M. Sarkozy Nicolas, Président de la République Française : s’est distingué à de nombreuses reprises par sa volonté de rapprocher la France des Etats-Unis, multipliant à l’envi les signes ostentatoires du changement de cap de la diplomatie Française (villégiature pendant les vacances estivales à Wolfeboro ; envoi d’un contingent supplémentaire en Afghanistan ; réintégration complète de la France dans l’OTAN etc.). Difficile vu de Moscou de penser qu’une telle personnalité puisse être entièrement objective et que son alignement inconditionnel sur une ligne atlantiste puisse plaider en sa faveur.
M. Barroso José Manuel, Président de la Commission Européenne : commençant sa politique à l’extrême-gauche de l’échiquier politique Portugais, ce dernier fit évoluer son curseur politique vers la droite et se rendit même aux Etats-Unis pour suivre une formation pendant quatre années à
la prestigieuse université de Georgetown et revenir au Portugal y faire appliquer une doctrine néolibérale. Politique économique qu’il perpétuera une fois aux rênes de la Commission à Bruxelles. Bien qu’assez diplomate pour ne pas froisser directement les autorités Russes, il prôna toutefois la fermeture du marché énergétique aux capitaux de leur pays (décision pourtant aux antipodes de ses convictions économiques). Roué, l’homme l’est sans nul doute, comme sa ligne de conduite atlantiste [2].
M. Javier Solana, haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune de l’Union Européenne : physicien ayant effectué plusieurs années de recherche aux Etats-Unis (et plus particulièrement en Californie puis en Virginie), sera nommé secrétaire général de l’OTAN pendant quatre années avant de rejoindre les institutions Européennes au poste actuel. C’est sous son mandat que fut décidé le bombardement de la Serbie (ex-Yougoslavie), sans mandat de l’ONU, afin de contraindre les Serbes à se retirer de la province du Kosovo tout en mettant à genoux le pays en frappant des cibles tant militaires que civiles (théorie du shock and awe/choc et effroi).
Les trajectoires politiques et orientations stratégiques choisies de ces membres ne semblent en définitive guère annoncer une approche impartiale quant à la résolution du conflit. Compliqué en cela par un exécutif Russe désormais dans de très mauvaises dispositions quant à l’application assez relative de la « jurisprudence Kosovo ».
Un droit international à géométrie variable
Il est question depuis le début du conflit en Géorgie, et plus encore depuis la reconnaissance des entités Abkhaze et Ossète, de droit international bafoué.
Or les injonctions à le respecter se heurtent à un obstacle majeur : la reconnaissance par les pays occidentaux de la province Serbe du Kosovo comme Etat indépendant depuis février 2008. Et ce contre l’avis véhément de Moscou à l’époque. A ce détail près le différenciant du sort des nouvelles entités Caucasiennes : le statut du Kosovo était régi par la résolution 1244 de l’ONU [3] qui fut élaborée au sein de l’organisation par des juristes internationaux en liaison avec les principaux protagonistes autour de la table. Las, force est de constater que l’indépendance du Kosovo fut décidée et même appuyée en sous-main par des puissances ayant intérêt à sa proclamation [4], fusse à fouler au pied des engagements internationaux et à dépecer un pays à l’encontre de sa volonté. Reconnu à ce jour par seulement 46 pays [4] sur les 192 Etats membres de l’ONU, les médias occidentaux ne semblent aucunement soulever d’objection à cette reconnaissance, ni au fait qu’1,2 milliard d’Euros ont été versés à un gouvernement qui n’a pour le moment apporté aucune solution de viabilité économique à terme, si ce n’est en faisant un appel régulier aux donateurs internationaux [6].
Depuis que la boîte de Pandore a été ouverte, ce sont deux conceptions diamétralement opposées du droit international qui s’affrontent avec véhémence sur le globe désormais.
Intégrité territoriale contre droit des peuples à disposer d’eux-mêmes
Car lorsque l’on parle du droit international, il est évident que si l’on se réfère à l’intégrité territoriale comme au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, l’application ne s’effectuant qu’à géométrie variable. Avec une plus nette réticence à laisser toutefois les peuples s’exprimer eux-mêmes. On le notera car depuis le 26 août et la signature des décrets de reconnaissance des deux Etats Caucasiens, des appuis officieux ont eu lieu en faveur de la partie Russe mais sans document officiel [7].
Cette réticence est compréhensible dans une majeure partie des pays puisqu’elle reviendrait à donner droit de reconnaissance à des groupes (et même groupuscules) se faisant fort de réclamer leur indépendance vis-à-vis de leur puissance tutélaire du moment. On entrevoit sans difficulté pourquoi le concept fait peur, et surtout quel effet métastasique il engendrerait si on l’appliquait de façon uniforme (et sans hypocrisie en corollaire).
Et pourtant… N’est-ce pas ce que les occidentaux firent en reconnaissant hâtivement le Kosovo ? Serrant les serres, l’aigle Russe avait averti plusieurs fois que la reconnaissance de celui-ci serait s’exposer à des complications futures difficilement gérable pour la suite. Les Etats-Unis, la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni n’en eurent cure et se prononcèrent pour l’établissement de relations diplomatiques avec le Kosovo, au grand dam de la Russie.
Seulement, et objectivement, qu’est-ce qui différencie le cas précédemment cité de ceux d’Ossétie et d’Abkhazie ? D’autant plus que ces derniers se sont prononcés par référendum sur leur auto-détermination et ont exprimé sans ambages leur refus de rejoindre l’espace Géorgien. On ne peut que le constater : ces concepts de droit, très intéressants à étudier par ailleurs, ne valent que par les moyens de les imposer. Cette coercition pouvant s’opérer de manière directe ou indirecte, et prendre le cas échéant un temps plus ou moins conséquent.
L’Union Européenne entre autisme interne et dogmatisme externe
Du reste, l’Union Européenne est-elle la mieux placée pour donner des leçons de démocratie et de respect du droit lorsqu’elle bafoue les principes premiers de ceux-ci en ne respectant pas les choix d’électeurs Européens s’étant prononcés lors de référendums récents ?
Car plus qu’une simple question théorique appelée à être seulement travaillée par de doctes professeurs de droit, c’est aussi de l’avenir des Européens qu’il s’agit et de leur rôle au sein d’un ensemble institutionnel qui apparaît ne guère devoir accorder beaucoup d’audience à ceux dont il en a pourtant la charge.
Alors oui, le 8 septembre l’Union Européenne enverra un trio chargé de défendre sa position et d’infléchir le choix des autorités Russes mais ne serait-il pas plus urgent pour elle de se soucier de ses propres peuples et du fossé croissant s’opérant entre ceux-ci et les élites nationales/européennes ?
Quant à la Russie qui avait investi de plus en plus de ressources dans le secteur civil [8], une telle défiance à son égard ne risque-t-elle pas de la forcer à adopter une économie plus axée sur la défense nationale et provoquer un fort relent de nouvelle guerre froide ? De plus, alors que le commerce Est-Ouest se portait de mieux en mieux, en témoignent les participations de nombreuses sociétés occidentales en Russie, il apparaît déjà que des dégâts sont visibles dans les milieux d’affaires, comme en témoigne cet article du Figaro en date du 1er septembre 2008 et symptomatique du refroidissement des relations dans un tel contexte : Depuis sept ans qu’il travaille en Russie, cet industriel européen ne se souvient pas avoir été traité d’une manière aussi cavalière. Invité début août à un dîner organisé par la mairie de Saint-Pétersbourg, il est alors assis au côté d’un haut responsable de la ville. Tout naturellement, des hommes d’affaires étrangers se pressent autour de ce fonctionnaire influent et lui glissent leurs cartes de visite. À la fin de la réception, l’officiel russe s’éclipse, laissant les petits bristols ostensiblement éparpillés sur la table.
Tant M. de Villepin que M. Védrine ont exprimé le besoin de composer avec la Russie au lieu de s’en tenir à une ligne dogmatique. L’évolution de la situation semble donner raison à ceux craignant que les relations russo-européennes tant diplomatiques que commerciales ne pâtissent d’un manque de discernement quant aux réalités géopolitiques. Car à l’instar de son emblème national, la Russie est bicéphale et peut se tourner comme elle le fait de plus en plus ostensiblement vers l’Orient. Le Premier Ministre Poutine ayant déclaré récemment qu’il allait diversifier l’acheminement des immenses ressources énergétiques Russes [9] : une mise en garde sévère qui devrait faire réfléchir les responsables Européens actuels.
A moins de ne considérer que désormais l’Union Européenne n’est qu’une courroie de transmission d’intérêts autres que les siens.
[4] Pour ceux qui l’ignoreraient,
Bondsteel, le plus grand camp Américain en dehors des Etats-Unis, se situe au Kosovo. Pour des informations un peu plus circonstanciées sur la question du Kosovo, veuillez vous reporter à
cet autre article d’Agoravox.
[5] Liste mise à jour
ICI.
[6] Cf Courrier International n°929.
[7] Edition du journal d’affaires Kommersant en date du 29/08/2008 : La Russie n’a pas réussi à obtenir le soutien des participants au sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), qui s’est tenu jeudi à Douchanbe, en ce qui concerne ses opérations dans le Caucase… Selon des sources au sein de la délégation russe, Dmitri Medvedev a soulevé avec insistance la question géorgienne lors de toutes les rencontres bilatérales ainsi que lors de la réunion des chefs d’Etat qui s’est tenue hier à huis clos. Cependant, tous les interlocuteurs du président russe ont réagi de façon identique : en paroles, ils ont laissé entendre qu’ils approuvaient le comportement de la Russie, mais ont catégoriquement refusé de faire des déclarations officielles à ce sujet.