Les inégalités croissantes d’accès aux services publics
Si vous résidez sur le territoire de Belfort, vous obtiendrez une carte d’identité en une journée. Si vous habitez dans les Bouches-du-Rhône, il vous faudra attendre 191 jours ! Un rapport parlementaire a établi le premier palmarès des préfectures. Mais les inégalités aux services publics se développent aussi ailleurs, par décisions du gouvernement...
Marc Le Fur, député breton (UMP, Côtes-d’Armor) a présenté un rapport le 30 octobre par lequel il dresse un classement des préfectures en fonction de leur efficacité. Il en ressort de très fortes disparités d’un département à l’autre. A Belfort, vous obtenez une carte d’identité ou un passeport électronique en une journée. En Seine-Saint-Denis, les délais sont trente fois plus longs pour ce document mais extrêmement courts pour l’obtention d’un permis de conduire, pour lequel la préfecture de l’Ardèche mettra 38 jours. L’étude porte sur l’année 2006, mais le gouvernement a encore aggravé la situation par son inaction ou ses réformes. Ainsi, la gratuité instaurée le 1er janvier 2007 pour la délivrance des passeports électroniques aux mineurs de moins de 15 ans a embouchonné la préfecture du Bas-Rhin. La préfecture des Bouches-du-Rhône a connu de graves difficultés auxquelles l’Etat n’a pas remédié. Résultat : 191 jours pour obtenir une carte d’identité !
Voilà pour les préfectures, mais les réformes en cours de la carte judiciaire et de la carte sanitaire vont aussi éloigner les services publics des usagers par la suppression de nombreux tribunaux et services de soins. Comme si cela ne suffisait pas, la suppression de tribunaux pourrait se traduire par une restriction de l’accès à l’aide juridictionnelle. Lors du débat à l’Assemblée nationale sur le projet de budget de la justice le 15 novembre, Rachida Dati, a évoqué la possibilité d’instaurer "un ticket modérateur ou une franchise sur l’aide juridictionnelle". Martin Hirsch a immédiatement fait connaître son désaccord, mais en disant que ce n’était pas "le moment de faire" une telle réforme. Ce qui laisse supposer qu’il est d’accord, mais pas tout de suite, pour s’attaquer à cette aide dont profitent les justiciables aux faibles revenus. On pourra objecter l’absurdité de la mesure d’un ticket modérateur pour une aide qui est le plus souvent partielle. Une réduction de la partie prise en charge aurait été plus simple, mais bon ! Nous sommes au pays des Shaddocks...
Enfin, est-il juste d’éloigner les personnes âgées de services de proximité du fait de la libéralisation des services publics ou des réformes des cartes sanitaire et judiciaire ? Est-il juste de priver les plus démunies d’entre elles de l’accès au service public télévisuel en les obligeant, parfois, à se séparer de leur poste de télévision ? Puisque les personnes âgées aux revenus modestes, jusqu’ici exonérées de cette taxe, devront en payer la moitié en 2008 et la totalité dès 2009 avec leur taxe d’habitation.
Cet amendement vise à "faire entrer progressivement ces personnes dans le droit commun", dit le rapporteur du budget médias Patrice Martin-Lalande. Dans le droit commun ou dans le droit chemin ? Tant le discours contre les profiteurs de toutes espèces dominent dans la "France d’après". On pourrait multiplier ainsi les exemples : les banlieues laissées à l’abandon avec, pour 2008, des coupes claires dans le budget de la politique de la ville. Et d’autres mesures à venir comme les nouvelles franchises médicales qui ne feront qu’aggraver ces inégalités.
Le principe d’égalité des citoyens est mis à mal à chaque fois que le gouvernement néglige un problème grave ou prend une mesure "sociale nouvelle". Mais laissons le dernier mot au député marc Le Fur, auteur du rapport cité en introduction, qui écrit sur son blog :
"Carte judiciaire : deux poids, deux mesures entre la province et Paris" :
"Toute réforme nécessite l’équité. C’est encore le cas pour une réforme de la justice. Les Français savent faire des sacrifices quand ils n’ont pas le sentiment d’être les seuls à les faire. Pourquoi n’y aurait-il pas regroupement des tribunaux d’instance de Paris comme cela a été le cas en Province ? L’économie dégagée permettrait de financer les Maisons de la justice et du droit en province. C’est la raison pour laquelle avec plusieurs députés provinciaux je propose un amendement au Projet de loi de finances 2008 qui consiste à réorganiser la carte judiciaire à Paris et à transférer ainsi six millions d’euros destinés au financement des « Maisons de la justice et du droit ». Ce ne serait que justice. (Marc Le Fur, député des Côtes-d’Armor, vice-président de l’Assemblée nationale : son blog ici.)
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