ce concert, plus pathéthique qu’il n’eût pu paraître de
prime abord pour une orchestration affichant toujours au mieux son ingéniosité
musicale, témoigne d’une grande empathie, tenant la tête hors de l’eau à celui
qui pourrait y sombrer.
Mais les Stones connaissent parfaitement les affres et
sortilèges du démon, ils n’ont eu cesse de gérer leur carrière avec ses anges
ensorceleurs. Face à la destinée, il est donc immanent qu’ils gagnent chaque
défi de l’adversité, tous ensemble unis.
En tout cas l’autre soir à Paris, c’était effectivement une
ferveur quasi mystique qui transparaissait dans le public de la pelouse, placé
au plus près du groupe légendaire... comme si chaque minute, chaque seconde du
concert était un moment d’anthologie où seule l’intuition de l’enjeu avait
l’exigence d’être muette face aux sourdes vibrations en exaltation au coeur du
feeling.
Le pacte des Rolling Stones ne tient peut-être qu’à un fil,
celui de la vie qui s’enroule à jamais, bien que : "I can’t get no
Satisfaction".
Photo DR.
Theothea.com
" Magistral
Boomerang des Rolling Stones à Paris "
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en étant illustré par un ensemble de photos
et suivi de la setlist du concert 2007 au Stade de France.
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