Elections européennes 2009 : vers un référendum ex-post ?
Un optimisme généralisé régnait au
début du Conseil européen de Lisbonne débuté ce jeudi 18 octobre 2007
et qui doit mettre un point final à une décennie
de négociations sur l’organisation des institutions de l’Europe
élargie. Le but est de
parvenir à un accord sur un nouveau traité censé remplacer la défunte
Constitution européenne.
"Oh oui, je suis très
optimiste". "Je pense vraiment qu’il y a une bonne chance de conclure
les
négociations ce soir", a déclaré le Premier ministre danois, Anders
Fogh Rasmussen. C’est qu’en effet, pour le Premier ministre luxembourgeois
Jean-Claude Juncker, comme pour tous ses homologues, il est temps d’en
finir avec une longue période d’introspection institutionnelle aggravée
par les "non" français et néerlandais à la Constitution en 2005.
Le traité, sur la substance duquel les dirigeants européens se sont mis d’accord à l’arraché en juin, a vocation à remplacer le projet de Constitution rejeté lors de référendums par les Français et les Néerlandais en 2005, un "non" qui avait plongé l’Europe dans la crise.
Le texte reprend l’essentiel des dispositions de la Constitution, tel
le nouveau mécanisme de votes, la création d’un poste de président
stable du Conseil européen, l’octroi de véritables pouvoirs au
porte-parole de la diplomatie européenne et l’extension du vote à la
majorité qualifiée.
UN NOUVEAU TRAITÉ POUR 2009 ?
Avec le Royaume-Uni, tout a été clarifié, ce qui permettra à Gordon Brown de résister aux appels en faveur d’un référendum à haut risque dans son pays.
"Nous pouvons démontrer que nous avons défendu l’intérêt national britannique sur tous (les) points", a-t-il déclaré en expliquant qu’il n’aurait en revanche aucune hésitation à soumettre à référendum l’adhésion du Royaume-Uni à l’euro. Verba volent...
Londres a obtenu le droit de participer "à la carte" aux coopérations en matière policière et judiciaire qui l’intéressent, sans pour autant pouvoir empêcher ses partenaires européens d’approfondir leur intégration dans ce domaine.
La Charte des droits fondamentaux ne s’appliquera pas non plus au Royaume-Uni et à la Pologne, mais elle acquiert une force juridique contraignante pour les 25 autres pays et le vote à l’unanimité reste la règle en matière de politique étrangère.
Bref, il est temps de clore le débat pour, selon Brown, s’attaquer aux vrais problèmes, l’emploi, la croissance économique, le réchauffement climatique et le terrorisme.
La Pologne, autre enfant terrible de l’UE, a mis beaucoup d’eau dans son vin, même si le scrutin législatif de dimanche risque d’inciter les jumeaux Kaczynski à arracher quelques concessions de dernière minute lors du sommet de Lisbonne.
"Nous ne voulons rien d’autre que la reconnaissance de nos droits", a dit le président Lech Kaczynski à la radio polonaise en menaçant de "retarder la discussion" dans le cas contraire.
QUELQUES SIÈGES DE PLUS ?
Les Polonais ne remettent plus du tout en cause l’accord sur le fonctionnement du système de vote à la double majorité, dont l’entrée en vigueur a été reportée de facto à 2017.
Mais ils continuent à demander qu’un texte obscur, le "compromis de Ioannina", qui permet à un pays mis en minorité après cette date de demander la poursuite des négociations, figure dans un "protocole" annexé au traité qui ne pourra être modifié qu’à l’unanimité et pas dans une simple déclaration.
Selon un diplomate, ils auront tous les deux : un protocole maintenant le
compromis de Ioannina et une déclaration expliquant qu’il ne pourra
être modifié que par consensus.
Le problème italien ? Rome est en effet fort mécontent de la nouvelle répartition des sièges au Parlement européen, proposée par les députés la semaine dernière, qui lui ferait perdre six parlementaires, de 78 à 72, par rapport à la situation qui prévaut aujourd’hui. Mais l’Italie ne compte pas opposer son veto au traité pour cette raison, tout en demandant que l’on négocie ultérieurement une nouvelle répartition lui donnant un siège de plus.
Ces questions sont de peu d’importance comparées au vrai problème qui demeure en suspens : la ratification de ce nouvel instrument juridique.
Les juristes des vingt-sept ont passé l’été à traduire en articles le mandat très précis adopté en juin par les dirigeants européens et sont parvenus à un compromis. Si tout se déroule comme prévu, une fois approuvé, le nouveau traité sera signé en décembre 2007 au Portugal avant que d’être ratifié dans les 27 pays de l’Union européenne - par tous les parlements - pour entrer en vigueur le...1er janvier 2009. Et d’ici-là ?
SARA HAGERMANN
Sara Hagermann, qui exerce les fonctions d’analyste politique pour l’European
Policy Centre (cf. "The EU Reform Treaty : easier signed than ratified", by Sara Hagermann EPC - Policy Brief - juillet 2007), attire en effet l’attention des dirigeants européens sur les
difficultés que peut rencontrer la présidence portugaise pour faire
aboutir le mandat décidé lors du Conseil européen de juin 2007. Deux aspects
ne doivent pas être pris à la légère, alors que le traité doit
absolument être ratifié avant les élections parlementaires de 2009 - lesquelles pourraient bien se transformer en référendum "ex-post" sur l’Union
européenne.
C’est là le véritable écueil.
D’une part, l’accord auquel ont abouti les Etats membres n’est que verbal, et il n’est pas exclu qu’il y ait des rétractations. Or, si l’on touche à un point du traité, explique S. Hagerman, c’est l’équilibre entier de la négociation qui est remis en cause. De surcroît, Sara Hagermann pense que même une fois le traité signé par tous les chefs d’Etat et de gouvernement, l’étape de la ratification s’avérera délicate.
L’auteur analyse la situation dans chacun des Etats membres pour mesurer les enjeux qui entourent la ratification du futur traité. Dans certains pays, explique-t-elle, cette procédure ne va pas de soi, que ce soit par voie parlementaire ou référendaire. Selon l’analyste, l’issue du processus de ratification sera dépendante de l’ordre de ratification (il faudrait éviter "l’effet domino" qui a eu lieu lors de la ratification du traité constitutionnel), mais aussi du soutien ou non des gouvernements pour le traité, qui ne peut être compté comme acquis.
Pour Sara Hagermann, "il n’y a pas de temps à perdre". Il faut dès maintenant lancer un débat incluant les groupes d’intérêts et les citoyens afin qu’ils s’approprient les futures réformes.
Elle a raison. On ne fera pas l’économie d’un véritable débat.
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