Nouvelles donnes sur l’économie mondiale
Le surgissement d’une main d’œuvre abondante, qui sort de la terre pour passer à l’âge industriel, en Chine, en Inde et dans les ex-pays de l’Est, pèse fortement sur les coûts du travail. Cette situation, née vers 2002, devrait durer. Elle comporte quatre conséquences : 1/ conforter le mouvement, qui n’en est qu’à ses débuts, de baisse des prix des produits industriels ; 2/ éradiquer l’inflation à un horizon prévisible, puisque 80% des produits intérieurs bruts sont composés de main d’œuvre ; 3/ pousser la productivité des entreprises globalisées, qui voient leurs bénéfices augmenter fortement (+18% en zone euro cette année, +9% anticipés pour 2006) ; 4/ servir au renouvellement et à l’essor des investissements, après le désendettement des entreprises les plus engagées dans la course aux parts de marchés technologiques de 2000 à 2004.
Mais le même surgissement de grands pays jusqu’ici peu industrialisés vers la modernité pousse inéluctablement les matières premières et l’énergie à la hausse. Cet événement serait déjà facteur de hausse des prix, s’il ne comptait que pour 10% des PIB. La pression déflationniste du marché du travail vient compenser largement la pression inflationniste des produits de base, d’autant que la technologie, qui est le ressort de la croissance des pays développés, consomme de moins en moins de matières premières (à acheter) et de plus en plus de matière grise (à former ou à attirer).
Ce rééquilibrage global de la croissance et de la consommation des matières premières a déjà eu lieu dans l’histoire récente. Mais il apparaît aujourd’hui brutal, parce qu’il concerne de bien plus vastes zones démographiques qu’auparavant (la Chine au lieu du Japon, l’Inde au lieu de la Corée ou de Taïwan). Les délocalisations des pays à coûts élevés vers les pays à coûts plus bas font partie du phénomène. Au lieu d’une charité volontaire, jouent les lois de l’économie. L’aide au développement est aujourd’hui d’acheter réellement les produits finis des pays qui se développent, et non plus d’exploiter leurs ressources au profit des pays développés.
Les États-Unis, encore très puissants par leur avance technologique, leur appareil militaire et leur devise de référence, constituent toujours cette « économie-monde » dont parlent les historiens du long terme, Fernand Braudel ou Immanuel Wallerstein. Mais « la décennie de l’Amérique » a vécu. Les années 1990-2000 ont vu le triomphe de l’économie de marché après l’écroulement, sous ses contradictions internes, du système économico-politique alternatif de type soviétique (URSS, pays de l’Est, Chine et sa zone d’influence). Dans le même temps, l’éradication de l’inflation galopante par des politiques monétaristes et des incitations sur l’offre ont remis l’investissement d’innovation au cœur du projet capitaliste. Ceci a permis l’envol de la technologie qui a, en quelques années, modifié les processus d’information, de décision et de production des biens et des services. L’Amérique, très réactive, parce que pays de pionniers, a connu là sa réussite la plus grande. Jusqu’aux excès de la bulle « internet », dont l’année 2005 a vu enfin la correction.
Les nouveaux pays en développement accéléré profitent de cette rupture technologique en sautant les étapes les plus lentes et les plus lourdes de l’industrialisation : pas de réseaux télécoms filaires, mais directement la fibre optique et le satellite ; pas d’avions à hélices, mais directement les derniers-nés de Boeing ou d’Airbus ; pas d’administration restée à l’âge du carbone (le papier), pas d’informatisation centralisée style années 1960, mais directement les réseaux interconnectés des PC. Nul doute que la croissance ne se répartisse mieux dans les mois et les années à venir. Les États-Unis ne seront plus seuls à « soutenir la consommation mondiale », d’autant que leurs déficits en tous genres en limitent désormais la hausse. La Chine devrait en profiter, l’Europe et le Japon également.
Nous entrons donc pour l’année à venir dans une ère de dollar ferme (sans cet écroulement prévu depuis des années par les paranoïaques). Un dollar fort devrait profiter aux exportations des zones euro et yen, et ralentir l’attrait du yuan (toujours indexé sur le dollar). La politique de la Réserve fédérale américaine joue en ce sens avec des taux d’intérêts en hausse pour freiner la boulimie de consommation, éviter une bulle immobilière et résorber lentement les déficits accumulés du budget et de la balance des paiements. En revanche, les taux devraient rester stables en Europe et au Japon. En conséquence, l’énergie sera un peu plus chère dans ces pays (le pétrole est payé en dollars) mais ne devrait pas créer de rupture aux États-Unis. Ceci devrait permettre de conforter l’engrenage vers les technologies d’économie d’essence dans nos pays, puisque 80% de l’énergie consommée sert aux transports.
L’immobilier ralentira aux États-Unis puisque les taux en hausse rendront les crédits et la faculté d’emprunter moins faciles, il devrait stagner et régresser au vu des niveaux atteints en Europe mais sans krach, puisque ni les taux d’intérêts, ni l’inflation n’exerceront de pression sur les prix ou sur la propension à vendre. L’investissement des entreprises profitera de ces emprunts peu chers pour mettre à niveau les capacités de production et promouvoir l’innovation.
L’emploi suit mécaniquement l’investissement avec un écart d’environ 6 à 8 mois, ce qui devrait améliorer les perspectives sociales jusque vers la seconde moitié de 2007. L’Europe connaît en effet des cycles de trois ans, mesurés par le climat des affaires en Allemagne (IFO). Le retournement haussier de la mi-2005 devrait se prolonger jusqu’aux élections présidentielles françaises. Cette embellie, et (peut-être) les peurs sécuritaires, pourraient donner du beau temps à la droite. Si elle veut avoir un avenir, la gauche a intérêt à s’unir, à proposer un programme et, pour qu’il ait une chance de convaincre, réaliste et pragmatique. Cela fait beaucoup de « si »...
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