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Chine, un capitalisme communiste

Une preuve que le capitalisme est un outil de l’économie est que la Chine communiste l’utilise. En 1978, Deng Xiaoping déclarait : « peu importe qu’un chat soit blanc ou jaune, du moment qu’il attrape des souris. » Les vieux chats ont laissé les jeunes chats jouer et, partie de rien, la Chine émerge dans l’économie mondiale. En trente ans, grâce à l’outil capitalisme, la croissance du PIB a été, en moyenne, autour de 9% par an. La politique, toujours dominée par le Parti communiste, commande l’économie, ce qui est très efficace dans les phases de reconstruction, comme la France de Napoléon III et celle du gaullisme des années 1960 l’ont montré.

Le 5e Plénum du Comité central du Parti communiste chinois s’est tenu mi-octobre 2005. Il a établi que, la société devenant plus complexe, l’économie ne pouvait plus être laissée à elle-même. « Maîtriser » la croissance sera l’objet du 11e plan 2006-2010, qui sera examiné selon trois principes : moins d’inégalités, une croissance plus durable, et des services sociaux.

La croissance trop rapide génère des inégalités qui mettent en danger la vie sociale et le système politique. Le slogan de 1990, « permettre à chacun de s’enrichir en premier », sera recentré au profit d’une nouvelle « prospérité commune », plus socialiste. Croître moins vite, et répartir plus, corrigeront les déséquilibres entre régions du littoral (riches) et celles de l’intérieur (enclavées et plus pauvres) ; villes (200 millions de travailleurs actifs relativement aisés) et campagnes (600 millions de travailleurs actifs pauvres) ; « très riches » (10 millions) et « exclus de la croissance » (250 millions). Le Plan prévoit un ralentissement de la croissance effrénée, pas un arrêt. L’objectif de doubler le PIB en dix ans subsiste, de 2000 à 2010 - ce qui signifie une croissance de 7,5% par an, quand même. Car subsiste une « armée de réserve » de centaines de millions de paysans, désireux de monter à la ville pour connaître les fruits du développement, et il y en a pour une génération. L’immigration intérieure, 140 millions de travailleurs selon Lin Yunshan, membre du Bureau politique, est un danger pour l’économie, par le dumping social, comme pour la société, par le déracinement, les frustrations et le quasi-esclavage qui l’accompagnent. Une expérience d’élection directe des candidats aux postes de secrétaires du Parti dans les villages est tentée depuis quelques mois dans la province de Canton, afin de « consolider la base du Parti », dont les cadres sont de plus en plus souvent accusés de corruption. Le Premier ministre a émis l’intention d’étendre ces élections directes dans les communautés de villages et dans les petites villes lors du 8e sommet Europe-Chine du 5 septembre dernier. Marxisme oblige, il faut attendre que la société mûrisse, pour étendre l’outil démocratie, à la chinoise.

La croissance aveugle a des effets pervers en gaspillant l’énergie, en polluant, en exigeant toujours plus d’importations de matières premières, poussant à la hausse les prix mondiaux. Le Parti veut favoriser les économies d’énergie, le souci de l’environnement et la moindre dépendance de l’extérieur. C’est ainsi que la Chine promeut un coton OGM de productivité supérieure, destiné à éviter les importations de matière brute. Les Chinois sont optimistes, comme tous les peuples jeunes, et font confiance à la technologie. La hausse brutale du prix du pétrole en 2005 a déjà un impact sur l’économie chinoise, car 40% du pétrole est importé (1/4 des importations US). La politique chinoise est donc de sécuriser et de répartir ses risques d’approvisionnements dans sa zone comme à l’extérieur. C’est ainsi qu’il faut comprendre les gesticulations militaires autour du bassin de gaz offshore de Chunxiao, en Mer de Chine, les négociations avec les Russes autour de l’oléoduc sibérien, et les accords avec le Pérou, le Venezuela, le Canada, comme les prêts à l’Afrique pétrolière (Nigeria, Gabon, Soudan et Angola).

La relative aisance apportée par le développement économique a pour corollaires une complexification de la société, et des fragilités qui doivent être prises en compte. Les inégalités subsisteront, mais le Parti devra promouvoir des aides à la santé, une sécurité sociale, une éducation et un système de retraite, dignes d’une société plus mûre. C’est dans ce contexte qu’intervient la décision de fermer une partie des mines de charbon chinoises les plus dangereuses, comme celle de Daxing dans la province de Canton, qui a fait des dizaines de morts en août 2005. Cet accident serait dû à la corruption des fonctionnaires responsables de cette mine d’État, et le gouvernement central a décidé de sévir durement. L’habitude des maquillages politiques se heurte de plus en plus aux nouveaux experts férus de faits. Par exemple, un rapport officiel du ministre de la santé Gao Qiang montre que 40% de la population n’a plus accès aux soins, devenus trop chers.

Le Parti tient à conserver sa légitimité en intégrant les nouvelles élites. En 1999, ont été ajoutées à l’idéologie du Parti communiste les « 3 représentations » : les forces productives les plus avancées (privé compris), la culture (scientifiques et techniciens inclus), et le « peuple tout entier » (ce qui relègue aux poubelles de l’histoire la lutte des classes). En est résulté un nationalisme autoritaire assez jacobin, sans élections libres, mais avec un écrémage élitiste par cooptation. Si près de 60% du PIB provient du secteur privé, les banques sont en quasi-totalité contrôlées par l’État, les mauvaises créances accumulées par l’économie administrée (30% du PIB) obligent. Une économie efficace réclame une meilleure concurrence du système financier, et un plus grand recours aux marchés, encore embryonnaires ; les obligations du privé n’y représentent que 1% de la dette.

La Chine prend conscience de son rôle international, à la mesure de sa fierté. Elle représente déjà 13% de la production mondiale. Le contrôle de l’épidémie de SRAS, l’amélioration des relations avec Taïwan, les pressions sur le nucléaire nord-coréen -tout en soutenant l’Iran parce qu’il est un acteur pétrolier important, la réévaluation du yuan en juillet 2005 pour ne pas accentuer les déséquilibres de l’économie internationale -tout en diminuant la volatilité des prix internes, montrent le nouveau rôle de la Chine. Le pays veut faire accepter sa montée en puissance pacifique et son intégration douce dans le jeu mondial, pour désamorcer le protectionnisme, toujours latent aux États-Unis et, par contagion, dans le reste du monde.

La Chine commence à dominer le monde - comme domine le Mont-Blanc - par sa seule masse. Demain, l’outil « capitalisme » sera manié à la manière chinoise. Nous devrons nous y faire.


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4 réactions à cet article    


  • Pascal (---.---.152.201) 29 octobre 2005 17:03

    Vous présentez une vision angélique et optimiste de la Chine et de son évolution.

    Par exemple vous écrivez : « une « armée de réserve » de centaines de millions de paysans, désireux de monter à la ville pour connaître les fruits du développement ». Les gens dont vous parlez sont les mingong. Ces travailleurs migrants sont davantage pousser à fuir la misère de leur condition qui s’est considérablement dégradée au cours des 15 dernières années qu’ils ne sont « désireux de monter à la ville » où ils vivent dans des conditions d’une extrême indigence. Ils sont au degré zéro de la condition ouvrière. Par ailleurs, voici un autre indicateur : 20 % de la population chinoise serait déprimée (entre 250 millions et 300 millions de personnes !). Le suicide est le premier facteur de mortalité en Chine. 2 millions de tentatives chaque année et 300 000 morts.

    Alors on peut toujours expliquer que ça ira mieux demain. Ca ne mange pas de pain et ça permet de passer sur les tares profondes dudit « miracle ». Et nous ne parlons pas là des dommages causés à l’environnement, de la corruption, ni bien sûr de l’absence de démocratie. Le progrès ne vaut-il pas que s’il est partagé par tous. Alors, il serait souhaitable de faire preuve de davantage de circonspection dans le choix des termes utilisés pour décrire l’augmentation des richesses produites par la Chine.

    Sans compter que le mirage miracle chinois ne saurait être dispensé dans son bilan dès conséquences néfastes qu’il exerce sur les économies d’autres pays, et pas seulement des pays riches. Ainsi, le Mexique, le Maroc, autrefois terre d’élection pour les délocalisations, sont à leur tour frappés par ces mêmes transferts d’industrie.

    Alors, qu’il soit permis au citoyen lambda d’une nation aisée comme la France d’émettre de sérieuses réserves quant à la manière laudative dont est présentée le plus souvent l’évolution économique de la Chine.

    L’humanité a toujours eu besoin d’un ailleurs où les choses semblent s’améliorer, et d’une, que l’on présente comme une menace, et de deux, pour nous inciter à des réformes d’un certain type, présentées comme incontournables. Et nous faire croire en des lendemains meilleurs...


    • argoul (---.---.18.97) 29 octobre 2005 18:30

      Dans aucun pays qui se développe l’économie n’est douce à la société,ni à l’environnement, songez à la France en développement accéléré de la fin 19ème, son travail des enfants, ses mines de charbon... La Chine est quand même plus douce parce qu’elle a sans doute su apprendre des autres, regardez la différence avec l’ex-YRSS par exemple. Il ne s’agit pas de dire que tout y est idyllique, loin de là, mais l’exode rural faisait mal aussi aux maçons de la Creuse ou aux Bécassines bretonne. Quant au taux de suicide que vous citez, il est fort proche de celui de la France, vous savez : 22 pour 100 000 en Chine contre 21.3 pour 100 000 en France... Cet article porte sur les DECISIONS politiques prises en Chine par le dernier Plenum du PC, il n’est pas une analyse pleine et entière du pays, sur lequel il y aurait beauicoup à dire. Mais faut d’abord examiner les arguments de la défense avant d’accuser. Ce qui est de plus intéressant pour nous est le contrôle politique exercé sans relâche - et jusqu’à présent - sur l’économie. Il faut en effet savoir ce qu’on veut : ou bien on se dit « antilibéral » et alors l’Etat contrôle (ex. chinois), ou bien on est libéral et on récuse toute ingérence de l’Etat dans la marche comme dans les dérives de l’économie (auquel cas, la Chine n’est pas assez « sauvage » au sens du wild west).


      • (---.---.31.29) 3 novembre 2005 15:27

        Nouveau succès, nouvelle mode ?

        Après le modèle néo-libéral, il faudra donc faire avec un nouveau modèle : le libéralisme d’Etat.


        • www.jean-brice.fr (---.---.5.249) 21 février 2006 22:11

          N’oublions pas que dans les années trente, en pleine crise mondiale, l’URSS battait tous les records : on pourrait en tirer quelques conclusions ?

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