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Accueil du site > Culture & Loisirs > Étonnant > Opération seins nus à la piscine

Opération seins nus à la piscine

 Mercredi 10 décembre à 21h, une quinzaine de féministes s’est baignée un quart d’heure, seins nus, dans une piscine parisienne, pour revendiquer le droit que leur corps ne soit pas systématiquement considéré comme sexuel. Se baigner torse nu comme les hommes fait partie des revendications du collectif Les Tumultueuses, qui a organisé l’action. Reportage.

« Ni Dieu, ni maître, même pas nageur ! » auraient pu proclamer à la piscine les 15 militants du collectif les Tumultueuses, mercredi 10 décembre 2008. Avant cela, ils (14 femmes et un homme, d’une moyenne d’âge de 30 ans) se retrouvent dans un bar non loin de l’endroit où doit être commis le forfait. Réunion au sommet avant l’action, plan manuscrit de la piscine à l’appui : « Tout le monde a son bonnet de bain ? Bien. On entre, on paye nos tickets, on descend aux vestiaires. On se change en 5 minutes, on met un maillot deux pièces, on range nos affaires dans les casiers, on se douche. Ensuite, on grimpe l’escalier qui mène au grand bassin et c’est là qu’on enlève notre haut. On fait le tour de la piscine en évitant les maîtres-nageurs, et vous vous baignez un quart d’heure tout en gardant un œil sur les porte-parole. S’il y a un problème, on vous fait un signe et on se casse. »

Tracts et trac sur elles, les Tumultueuses entrent dans la piscine seins nus à 21h, en file indienne. Aucune réaction des maîtres-nageurs, qui pourtant ont remarqué leur stratagème. Quant aux baigneurs masculins, quelques sifflements et rien de plus. Elles entrent dans le grand bassin, l’eau n’est pas très bonne. Les gens continuent à faire leurs longueurs, bonnet de bain et lunettes sur la tête, comme si de rien n’était. Tandis qu’elles nagent comme tout le monde, les maîtres-nageurs parlent aux organisatrices, qui leur distribuent des tracts. Cinq minutes plus tard, une maître-nageuse va prévenir un vigile, sans que personne n’ait parlé aux amazones dans l’eau – à part un « C’est dégoûtant ce que vous faites ! » de la part d’une quadra outrée. Un vigile vient vers la dizaine de baigneuses en monokini. « Sortez de la piscine maintenant », ordonne-t-il du bord. Malgré le dialogue qu’elles essaient d’instaurer, l’homme ne veut rien savoir. Il obéit aux ordres, c’est tout. « Nous aussi, et on doit attendre le signal de notre chef pour sortir. » Ce dialogue de sourds dure jusqu’à ce qu’une des porte-parole leur fasse le signal convenu, le fameux « on se tire » universel. Elles sortent de la piscine, suivies par un autre vigile, plus sympathique. « Les avancées, vous les avez déjà ! Ce que vous avez fait ce soir, c’est déjà une avancée ! » confie-t-il discrètement. « On en veut encore, des avancées ! » rétorquent les militantes, qui, toujours topless, rejoignent les douches.

Parlons justement des avancées en question, demandées par les Tumultueuses. Idéalistes, ces revendications consisteraient à arrêter d’imposer aux femmes des normes de beauté spécifiques, cesser de les obliger à se couvrir et de se découvrir sur commande, ne plus considérer le corps de la femme comme toujours sexuel, et enfin, avoir le droit de se baigner poitrine découverte. Le tract plastifié, distribué aux baigneurs, stipule : « Que nos seins soient sans cesse considérés de manière sexuelle n’est pas dû à un fait de nature mais au fait que les femmes sont toujours représentées comme des objets disponibles sexuellement. »

Dans les douches pour femmes, il y a les deux vigiles, un à chaque entrée. Les militantes les titillent : « Ce sont les douches des femmes, vous n’avez rien à faire là ! » L’un des vigiles annonce que la police est prévenue, l’autre est hilare. Des dames d’un certain âge encouragent : « C’est bien ce que vous faites ! » Une fois rhabillées, les militantes apprennent que la police est effectivement là. Elles décident de monter une par une pour ne pas se faire repérer, mais c’est peine perdue : il y a un groupe de policiers en bas des escaliers, et un autre en haut. Un troisième vigile psalmodie, avant l’intervention des forces de l’ordre, ravi : « Une petite garde à vue ce soir... » Le chef des policiers arrive, et, courtois, commence : « Je me suis renseigné avant de venir. » Il explique qu’il s’agit d’une « exhibition sexuelle », et que les seins des femmes sont considérés comme sexuels, mais pas ceux des hommes, et qu’elles risquent une garde à vue. Une jeune fille lui demande ce qu’il aurait fait s’il avait eu à faire à un transsexuel, et il avoue qu’il ne sait pas trop. En réalité, voilà ce que dit la loi, dans la catégorie « agressions sexuelles » : « L’exhibition sexuelle imposée à la vue d’autrui dans un lieu accessible aux regards du public est punie d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende. » (Article 222-32 du Code Pénal). Rien ne nous dit donc ce qu’est réellement l’exhibition sexuelle : montrer sa nuque, ses seins, ses fesses ? Les seins sont donc « sexuels » ? Les policiers laissent repartir les militantes, au grand dam du vigile qui parle de « strip-tease ».

Est-ce que l’action de mercredi soir permettra d’établir une nouvelle loi, plus précise, qui accorderait le droit aux femmes de ne pas avoir les seins considérés comme « sexuels » ? Certes non, mais peut-être pouvons-nous espérer, qu’au fur et à mesure des années, les femmes soient de moins en moins considérées comme des objets sexuels, dans la publicité comme au quotidien.


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