« Good Canary » avec Cristiana Reali au Théâtre Comédia
Quelque peu déroutante cette nouvelle création mondiale de John Malkovich, par conséquent à hauteur de sa réputation provocatrice qui en l’occurrence ne serait pas sans rappeler l’esthétique audacieuse d’un Bob Wilson.
Après avoir signifié par un avertissement affiché en préambule qu’il n’est pas possible pour un être humain de réussir son destin, si celui-ci n’est pas en mesure de penser par lui-même et d’agir en autonomie, le metteur en scène souhaite au spectateur de passer une bonne soirée alors qu’un rire jaune s’empare d’emblée de l’assistance.
Aussitôt s’impose le décor ingénieusement mobile de Pierre François Limbosch dont les six cubes indépendants les uns des autres vont s’articuler en largeur et profondeur pour constituer à la taille du plateau du Théâtre Comédia, un puzzle en relief sur lequel viendront se projeter les fantasmes et autres visions cybernétiques issus d’un imaginaire en ébullition de formes et couleurs.
L’inconscient collectif étant mis ainsi au travail forcé, les protagonistes de Zach Helm vont venir habiter la scène rendue fantasmagorique, telles des marionnettes voire des pantins désarticulés jusque dans leurs propos plus ou moins cohérents.
A ce jeu diabolique, tous vont être gagnés par une agitation fébrile dont la palette pourra s’étendre de la clownerie au tragique.
Grand est le mérite des sept comédiens (Cristiana Reali, Vincent Elbaz, José Paul, Ariel Wizman, Jean-Paul Muel, Stéphane Boucher & Bénédicte Dessombz) à se plier aux directives du "Maître en scène" inspiré par un réalisme technologique d’où le ressenti doit s’exprimer à fleur de peau.
Alors si on pense à 37°2 de Jean-Jacques Beinex, c’est que Annie (C. Reali) et Jacques (V. Delbaz) vont vivre un intense chemin de croix rendu pathétique par les paradis artificiels mais où les stations seraient malgré tout des havres de félicité amoureuse.
Jusqu’au suicide final, le secret d’un mal-être chronique va se distiller au point de rendre désemparés leurs proches ainsi que les professionnels, éditeurs et critiques convaincus d’avoir un best-seller à portée de main, alors même qu’un doute s’installe sur les motivations et l’identité de l’écrivain.
Nargué par l’esprit malin de John Malkovich, la psychose gagne inexorablement du terrain scénique, non sans s’interroger sur le point de rupture où aurait subsisté l’ultime chance d’inverser les forces destructrices.
Pygmalion d’un talent littéraire tourmenté, la fusion passionnelle aura cherché en vain son point d’ancrage au sein d’un couple écartelé entre vie marginale et fiction, se renvoyant à l’infini le mystère de la reconnaissance de soi dans l’écriture.
Ce Good Canary de Zach Helm pourrait bel et bien devenir une pièce culte pourvu que l’intuition créatrice de John Malkovich entre en phase complice avec l’imaginaire des spectateurs, déjà prêts à combler de louanges le tandem Reali / Delbaz.
Photo © Bernard Richebé
GOOD CANARY - ** Theothea.com - de Zach Helm - mise en scène : John Malkovich - avec Cristiana Reali, Vincent Delbaz, José Paul, Ariel Wizman, Jean-Paul Muel, Stéphane Boucher & Bénédicte Dessombz - Théâtre Comédia -
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