Les inventeurs salariés à l’Elysée
L’innovation au coeur des débats de l’Elysée.
A la suite d’une démarche effectuée auprès du président de la République, Nicolas Sarkozy, Jean-Florent Campion, élu du Nouveau Centre et secrétaire général de l’Association des inventeurs salariés (AIS), et Jean-Paul Martin, European Patent Attorney et spécialiste français reconnu de la problématique de la rémunération des inventions de salariés, ont été auditionnés le 22 juillet 2008 par le conseiller technique de la présidence de la République, Matthieu Louvot, en charge de l’industrie-énergie-transport.
Jean-Florent Campion et Jean-Paul Martin ont dressé un portait de la situation actuelle.
Une politique d’innovation et de recherche efficace est la clé de la compétitivité de nos entreprises face au défi de la mondialisation. La situation de la recherche et de l’innovation en France est critique, ce qui affaiblit la position concurrentielle et la compétitivité des entreprises face à leurs concurrentes étrangères. Le résultat de notre commerce extérieur en est la triste illustration (en 1989, le déficit du commerce extérieur était de 45,7 milliards de francs, en 2007 il a été de 39,6 milliards d’euros soit 259,76 milliards de francs ; en dix-huit ans, il a donc été multiplié par 5,6).
Pour dynamiser l’innovation, il existe un moyen, incontournable, presque trop évident : stimuler puissamment ses principaux acteurs : les chercheurs-inventeurs. Car sans inventeur, même avec des aides pour les PME, aucune innovation n’existe. Cette lapalissade est un point fondamental. Par exemple, le mot inventeur n’est jamais cité dans le rapport Attali au contraire du concept d’innovation.
Une illustration récente se trouve dans cet extrait d’un entretien du prix Nobel 2007 Albert Fert pour le magazine L’Express du 24/04/2008 :
« Grünberg est pourtant le seul à avoir déposé le brevet de votre invention simultanée, la magnétorésistance géante : que s’est-il passé ? Il a été plus rapide. Pour moi, les choses étaient plus compliquées, parce qu’il s’agissait d’une recherche en collaboration entre Thomson-CSF et le CNRS, ce qui a fait prendre du retard au brevet. Cela aurait pu profiter à Thomson, mais pas aux chercheurs concernés, car, dans les entreprises françaises, ils ne touchent pas de royalties sur les brevets ».
En France, depuis 1990, l’article L 611-7 du Code de la propriété intellectuelle prévoit une rémunération supplémentaire obligatoire dont le montant est fixé pour les travailleurs du privé par le contrat de travail ou les accords d’entreprises ou de branches professionnelles.
Dix-huit ans après, on constate que les entreprises ont peu ou pas appliqué la loi et généralement n’ont même pas actualisé les conventions collectives pour être en accord avec la loi (cas de la métallurgie) et cela malgré de nombreuses condamnations judiciaires. On constate même une « chasse » aux inventeurs qui réclament l’application de la loi avec des licenciements quasi systématiques et de longues et coûteuses procédures judiciaires. La liste des inventeurs brillants qui ont inventé des molécules médicamenteuses, des matériaux innovants, des procédés de fabrication, des machines, des trains… et qui ont été « jetés » dehors comme des malpropres s’allonge tous les ans.
Cette attitude, contre-productive à plus d’un titre, décourage certains inventeurs de révéler leurs créations innovantes techniques et donc de fournir aux sociétés françaises les titres juridiques nécessaires à l’exploitation industrielle de leurs innovations. Les actionnaires des entreprises sont de ce fait lésés par le comportement de certains de leurs dirigeants par la minimisation de la richesse produite par l’entreprise.
Les propositions suivantes ont été soumises au conseiller Louvot, traduisant la création d’une dynamique globale en faveur de l’innovation.
1) Stimuler puissamment l’innovation par ses principaux acteurs : les chercheurs- inventeurs en les intéressant financièrement au chiffre d’affaires tiré de l’exploitation de leurs inventions brevetées. Cet intéressement devra être défini dans ses modalités par la loi.
C’est ce que l’Allemagne, le Japon font avec un succès constant depuis cinquante ans. C’est ce que la France a fait avec succès depuis 1996, mais uniquement pour les chercheurs fonctionnaires des centres de recherches publics. Ce mode de rémunération supplémentaire est courant et efficace, qui peut contester cela dans le domaine de la vente, par exemple ? (Pourcentage des commerciaux au montant de leurs ventes).
2) Inscrire dans la loi que la prescription quinquennale ne s’applique qu’à l’expiration du titre de propriété industrielle, ce qui rendra le recours par les tiers compatible avec la durée du monopole de droit du brevet de vingt ans, voire plus dans le cas des médicaments avec des certificats complémentaires de protection.
3) Motiver l’engagement des entreprises pour ces rémunérations supplémentaires par une fiscalité adaptée (crédit d’impôt comme celui proposé par le président de la République pour doubler l’intéressement des salariés en quatre ans, défiscalisation pour l’employeur et l’employé…).
4) Associer les inventeurs salariés aux travaux des organismes de la propriété industrielle. En particulier, intégrer des représentants des inventeurs salariés au sein du CSPI.
5) Développer l’enseignement obligatoire et conséquent de la propriété industrielle et de la culture des brevets dans les écoles d’ingénieurs, les écoles de commerce, dans les facultés de sciences et de droit.
L’idée de base de ces mesures étant que la rémunération supplémentaire des inventions des salariés du secteur privé, obligatoire dans son principe depuis la loi du 26 novembre 1990, est selon la loi déterminée proportionnellement au chiffre d’affaires d’exploitation de l’invention du salarié.
Rapprochant ainsi le statut des inventeurs salariés du secteur privé français de celui des inventeurs salariés allemands et des chercheurs français du secteur public, et réduisant corrélativement dans le cadre de l’Union européenne des distorsions de concurrence entre l’industrie française et l’industrie allemande, préjudiciables à l’innovation et à l’industrie françaises..
Le conseiller Matthieu Louvot a déclaré en conclusion que le système Allemand semblait être efficace et avait fait ses preuves.
Un exemplaire spécialement dédicacé de l’ouvrage de référence Droit des inventions des salariés de Jean-Paul Martin a été remis au conseiller Louvot, à l’attention du président de la République, Nicolas Sarkozy.
9 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON