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Accueil du site > Actualités > Politique > Mais qu’a donc (dé)fait Xavier Darcos ?

Mais qu’a donc (dé)fait Xavier Darcos ?

Il y a quelques jours, 20 minutes s’essayait courageusement à l’exercice complexe de décryptage des griefs qui s’accumulent en direction de Xavier Darcos, encore ministre de l’Education nationale. « Mais qu’a donc fait Xavier Darcos ? » s’interrogeait Catherine Fournier dans son article. C’est qu’effectivement, il y a péril en la demeure. Chez les profs et leurs élèves, bien sûr (nous y reviendrons) mais aussi dans les médias (les hordes grecques vont-elles déteindre sur nos jeunes têtes blondes hexagonales ?) et chez nos gouvernants qui font preuve d’une certaine nervosité ces temps-ci (l’ultra gauche française n’est-elle pas devenue notre Hezbollah ?)

Bref, ça bougeotte un peu partout et quand on sait que l’année 2009 sera pire que le dernier trimestre 2008 (C’est Carlos Ghosn, PDG de Renault-Nissan, qui le disait jeudi soir à Arlette Chabot), tout-ce-qui pense-et-ce-qui-décrète dans le pays à de quoi se faire quelques soucis.

Alors, bien sûr, en ce moment, être ministre ce n’est pas simple. Bilan en perspective car remaniement en vue. Et s’il y en a bien un qui joue gros, c’est Xavier Darcos. Le ministre « une idée par jour », parfait sarkoziste dans le fond comme dans la forme se verrait bien Premier ministre. Mais pour y parvenir, il lui faut gagner ses galons de maréchal : ressembler au Maître. De ce point de vue, Xavier Darcos fait presque un sans faute. Reste l’opinion : tolérera-t-elle d’avoir deux Sarkozy en même temps ? Rien n’est moins sûr.

A notre tour, essayons nous au décryptage de la feuille de route de Xavier Darcos.

Postulat n°1 : en tout bon sarkoziste sommeille un réducteur de tête

Catherine Fournier nous le dit dans son article de 20 minutes : en deux ans, 25000 postes supprimés (11200 à la rentrée 2008, 13500 prévus à la rentrée 2009). Mais ceci n’est que la face émergée de l’iceberg. En effet, un certain nombre d’autres mesures mise en œuvre dès cette année conduiront à réduire considérablement le budget du Ministère de l’Education nationale : la fin de l’aide spécialisée dans le primaire, l’étranglement des associations d’aides aux devoirs, la fin de l’école le samedi matin, une année en moins pour le bac pro (il fallait 4 ans pour le décrocher, 3 suffiront), le relookage de la seconde qui conduira à la suppression de 2 à 3 heures de cours hebdomadaire, l’allègement de la formation des futurs professeurs des écoles (la formation en alternance est remplacée par un simple stage). A cela s’ajoute, l’idée, pour l’heure retoquée, de remplacer la petite section de maternelle par de simples jardins d’éveil.

On le voit, en 2008/2009, c’est l’école primaire qui a été l’objet de toutes les attentions du ministre. De nouveaux programmes, plus lourds, recentrés sur le français et les mathématiques sont venus parfaire ce tableau… noir. En 2009/2010, ce sera au tour du lycée. Dans quelques jours le projet définitif de réforme sera dévoilé.

Postulat n°2 : en tout bon sarkozyste sommeille un juge anti-terroriste.

C’est bien connu : le ministère de l’Education nationale est un repère de vieux crypto-trostko-marxistes. Xavier Darcos a ainsi développé une allergie aux syndicats. Pour éradiquer ces germes d’ultra-gauchistes, il est des mesures très simples que notre ministre s’est empressé de mettre en œuvre : la surveillance de l’opinion pour identifier les dangereux opposants, les projets (qui devraient finalement avorter) de faire éclater les Sciences Economiques et Sociales au lycée dont les professeurs sont suspecter d’être les propagandistes de l’antilibéralisme et de mettre sous contrôle politique les programmes d’histoire.

Postulat n°3 : en tout bon sarkoziste sommeille un Homme nouveau

Car combattre n’est pas suffisant, il faut inventer un Nouveau Professeur bien sous tout rapport. Certains l’appellent le flexiprof. Peu à peu, il nous apparaît plus nettement. En cours d’élaboration, un nouveau système de mutation des enseignants. Mais déjà il semble que quelques expérimentations aient lieu : le rectorat de Bretagne affecte des professeurs à des postes de conseillers d’orientation-psychologues. Ou dans l’académie de Lille, des profs de génie électrique en lycée professionnel qui se retrouvent à enseigner la technologie en sixième et ceux de lettres modernes contraints de « garder » les enfants dans les centres de documentation et d’information (CDI). A Marseille, on recrute les profs par… petites annonces.

Le flexiprof fonctionne aussi au mérite. Là aussi un avant goût avec cet accord rendu public mi octobre et prévoyant des hausses de primes pour les personnels du ministère de l’Education nationale en contrepartie de 1.700 suppressions d’emplois en trois ans.

Postulat n°4 : en tout bon sarkoziste sommeille un ministre … de l’Intérieur

L’expérimental (et pour cause) département des Hauts de Seine expérimente depuis quelques années les policiers dans les établissements scolaires. Xavier Darcos prend soin tout doucement de généraliser cette brillante invention britannique. Extérioriser la gestion de la vie scolaire. Mais pour cela, il faut changer les règles : voilà le code de la vie scolaire qui prépare si bien le travail de Rachida Dati au ministère de la Justice.

Voilà. Les raisons de la colère existent. Elles ne sont pas mineures. Nous sommes loin des revendications classiques sur les salaires ou sur les retraites. Difficile de dire si nous allons vers une marchandisation de l’Education comme certains l’avancent déjà. L’interrogation est en tout cas légitime : la suppression progressive de la carte scolaire semble creuser davantage les inégalités entre établissements et le projet d’évaluation des élèves de CE1 et CM2 laisse craindre une mise en concurrence des écoles, ce qui serait un facteur aggravant.

Ce qui est sûr, c’est que l’école des années 2010, si rien ne change, sera une école à bas coûts, sur contrôlée, aux personnels flexibles et à multiples vitesses.

Il y a de quoi manifester non ?

Max.


P.S
.:C’est essentiellement grâce aux formidables revues de presse quotidiennes de Philippe Watrelot, sur son site Chronique Education, que j’ai pu rassembler les nombreux articles de presse en lien dans ce billet.


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8 réactions à cet article    


  • morice morice 27 décembre 2008 14:54

     Darcos est un archaïque fondamental, ce n’est pas avec lui que l’école nouvelle se fera.


    • jkw 27 décembre 2008 16:27

      c’est vrai qu’on peut se poser la question de l’efficacité de l’enseignement !
      comment un ministre de l’éducation n’a pas pu apprendre à faire des règles de 3 après autrant d’années !
      ce que toute ménagère de la "France d’en bas" fait chaque jour en faisant son marché......baisse du pouvoir d’achat oblige !!

      guignolesque !


      • anny paule 27 décembre 2008 17:54

         

        Comment comprendre les réformes de l’éducation initiées par M. Xavier Darcos ?


         


         


         


         

        Xavier Darcos, alors délégué à l’enseignement scolaire (entre 2002 et 2004), sous la direction de Luc Ferry, ministre de l’éducation à cette même époque et Jean Pierre Raffarin, premier ministre du moment, est signataire du décret n° 2003- 181 du 5 mars 2003 et paru au J.O. N° 55 du 6 mars 2003, page 3910, modifiant le décret n° 90179, et qui stipule, (article 1er), que les mots : « ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports » sont remplacés par les mots : « ministre chargé de l’éducation »

        Ce même décret précise qu’il n’existe plus de « direction des lycées et des collèges » mais que ces termes sont désormais remplacés par : « direction compétente pour les programmes de l’enseignement professionnel et technologique ». (article 3)

        De telles nuances sont capitales : depuis le 6 mars 2003 l’éducation nationale n’existe plus en tant que telle. Son ministre n’est plus un « ministre d’État », l’instruction de nos jeunes n’est pas un sujet assez important pour être une « affaire d’État » !


         

        Depuis l’avènement de N. Sarkozy, mai 2007, Xavier Darcos a été désigné comme le nouveau ministre de l’éducation, avec pour feuille de route la nécessité de « continuer à faire évoluer son ministère », de « faire sauter un certain nombre de carcans », de modifier ce qui « fige le système » : « carte scolaire, zonage », en particulier.

        Xavier Darcos, qui gravite dans le cercle ministériel de l’éducation depuis 1992, n’est donc pas un novice, et a précisé, lors de sa prise de fonction en 2007, qu’il venait « avec un esprit de réforme ».


         

        Les questions qui s’imposent à nous concernent la nature de ces réformes et l’esprit qui les sous-tend.

        Plusieurs logiques sont en œuvre et concourent toutes à la mise à sac de notre service public d ’éducation :


         

        D’abord, l’impact de certains cercles, clubs ou associations de droite, voire de droite extrême, qui ont fourni au ministère une sorte de « boîte à idées ».

         

        On peut noter le groupe « Créateurs d’écoles  », association créée en mars 1992, dont le but affiché est de « libérer l’initiative et instaurer, enfin, un véritable pluralisme dans l’éducation ». « Le projet des Créateurs d’écoles » « met en exergue un objectif : identifier les verrous et les moyens de les faire sauter ». (Par verrous, il faut entendre : «  problèmes juridiques et financiers », « rôle des collectivités locales », « gestion des personnels », « outils pédagogiques », « programmes d’enseignement », « élèves, affectation, aide sociale », « personnels administratifs, techniques, ouvriers et de service »).

        Pour les Créateurs d’écoles, il s’agit de ne « pas tomber dans le piège d’une réforme globale », mais d’ « identifier avec précision les actions nécessaires, tout en les rendant possibles ».

        Xavier Darcos figurait parmi les membre fondateurs de cette association, dont l’essentiel des membres « se sont dissous dans les cadres de l’administration de l’éducation nationale ».


         

        On peut également signaler « le Club de l’Horloge », association fondée en 1974, « considérée comme proche de l’idéologie frontiste », et se «  présentant comme un réservoir d’idées pour la droite ». L’éducation est un de leurs thèmes de prédilection, et ils prônent, depuis 1980, la « liberté totale des familles en matière d’enseignement ». Ce mot d’ordre est repris, désormais par l’enseignement catholique...


         

        Il faut enfin souligner le rôle de « S.O.S. Éducation », association née en 2001, émanation de l’association « Créateurs d’écoles » entre temps dissoute, « soutenue implicitement » par Xavier Darcos, et qui était à l’origine d’un sondage IFOP du 26 juillet 2007 , et dont le résultat a abouti, entre autres, à « la mise en place d’un service minimum dans l’éducation nationale ». N’omettons pas de signaler que « le président de cette association est l’un des correspondants français d’une association américaine : Alliance for the separation of school and state »...


         

        Ainsi, «  le ministre, le conseiller Éducation du président actuel et nombre de recteurs font (...) incontestablement partie d’une mouvance qui cherche à démanteler, en douceur, le service public d’éducation ».

        Les premières mesures prises : «  suppression de la carte scolaire », « chèque éducation », , « révision des programmes et de leur contenu », « suppression des IUFM », mise en place « du service minimum »... procèdent de ces principes. (cf. M. Fitoussi et E. Khaldi, Main basse sur l’école publique, Demopolis, août 2008)


         


         

        Ensuite, au rôle incontestable de ces associations, nous devrons ajouter, pour comprendre la logique des réformes en cours, les textes et directives produits à l’échelle internationale, voire mondiale.

        Sans vouloir entrer dans les détails, nous relèverons : « Une vaste réforme du secteur public éducatif est en cours, orientée vers et par le marché » (OCDE, décembre 2000). Les accords de l’OMC prévoient « la privatisation de 160 secteurs ou services » pour une « libéralisation totale », et, pour ces tenants du libéralisme, « l’éducation est, avec la santé, le dernier bastion à conquérir ». (OCDE, décembre 2000)

        Ainsi, en appliquant la logique libérale : « privatiser les bénéfices et socialiser les pertes », « les pouvoirs publics n’auront plus qu’à assurer l’accès aux apprentissages de ceux qui ne constitueront jamais un marché rentable, et dont l’exclusion de la société en général s’accentuera à mesure que d’autres vont continuer à progresser ». (Adult learning and technology, in OCDE countries, 1996).


         

        Si nous ajoutons à cela, certaines « invitations » de la Banque mondiale au service des multinationales : « Investir prioritairement dans l’éducation de base » et « livrer les secteurs secondaires et universitaires aux industriels de l’éducation », « encourager le recours au privé », « consentir à des prêts pour les pays disposés à adopter (...) un cadre législatif et réglementaire » (...) où le secteur privé interviendra davantage au niveau de l’enseignement et du financement », n’intervenir que « si ces pays ont su réformer les systèmes éducatifs directement dirigés par des administrations centrales ou d’État (...) lesquelles laissent peu de marges de manœuvre », nous avons une idée plus claire des logiques des réformes en cours...

        Enfin, « cerise sur le gâteau », il est possible de lire : « l’éducation est l’un des marchés à la croissance la plus rapide. (...) La formation privée et l’industrie de la formation des adultes devraient connaître un taux de croissance à deux chiffres tout au long de la prochaine décennie ». Dès lors, « l’éducation publique devient un concurrent qu’il convient de ramener à la portion congrue ». (Gleen R. Jones, Président de Jones International, 2001)... « La responsabilité de la formation doit être, en définitive, assurée par l’industrie », et « l’éducation publique doit être considérée comme un service rendu au monde économique ». (Groupe de travail de l’OMC, 1995).


         

        En conclusion rapide, les réformes Darcos sont tout à fait dans la « veine sarkoziste », reflétée par Emmanuelle Mignon, directrice du Cabinet de N. Sarkozy, (Le Monde du 3 septembre 2004) :

        «  J’ai toujours été conservatrice, j’aime l’ordre. Je crois à l’initiative individuelle, à l’effort personnel et, en matière économique, à la main invisible du marché. Par exemple, je suis pour une privatisation totale de l’éducation nationale. »


         


        • aye 27 décembre 2008 21:34
          Dans peu de temps , un mot fera très peur à tout le monde : MODERNITE.
          Sous ce vocable , la bande à sarko aura réussi à détricoter tous les garde-fous mis en place par nos aïeux.


          • ddacoudre ddacoudre 28 décembre 2008 01:11

             bonjour max

            en effet il y a de quoi se faire du souci pour le futur. l’école républicaine est en voie de disparition.

            la réforme de ferry fut de concrétiser l’espérance de Condorcet (ce n’est pas Darcos qui aura un projet grandiose pour l’esprit humain), l’école avait pour rôle de faire d’honnête citoyen d’émanciper les esprits et de donner la compétence utile à l’économie. aujourd’hui il semble que l’émancipation des esprits ne soit pas productive.

            dans ce schéma la population y est pour beaucoup en ne considérant l’école que comme le moyen d’obtenir un emploi. Au moment où la complexité de notre monde demande une permanence éducative pour être au fait de sa compréhension, on ne songe qu’a faire des clés à molette performantes pour la seule satisfaction de nos productions, comme si le monde des lumières était né chez les maitres des forges.

            la régression qui s’annonce ne va façonner que des serfs dont l’utilité n’est pas contestable, mais démuni de l’esprit critique il n’ont jamais pu remettre en cause leur condition sociale, ce qui ne les a pas empêche de vivre heureux ignorant de leur malheur.. un jour nous en viendrons à une autodafé pour que nos chères clés à molette ne tombe pas sur un livre de philosophie subversive, ou sur un des sciences sociales.

            cordialement.


            • ddacoudre ddacoudre 28 décembre 2008 01:14

               bonjour max

              en effet il y a de quoi se faire du souci pour le futur. l’école républicaine est en voie de disparition.

              la réforme de ferry fut de concrétiser l’espérance de Condorcet, l’école avait pour rôle de faire d’honnête citoyen d’émanciper les esprits et de donner la compétence utile à l’économie. aujourd’hui il semble que l’émancipation des esprits ne soit pas productive.

              dans ce schéma la population y est pour beaucoup en ne considérant l’école que comme le moyen d’obtenir un emploi. Au moment où la complexité de notre monde demande une permanence éducative pour être au fait de sa compréhension, on ne songe qu’a faire des clés à molette performantes pour la seule satisfaction de nos productions, comme si le monde des lumières était né chez les maitres des forges.

              la régression qui s’annonce ne va façonner que des serfs dont l’utilité n’est pas contestable, mais démuni de l’esprit critique il n’ont jamais pu remettre en cause leur condition sociale, ce qui ne les a pas empêche de vivre heureux ignorant de leur malheur.. un jour nous en viendrons à une autodafé pour que nos chères clés à molette ne tombe pas sur un livre de philosophie subversive, ou sur un des sciences sociales.

              cordialement.


              • Kwinoo 30 décembre 2008 02:43

                Les rectorats recrutent des contractuels, et alors ? Cela se fait depuis fort longtemps dans la plupart des administrations. Pourquoi la sacro-sainte Éducation Nationale ferait-elle exception ?
                Le fonctionnaire "une fois titularisé plus rien à battre, si on me fait ch... je me fous en arrêt maladie" c’était le bon vieux temps mais c’est un peu passé de mode.
                Récemment j’ai discuté avec un prof d’EPS : quand je lui faisais remarquer qu’il avait quand même un bon job avec ses 18 heures de cours hebo et ses 4 mois de vacances annuelles, il m’a répondu "Oui mais on gagne bien moins que vous dans le privé et on doit préparer les cours et corriger les copies". J’ai failli pisser de rire ! Mais je me suis souvenu qu’il gagnait plus que moi (à niveau d’étude égal) et était payé grâce à mes impôts. Du coup ça m’a coupé l’envie.
                De toute façon l’éducation ça sert à quoi ; y’a même pas besoin de savoir faire une règle de trois pour être Ministre...

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