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Un autre Brésil

On parle souvent du Brésil en France. Pour différentes raisons. D’abord parce que l’année du Brésil en 2005 fut un réel succès partout en France. Ensuite parce que Jean-Charles de Menezes, un jeune Brésilien de 27 ans, était tué par erreur par la police britannique en juillet 2005, après les attentats de Londres. Mais aussi parce que France 3, à travers son programme Thalassa, et d’autres chaînes de télévision offre de plus en plus souvent de grands reportages sur le Brésil. Ayant moi-même vécu au Brésil pendant un certain temps, j’ai décidé de partager avec nos lecteurs mes impressions sur ce pays.

La guerre est intérieur...Destination de rêves. Le Brésil est, il est vrai, une destination qui fait rêver bien du monde ! Quand on pense Brésil, on pense soleil, plages, samba, jolies filles, Rio de Janeiro, religion, football, Ronaldo, etc. Parfois, on entend également parler de pauvreté, de meurtres, d’enlèvements et de corruption. Mais qu’est exactement le peuple brésilien ? De joyeux lurons qui ne pensent qu’au football, au soleil et au sexe, ou des criminels en devenir ? Le Brésil est en effet un étonnant mélange, mêlant bonne humeur, fantaisie et insouciance, à une horrifiante pauvreté et une violence extrême et gratuite. Essayons de nous faire une idée sans concession de ce qu’est réellement le pays majeur d’Amérique du Sud...

L’horrible vérité de la pauvreté. Avec ses 190 millions d’habitants (réf. 2006) et son cinquième rang mondial en population, le Brésil est l’équivalent de plus de la moitié de la population des Etats-Unis (300 millions d’habitants). L’économie de ce pays en développement a été soumise pendant plusieurs années à un régime de la douche écossaise, à force de dévaluations de la monnaie et du plan d’austérité mis en place par l’ancien président social démocrate Fernando Henrique Cardoso. Et il était dit en 2002 qu’entre 22 et 55 millions de personnes (selon que l’on prenne les chiffres du gouvernement ou de la Conférence nationale des évêques) souffraient de la faim. On peut aisément se représenter le fossé entre riches et pauvres dans le pays comme les gorges du Grand Canyon en Arizona. Tout en haut, très peu de riches, et, tout en bas, le reste de la population.

Extreme pauvreté...

Extrême pauvreté ! Les favelas (ou bidonvilles) existent bien. Généralement à l’extérieur des villes, dans des zones qui contiennent de médiocres habitations, dont le terme même “d’habitation” est très exagéré (tant on peut se demander comment un être humain peut décemment vivre en un tel lieu, avec parfois pour unique développement électrique un long câble pirate rattaché à la va-vite à une borne de la municipalité, pour fournir “gratuitement” l’ensemble des habitations de la favela). Les municipalités s’efforcent évidemment de les dissimuler, mais lorsque les inondations touchent de grandes villes comme Sao Paulo, les zones les plus touchées sont évidemment les favelas, et les caméras de la télévision brésilienne s’attardent alors sur l’extrême pauvreté des populations, la misère de ces gens qui n’avaient déjà pratiquement rien et qui perdent, alors, absolument tout ! Certes, en France aussi, il y a des inondations, mais si vous y perdez votre maison, vous pouvez toujours redémarrer. Au Brésil, si vous perdez votre maison, vous mourez !

La guerre de l’intérieur ! La dernière fois que le Brésil a déclaré la guerre à un autre pays remonte à la Seconde Guerre mondiale. Le Brésil est donc essentiellement un pays pacifique. Mais, si on peut se féliciter qu’il ne soit en guerre contre aucune autre nation, on peut bien au contraire s’horrifier de constater qu’en réalité, la guerre n’étant pas à l’extérieur, elle se déroule chaque jour à l’intérieur même du Brésil ! Ce qui cause cette violence ? Le chômage et une éducation médiocre ! Les parents sont au chômage, donc les enfants ne sont pas motivés pour étudier à l’école (le système scolaire lui-même, après la maternelle, est pauvre et quasi inexistant et il faut généralement payer pour que les enfants étudient dans une école privée... quand on a de l’argent !). Au contraire, tout est parfaitement étudié pour satisfaire les tout jeunes enfants en crèche, maternelle, etc. La violence naît de ce manque de repères, de cette fatalité dans laquelle les jeunes s’installent : pauvres, ils veulent ce que les autres possèdent et se jettent les yeux fermés dans la petite criminalité, qui les mènera, soit vers le trafic de drogues, la criminalité du quotidien ou encore la grande criminalité.

Le pas est si vite franchi... Exemples de violence ? En septembre 2002, le maire de Campinas (ville située près de Sao Paulo) était assassiné, puis en décembre ce fut le tour d’un autre maire, en janvier, un autre homme politique était séquestré avec sa famille. Mais attention, ces cas de meurtres et d’enlèvements ne sont pas réservés aux seuls politiques. Tout un chacun peut se retrouver victime d’une balle perdue dans la rue, d’un kidnapping ou d’une agression, dans la soirée, tout comme en plein jour, à 11 heures du matin ! Que ce soit par des gangsters ou des policiers corrompus.

Orkut et rançons. Après les arnaques aux téléphones portables clonés, c’est l’émergence d’internet qui apporte une violence de plus en plus croissante au Brésil. En effet, les criminels s’appuient désormais sur des réseaux de rencontres ou d’amitié tels « Orkut », où chacun peut déposer des photos, donner des détails sur sa vie privée et laisser des messages aux membres de son réseau personnel. Des dizaines de faux enlèvements ont ainsi été perpétrés depuis quelques mois, où les criminels téléphonent à un membre de la famille de X (généralement les parents) pour lui dire que X qui vit dans une autre ville a été enlevé par leur organisation, et donnant des détails sur sa vie privée que personne d’autre ne pourraient connaître. Du coup, la famille paye une rançon et s’aperçoit un peu tard de la supercherie : X n’a jamais été enlevé !

Rio de Janeiro : danger ! En raison d’une augmentation sensible des agressions à l’encontre de touristes, la plus grande prudence est désormais demandée aux voyageurs qui se rendent à Rio de Janeiro. Cet avertissement vaut pour tous les quartiers, et plus particulièrement celui de Copacabana, où sont concentrés 51,6 % des cas de vols à la tire ou à main armée déclarés à la police. La même prudence est requise de la part des Français qui se rendent à Sao Paulo et sur les plages du littoral paulistain, où les agressions sont de plus en plus fréquentes (source ministère des Affaires étrangères).

Violence visuelleLa violence visuelle. La violence brésilienne, c’est aussi la violence visuelle de la rue. On croise ainsi de très jeunes enfants mendiant dans les rues, et plus souvent devant les feux de signalisation, approchant de la porte de votre véhicule et quémandant un real ou deux (1 euro = 2,55 réais brésiliens). Rien de plus naturel pour un Brésilien, semble-t-il, mais cette inhumanité, malsaine et immorale, est tellement choquante pour un Européen ! Comment rester froid devant les visages de ces enfants des rues ? Comment ne pas se sentir impuissant face à tant d’injustice ?... C’est cela l’autre Brésil...


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4 réactions à cet article    


  • L'enfoiré L’enfoiré 4 juillet 2007 16:21

    Un autre Brésil de « L’autre Brésil » existe aussi. Celui-là nage dans l’exubérance. Evidemment, c’est le retour à ce qu’on n’aime pas sur AV. On se retrouve plus dans la région de la Bourse. L’index Bovespa, inflation comprise, à quadruplé depuis octobre 2002. Lula da Silva est passé par là. Le top de 2000 a doublé. La Chine a doublé dans le même temps. L’américaine est monté de 50%. Lula est dans la gauche déclarée, Chavez et Fidel sont les copains. Le dynamisme bien agencé, bien dirigé et bien compris serait du parcours ? Radical et pragmatique, Lula ? Difficle de le déclarer autrement. Mais tu as raison, tout n’est pas bleu, vert et jaune comme dans le drapeau. smiley


    • L'enfoiré L’enfoiré 4 juillet 2007 20:10

      @L’auteur,

      Il faudrait à mon avis apprendre à répondre aux commentaires. Envoyer des articles, c’est bien, en faire le suivi serait beaucoup mieux. smiley

      Je signale aux lecteurs qu’il y aura une suite à cet article également présentée par l’auteur.

      Il apportera le complément indispensable que les commentateurs ne pédalent pas dans la semoule inutilement.

      « L’autre Brésil (2) » suivra un « L’autre Brésil (1) » qui n’a jamais existé en tant que tel. smiley


    • torr-ben 4 juillet 2007 16:30

      Quel tableau sombre en effet...la petite amie de mon fils, brésilienne de Sao-Paulo, ne se retrouverait pas dans le pays que vous décrivez et où il fait bon vivre même s’il existe une extrême pauvreté qui génère une extrême violence...Elle vient de passer 7 mois à Paris, ville qui, selon ses propres termes, manque de vie et de chaleur humaine ! A chacun son tropisme...


      • Asp Explorer Asp Explorer 5 juillet 2007 07:24

        « La violence visuelle. La violence brésilienne, c’est aussi la violence visuelle de la rue. On croise ainsi de très jeunes enfants mendiant dans les rues, et plus souvent devant les feux de signalisation, approchant de la porte de votre véhicule et quémandant un real ou deux (1 euro = 2,55 réais brésiliens). Rien de plus naturel pour un Brésilien, semble-t-il, mais cette inhumanité, malsaine et immorale, est tellement choquante pour un Européen ! Comment rester froid devant les visages de ces enfants des rues ? Comment ne pas se sentir impuissant face à tant d’injustice ?... C’est cela l’autre Brésil... »

        J’ai l’impression que vous n’êtes pas venu à Paris depuis longtemps.

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