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Accueil du site > Tribune Libre > L’art de bâtir son avenir

L’art de bâtir son avenir

L’avenir commence aujourd’hui, et pourtant il semble nous fuir sans cesse, déjouer avec malice notre volonté de l’appréhender. Et vous, vous pensez vraiment qu’on peut en faire ce qu’on veut ?

Pour certains, les progrès réalisés chaque jour dans les domaines de la santé, de l’énergie ou encore des transports, s’appuyant sur la révolution du numérique, sont le gage de notre capacité collective à améliorer notre confort de vie au profit de tous. Pour d’autres, notre course effrénée vers le « mieux » nous conduit au contraire inéluctablement, à terme, vers la disparition de notre civilisation, comme tant d’autres avant nous...

De façon pragmatique, il est pourtant des individus convaincus que l’avenir se construit avant d’être subi, et que nous restons capables de le dessiner sous réserve de l’avoir pensé. Telle est la mission que s’est assignée le Forum des Civilisations Numériques (ou Ci’Num), porté conjointement par la FING (Fondation Internet Nouvelle Génération) et AEC (Aquitaine Europe Communication).

Le concept de « Civilisations Numériques » décrit l’ensemble des valeurs, créations sociales, institutions, forces économiques, etc. qui sont issues de la rencontre et de l’intégration croissante entre les univers physiques et virtuels, et ce à l’heure où informatique, nanotechnologies et biotechnologies convergent. Il ne s’agit donc pas seulement de progrès technologique et d’innovation, mais aussi de la façon dont la culture et l’ensemble du corps social sont influencés par l’évolution des technologies et les logiques économiques qui en découlent. L’autre spécificité des Civilisations Numériques, c’est que le pouvoir n’est pas seulement aux mains des institutions et des corporations, mais aussi des individus et des communautés. Elles sont influencées par les ruptures technologiques, mais aussi les tendances lourdes en matière d’urbanisme, d’écologie, sans oublier les évolutions sociologiques majeures (telles que le vieillissement des populations), se retrouvant ainsi confrontées à des enjeux sans précédent.

Pour autant, vouloir bâtir le futur ne s’improvise pas, et il n’est pas du tout acquis que nous ayons la capacité intellectuelle et technologique à définir ou redéfinir notre rapport au monde et aux autres, ni à maitriser un progrès scientifique qui nous dépasse souvent, modifiant par exemple en profondeur notre rapport à la nature. La question est de savoir si nous saurons le catalyser pour en maîtriser les effets (qu’ils soient favorables ou non) pour nous assurer qu’il conduit à des résultats positifs, et sous réserve qu’on l’on s’entende sur ce qui est « positif »... De façon plus générale, il s’agit de définir les moyens permettant de toujours faire les meilleurs choix, quel que soit notre futur, et ce en tenant compte de nos différences culturelles, géopolitiques, économiques.

Dans ce but, le Ci’Num a choisi une démarche originale en 3 temps, répartis sur 3 ans, alliant données factuelles, analyse rationnelle et exercices de créativité :

- En 2005, l’ambition était de dresser un premier constat sur l’état du monde, pour identifier les opportunités, les potentiels, les conflits, les risques, les résistances et les profonds changements issus de la numérisation et de la mondialisation ;

- En 2006, l’heure était venue de déterminer les « scénarios du futur », résultat d’un travail collaboratif de prospective, qui a permis d’élaborer et de sélectionner 10 « histoires » sur le devenir des civilisations numériques en partant du constat dressé en 2005. Celles-ci ont donné lieu à la rédaction de 4 scénarios regroupant les grands virages que nos civilisations sont susceptibles de prendre au cours des 20 prochaines années ;

- En 2007, enfin, ce cycle d’échanges a pu être conclu en identifiant les 7 défis majeurs auxquels nous sommes confrontés pour faire de notre avenir un succès au bénéfice de tous, mais aussi et surtout commencer à bâtir les plans d’actions qui devraient nous permettre de les relever. L’heure est donc au choix et à la prise de décision pour faire en sorte que nous soyons individuellement acteurs de notre avenir collectif, plutôt que spectateurs, en dépit des contraintes qui s’imposent à nous.

A l’heure où beaucoup se contentent de tirer des conclusions brutales sur des problèmes complexes qui leur échappent, il m’a paru intéressant que certains osent prendre le temps nécessaire à une analyse pourtant peu évidente. Loin des contraintes du quotidien et de sa course contre la montre, 150 participants venus du monde entier (Belgique, Canada, Chine, Corée, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Sénégal, etc.) ont accepté de jouer le jeu de cette troisième et ultime édition et de se « mettre au vert ».

Plusieurs éléments m’ont paru remarquables dans la façon dont la réflexion était structurée :

1. Le cycle de réflexion dure 3 ans au total, ce qui permet de ne pas laisser influencer les échanges avec des événements conjoncturels. Chacun a le temps d’assimiler et de digérer les riches débats d’idées d’une année à l’autre, pour revenir fort de nouvelles propositions, mises en perspective avec l’évolution du monde.

2. « Experts » et novices sont placés sur un pied d’égalité. Bien qu’alimentés par une vingtaine de « Concepteurs du futurs », dont la mission consistait à enrichir la discussion par leur connaissance et leur maîtrise des grands enjeux de notre époque, j’ai pu observer que les débats parfois passionnés, souvent rationnels, profitaient pleinement de la diversité des participants et parfois de leurs contradictions.

3. La méthode rigoureuse retenue pour chaque édition a été un élément-clé permettant d’être précis et de s’en tenir aux objectifs fixés. Dans ce type d’exercice, le risque est réel d’en arriver à des échanges stériles, annihilés par des généralités peu productives. Pour éviter ce biais, les groupes de travail avaient chacun une feuille de route précise, et devaient terminer leur demi-journée en ayant produit un certain nombre d’idées concrètes sur la base de méthodes de créativité classiques, idées qui se trouvaient alors être partagées avec tous dans le but de préparer la journée suivante.

In fine, Ci’Num se contente d’appliquer une méthode simple pour distinguer le bon grain de l’ivraie : la distillation. Certes, cela demande de la patience, mais il est judicieux de prendre le temps nécessaire à l’analyse si l’on veut prétendre contribuer au développement harmonieux de nos civilisations, en définissant un plan d’action exhaustif et réaliste à la fois.

Pour autant, le plus dur reste à faire : mettre en musique les plans d’action qui ont été définis. Seuls les politiques et les entrepreneurs peuvent désormais prendre la main pour donner vie à ces projets, et ce alors qu’ils étaient malheureusement peu représentés dans une assemblée plutôt universitaire. Sauront-ils s’approprier les idées proposées par les participants du Ci’Num 2007 ?

C’est là tout l’enjeu, car il n’y a guère que deux façons d’influencer le cours du monde :

- la première option consiste à être mû par un idéal de société qui dépasse les clivages traditionnels, et conduise à rassembler des volontés politiques pourtant souvent antagonistes ;

- la seconde tient à l’appât du gain qui incite certains entrepreneurs à redéfinir les rapports de force de nos sociétés sur la base de modèles économiques originaux leur permettant à la fois de s’enrichir et de contribuer à améliorer la situation de la collectivité dans son ensemble.

L’avenir nous dira qui des politiques ou des entrepreneurs seront les plus prompts à mettre en œuvre les recommandations du Ci’Num...


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Auteur de l'article

Alexis Broders


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