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Accueil du site > Tribune Libre > Vous avez dit gouvernance ?

Vous avez dit gouvernance ?

La notion de « gouvernance » m’a toujours intrigué, du moins depuis son émergence, son succès et sa généralisation dans le domaine des affaires et son extension dans la sphère politique nationale, européenne, mondiale. L’inflation de cette notion pose problème. Est-ce un concept novateur ou une nouvelle invention de la novlangue néolibérale ?

Comme un certain nombre de termes français anciens (il est utilisé au XIIIe siècle comme équivalent de gouvernement - l’art et la manière de gouverner), il passe en anglais (governance) au siècle suivant avec la même signification. Puis il tombe en désuétude. Ce terme fleurit vers la fin des années 80 : c’est la Banque mondiale qui généralise son emploi puis le Fonds monétaire international (FMI) et le Programme des Nations unies pour le développement. Il migre parallèlement dans le domaine de la gestion d’entreprise (associé à management), puis de l’administration, de l’Etat, dans le vocabulaire de base des administrations bruxelloises (1).

En fait, cette notion émerge un peu plus tôt. Elle "est apparue il y a plus d’un demi-siècle chez les économistes américains. Ronald Coase, jeune économiste, publie en 1937 un article, The Nature of the Firm, dans lequel il explique que la firme émerge car ses modes de coordination interne permettent de réduire les coûts de transaction que génère le marché ; la firme s’avère plus efficace que le marché pour organiser certains échanges. Cette théorie, redécouverte dans les années 70 par les économistes institutionnalistes, et en particulier par Olivier Williamson, débouche sur des travaux qui définissent la gouvernance comme les dispositifs mis en oeuvre par la firme pour mener des coordinations efficaces qui relèvent de deux registres : protocoles internes lorsque la firme est intégrée (hiérarchie) ou contrats, partenariat, usage de normes lorsqu’elle s’ouvre à des sous-traitants. Le terme corporate governance, qu’on peut traduire par gouvernance d’entreprises, va ensuite être utilisé dans les milieux d’affaires américains tout au long des années 80. » (MC Smouts)

Dans les années 80, c’est la pensée politique anglaise qui s’empare de cette notion pour repenser une séries de réformes des pouvoirs locaux, jugés inefficaces et dispendieux. Puis elle est devenue, dans les années Blair, l’outil commode pour désigner une pratique de gestion politique courante, dont on a déjà décrit les modes de fonctionnement par ailleurs (2).

Il existe des notions comme celle-ci qui deviennent si communes qu’on a oublié dans quels contextes elles sont nées, comment elles se sont forgées, à quels titres on les a utilisées, à quels contextes idéologiques elles se réfèrent. Car les mots, dans ces domaines, sont loin d’être innocents, neutres, purement « techniques ». De telles notions sont porteuses de vision du monde et de rapports sociaux, d’options politiques implicites. Qu’on songe à celles qui sont devenues si courantes qu’on ne les remarque même plus, qu’on ne les interroge plus, comme « demandeurs d’emploi », « modernisation », « ouverture du capital », etc., qui véhiculent des points de vue économiques très particuliers...

Si l’on va au fond des choses, on s’aperçoit que la notion de gouvernance sous-entend le plus souvent une remise en question, celle de « revoir l’ensemble des règles, des procédures et des pratiques qui affectent la façon dont les pouvoirs sont exercés ». Elle implique une contestation des formes traditionnelles et constitutionnelles de la démocratie représentative et induit parfois un glissement vers des formes de privatisation de la décision publique. Elle paraît donc en phase avec le développement des formes de gestion néolibérales en cours depuis les années 80. Elle permet de repenser le rôle de la « société civile » dans le fonctionnement de la politique, de mettre la logique des intérêts particuliers au cœur de la gestion étatique, et d’affaiblir le pouvoir politique, les notions de souveraineté et de citoyenneté, de ramener la gestion des hommes à celles des choses, de donner la priorité au court terme sur le long terme, d’installer la logique de l’entreprise au cœur même du politique. Elle consacre, comme le blairisme le montre avec clarté, une intrumentalisation du politique au service d’une libéralisation, qui limite le rôle du gouvernement et du parlement, qui fait entrer des acteurs non-gouvernementaux dans le processus de décision politique, qui vise à privatiser les services publics par l’installation d’une déréglementation purement « économiste ».

La «  bonne gouvernance », explique Marie-Claude Smouts, directrice de recherche au CNRS, c’est « un outil idéologique pour une politique de l’Etat minimum ». Un Etat où, selon Ali Kazancigil, directeur de la division des sciences sociales, de la recherche et des politiques à l’Unesco, « l’administration publique a pour mission, non plus de servir l’ensemble de la société, mais de fournir des biens et des services à des intérêts sectoriels et à des clients-consommateurs, au risque d’aggraver les inégalités entre les citoyens et entre les régions du pays ». En bref, l’habillage institutionnel des plans d’ajustement structurel et du « consensus de Washington ». Dans un autre domaine, celui de l’entreprise, la corporate governance, ou «  gouvernement d’entreprise », est la nouvelle dénomination de la dictature des actionnaires, qui aboutit aux licenciements de convenance boursière dans des firmes pourtant prospères comme la division LU de Danone ».

« Une addition d’intérêts privés, même légitimes, ne fait pas l’intérêt général, d’autant que certains de ces intérêts sont plus égaux que les autres : entre la Table ronde des industriels européens (ERT), qui a ses entrées dans les principales directions générales de la Commission et qui, parfois, rédige même leurs projets de directives, et une association ou un syndicat que l’on écoutera poliment, la balance n’est évidemment pas égale.

Le peuple, compris comme l’ensemble des citoyens, est le grand absent. Le grand paradoxe de la gouvernance est qu’on nous propose d’élargir la démocratie à la société civile, alors que celle-ci est précisément cet ensemble de relations dans lequel les individus ne sont pas des citoyens, mais de simples vecteurs d’intérêts particuliers. On n’est citoyen que comme membre du peuple souverain. Les prérogatives qui placent la loi, expression de la volonté du souverain, au-dessus de l’intérêt privé, sont la seule garantie contre l’inégalité et contre la domination des plus faibles par les plus forts. »

CONCLUSIONS :

L’usage de la notion de gouvernance est donc très ambivalent ; elle peut avoir un aspect purement gestionnaire ou un aspect plus politique.

« La gouvernance met l’accent sur plusieurs types de transformation des modalités de l’action publique :

-1) la gouvernance constitue, pour certains, un instrument au service de la poursuite de la libéralisation des sociétés dans la mesure où elle consiste à limiter le rôle des gouvernements et à faire entrer dans le processus de décision des acteurs non-gouvernementaux en privatisant les entreprises et certains services publics, en dérégulant et en déréglementant. Les tenants d’une approche "économiciste", gestionnaire de la gouvernance, dissimulent fréquemment leurs intentions qui ne sont autres que l’extension du marché capitaliste ;

-2) pour d’autres, principalement ceux qui développent une approche en termes de pouvoir, la gouvernance est perçue comme une voie ouverte à la démocratisation du fonctionnement étatique, à la mobilisation civique et aux initiatives locales et citoyennes.

En limitant la gouvernance à une approche utilitaire, gestionnaire, on passe sous silence l’analyse des intérêts socio-politiques, des rapports de pouvoir et d’hégémonie, des conflits politiques qui marquent l’évolution des relations internationales. Les questions liées à la souveraineté, telles que "qui est en droit de commander ?", "selon quelles modalités ?", "dans le cadre de quelle structure de participation politique ?", sont évincées au profit de questions ayant trait aux modes de régulation en tant que tels. Les questions relatives aux Etats qui ne participent pas au processus, à la coordination entre les différents sous-systèmes fonctionnels et à la finalité de la gouvernance ne sont pas posées. Or, ces questions peuvent remettre en cause la notion de gouvernance mondiale telle qu’elle est conçue par les organisations internationales.

En effet, pour Marie-Claude Smouts (4), on ne peut pas parler de gouvernance mondiale dès lors que la régulation internationale se fait entre un nombre limité d’Etats, de sociétés privées et d’élites partageant le même code de communication, celui du libre-échange et de la conception occidentale des droits de l’homme. De nombreux Etats sont en effet exclus de la construction de l’ordre mondial. La gouvernance globale qui est définie par la Commission du même nom comme "la somme des différentes façons dont les individus et les institutions, publics et privés, gèrent leurs affaires communes" est encore moins avérée car elle suppose que soit mise en place une organisation centralisée guidée par des principes d’action commun comme l’équité, la sécurité ou la redistribution. Or, pour l’auteur, la gouvernance repose au contraire sur une prolifération de modes d’organisation, de niveaux et d’instances de décision. Rien n’indique que l’ensemble de ces configurations ne débouche sur un programme d’action cohérent répondant aux objectifs de toute l’humanité.

De même, la gouvernance exige la participation des citoyens aux affaires publiques et le contrôle des détenteurs du pouvoir politique. L’émergence sur la scène politique des ONG, des experts et des bureaucraties transnationales, des réseaux locaux et régionaux nécessite que soient développées des réflexions sur les procédures de participation politique et de contrôle des instances du pouvoir. Enfin, les finalités de la gouvernance mondiale, à savoir la suppression des entraves au libre fonctionnement du marché au niveau mondial, ne sont pas explicitées.

Or, la problématique de la gouvernance mondiale a été accaparée par des institutions internationales qui en ont fait un outil au service de l’idéologie néo-libérale. Il y a cependant de la place pour de nouvelles études sur la gouvernance qui posent le problème d’institutions internationales mieux adaptées aux évolutions du monde contemporain. De nouvelles institutions devraient voir le jour pour gérer et prévenir les conflits, rétablir et maintenir la paix dans le monde, promouvoir et protéger les droits élémentaires ou, de manière plus prosaïque, assurer la stabilité économique et lutter contre les effets d’une spéculation effrénée. Ceci nécessite peut-être la mise en place de mécanismes de régulation qui restaurent certaines entraves au libre fonctionnement d’un marché tout-puissant

En fait, les organismes de financement internationaux ont eu tendance, dans leur discours, à opposer de façon artificielle l’Etat à la société civile. Ils ont laissé entendre que l’affaiblissement de l’Etat était nécessaire à l’émergence d’une société civile, capable de prendre part à la réforme d’institutions politiques figées. La privatisation et la décentralisation ont été abusivement présentées comme permettant de renforcer l’esprit d’initiative des populations, leur autonomie et leur participation au développement de leur pays. Les réformes institutionnelles recommandées au nom de la bonne gouvernance ont donc été associées de manière quelque peu abusive à la défense de la démocratie. »

« Sous des allures idéalistes et utopistes, la gouvernance pourrait bien dissimuler le plus sournois des libéralismes » (MC Smouts)

-(1) http://fr.wikipedia.org/wiki/Gouvernance

-(2) http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=31667

-(3) http://www.monde-diplomatique.fr/2001/06/CASSEN/15272

-4) http://www.institut-gouvernance.org/fr/document/fiche-document-36.html

-(5) http://www.er.uqam.ca/nobel/ieim/IMG/pdf/canet-mars-2004.pdf

-(6) http://www.france.attac.org/spip.php?article832


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37 réactions à cet article    


  • ZEN ZEN 20 décembre 2007 11:20

    @ Rédaction Agoravox

    Merci de rétablir les passages soulignés, certains guillements oubliés, et ma coquille de la citation finale( dernier mot :« libéralisme ») Merci


    • alberto alberto 20 décembre 2007 11:42

      Très bien, Zen, pas grand chose à ajouter sinon pour aller dans ton sens : une bonne gouvernance consiste à faire dire au citoyen ce que l’on a envie d’entendre, sinon, on s’en passe...

      La bonne gouvernance passe aussi par la mise en place d’une multitude de comités Théodule dont les avis seront probablement contradictoires accompagné de la promulgation de milliers de lois, réglements et autres directives se percutant et s’anihilant les uns les autres : moyennant quoi, le décisionnaire aura les mains libres et pourra faire ce que bon lui semble !

      Tiens : ça ne te rappelle pas quelque chose ?

      Bien à toi.


      • snoopy86 20 décembre 2007 12:01

        @ Zen

        Bon article

        La réutilisation récente de ce mot de gouvernance hors de sa signification originelle m’agace profondément.

        Une question : JP Raffarin n’est-il pas un des coupables ?


        • ZEN ZEN 20 décembre 2007 12:16

          @ snoopy86

          Salut,

          Comme toi, ce mot me hérissait...et le problème me turlupinait.C’est pourquoi j’ai tenté de d’y voir plus clair, par cette modeste contibution. Il est éclairant de faire l’analyse des notions.Derrière les mots, on trouve bien des choses...


          • Marsupilami Marsupilami 20 décembre 2007 12:40

            @ Zen

            Bon article. Il faut d’urgence substituer la gouvernitude de gôche à la gouvernance de drouhâte.

            « Un peuple qui doute n’est pas un peuple qui marche ». Damned ! Aurais-je déjà la nostalgie des Raffarinades ?


            • Francis, agnotologue JL 20 décembre 2007 13:10

              Bonjour Zen. Très bonne analyse du problème posé, et même au delà. Et qui donne matière à réflexions.

              La première qu’il me vient : Une entreprise privée pour améliorer sa rentabilité est amenée à externaliser certaines de ses tâches de ses fonctions. L’Etat libéral n’externalise pas, il se dépossède en privatisant.

              Une entreprise est sensée faire des bénéfices. Qui seraient les bénéficiaires des bénéfices de l’Etat libéral ? un début de réponse est à trouver dans la formule :« privatisation des profits, socialisation des pertes ». L’Etat libéral est une machine à créer de l’inégalité. Michel Rocard l’a dit un jour : la redistribution se fait à l’envers.

              En vertu de ces considérations, ainsi que d’autres à développer peut-être, l’Etat libéral serait une anti-SA, le négatif d’une entreprise capitaliste, une méta entreprise : une mère-état-providence au service des entreprises à qui elle donne « à chacun selon ses besoins ».

              Et la gouvernance ? Bonne question que vous posez là : peut-être l’art de nous faire prendre à nous simple citoyens bercés dans l’illusion de la souveraineté, des vessies pour des lanternes.


              • Annie 20 décembre 2007 13:24

                Merci Zen pour cet article. Il a le mérite d’aborder une question qui est rarement débattue ces jours, le rôle des ONG dans la promotion de certains groupes de la société civile, aux dépens d’autres qui sont moins alignés sur leur projet de société. Je connais surtout la littérature anglo-saxonne à ce sujet, avec des organisations comme Global South, qui sont très critiques des ONG, d’abord, parce que dans la pratique, elles considèrent qu’elles fragmentent la société et les revendications sociales en une multitude d’intérêts corporatistes, à savoir, les femmes, les petits producteurs etc. qui sapent le pouvoir de négociation des syndicats lorsqu’ils existent et interdit tout rassemblement national autour d’un thème mobilisateur. Les ONG se drapent également dans un rôle de négociateurs entre gouvernements et citoyens, désarmorçant toute vélléité de confrontation, confrontation comme des grèves par exemple, qui dans des pays comme les nôtres ont débouché sur des acquis sociaux. L’autre point concernant les ONG et la gouvernance, est le soutien que certaines ONG (Oxfam) par exemple ont accordé à la Banque Mondiale sur la question de gouvernance dans les pays en développement, débouchant sur le détournement des budgets de l’aide au développement vers des pays à « bonne gouvernance », c’est à dire vers des pays où il y a peut-être moins de corruption, mais aussi des pays plus malléables, qui acceptent le principe des services publics payants (eau et santé) et qui ne renaclent pas devant les ajustements structurels qui portent aujourd’hui un autre nom. L’expression « société civile » est utilisée à toutes les sauces, comme gage de l’implication des citoyens dans la gouvernance de leur pays. En fait bien souvent ces organisations de la société civile incarnent la privatisation des services publics, et une diminution du rôle de l’état, et de ses responsabilités envers ses ressortissants.


                • Francis, agnotologue JL 20 décembre 2007 14:26

                  Intéressant commentaire d’Annie et qui arrive à point nommé juste après le mien pour me faire prendre conscience que ces ONG réalisent en fait une sorte d’externalisation des fonctions de l’Etat libéral, en ce qu’elles contribuent à nous faire prendre des vessies pour des lanternes.


                • Annie 20 décembre 2007 14:59

                  Merci Zen pour ce document. La grande force de MSF (et je suis très partiale à ce sujet) est la qualité de son analyse et de sa réflexion. L’organisation décrit l’action humanitaire comme un geste subversif. Elle refuse de se laisser séduire par le discours développemental, parce que dans la pratique, l’humanitaire pour des ONG dîtes humanitaires comme Oxfam est subordonné à des objectifs politiques et de développement, et implique donc une proximité incestueuse avec les donateurs, gouvernements et institutions internationales confondus, qui ont de plus en plus tendance à dicter les règles d’engagement. Par exemple au Darfour où les ONG ont attendu avant d’intervenir et porter secours aux populations déplacées parce qu’elles ne voulaient pas compromettre les négociations de paix entre le Sud et le Nord ; Certaines de ces ONG ne sont ni plus ni moins que des « contractors », c’est-à-dire des sous-traitants des gouvernements, surtout dans un climat de concurrence acharnée, où il est de plus en plus difficile de mobiliser des fonds auprès du public, sauf pour les urgences hypermédiatisées comme le tsunami asiatique. A cela s’ajoute le risque de la privatisation des projets de développement avec l’incursion des capitaux privés dans ce secteur, par exemple la Fondation Gates. Cela nous éloigne un peu du sujet de la gouvernance, bien que dans une certaine mesure, ce projet de gouvernance est aussi une tentative de ramener au bercail des ONG qui au départ incarnaient une remise en cause de l’ordre établi.


                • ZEN ZEN 20 décembre 2007 14:07

                  @ Annie

                  Très judicieuses remarques, mises au point et informations complémentaires. Merci !


                  • ZEN ZEN 20 décembre 2007 14:20

                    Voici un document qui va peut-être dans votre sens, même s’il reste relativement équilibré à mes yeux :

                    http://www.ceri-sciences-po.org/archive/march04/artsc.pdf


                    • Black Ader 20 décembre 2007 15:01

                      « « Sous des allures idéalistes et utopistes, la gouvernance pourrait bien dissimuler le plus sournois des libéralismes » (MC Smouts) »

                      Arf ! Que ca plaise ou non, le monde est LIBERAL, et rien n’est sournois la dedans, on vous le répete sur tout les tons, et vous n’avez pas l’air de le comprendre : que cela vous plaise ou non, vous allez y passer.


                      • Vilain petit canard Vilain petit canard 20 décembre 2007 15:17

                        Merci Zen pour cette clarification d’une terme passablement fumeux, déjà bien entamé par notre Jean-Pierre R. national. Il faut avouer que quand on entend quelqu’un parler de gouvernance, il est clair qu’il veut surtout dire « gouverner le moins possible ». Pour moi c’est la remise au goût du jour (à la mode ?) d’un terme un peu désuet (comme obsolète ou jubilatoire, en leur temps), mais au service d’une idéologie du non-gouvernement qu’on trouve surtout chez les ultra-libéraux, qui veulent tout gouverner sans que personne ne les gouverne...

                        En attendant la gouvernitude... ?


                        • niko74 niko74 20 décembre 2007 17:27

                          merci zen, j’ai beaucoup aimé.j’ai aussi adoré le commentaire d’alberto.J’éspère que mon premier article passera la validation agoravoxienne, il devrait vous plaire. au menu : la biographie d’Edward Bernays et son livre récemment édité en France : « propagande : comment manipuler l’opinion en démocratie » un classique des années 30, chéri par ce bon vieux joseph Goebbels qui devrait être un programme des manuels scolaires. Comment noyer le poisson à la sauce comité ceci, association cela, parti politique par ci, syndicat par la, on s’achete une station de radio, on achete un journal et on le finance avec sa propre pub...et pendant que tout ce beau monde qu’est la populasse, se gausse d’un débat démocratique et accusent les politiques, on continue tranquillemnt à vendre mondialement des armes, de l’énergie, de l’eau potable et des biens de consommation industriels (voitures, etc..) à tous les camps en ramassant de belles mises à tous les niveaux. la gouvernance.


                          • ZEN ZEN 20 décembre 2007 17:51

                            Niko 74

                            Intéressant votre projet d’article.Edward Bernays est en effet quelqu’un à lire de près pour comprendre les ressorts de toutes les propagandes...Je ne l’ai pas encore lu, c’était en projet . J’attends donc votre papier avec impatience...


                          • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 23 décembre 2007 00:01

                            @ Niko74 : Je crois que personne mieux que Bernays n’a réussi à tant changer le « gouvernance », justement, en passant quasi inaperçu.. Je cours voir cet article.

                            Pierre JC Allard


                          • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 23 décembre 2007 00:31

                            Niko74 : Je ne trouve pas votre article sur Bernays dans l’espace modération. A-t-il été publié ?

                            PJCA


                          • niko74 niko74 3 janvier 2008 18:06

                            merci de vous en inquiéter. mon article a d’abord été refusé pour fautes de syntaxe. je ne pouvais néanmoins pas le modifier depuis mon interface de rédacteur. Je l’ai donc corrigé sur mon pc et je l’ai ressoumis comme nouvel article...depuis plus rien. peut être pouvez vous m’aider ? D’avance merci.


                          • wiztricks 20 décembre 2007 17:34

                            Très bon article.

                            Ceci dit, quelle que soit l’organisation il faut bien que des décisions soient prises en fonction des évènements.

                            De façon simplissime, c’est de cette fonction que relate la notion de « gouvernance ».

                            Spécifique à chaque organisation, cette fonction pourra être plus ou moins opaque.

                            Parler de « gourvernance » sans préciser ce que cela recouvre n’est souvent qu’un euphémisme. Il s’agit d’introduire ce que devrait être une « bonne gouvernance ».

                            - w


                            • Forest Ent Forest Ent 20 décembre 2007 19:55

                              Article intéressant.

                              Il s’agit à mon avis d’un jeu dialectique qui consiste à utiliser le vocabulaire comme une arme à double tranchant.

                              J’ai surtout entendu ce mot dans le contexte « bonne gouvernance » par opposition à la ... réalité.

                              Par exemple, quand il y a une crise financière, on dit « il faut des pratiques de transparence et de bonne gouvernance » pour signifier :

                              - les petits problèmes que vous voyez ne sont pas consubstantiels au système ; ils proviennent de biais qui peuvent être résolus ; la solution passe par un renforcement de ce système ; elle doit être établie par ceux qui font marcher ce système, seuls sachants ; d’ailleurs cette solution existe presque, puisqu’on a un mot pour la définir ; tout le monde devrait appliquer cette solution, même ceux qui sont en dehors du système et n’ont jamais eu de « mauvaise gouvernance » : ils n’ont pas eu de « bonne gouvernance » puisqu’ils ne savent pas ce que c’est eux ; d’ailleurs s’ils ne comprennent pas ce que c’est, ils n’ont qu’à nous demander à nous ... les sachants ... les gens qui comprennent le système.

                              On voit ce genre de vaporware dans tous les domaines. C’est comme la « qualité totale » ou « l’entreprise socialement responsable ». Ca fait vivre les boîtes de conseil.


                              • ZEN ZEN 20 décembre 2007 20:12

                                @ Forest

                                Bien vu. J’ai surtout voulu montrer que l’idée si soft de gouvernance permettait souvent de renvoyer à des problèmes « techniques » ce qui ne dépendait que de décisions politiques et de vider progressivement celles-ci de leur contenu (voir les méthodes de management de T.Blair, son « pragmatisme »,son « new management », son petit cercle de « spin doctors », l’effacement du rôle du parlement et le développement d’une’abstention populaire massive, qui ramène de fait le système électoral anglais à un système censitaire..la clé étant le jeu envahissant des intérêts privés dans l’espace politique..) Mais je ne vais pas refaire l’article.. Bonsoir


                              • Vilain petit canard Vilain petit canard 21 décembre 2007 09:39

                                Forest et Zen

                                De mieux en mieux vu. L’analyse de Zen me fait penser aux glorieux temps du communisme, ou tout échec était expliqué par le fait qu’on avait pas appliqué avec suffisamment de détermination le communisme. Le tout associé avec un baratin de consultant, ça donne la gouvernance, l’art d’entuber ou de faire taire celui qui proteste contre ce qu’il constate. L’équivalent de « mon pauvre ami, vous n’y connaissez rien... »


                              • Vilain petit canard Vilain petit canard 21 décembre 2007 09:44

                                Pour Blair, je suis absolument d’accord. On fait croire qu’il ne s’agit que de décisions strictement comptables ou techniques, alors qu’il s’agit de décisions politiques.

                                Actuellement, avec Sarkocircus, on remonte la machine d’un cran, et on nous fait passer la pilule, non plus au nom de la technique ou de la gestion, mais du bon sens (on connaît ses « ben moi j’vais vous dire c’que c’est çà », et autres « enfin c’est quand même pas normal que... »). Il n’y a même plus besoin de montrer l’apparence d’un raisonnement pour justifier une décision, il suffit de l’affirmer directement comme évidente.

                                En attendant « c’est comme ça et pas autrement, et c’est parce que. »


                              • Le péripate Le péripate 20 décembre 2007 21:21

                                J’avais vu dans un article publié sur le site d’Attac que le concept gouvernance était apparu dans un discours de Mussolini. Dans une acceptation « organiciste » de la société, un concept où les décisions se prennent un peu comme dans un organisme. Franco en aurait aussi fait usage. A vérifier.


                                • Groseille 20 décembre 2007 23:59

                                  Article intéressant et original, qui me fait penser à cette très belle phrase de l’Abbé Lamenais (je crois) : « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, c’est la Loi qui libère et la liberté qui opprime. »


                                  • ZEN ZEN 21 décembre 2007 00:10

                                    @ Le Péripate

                                    Bonjour. Je l’ai lu moi aussi, mais je ne retrouve plus ma source

                                    Voici ce que dit g.Hermet dans un livre important qui vient de paraître :« L’hiver de la démocratie » :

                                    « Qu’est-ce que la « gouvernance démocratique » ? Celle-ci a des applications discordantes ; la gouvernance d’entreprise, la gouvernance locale, la bonne gouvernance des pays en développement, la gouvernance mondiale ou la gouvernance européenne entretiennent des rapports très divers avec la démocratie. En plus, les rapprochements avec le néo-corporatisme ou le modèle consociatif sont peu pertinents. Reste alors une piste à explorer non sans une pointe d’humour : les régimes à pluralisme limité, définis par Linz par référence à l’autoritarisme franquiste. Ces régimes visent l’optimum de Pareto, en n’admettant dans le cercle du pouvoir que des acteurs cooptés illustrant certes un certain pluralisme, mais, comme dans la gouvernance, un pluralisme fermé aux acteurs dysfonctionnels non cooptés. Cette gouvernance autoritaire préfigure-t-elle le régime démocratique de l’avenir ? »


                                    • ZEN ZEN 21 décembre 2007 00:21

                                      Pour faire plus clair, je reprendrais la conclusion du dernier lien donné en annexe, qui va droit au but :

                                      « La gouvernance se présente comme le projet de constitution politique le plus adapté au néo-libéralisme. Pour ce système de domination qui a depuis toujours dépassé la simple sphère économique l’heure est venue d’éliminer tout risque politique. Si avec l’AMI, les pouvoirs publics devaient se rendre au Diktat des pouvoirs financiers et renoncer à tout acte qui aurait pu les contrarier dans la poursuite de leur intérêt, la gouvernance va encore plus loin et prétend éliminer les dernières possibilités, si formelles soient elles, que les majorités sociales fassent entendre leur voix. Il ne suffit pas pour celà de se réunir à Qatar. Il faut liquider les fondements mêmes de la démocratie et ceci d’un air jeune et libertaire. Le projet d’une dévolution du pouvoir à la société civile signifie malgré les apparences la disparition de l’espace public où se déroule la participation politique des citoyens. L’espace public est remplacé par l’espace privé que constituent le marché et la « société civile ». Les marchandages et les accords privés qui ont lieu au sein de la société civile remplacent ces vieilles bagatelles que sont la loi et le principe de légalité. »


                                      • Francis, agnotologue JL 21 décembre 2007 08:58

                                        @ Zen, cette synthèse que vous faites là à l’issue de ce très intéressant débat mérite de figurer dans nos anthologies. Bonne journée


                                      • mathieu hangue 21 décembre 2007 10:23

                                        Merci pour cet article qui fait bien le point. Effectivement pourquoi parler de gouvernance alors qu’il y a des gouvernements ?

                                        En fait, chaque fois que des réglements sont demandés au niveau international - par des ONG, des syndicats - on nous répond gouvernance. Le terme gouvernance va de pair avec un autre terme très en vogue : le « code de bonne conduite ».

                                        Face à la demande croissante des citoyens de voir se mettre en place au niveau international, des lois et des réglements contraignants de protection des ouvriers et de l’environnement, la réponse est « Laissez-nuos faire on va mettre en place un code de bonen conduite »...

                                        Gouvernance est souvent synonyme de « tout sauf des réglements contraignants ». Gouvernance signifie souvent absence de volonté des gouvernements de prendre les choses en main et de réaffirmer la primauté du politique sur l’économique.

                                        MH


                                        • Daniel Roux Daniel R 21 décembre 2007 12:06

                                          Le glissement sémantique de la gestion et de l’organisation technique d’un structure sociale productive à une structure sociale politique est une pratique appréciée par les hommes politiques. Ces derniers sont toujours un peu complexés par rapport aux célèbres dirigeants de grandes entreprises. A juste titre car il faut bien admettre que les résultats de l’entreprise « France » sont remarquablement désastreux par rapport à beaucoup d’autres du même type.

                                          J’ai souvent écrit que le fait d’être élu ne transforme pas un tribun politique en expert socio-économique et que nos modes de sélections des candidats devraient être sérieusement revus.

                                          En l’occurence le terme « gouvernance » a été détourné par des hommes politiques notoirement inefficaces. Le but est de faire croire à la mise en place d’une organisation rigoureuse de l’Etat qui garantira (c’est comme si c’était fait) une efficacité maximum au-delà de toute idéologie passéiste.

                                          Ces mots émergents de la bouillie dont s’alimentent les experts sont en général anglo-saxons mais doivent avoir une résonnance famillière. Leur sens est approximatif pour ceux qui les emploie et surtout pour ceux à qui ils sont principalement destinés, les gens du peuple.

                                          Par exemple, le terme « managment » que tu signales, a connu son heure de gloire et continu à bien se maintenir sur le marché.

                                          Mais l’essentiel de ton article, si j’ai bien compris, est tout de même la substitution de la démocratie (le peu que nous ayons) par un gouvernement d’expert plus ou moins, mais plutôt plus que moins, liés aux grandes multi-nationales.

                                          Cette tendance lourde est organisée à travers les différents organismes internationaux que sont l’OMC, la Banque Mondiale, l’OCDE, la Commission Européenne, etc.. tous complices pour établir le Marché comme seul cadre et l’individualisme comme seule valeur.

                                          90% des lois votées à l’Assemblée sont des retranscriptions des décisions prises dans ces enceintes hors de tout contrôle démocratique.

                                          Et c’est bien là qu’est le problème : Comment se défaire de ce carcan construit par 4 générations politiques tous bords confondus pour retrouver le chemin de la démocratie et de l’intérêt public, tout en évitant l’isolement et la dictature ?

                                          Le concours de proposition est ouvert.


                                          • ZEN ZEN 21 décembre 2007 12:30

                                            Merci Daniel pour cette très claire mise au point, qui fait avancer le débat.Vous m’avez bien compris.

                                            « bouillie »sémantique un peu honteuse, écran de fumée commode pour masquer(mal) le déclin du politique, au sens noble.

                                            Je crois qu’en France , le virus est entré avec Fabius en 1983, lorsque le culte de l’entreprise(baptisée « citoyenne ») est devenu presque officiel,qu’il était devenu de bon ton d’ouvrir les institutions « sur la vie », où dans l’EN, des établissements étaient sommés de signer des contrats souvent« bidon » avec des entreprises partenaires, etc...où des maires parlaient de « vendre » leur ville...Toute une histoire à refaire de ce point de vue.

                                            Bien à vous


                                          • Annie 21 décembre 2007 12:59

                                            Je voudrai revenir dans le débat parce que tout ce qui a été dit jusqu’à présent est très juste, mais il me semble que cet attrait pour la gouvernance a aussi deux autres raisons d’être. La première est que malheureusement, nos hommes d’état aujourd’hui sont de moins en moins des penseurs, ou intellectuels, mais des gens qui suivent des filières extrêmement spécialisées et dont la réflexion est réduite à une approche économique et managériale, une approche de rentabilité. La deuxième qui à mon avis est plus psychologique, est que la gouvernance, les codes de conduite, la redevabilité, tout cela relève du désir de mettre de l’ordre dans le chaos. C’est pour cela que tout le monde fonctionne aujourd’hui aux cadres logiques, une pensée linéaire qui ne laisse aucune place aux imprévus, à l’incertitude, aux doutes. Je voudrai reprendre un commentaire de Vilain petit canard à propos de Blair, et pour avoir vécu de près cette époque, je ne pense pas que sa pensée libérale dérive d’un choix mais de ses propres limitations intellectuelles à voir le monde différemment. Le libéralisme est moins un complot délibérée qu’une déficience de pensée.


                                            • ZEN ZEN 21 décembre 2007 13:22

                                              Bonjour Annie,

                                              Pas un complot, bien sûr, mais l’effet d’un système néolibéral et , comme vous le soulignez, le produit d’une formation managériale à courte vue...Ce serait intéressant de voir comment on forme à l’ENA, à Sciences-Po

                                              « C’est pour cela que tout le monde fonctionne aujourd’hui aux cadres logiques, une pensée linéaire qui ne laisse aucune place aux imprévus, à l’incertitude, aux doutes. »

                                              Assez d’accord, et l’imprévu, c’est surtout le peuple, dont les réactions peuvent effrayer les « élites » en mal d’ordre et de lisibilité, qui ont fait l’impasse sur les contradictions sociales, comme les managers d’entreprise...pour gérer la complexité toujours croissante de nos sociétés que peu appréhendent et maîtrisent vraiment.


                                            • Vilain petit canard Vilain petit canard 21 décembre 2007 13:37

                                              Annie je suis asez d’accord avec vous, je crois qu’il s’agit plus de limitations personnelles des dirigeants que d’un grand complot organisé. Ou plutôt c’est mixte : certains manipulent, et d’autre sy croient, et le tout ça donne le foutoir ambiant. par exemple, pour prendre un exemple actuel, entre les deux « frères » autoproclamés (Arnaud Lagardère et Nicolas Sarkozy), y en a-t-il un qui manipule l’autre ? Ou les deux sont-ils dupes ?


                                            • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 22 décembre 2007 23:48

                                              Article tres intéressant. J’utilise le terme « gouvernance » dans un sens plus générique de processus de gouverner, entre autres dans texte ou conduit le lien ci-dessous, mais le contexte définit très bien votre thèse, à laquelle je souscrit parfaitement.

                                              http://nouvellesociete.org/714b.html

                                              Pierre JC Allard


                                              • ZEN ZEN 23 décembre 2007 10:12

                                                Merci, Pierre

                                                Le sens de certains mots doit sans doute varier de part et d’autre de l’Atlantique. Ce n’est pas la première fois que je le constate...Bon Noël !

                                                L’article de Niko74 est EN PREPARATION


                                                • Amada 7 juillet 2009 12:43

                                                  Bonjour ZEN


                                                  Et merci. Il faut effectivement surveiller le langage de très près.
                                                  Les universitaires ont mis en lumière le lien entre ce terme et le processus
                                                  de Bologne, en insistant sur la notion de processus qui va avec gouvernance.

                                                  Cordialement
                                                  Amada

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