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Accueil du site > Tribune Libre > Alice Miller : La Psy des Enfants Maltraités

Alice Miller : La Psy des Enfants Maltraités

Cet article a pour but de présenter le travail encore méconnu d’Alice Miller , ancienne psychanalyste qui parle de l’enfance et des conséquences des maltraitances à l’âge adultes, comme la reproduction de ce que l’on a soit même subis contre nos propres enfants, les souffrances qui en résultent ou encore nous explique que les criminels ont été effroyablement maltraités et qu’ils n’ont jamais recontrés de "témoins secourables" selon sa propre expression qui leur montre autrechose que la violence et la cruauté de leurs propres parents, quelqu’un qui leur donne un peu d’amour et de compassion, ce qui leur évite de devenir des criminels.


Elle a déjà ecrit plus d’une dizaine de livres sur ce sujet depuis le début des années 1980, sans pour autant que les médias nous parlent de ces découvertes qui restent cachées, exactement comme lorsque l’on a découvert que c’était la terre qui tournait autour du soleil, l’opinion contraire prétenduement juste était erronée, mais elle était tellement défendue que l’on ne pouvait pas la contredire sans risquer de sérieux problèmes.

Alice Miller est une psy encore relativement méconnue, qui malgré ses nombreux livres, et le succès de ses livres, ne rencontre pas le succès médiatique, contrairement à certains de ces « confrères » dont chaque nouvel ouvrage fait l’objet d’un matraquage médiatique.

Elle écrit depuis les années 1980 sur l’enfant, les souffrances de l’enfant et les conséquences à l’âge adulte des maltraitances, qui se répercutent sur toute la société, et même sur des pays entiers lorsque ces enfants deviennent des dictateurs. Son dernier livre s’intitule « Ta vie sauvée enfin  », Flammarion, 2008.

Lorsque l’on parle de maltraitances, on pense souvent aux enfants battus, ayant des marques de coups visibles sur le corps : la violence visible, mais Alice Miller s’intéresse aux maltraitances invisibles et celles encouragées par l’éducation, par la religion, la morale, les institutions éducatives, et ce depuis des millénaires.

Malheureusement, l’angle de recherche adopté par Alice Miller lui interdit le « succès médiatique », car elle ose accuser les parents et c’est encore interdit par la société. C’est la peur d’accuser les parents qui vient de notre enfance, très répandue dans toutes les couches de la société qui nous empêche de découvrir cette vérité qui était interdite à l’enfant.

L’enfant apprend en effet à prendre le point de vue de ses parents et à ne pas le remettre en question pour survivre, exactement comme dans une dictature ou si l’on n’est pas d’accord on risque d’être tué. Elle nous apprend qu’il n’existe pas de criminel ayant des gènes qui le pousse a faire du mal, car lorsque l’on s’intéresse à l’enfance de tels « personnages », on découvre qu’ils ont été effroyablement maltraités, même les plus atroces des dictateurs sont nés des enfants innocents. On se doute bien que de telles affirmations, en contradiction avec notre morale répandue risquent de choquer beaucoup de monde, et que les médias grand publics, comme les politiques, préfèrent flatter leur public dans le sens du poil plutot que de leur livrer des vérités dérangeantes, choquantes, douloureuses, mais libératrices.

Elle a recherché dans l’histoire comment on traitait l’enfant et s’est aperçue que l’on a accusé pendant des millénaires l’enfant innocent pour ne pas accuser les parents et l’on inventa pour ça des théories comme quoi il existe des enfants porteurs de gènes maléfiques ou des « enfants du diable » comme on le croyait au moyen âge parce que l’on ne connaissait pas les causes et l’origine de nos souffrances.

Les souffrances des parents sont souvent rappelées par l’enfant, ce qui a fait croire que c’était l’enfant qui faisait souffrir ces parents parce que l’on ne connaissait pas la véritable origine de telles souffrances.

Exactement comme l’on accusait des « fautes » ou des « péchés » d’être responsables des maladies soit disant envoyées par Dieu pour nous punir, mais depuis nous avons découverts les véritables causes de ces maladies, les microbes et autres virus ce qui nous a libéré de nos croyances dangereuses à ce sujet. Alice Miller nous invite à faire la même chose au sujet de l’origine du mal et des souffrances « psychologiques ». Ces explications était fausses mais permettaient d’éviter d’accuser les parents par peur, de calmer nos peurs et nos angoisses, la même peur que l’enfant avait de ses parents dans l’enfance avec laquelle beaucoup d’entre nous sont restés même adultes.

Le Parcours d’Alice Miller

Voici un extrait du Portait d’Alice Miller qui résume son parcours professionnel et son travail :

« Alice Miller a fait ses études à Bâle où elle a obtenu en 1953 son doctorat de philosophie. Elle a exercé sa profession de psychanalyste à Zürich, mais l’a abandonnée pour se consacrer entièrement à ses recherches sur l’enfance. En 1986, elle a reçu à New York le prix Janusz Korczak.

Parmi les 192 pays membres de l’ONU, 17 uniquement ont interdit de battre les enfants. Aux Etats-Unis, il y a encore 20 Etats où les châtiments corporels sont autorisés à l’école et même sur les adolescents. Les personnes qui peuvent s’indigner de ces faits et qui en mesurent les graves conséquences, comprendront sans problème tous les livres d’Alice Miller. Elles comprendront aussi pourquoi cet auteur s’engage, même à son âge avancé, pour libérer la société de son ignorance. A l’aide de ses livres, articles, tracts, interviews et réponses aux courriers des lecteurs sur son site, elle montre que la maltraitance des enfants produit non seulement des enfants malheureux et perturbés, des adolescents destructeurs et des parents mal traitants, mais aussi une société perturbée qui fonctionne si souvent d’une façon extrêmement irrationnelle.

Grâce à ses recherches sur l’enfance, Alice Miller a compris que la violence exercée sur les enfants conduit à la violence globale qui règne sur le monde entier, d’autant plus que l’on commence à frapper les enfants dans les premières années de leur vie, justement au moment où leur cerveau se construit. Même si les conséquences scandaleuses sont évidentes, elles ne sont pas perçues et encore moins prises en compte par la société. Or, la situation est facile à comprendre : les enfants ne sont pas autorisés à se défendre de la violence des parents et sont alors obligés de supprimer et refouler les réactions naturelles à l’agression parentale comme les émotions de la colère et d’angoisse. Ce n’est qu’à l’âge adulte qu’ils peuvent décharger ces émotions très fortes, sur leurs propres enfants ou, dans certains cas, sur des nations toutes entières. »

Le Respect des Parents et l’Enfant

Le point de départ du travail d’Alice Miller est la découverte du « 4ème commandement » et surtout de ces effets nocifs. Ce 4ème commandement nous exhorte à respecter et à honorer nos parents, à ne pas les accuser, de les considérer comme innocents et ça conduit à accuser l’enfant, car il faut alors trouver un bouc émissaire pour décharger notre haine et notre colère, mais l’aspect nocif et dévastateur de cette injonction morale que l’on retrouve partout dans la société, même chez les psys ou dans la religion catholique qui prône le pardon envers ceux qui nous ont offensés est passé inaperçu car cela aurait conduit à accuser les parents de ce qu’ils ont fait subir à l’enfant.

Il est donc nécessaire pour l’enfant pour survivre de « s’aveugler » pour montrer aux parents son « respect » envers eux, les croire, et ne pas les « trahir », mais l’enfant doit donc pour cela se trahir lui même, ce qui n’est pas sans conséquences. Alice Miller appelle ses conceptions moralisatrices qui veulent avilir l’enfant la « pédagogie noire ».

Car Alice Miller nous dit que le pardon et ses injonctions morales ne servent qu’a masquer la réalité, car notre corps ne se laisse pas leurrer, il connait nos véritables sentiments et les sentiments ne s’éprouvent pas sur commande, une injonction morale ne peut faire naitre un sentiment que l’on éprouve pas. Ce commandement nous pousse donc à nous trahir nous mêmes, ce qui conduit inévitablement à des souffrances.

Ce 4ème commandement nous demande donc de pardonner à nos parents et nous interdit de voir ce qu’ils font subir à l’enfant « pour son bien » sinon, comment ne pas les accuser ?

Mais cette aveuglement à un prix qui se paye par des souffrances à l’âge adulte. Cette morale traditionnelle est dangereuse car elle nous force à réprimer nos sentiments qui permettent l’accès à qui nous sommes vraiment. L’ordre derrière ce commandement est « Tu ne t’apercevra de rien », car pour ne pas accuser nos parents, nous devons nous interdire de nous apercevoir de ce qu’ils font subir à l’enfant.

Dans une interview sur son site officiel, « La cruauté s’apprend dans l’enfance » , elle nous dit au sujet du 4ème commandement :

« Vous avez établi que le respect du quatrième commandement (« tu honoreras ton père et ta mère ») par l’enfant nuit à une vie émotionnelle saine. Voilà qui doit choquer bien des gens. Comment avez-vous découvert que cette « injonction solennelle » n’a en fait pas d’autre fonction que la manipulation et l’asservissement de l’enfant ?

Ce n’est pas à l’enfant que le quatrième commandement nuit, mais plus tard à l’adulte. Tous les enfants aiment leurs parents et n’ont nul besoin d’un commandement pour leur dire de le faire. Mais quand nous devenons adultes et que nous réalisons que notre amour a été exploité et qu’on a abusé de nous, nous devrions être capables de percevoir nos sentiments véritables, y compris la rage, et rien ne devrait nous obliger à continuer à aimer des parents qui ont été cruels envers nous. La plupart des gens ont peur de ces sentiments « négatifs » à l’égard de leurs parents, c’est pourquoi ils se défoulent sur leurs enfants et perpétuent de cette façon le cycle de la violence. C’est là que je situe les effets destructeurs du quatrième commandement. Et comme il n’existe toujours pas de commandement ni de loi qui interdirait aux parents de décharger leur colère sur leur progéniture, rien ne s’oppose à ce que le comportement parental le plus brutal continue de porter le nom d’« éducation ».

Vous allez jusqu’à affirmer que le quatrième commandement est la cause de maladies physiques. Comment en arrivez-vous là ? En a-t-il été ainsi pour vous personnellement ?

C’est la répression des sentiments authentiques qui nous rend malades. Nous les réprimons par peur. La peur inconsciente que ressent l’enfant confronté à des parents violents peut nous accompagner toute notre vie si nous en restons au stade du déni pour refuser de nous confronter à elle.

Nous considérons comme une évidence que les parents « aiment » leurs enfants. Malheureusement, ce n’est bien souvent rien de plus qu’un mythe. Peut-on parler d’amour parental si les parents ne « corrigent » leurs enfants qu’occasionnellement ?

Comme parents nous devrions savoir que toute forme de violence éducative, aussi bien intentionnée soit-elle, tue l’amour. »

La Morale et La Connaissance du Corps

Cette morale traditionnelle et répandue nous empêche d’avoir accès à nos véritables sentiments que le corps connait, le corps ne peut accepter ces mensonges qui nous rendent malades et tente de nous montrer notre propre vérité. La pardon et les infonctions morales nous empêchent de ressentir nos véritables sentiments, car ils sont en contradiction bien souvent avec cette morale, et cette morale à même été erigée pour se protéger et refuser ces sentiments qui sont considérés comme étant la source du mal, alors qu’Alice Miller nous dit le contraire que c’est de ne pas avoir accès à nos véritables sentiments qui nous fait souffrir.

Elle explique que notre corps connait la vérité et que les injonctions morales ne servent à rien si l’on ne connait pas la vérité sur notre enfance, si l’on a pas l’expérience de tels sentiments dans notre propre enfance. En d’autres termes, prêcher l’amour de notre prochain ne sert à rien si nous n’avons pas été aimés, les sentiments ne peuvent naitre sur commande et que ça peut même être dangereux de demander à une victime d’aimer son bourreau comme nous le dit la morale catholique « Pardonner à ceux qui nous ont offensés » . Elle nous explique aussi que ces injonctions morales ne servent à rien en définitive, car tout enfant aimé, respecté, respectera ses parents. Cette morale traditionnelle ne sert qu’a cacher la vérité par peur, peur qui vient de l’enfance et pour protéger les parents mais au détriment de l’enfant qui se retrouve comme étant un bouc émissaire.

Elle nous l’explique dans cette même interview : 

« A votre avis, comment naissent la morale et l’éthique ? Pourquoi quelqu’un devient-il (im)moral ?

Un individu n’accède jamais à la morale grâce aux sermons qu’on peut lui faire, il acquiert des valeurs éthiques uniquement par le biais de l’expérience. Personne ne vient au monde méchant. Il est ridicule de penser, comme on le pensait au Moyen Age, que le diable enverrait un enfant méchant dans une famille, qui aurait à le corriger en le frappant, pour qu’il puisse devenir une personne comme il faut. Un enfant maltraité deviendra plus tard à son tour un tourmenteur et très certainement aussi un parent cruel, à moins qu’il n’ait trouvé dans son enfance un témoin secourable, une personne auprès de laquelle il pouvait se sentir en sécurité, aimé, protégé, respecté, une expérience qui lui aurait donné une idée de ce que peut être l’amour. Un enfant qui a vécu cela ne deviendra pas un tyran, il (ou elle) sera capable de respecter les autres et d’être en empathie avec eux. Il est très significatif que dans l’enfance de tous les dictateurs que j’ai étudié, je n’aie pas trouvé ne serait-ce qu’un seul témoin secourable. Il ne resta plus alors à l’enfant qu’à magnifier la violence qu’il avait eu à subir.

L’éducation religieuse nous apprend à pardonner à nos tourmenteurs. Devrions-nous vraiment leur pardonner ? Est-ce réellement possible ?

On peut comprendre que nous voulions pardonner et oublier pour ne pas avoir à ressentir la douleur, mais c’est une voie sans issue. Il apparaît tôt ou tard que ça n’est absolument pas une solution. Prenons le cas des nombreux auteurs d’abus sexuels recensés parmi les ecclésiastiques. Ils ont pardonné à leurs parents les abus dont ceux-ci se sont rendus coupables à leur égard, que ce soit sur le plan sexuel ou qu’il s’agisse d’autres types d’abus de pouvoir. Mais que font alors beaucoup d’entre eux ? Ils répètent les « péchés »de leurs parents, justement PARCE QU’ils leur ont pardonné. Si ils étaient capables de condamner en toute conscience les actes de leurs parents, ils ne seraient pas contraints de les reproduire, de harceler et de troubler profondément des enfants en les forçant à garder le silence, comme si ce qui s’était produit était la chose la plus naturelle qui soit, et non pas un crime. C’est tout simplement eux-mêmes qu’ils trompent. Les religions peuvent exercer un pouvoir énorme sur nos esprits et nous pousser de bien des façons à nous tromper nous-mêmes. Mais elles n’ont pas la moindre influence sur notre corps, qui connaît parfaitement nos émotions vraies, et qui insiste pour que nous les respections. »
 

 

Le Pardon

Alice Miller dénonce donc aussi la morale traditionnelle du Pardon encouragée par la tradition religieuse qui ne tient pas compte du corps qui ne se laisse pas leurrer par une telle morale, en contradiction avec ce qui s’est réellement passé, les injonctions morales n’ont pas de poids face aux faits, et à leur conséquences. Ces « moralités » nous empêchent de reconnaitre la cruauté de nos parents pour ce qu’elle est, pardonner revient à minimiser ce que nous avons subis.

Avoir accès à ces véritables sentiments est le seul moyen de connaitre notre vérité et de guérir de nos souffrances, ce qu’empêche la morale traditionelle et les injonctions comme le Pardon, qui veulent se substituer à nos véritables sentiments. C’est comme de faire passer du poison pour de l’eau et d’expliquer qu’il suffit de croire que ce n’est pas du poison pour éviter les effets nocifs du poison...

Extrait de l’article d’Alice Miller « Le corps et la morale » :

« Les personnes qui ont été aimée sans condition dans leur enfance n’ont pas à se forcer, une fois devenues adultes, pour donner à leurs parents cette même affection qu’ils ont jadis reçue. Par contre, les personnes qui ont été maltraitées et trahies en tant qu’enfant développent une haine latente, s’en prennent à leurs enfants et propagent l’opinion selon laquelle les fessées sont nécessaires et sans danger. Ils répandent ces opinions sans hésiter, bien que le contraire ait été démontré depuis longtemps. Ils font cela parce que le Quatrième Commandement leur impose de dénier les dommages qui leur ont été fait, les dommages causés à leur cerveau et à leur capacité innée à ressentir de la compassion. Malheureusement, sans cette compassion, ils sont capables de fesser leurs enfants sans pour autant ressentir leurs souffrances, et ils acceptent leur propre mutilation sans se plaindre, de sorte qu’ils puissent » honorer leurs parents « . Ils obéissent aux commandements de leurs parents du fait d’un sentiment de respect qui découle surtout de leur attente que leurs mères et pères deviennent enfin ces parents que l’enfant attendait. En conséquence, la loyauté infantile de l’adulte associée à un discours moraliste ( » J’ai mérité ces châtiments « , » Tous les parents font parfois des erreurs « ) conduit souvent à l’hypocrisie et à la violence envers des personnes innocentes. Qu’obtenons-nous en obéissant au Quatrième Commandement ? Un commandement est-il susceptible d’engendrer une compassion véritable ? Pouvons-nous dicter un sentiment d’amour à un être humain dont le corps a enregistré la violence au lieu de l’amour au cours des premières années, cruciales, de sa vie ? Nous savons qu’une telle personne réprime ses sentiments véritables au profit de la morale, ce qui souvent engendre des affections comme le cancer ou les maladies cardio-vasculaires. En effet, nous ne pouvons nous débarrasser, une fois pour toutes, de cette haine réprimée que nous retournons souvent contre nous-mêmes, bien que nous tentions de le faire en faisant usage de la morale. C’est pourquoi il est rare que quelqu’un ait le courage de dire clairement et honnêtement : » Je n’ai jamais reçu d’amour de ma mère et donc je ne ressens pas d’amour pour elle. En vérité, elle est une étrangère pour moi. Elle est seule et aurait peut-être besoin d’un fils aimant, mais je ne veux pas mentir pour lui donner cette illusion. Je lui dois, ainsi qu’à moi-même, la vérité que je ne peux ressentir un sentiment d’amour véritable pour elle en tant qu’adulte, parce que j’ai tellement souffert de son aveuglement en tant qu’enfant. « Une personne osant dire cela ne mettra plus ses enfants en danger et n’aura vraisemblablement plus à craindre de maladies graves, parce qu’elle est en mesure de comprendre les messages de son corps avant qu’il ne soit trop tard. »

"Comme j’ai pu vérifier cela dans ma propre biographie de fille puis de mère et dans la vie d’autres personnes, j’ai compris pourquoi la thérapie primale ne pouvait pas m’aider. Dans le cercle vicieux de la douleur déchirante répétée, j’ai pu, en fait, parvenir à retrouver des fragments de l’histoire de mon enfance, mais je n’ai pas été en mesure d’abandonner la position de l’enfant sans défense, qui reste prisonnier de son impuissance. La psychanalyse ne pouvait m’aider non plus parce qu’elle prend le parti des parents et augmente en conséquence les sentiments de culpabilité et de dépendance.
Ayant lu de nombreuses biographies et plus encore des témoignages enflammés sur les forums internet « Notre enfance », je suis parvenue à des conclusions que j’aimerais brièvement exposer.

(1) Les sentiments que l’enfant jadis abusé porte à ses parents, et que nous appelons généralement de l’amour, n’est pas un amour authentique. Il s’agit plutôt d’un attachement émotionnel chargé d’attentes, d’illusions et de dénis qui se paie d’un prix élevé pour toutes les personnes concernées.

(2) En premier lieu, nos propres enfants paient le prix de cet attachement. Ils doivent grandir dans un esprit d’hypocrisie, parce que nous sommes automatiquement tentés d’infliger les mêmes « méthodes éducatives » à nos enfants. Mais souvent nous payons également ce déni par des dommages causés à notre santé, parce que notre « reconnaissance » est en contradiction avec la connaissance qu’a notre corps.

(3) L’échec de nombreuses thérapies s’explique par le fait que la majorité des thérapeutes sont piégés par la morale traditionnelle et essayent de manipuler leurs clients de cette manière, parce qu’ils n’ont jamais appris autre chose. Dès qu’une cliente commence à revivre ses sentiments et parvient, par exemple, à condamner les agissements incestueux de son père sans ambiguïté, sa thérapeute se met à craindre la punition de ses propres parents parce que sa cliente ose réaliser et articuler sa propre vérité. Comment expliquer autrement que le pardon soit offert en guise de remède ? De même que les parents le firent pour leurs enfants, les thérapeutes suggèrent souvent de pardonner dans le but de s’apaiser eux-mêmes. Et comme cela résonne si familièrement, la cliente mettra du temps à ne plus se laisser tromper par cette pédagogie. Et lorsqu’elle aura finalement découvert en quoi consiste les méthodes éducatives de sa thérapeute, elle pourra difficilement la quitter, parce qu’entre temps un nouvel attachement toxique se sera développé. Maintenant, la thérapeute est comme une mère pour elle, puisqu’elle a facilité sa renaissance émotionnelle, qu’elle lui a permis de ressentir à nouveau ses émotions. En conséquence, elle continue d’attendre le salut de sa thérapeute, au lieu de reconnaître les messages de son corps qui lui offre son aide.

(4) Mais si un client, accompagné d’un témoin empathique, est en mesure de trouver et de comprendre sa peur de ses parents et éducateurs, il pourra graduellement dissoudre cet attachement destructeur. Il n’aura pas à attendre longtemps avant que son corps manifeste une réaction positive et que ses messages ne deviennent de plus en plus intelligibles, parce que le corps cessera de s’exprimer par le biais de symptômes mystérieux. Le client sera alors en mesure de réaliser que ses thérapeutes (le plus souvent involontairement) l’ont et se sont eux-mêmes abusés, car le pardon inhibe presque entièrement la cicatrisation des blessures psychiques. L’obsession qui vous pousse à reproduire les dommages qui vous furent infligés ne s’arrête pas avec le pardon."

Le Pardon dans le domaine des thérapies est aussi dénoncé par Alice Miller, car l’on croit que c’est de ne pas pardonner aux parents, de ne pas leur obéir qui rend malade alors que c’est précisément le contraire car pardonner revient à nier ses véritables sentiments, à les ignorer pour pouvoir pardonner, comme elle nous l’explique dans l’article « A Propos du Pardon » :

 

« Chez les survivants de pareilles tortures, qui ont abouti à un refoulement total, l’enfant martyrisé continue cependant à vivre : dans les ténèbres de l’angoisse, de la répression, de la menace. Lorsque toutes les tentatives pour amener l’adulte à écouter son histoire ont échoué, il essaie de se faire entendre par le langage des symptômes, à travers la toxicomanie, la psychose, la délinquance. Cet enfant, devenu à son tour adulte, se prend à soupçonner l’origine de ses souffrances, et demande à des spécialistes si elles ne pourraient pas être en relation avec l’enfance ; on lui assure dans la plupart des cas qu’il n’en est rien. Ou, si l’on confirme son intuition, on lui explique qu’il doit apprendre à pardonner, que c’est son attitude rancunière qui le rend malade. Dans ces groupes fort connus où l’on propose une thérapie aux personnes en état de dépendance et à leurs proches, le mot d’ordre est toujours : Tu ne pourras guérir que quand tu auras pardonné à tes parents tout ce qu’ils t’ont fait. Même s’ils étaient tous les deux alcooliques, s’ils ont abusé de toi, t’ont battu, plongé dans un total désarroi, soumis à des exigences au-dessus de tes forces, exploité - tu dois tout leur pardonner, sinon tu ne pourras pas guérir. De nombreux programmes, baptisés thérapeutiques, ont pour principe d’apprendre dans un premier temps à exprimer ses sentiments et, simultanément, à tenter de voir ce que l’on a vécu dans son enfance. Mais, ensuite, il faut s’astreindre au » travail du pardon « , prétendument nécessaire à la guérison. »

« La » thérapie « qui prêche le pardon dévoile par là sa position éducatrice. Et cela révèle également l’impuissance des prêcheurs de pardon, qui se baptisent étrangement thérapeutes mais devraient, ce serait plus exact, se désigner du nom de prêtres. Le résultat est, au bout du compte, la perpétuation de l’aveuglement acquis dans l’enfance, qu’une véritable thérapie aurait pu dissiper. Le patient ne cesse de s’entendre dire, jusqu’à ce qu’il le croie - et le thérapeute est alors tranquillisé : » Ta haine te rend malade ; pour guérir, tu dois pardonner et oublier. « Or ce n’est pas la haine, mais justement cette morale si instamment conseillée qui a, dans son enfance, plongé le patient dans ce désespoir muet et l’a finalement rendu malade, en le coupant de ses sentiments et de ses besoins.
L’exhortation au pardon n’a rien à voir avec une thérapie efficace ni avec la vie. Et elle a barré à nombre de personnes cherchant de l’aide le chemin de la délivrance. Les thérapeutes sont sous l’emprise de leur propre peur, la peur de l’enfant maltraité qui redoute la vengeance de ses parents, et se laissent guider par l’espoir que, malgré tout, une bonne conduite vous permettra un jour ou l’autre d’acheter l’amour de vos parents. Cet espoir illusoire des thérapeutes, les patients le paient d’un prix élevé : recevant, en guise de » thérapie « , des informations fausses, ils ne peuvent trouver le chemin de la délivrance. En me refusant à pardonner, je renonce à toutes les illusions. Certes, un enfant maltraité ne peut pas survivre sans ses illusions - mais un thérapeute adulte doit s’en montrer capable. Dès lors, son patient pourra se dire : » Pourquoi devrais je pardonner, si personne ne me le demande ? Mes parents se refusent bien à savoir, à comprendre ce qu’ils m’ont infligé. Pourquoi donc devrais-je continuer à m’efforcer, par exemple à l’aide de la psychanalyse ou de l’analyse transactionnelle, de comprendre mes parents et leur enfance, et de leur pardonner ? A quoi cela peut-il servir ? Qui en sera aidé ? Cela n’aide pas mes parents à voir la vérité, et moi, cela m’empêche de vivre les sentiments qui m’ouvriraient l’accès à la vérité. Sous la cloche de verre du pardon, les sentiments n’ont ni le droit ni la possibilité de s’exprimer librement. « Semblables réflexions ne sont hélas pas d’usage dans les milieux thérapeutiques, où le pardon a force de loi. La seule concession que l’on fait est d’établir une distinction entre vrai et faux pardon. Mais le prétendu vrai » pardon « , reste en tout cas considéré comme l’objectif thérapeutique, et n’est jamais remis en question. J’ai demandé à beaucoup de thérapeutes pourquoi ils estiment le pardon nécessaire à la guérison, mais n’ai jamais reçu de réponse. Selon toutes apparences, ils n’avaient jamais encore remis en question cet impératif qu’ils jugeaient comme allant de soi, au même titre que les mauvais traitements connus dans leur enfance. Je ne puis m’imaginer qu’une société qui ne maltraite pas ses enfants, mais au contraire les respecte et les protège avec amour, développerait l’idéologie du pardon d’inconcevables cruautés. Cette idéologie est indissolublement liée au commandement : » Tu ne te rendras compte de rien « , ainsi qu’à la répétition de la maltraitance à la génération suivante, qui paie le prix fort pour le pardon auquel ont été astreints ses parents. La peur de la vengeance des parents imprègne notre » morale « . »



La Culpabilité

Les interprétations des faits comme quoi l’enfant ou même la théorie de Freud du complexe d’OEdipe ou l’enfant est rendu coupable de l’abus sexuels de ses parents pour cacher la responsabilité des parents sont dues à la culpabilité, on pourrait dire que ces idées sur la « culpabilité innée » de l’enfant, les gènes du mal ou encore sur la nécéssité des fessées sont des visions déformées de la réalité à travers le prisme de la culpabilité, ou l’on considère l’enfant coupable et donc responsable de ce qu’il subis, comme le croient les parents. On fait culpabiliser l’enfant pour ce qu’on lui fait subir.

L’enfant se croit coupable de ce que lui font ses parents, le problème est que l’on ne fait pas la différence entre se sentir coupable et être coupable d’avoir commis des actes criminels, comme le montre A.Miller dans cet article : Les Sentiments de Culpabilité

 

« Il arrive qu’on me demande d’où je tire ma certitude et sur quoi je m’appuie pour contredire comme je le fais les opinions établies, étant donné que je ne suis membre d’aucune école, d’aucune secte ni de quelque confession religieuse que ce soit, et qu’ordinairement c’est l’appartenance à de telles communautés qui procure à bon nombre de gens une apparence d’assurance. C’est vrai, je ne crois qu’aux faits que je peux vérifier moi-même. J’ai pu comprendre la signification de ces faits grâce à tout ce que j’ai vécu dans ma vie et aux milliers de lettres que j’ai reçues des lecteurs de mes livres depuis 1979.

Pour la plupart d’entre elles, ces lettres sont marquées par un déni de la réalité vécue par les personnes concernées presque total et tout à fait frappant, mais que l’exposé des faits révèle nettement à un observateur extérieur. Les lettres sont presque toujours écrites DU POINT DU VUE DES PARENTS, qui sont dans l’incapacité de supporter l’enfant que l’on était, et encore moins de l’aimer. En revanche, le point de vue de l’enfant ne s’exprime pas dans une seule phrase, si l’on met à part la souffrance de l’adulte d’aujourd’hui, ses symptômes physiques, ses dépressions, ses idées suicidaires et les sentiments de culpabilité qui le tenaillent.

A chaque fois, on me dit que l’on n’était pas un enfant maltraité, que l’on n’était pas non plus un enfant battu, mises à part quelques claques, qui bien sûr comme chacun sait ne comptent pas, ou de coups de pied au derrière occasionnels, qui en fait étaient vraiment mérités, parce qu’on était parfois insupportable et qu’on tapait sur les nerfs de ses parents. Souvent on m’assure qu’au fond on était un enfant aimé, mais qu’on avait de pauvres parents dépassés, malheureux, dépressifs, mal informés ou même alcooliques, qui eux-mêmes avaient grandi sans amour. Rien d’étonnant alors si ces parents perdaient patience et tapaient si facilement. On ne peut qu’avoir de la compréhension pour un tel comportement. On aurait tant voulu leur venir en aide, parce qu’on les aimait et qu’ils nous faisaient de la peine. Mais même au prix des plus grands efforts, personne n’a jamais réussi à les sauver en les tirant de leur dépression et à les rendre heureux.

Tout cela laissait subsister les affres d’un sentiment de culpabilité que rien ne peut faire refluer. On se trouve en permanence confronté à cette question : qu’est-ce que je fais de travers ? Pourquoi je n’arrive pas à tirer mes parents de leur détresse et à les sauver ? Je me donne tant de mal. Avec les thérapeutes, c’est pareil. Ils disent que je dois quand même profiter des bonnes choses de la vie, mais je n’y arrive pas, et de cela aussi je me sens coupable. Ils disent que je dois malgré tout devenir enfin adulte, ne pas me considérer comme une victime, que mon enfance est terminée depuis longtemps, que je dois quand même finir par tourner la page et arrêter de ruminer. Ils disent que je ne dois pas chercher de coupable ou de responsable ailleurs, sinon la haine me tuera, que je dois enfin pardonner et vivre dans le présent, sinon je suis un patient « borderline », ou je ne sais quoi encore. Mais comment puis-je y arriver ? Naturellement, je ne veux pas incriminer mes parents, parce que je les aime et que je leur dois d’être au monde. Ils ont eu assez de soucis avec moi. Comment me débarrasser de mes sentiments de culpabilité ? Ils deviennent encore plus forts à chaque fois que je frappe mes enfants, c’est affreux de voir que je suis incapable d’arrêter de le faire, et je replonge à chaque fois dans le désespoir. Je me déteste de ce recours irrépressible à la violence, je me hais quand je suis pris d’une crise de fureur aveugle. Que puis-je faire contre cela ? Pourquoi dois-je constamment me détester et me sentir coupable ? Pourquoi tous les thérapeutes que j’ai vus ne m’ont-ils été d’aucune aide ? Depuis des années j’essaie de suivre leurs conseils, mais malgré tout je n’arrive pas à me libérer de mes sentiments de culpabilité et à m’aimer comme je devrais le faire.
 »  


La Pédagogie Noire et les Thérapies

Nombre de thérapeutes et de thérapies sont donc encore prisonniers de telles conceptions moralisatrices et dangereuses. Alice Miller propose même sur son site une « FAQ » (Comment trouver le/la thérapeute qui me conviendra ? ) pour aider à trouver un thérapeute qui soit vraiment une aide, libéré des préceptes moraux traditionnels de l’éducation, ce qui tranche avec l’opinion répandue que la plupart des psys sont compétents, elle nous dit le contraire, que seulement une minorités sont compétants et peuvent vraiment aider leurs patients, car peu d’entre eux ont osés remettre en question leurs propre éducation, leurs propres parents et une majorité ne semble pas pouvoir tenir compte de l’importance de l’enfance qui reste minimisée :


« Adresses de thérapeutes

Si je connaissais des thérapeutes assez respectueux pour répondre à vos questions ; assez libres pour montrer leur indignation sur les comportements de vos parents envers vous ; assez courageux pour vous accompagner avec empathie quand vous exprimez votre rage bloquée dans votre corps depuis des décennies ; assez bien informés pour ne pas faire des sermons sur « vous devez oublier », le pardon, la méditation et les « pensées positives » ; assez honnêtes pour ne pas vouloir vous endormir avec des mots vides comme « spiritualité » quand ils ont peur de votre histoire tragique - je serais heureuse de vous donner leurs noms, adresse et téléphone. Mais je ne les connais pas.

Quand j’ouvre Internet, je trouve une avalanche d’offres ésotériques, religieuses, sectaires, commerciales ou des pratiques manipulatrices dangereuses sur le corps, en tout cas pas ce que je cherche.
Dans l’espoir qu’il existe aussi des thérapeutes qui proposent une confrontation sérieuse et systématique avec la réalité de la propre enfance et une assistance sans vous leurrer, je vous propose avec ma liste FAQ les outils pour votre recherche.
Si les thérapeutes refusent de répondre à vos questions, vous gagnez, au moins, du temps et de l’argent.
Si vous avez gardé la crainte de l’enfant sous terreur que vous étiez, quand vous posez des questions aujourd’hui aux thérapeutes, votre peur est compréhensible mais cela ne veut pas dire que vos questions ne sont pas importantes et essentielles, elles le sont sans aucun doute. » 

 

 

La Haine n’est pas Mauvaise en Soi

On entend souvent parler de sentiments dit négatifs comme la haine, mais ils ne sont pas dangereux en eux mêmes nous dit Alice Miller, car les sentiments ne font pas de mal, c’est au contraire de vouloir suprimer de tels sentiments en les rendant inconscients que ça devient dangereux. C’est même d’être conscient de tels sentiments qui nous évite la souffrance inutile et nous libère de notre passé et de nos souffrances intériorisées. La haine est une défense normale contre les blessures.

La haine est un « bouc émissaire », un sujet interdit auquel Alice Miller « s’attaque » pour nous expliquer que la haine est une réaction normale, mais que l’interdiction de s’en apercevoir (« le 4ème commandement ») nous fait confondre la haine en elle même et les conséquences de la négation de cette haine. On s’interdit d’éprouver de tels sentiments pour se protéger des parents qui interdisent ces sentiments dits négatifs qui déclenchent la violence parentale, la haine est encore trop souvent confondu avec la violence, car la haine apparaît en situation de violence.

Extrait de l’Article d’A.Miller « Qu’est-ce que la haine ? » :

« On associe habituellement le mot haine à l’idée d’une dangereuse malédiction qu’il faudrait éloigner aussi vite que possible. On entend aussi souvent dire que la haine serait pour l’individu un poison qui rendrait quasiment impossible la guérison des blessures reçues dans l’enfance. Comme je me démarque nettement de cette opinion courante, il m’arrive souvent d’être mal comprise. De ce fait, mes efforts pour faire la lumière sur ce phénomène et pour approfondir cette notion n’ont pas eu beaucoup de succès jusqu’alors. Voilà donc pourquoi je recommande la lecture préalable du chapitre de mon livre » Chemins de vie « intitulé » Comment naît la haine ? « à qui souhaiterait me suivre dans ce développement-ci. Il faut quand même dire, que dans ce chapitre, écrit en 1996, il y a une réflexion dans laquelle je vois aujourd’hui la tendance universelle de protéger les parents à tout prix dont je me suis libérée entre-temps (cf. »Notre corps ne ment jamais« , Flammarion, Paris). Je pense moi aussi que la haine peut empoisonner un organisme, mais seulement tant qu’elle reste inconsciente et dirigée contre des substituts, c’est-à-dire des boucs émissaires. Alors, elle ne peut pas se dissoudre et disparaître. Supposons que je haïsse les travailleurs immigrés, mais que je sois dans l’incapacité de voir comment mes parents m’ont traitée lorsque j’étais enfant, comment par exemple ils laissaient le nourrisson que j’étais hurler pendant des heures, ou ne me regardaient jamais avec amour, alors je souffre d’une haine latente qui peut m’accompagner ma vie durant et déclencher dans mon corps divers types de symptômes. Mais si je sais le mal que mes parents m’ont fait du fait de leur aveuglement et que j’ai pu ressentir consciemment ma révolte contre leur comportement, je n’ai pas besoin de reporter ma haine sur des personnes qui n’y sont pour rien. Avec le temps, la haine que j’éprouve à l’égard de mes parents pourra s’atténuer et même disparaître pendant des périodes plus ou moins longues, mais des événements de la vie présente ou la remontée de souvenirs sous un angle neuf pourront aussi la ranimer brusquement. Mais maintenant, je sais de quoi il retourne. Maintenant, je me connais suffisamment bien, grâce justement aux sentiments que j’ai revécus, ET LA HAINE NE ME POUSSERA PAS A TUER QUI QUE CE SOIT, NI A PORTER PREJUDICE A QUICONQUE. »



Le « Témoin Secourable »

L’une des notions importantes d’Alice Miller est le « témoin secourable » qui a manqué dans l’enfance des dictateurs et des criminels, qui permettent à l’enfant d’avoir un peu d’amour et de compassion, ce que n’ont pas eu les dictateurs et les meurtriers, ils sont incapables d’éprouver de la compassion et de l’empathie pour eux mêmes et pour les autres, ce qui les rend insensibles à leurs propres souffrances, ne peuvent plus concevoir la réalité du mal et des souffrances qu’il infligent, car comme ils croient ne pas avoir soufferts des abus qu’ils ont subis, pourquoi leur victimes en souffriraient-elles ?

Elle dit que nous avons tous en majorité rencontré de telles personnes qui « aimaient bien » l’enfant. Ces enfants devenus meurtriers se comportent comme de véritables robots capables d’éxécuter les ordres les plus cruels sans aucun remords, sans aucun accès à leur émotions et à leur sensibilité, car seul l’accès à leur véritables émotions ainsi qu’a leurs causes (les violentes parentales) permettrait à ces criminels d’arrêter de reproduire ce qu’ils ont subis et de reconnaitre leur propre souffrance et celles des autres. Seul l’accès à ces émotions refoulées permet de voir ce que ça nous fait d’être maltraité, abusé.

Extrait de l’article « Le rôle décisif des témoins lucides dans notre société » au sujet de ces témoins que l’enfant rencontre dans l’enfance :

« Quand j’ai commencé à illustrer ma thèse en utilisant les exemples d ’Hitler et de Staline, quand j’ai essaye de montrer quelles conséquences a eues la maltraitance des enfants pour la société, j’ai rencontré les résistances les plus profondes. Beaucoup de gens m’ont dit : »Mais moi aussi j’ai été un enfant battu et je ne suis pas devenu un criminel« . Quand j’ai demandé des détails sur leur enfance à ces gens-là, ils m’ont toujours parlé d’une personne qui les aimait bien, même si elle n’était pas capable de les protéger. Quand même, cette personne leur a donné, au moins par sa seule présence, une notion de confiance et d’amour. J’appelle ces personnes les témoins secourables. Par exemple, chez Dostoïevski dont le père était très brutal, on trouve une mère aimante. Elle n’était pas assez forte pour le défendre contre son père mais elle a transmis à son fils la notion de l’amour sans laquelle les romans de Dostoïevski auraient été impensables. Il y a aussi des gens qui ont rencontré en plus des témoins lucides et courageux, des personnes qui pouvaient les aider a reconnaître l’injustice subie et à articuler leurs sentiments de colère, d’indignation ou de douleur à propos de ce qui leur était arrivé. Ces gens-là ne sont jamais devenus criminels. »

 

Le Mensonge de la psychanalyse

La Psychanalyse est aussi dénoncée par Alice Miller, elle même anciennement psychanalyste, elle s’est libérée depuis des idées faussées des théories Freudiennes comme quoi l’enfant chercherait à séduire son parent de sexe opposé et que la résolution de ce conflit déterminerait la névrose de l’individu. Alice Miller dénonce le fait que la psychanalyse rend l’enfant coupable de ses « désirs pulsionnels » qui n’est en fait qu’une mystification de la réalité qui vise à protéger les parents et à rendre l’enfant responsable de ce que lui ont fait ses parents, c’est le point de vue des parents, ce qui explique le succès de cette théorie, Freud était du coté des parents et non de la vérité. Même dans le mythe d’OEdipe, Feud semble avoir oublié la responsabilité des parents qui ont provoqués la suite de l’histoire en abandonnant sur les conseils d’un devin l’enfant. Malheureusement, on oublie que les criminels et les parents maltraitants se livrent à de tels actes de violences pour ne pas accuser leurs parents et « oublier », comme le montre cette interview : 

 

« Qu’est-ce qui ne va pas dans la façon dont la psychanalyse est pratiquée actuellement ? Pourquoi avez-vous été exclue de l’Association psychanalytique ?

 

On ne m’a pas exclue de l’Association psychanalytique ; c’est moi qui me suis écartée d’une école après l’autre à mesure que m’apparaissaient clairement le traditionalisme de leur point de vue et leur refus de prendre en compte la souffrance de l’enfant ; En fin de compte j’ai dû reconnaître que de ce point de vue, la psychanalyse ne constitue pas une exception. La manière dont Freud a utilisé le mythe d’Œdipe est très significative.
Là apparaît clairement la tendance générale, qui est de mettre l’enfant en accusation et de protéger les parents. De toute évidence, Freud semble avoir oublié que Œdipe a d’abord été la victime de ses parents et qu’il a été poussé par eux dans le rôle du « pêcheur ». Ses parents l’ont abandonné alors qu’il était un tout petit enfant. Il est très éclairant de lire la véritable histoire d’Œdipe. Vous pourrez aussi la trouver sur mon site dans un article en allemand de Thomas Gruner.
En ce qui concerne la façon dont la psychanalyse est pratiquée actuellement, je pense que la protection des parents est assurée par un certain nombre de règles, comme par exemple la neutralité exigée du thérapeute (au lieu du parti pris en faveur de l’enfant victime), tout comme l’importance accordée aux phantasmes (au lieu de la confrontation avec la réalité de l’éducation cruelle que le client a reçue). Vous trouverez également sur mon site mes articles les plus récents sur ces questions. »




Le Corps, Notre Principal Témoin

L’aspect principal du travail d’Alice Miller est donc l’écoute du corps qui permet de connaitre la vérité sur ce qui s’est passé, les souffrances et les addictions comme la toxicomanie, la dépression, l’anorexie, etc... ne sont que des expressions codées d’expériences vécues dans l’enfance, mais restées inconscientes par peur des parents, car être conscient de la responsabilité des parents conduit à les accuser, ce qui est interdit pour l’enfant.
Alice Miller décrit plus en détail ce processus dans son livre « Notre Corps ne Ment Jamais », dont on peut lire une réflexion à son sujet dans cet article : « Notre corps ne ment jamais - un défi »


« Après la parution de « Notre corps ne ment jamais » en mars 2004, de nombreux lecteurs m’ont écrit pour me dire combien ils étaient heureux de ne plus avoir à s’imposer des sentiments qu’ils ne ressentaient pas en vérité, et aussi leur bonheur d’enfin ne plus avoir à s’interdire d’éprouver les sentiments qui sans cesse renaissent en eux, inchangés. Mais certaines réactions, surtout dans la presse, témoignent assez souvent d’une incompréhension fondamentale, à laquelle je peux avoir moi-même contribué par l’utilisation du mot « maltraitance » dans un sens beaucoup plus large que son usage courant.

L’évocation de ce mot est habituellement associée à l’image d’un enfant au corps meurtri - en partie ou entièrement - dont les blessures renvoient explicitement aux lésions subies. Mais ce que je décris dans ce livre et auquel je donne le nom de maltraitance, ce sont plus encore les lésions de l’intégrité psychique de l’enfant qui au départ restent INVISIBLES. Leurs séquelles ne se manifesteront souvent que des dizaines d’années plus tard, et même alors le lien avec les blessures subies dans l’enfance ne sera que rarement établi et pris au sérieux. Les personnes concernées elles-mêmes, tout comme la société (les médecins, les avocats, les enseignants et malheureusement aussi de nombreux thérapeutes), ne veulent rien savoir des origines de ces « troubles » ultérieurs ni de certains « comportements bizarres » qui nécessitent de remonter à l’enfance.

Quand j’appelle maltraitance ces blessures invisibles, je trouve le plus souvent en face de moi résistance et indignation ouverte. Je peux parfaitement comprendre ces sentiments, parce que je les ai longtemps partagés. Autrefois, j’aurais protesté violemment si quelqu’un m’avait dit que j’ai été une enfant maltraitée. C’est seulement maintenant, grâce à mes rêves, grâce à ma peinture et bien évidemment grâce aux messages de mon corps, que je sais avec certitude qu’enfant, il m’a fallu endurer pendant des années des lésions psychiques dont adulte je n’ai pendant très longtemps pas voulu prendre conscience (voir p.26). Comme tant d’autres, je me disais : « Moi ? mais je n’ai jamais été battue. Les quelques tapes que j’ai reçues, ça n’a pratiquement aucune importance. Et puis ma mère s’est donnée tant de mal pour moi » (le lecteur trouvera des affirmations du même type à la page 80).

Mais justement, il ne faut pas oublier que les graves séquelles laissées par les blessures précoces invisibles résultent de la minimisation des souffrances de l’enfant et du déni de leur signification. Tout adulte peut facilement s’imaginer la frayeur et l’humiliation qu’il ressentirait s’il se trouvait soudain agressé par un géant furieux huit fois plus grand que lui. Mais quand il s’agit d’un petit enfant, nous considérons qu’il ne ressent pas la même chose, bien que nous soyons à même de constater à quel point il est éveillé, et la justesse de ses réponses aux sollicitations de son environnement (cf. Martin Dornes, « Der kompetente Säugling », Jesper Juul, « Das kompetente Kind »). Les parents pensent que les tapes ne font aucun mal, qu’elles sont juste un moyen de transmettre des valeurs bien précises aux enfants, et l’enfant reprend cela à son compte. Certains enfants apprennent même à en rire et à utiliser leur connaissance intime de l’humiliation et de l’avilissement pour railler leur douleur. Une fois adultes, ils s’accrochent à cette raillerie, ils sont fiers de leur cynisme, ils en font même de la littérature, comme nous pouvons le voir chez James Joyce, Frank McCourt, etc.... Si ils viennent à connaître angoisse ou dépression, ce que la répression des sentiments vrais refoulés rend inévitable, ils trouvent facilement des médecins pour les soulager un temps à l’aide de médicaments. C’est ainsi qu’ils peuvent tranquillement préserver leur auto-ironie, cette arme éprouvée et appréciée contre tous les sentiments qui remontent du passé. Par là même ils se conforment également aux exigences de la société, qui tient la protection des parents pour un précepte majeur. » 

 

La Fessée et Les Châtiments Corporels

Les tapes et autres fessées « éducatives » sont aussi dénoncées par Alice Miller. Ce sont des blessures invisibles et elle n’y voit que la reproduction de ce qu’on subis les parents dans leur propre enfance, qui justifient souvent leur comportement violent envers l’enfant justement par la « violence » ou le comportement inadapté de l’enfant à certaines situations parce qu’ils ne savent pas qu’ils reproduisent inconsciemment ce qu’ils ont eux mêmes subis. Comme ils ne connaissent pas la véritable origine de leur comportement, ils ne parlent que de l’aspect visible et superficiel : le comportement de l’enfant, qui n’est que le déclencheur et non la véritable cause, que l’enfant soit « insupportable » ou non .

 

L’un de ses tracts nous explique quels sont les véritables origines d’un tel comportement, origines qui restent bien souvent masquées derrière des idéologies éducatrices, pour éviter d’accuser les parents en rendant l’enfant responsable, ce qui permet de décharger ses angoisses et ses peurs sur l’enfant, mais seulement temporairement.

En frappant l’enfant, les parents répètent uniquement ce qu’ils ont appris de leurs propres parents, ils accusent l’enfant pour protéger leurs propres parents, que les tapes et autres fessées sont nécéssaires à l’enfant, mais elles ne font en réalité que masquer la véritable origine du comportement des parents qui vient de leur propre enfance et non de leur enfant car découvrir la vérité représentait un danger pour l’enfant mais n’en est plus un à l’âge adulte :

 


"Chaque fessée est une humiliation
De nombreuses recherches ont démontré que si les châtiments corporels permettent de faire obéir un enfant dans l’immédiat, ils entraînent ultérieurement de graves troubles du caractère et du comportement si cet enfant ne trouve pas, dans son entourage, une personne informée et compatissante pour lui venir en aide. Hitler, Staline, Mao et d’autres tyrans n’ont pas rencontré, quand ils étaient petits, de tels témoins lucides. De ce fait, ils ont appris très tôt à glorifier la cruauté devenus adultes, à justifier les massacres qu’ils organisaient. Des millions de gens, eux aussi élevés dans la violence, leur ont prêté la main.
Il faut cesser de se servir des enfants comme d’un exutoire, permettant de se défouler légalement des affects accumulés. On croit encore souvent que de "légères" humiliations, du type claques ou fessées seraient inoffensives. Car, tout comme pour nos parents, cette idée nous a été inculquée très tôt dans notre enfance. Elle aidait l’enfant battu à minimiser sa souffrance, et par là, à la supporter. Mais sa nocivité se révèle précisément par cette large acceptation : puisque cela était supposé "ne pas faire de mal", à chaque génération des enfants ont subi ces humiliants traitements, et, de plus, ont jugé juste et normal de recevoir des coups. Paradoxalement, dans leur effort d’empêcher leurs enfants de devenir délinquants, les parents leur ont enseigné la délinquance en leur livrant des modèles violentes.
Quand en 1977, la loi sur l’interdiction des châtiments corporels a été promulguée en Suède, 70% des citoyens interrogés lors d’un sondage y étaient opposés. En 1997, ils n’étaient plus que 10%. Ces chiffres montrent qu’en vingt ans les mentalités se sont transformées. Grâce à la nouvelle législation, une coutume destructrice a pu être abandonnée.
Il est prévu d’étendre à toute l’Europe la législation interdisant les châtiments corporels. Ils ne s’agit nullement de traîner les parents sur le banc des accusés. Cette loi dit au contraire avoir pour eux une fonction protectrice et informative. Les parents qui l’enfreignent devraient être astreints par le tribunal à dissiper leur ignorance sur les conséquences des châtiments corporels, à apprendre quels dégâts ils provoquent. Les informations sur l’effet nocif de "l’inoffensive fessée" devrait être diffusée de manière à être connus de tous, car l’éducation inconsciente à la violence commence très tôt, et beaucoup d’êtres humains en resteront marqués pour la vie. Ce qui est en jeu, c’est l’avenir de la société tout entière."

 

Notre Propre Enfance

Alice Miller explique que son but est de permettre à chacun de prendre conscience de sa propre enfance, pas seulement les aspect superficiels, mais d’un point de vue "emotionnel", c’est à dire comprendre et de ne plus nier les souffrances et la douleur engendrée par les violences parentales et éducatives, même celles de la fessée et autres tapes tellement répandues.

Elle insiste aussi sur le fait que contrairement à certaines thérapies actuelles focalisées sur les émotions qui évitent d’accuser les parents, il faut aussi comprendre le sens de ces émotions, c’est à dire leur origine et leur raison, ce qui a provoqué ces émotions, ces réactions de défenses, qui sont bien souvent le comportement violent des parents envers l’enfant.

Arrêtons de croire que ce que nous avons subis était pour notre bien, en écoutant notre corps qui ne se laisse pas leurer, nous dit Alice Miller.

Cette négation conduit à croire que les coups et les fessées, même modérés nous ont fait du bien parce que ça provoque une "déconnexion" des sentiments de haine, de colère et des souffrances, pour protéger l’enfant qui ne pourrait pas les supporter lui même, comme dans une opération chirurgicale ou le patient est endormi et mis sous anti-douleur, pour supporter l’intervention. Si l’on ne ressent plus les souffrances provoquées par ces maltraitances, alors nous pouvons toujours croire que ça nous a fait du bien (de ne pas les ressentir). L’enfant obéit par peur de recevoir et de souffrir des coups.

 Ce refoulement est nécessaire pour l’enfant, ça lui permet de survivre car il ne pourrait pas supporter cette vérité tout seul, mais ça devient dangereux à l’âge adulte, car ce n’est plus nécessaire comme l’enfant n’est plus dans cette situation et cette technique de survie devient une entrave à la vie car inadaptée à la situation présente ou l’enfant n’est plus en danger. C’est comme de garder notre ceinture de sécurité une fois que nous sommes sortis de la voiture...

Alice Miller tente donc de nous montrer l’importance décisive mais niée de l’enfance à l’âge adulte dans beaucoup de domaines qui sont évoqués dans chacun de ses livres. La méconnaissance de notre propre enfance, de notre histoire qui commence dès l’enfance, conduit à répéter les mensonges que nos parents ont eux mêmes crus, et qu’écouter son corps et indispensable pour connaitre la vérité et donc se libérer des idées mensongères comme quoi la violence permet à l’enfant de se préparer au monde dans le quel il vivra parce que c’est justement la violence apprise dans l’enfance qui rend notre société si violente, ou encore qu’il existe de bonnes fessées car seul l’accès à nos véritables sentiments permettent de contredire l’opinion des parents comme quoi ça ne fait pas de mal si ça ne se voit pas, si il n’y a pas de traces visibles.

C’est seulement en apparence qu’il n’y a pas de dégats, les dégats sont invisibles et les connexions avec ce qui s’est passé dans l’enfance lorsque les violences apparaissent plus tard restent cachées et niées.

Malheureusement, ces travaux sont méconnus car nombre de professionnels et de journalistes sont encore prisonniers de cette morale qui nous interdit d’accuser nos parents et de voir ce que nous avons subis.

Pourtant, le courrier sur son site internet nous montre que son travail a permis à des milliers de gens de découvrir leur propre histoire, de cesser de se mentir et de croire les mensonges de leurs propres parents et de la société sur l’education « pour le bien » de l’enfant qui n’est en définitive que l’abus de l’enfant et de cesser cette « production du mal » comme dit Alice Miller.

 

Reconnaître les Souffrances de l’Enfant

Elle dénonce les institutions qui ne veulent pas dénoncer ces abus et protéger les enfant, comme le Pape et l’église et qui pourraient protéger les enfants et la société de la violence car ces propos sont entendus par des millions de fidèles : Soigner et prévenir les blessures de l’enfance 

 

« Vous vous étonnez du peu d’actions concrètes que pourraient engager des instances "morales" comme les églises en faveur de la condamnation explicite de ces violences. Mais globalement, le rejet de la maltraitance n’a-t-il pas progressé ?

Oui, le rejet de la maltraitance a progressé. Mais la violence éducative n’est pas encore regardée comme une maltraitance. Parce que presque tout le monde en est atteint et la grande majorité nie la souffrance de l’enfant battu "pour son bien". On nie alors les conséquences graves. On parle d’une correction qui nous a fait du bien, nous a rendu forts, etc. 90% de la population mondiale partagent ce point de vue, cette mentalité fatale. Aujourd’hui, je ne connais personne qui dirait qu’il faut maltraiter les enfants. Mais pourtant on me dit presque partout que la fessée est nécessaire et efficace. C’est pourquoi j’insiste sur ce sujet. Je pense que la société ne pourra se libérer de cette tradition destructrice qu’avec une loi qui interdirait les coups et la fessée. A part la loi, un mot de l’Eglise, une seule phrase du Pape qui affirmerait clairement le danger de la violence éducative pourrait changer la mentalité des chrétiens. Malheureusement, toutes mes démarches pour faire passer au Saint Père les informations les plus récentes sur ce sujet ont échoué. J’ai envoyé les résultats de recherches en neurobiologie qui ont constaté des lésions dans les cerveaux des enfants battus. J’ai essayé d’expliquer que personne ne peut apprendre de bons messages dans un état de peur et qu’un enfant battu n’apprend qu’à battre à son tour. J’ai envoyé plusieurs lettres. Mais l’entourage a tout fait pour ne pas laisser passer ces lettres au Pape. Pour moi, l’Eglise continue consciemment à refuser sa miséricorde aux plus petits et aux plus impuissants, les enfants. »

La Connaissance Interdite

Je concluerais cet article par une citation d’un autre Interview d’A.Miller qui explique pourquoi cette connaissane fondamentale est encore reconnue seulement par une minorité de gens :

Interview par Olivier Maurel :

 

« N’est-ce pas faire preuve d’un excès d’optimisme et même d’utopie que d’écrire : "Lorsque sera levée l’ignorance résultant des refoulements de l’enfance et que l’humanité sera réveillée, cette production du mal pourra s’interrompre." ? (La Connaissance interdite, p. 175.)

Je ne pense pas que ce soit une utopie de dire que les adultes qui ont eu la chance d’apprendre le respect pour l’enfant changeront les schémas culturels dans l’avenir. Ce n’est pas la société qui forme la personnalité, ce sont les personnes qui forment la société, et l’enfance de ces personnes joue un rôle primordial dans la façon dont elles se conduisent une fois adultes.
Vous avez parlé au nom des gens qui me critiquent, qui m’accusent de rousseauisme ou d’obscénité parce que je veux et peux comprendre ce qu’ils ne veulent pas comprendre. Ils me reprochent mon ³réductionnisme" parce qu’ils n’essaient pas de comprendre la complexité de mes explications. Je sais que, plusieurs fois, vous vous êtes fait l’avocat du diable pour provoquer ma réaction. Permettez-moi, pour conclure, de poser cette question très simple : comment pouvons-nous comprendre notre vie si nous ne voulons pas comprendre l’histoire de nos trois premières années, l’histoire du temps où notre cerveau s’est structuré ?
Quoique je déplore la résistance et les oppositions contre mes efforts pour approfondir notre connaissance de l’enfance, je peux quand même très bien comprendre les motifs qui suscitent cette résistance. Pour la plupart des gens (pas pour une minorité), il est absolument insupportable d’éprouver de l’empathie pour l’enfant qu’ils étaient auparavant, de se souvenir de la souffrance causée par leurs parents et leurs éducateurs. Une fois sortis de cette situation de souffrance, ils ont tout fait pour l’oublier, et ils ne veulent à aucun prix se rappeler leur impuissance. Quant à moi, je choisis précisément ce que la plupart des gens refusent : je choisis de ressentir cette impuissance d’un enfant sage et bien éduqué, afin de pouvoir comprendre ce qui s’est passé pour moi et pour les autres. Si je me suis trompée, l’avenir ne manquera pas de nous le montrer. » 

 

Ressources et Liens :

Site Internet d’Alice Miller

Bibliographie d’Alice Miller

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12 réactions à cet article    


  • Illel Kieser ’l Baz 23 janvier 2009 13:19

    @auteur,
    bonjour, beaucoup de chose à dire sur votre article, notamment sur le thème critique des médias et de la place d’une psychologue comme Alice Miller.
    Mais, avant, l’édition de cet article permet au moins de lancer un débat et de donner une information. Je me suis fait largement l’écho de sa première parution sur Betapolitique.
    Nous verrons donc comment les échanges évoluent sur Avox.
    A+


    • Illel Kieser ’l Baz 23 janvier 2009 18:13

      @auteur,
      Je reprendrai certains éléments de votre article :
      votre critique des médias et votre étonnement que A. Miller soit si peu connue.
      La place qu’elle occupe dans la nébuleuse psy francophone
      Sa position philosophique et sa vision du monde (en fin de votre article)


      La position des médias et votre critique
      Pourquoi donnez-vous dans cette tendance si commune actuellement qui consiste à prêter aux médias tous les torts, notamment dans le domaine de la vulgarisation scientifique.
      Il y a, à ce propos, un malentendu. Les médias que d’aucuns critiquent sont ce que l’on nommait un temps les mass media. C’est plus explicite. Les idées mettent du temps à se propager, quelque soient les cultures. Nos outils de communication se sont cependant fractionner en même temps qu’il se diversifiaient. Certains ont mis le monde à notre portée si bien que nous pouvons savoir quasiment en temps réel ce qui se passe aux Brésil, au Canada ou en Australie. Que nous transemttent-ils ?
      Qu’attendez-vous des médias, qu’ils fassent le tri pour vous des informations culturelles, philosophiques, scientifiques ? Non, l’orientation sensationnaliste était incontournable (mon produit est plus beau que celui des autres, c’est vieux comme le monde). Ces médias qui sont aussi des objets du marché ne pouvaient également que s’aligner sur les comportements prédateure de l’économie libérale.
      D’où l’appauvrissement de la qualité du métier de journaliste, l’appauvrissement égal des contenus et, surtout, le silence sur ce qui dérange.
      Assumer l’existence de ces lois de nivellement agressif, ce n’est pas les accepter mais il faut bien les connaître pour les contourner, voire en biaiser la malfaisance (stratégie du jeu de Go)

      Vous avez écrit cet article, vous gérer un blog, c’est une chose, et c’est votre boulot, c’est aussi le mien d’user de tous les artifices qui sont mis à notre portée pour porter notre parole chaque fois que possible.
      Et vous devrez bien encaisser la frustration née du constat du peu de commentaires sous votre article pendant que celui qui nous parle de la "queue" de Sarkozy attire tant de lecteurs et de commentateurs. (C’est un exempe quotidien à porté de notre oeil. Regardez les une de Avox, chaque jour)
      That’s life !

      Qu’à cela ne tienne, face à ces dévoiements que vous déplorez, tous ceux qui voudront dire des choses devront aller ceuillir l’info là où elle se trouve, au fond d’Internet, d’une bibliothèque ou dans les caves de nos cultures pour la partager avec ceux que cela pourrait intéresser.
      L’info existe, il faut aller la chercher. Le journaliste professionnel ne le fera pas, ça coûte trop cher à sa rédaction. Il attendra que vous le fassiez à sa place et que votre papier puisse être ensuite récupéré à la faveur d’un incident bien sanglant et chargé d’émotions...
      Mais nous pouvons aussi devenir nous-mêmes des médias (je n’ai pas dit journalistes) d’une autre culture. Les technologies numérique nous le permettent.
      Nous ne savons pas nous servir des outils de la communication moderne et nous raisonnons trop souvent avec une vision des choses qui est archaïque, style journal local...

      Croyez bien que je ne cherche pas à vous donner de leçon mais si vous avez des choses à défendre - ce qui semble - ce ne sont pas les professionnels des mass medias qui vous solliciterons.
      Les mass media, par vocation sont les propagandistes del’ordre établi. Et la contreculture doit de trouver les bons outils.


      • roblin 24 janvier 2009 11:14

        Je ne verse pas dans la tendance de critiquer les médias, je vois les faits et les médias telles qu’ils sont, qui ne veulent qu’avoir le plus de succès possible au détriment de la vérité ; ce qu’ils prétendent pourtant.
        Le pire ce sont toutes ces émissions pseudo culturelles qui disent défendre la culture mais qui ne font que parler d’un sujet d’une manière superficielle. Vous voyez bien que sur France 2, laurent ruqier présente une émission qui se dit défendre la culture, vous voyez ou en est le service public !

        Les médias participent à la violence et aux maltraitances des enfants, voilà pourquoi je les critique comme tous ceux qui connaissent bien ce sujet, ils ne veulent pas dénoncer la violence ou défendre la liberté d’expression comme les journalistes veulent le faire croire, il y a tellement de décalage entre ce qu’ils prétendent et ce qu’ils font, comme pour les politiciens, que l’on se doit de les dénoncer. Ils encouragent la violence.

        Quand on voit les conneries que raconte Cyrulnik dans son livre, qui ne connait rien du tout à l’origine de la violence mais se contente de répéter ce que l’on se dit pour survivre en oubliant que l’on est pas dans cette situation, c’est du délire total de la part des médias de l’encourager et d’en faire le sauveur de l’humanité :
        Comment la violence éducative est méconnue par les chercheurs sur la violence			

        J’ai lu dans le livre noire de la psychanalyse, qu’il n’y a qu’en France et en Argentine que la psychanalyse est aussi populaire, dans plein d’autre pays, elle est en net déclin, il y a même un pays nordique ou elle est enseignée en fac de lettre et non de psycho, tout ce qui n’est pas estampillé dolto ou freud et automatiquement mis à la poubelle par les médias en France et je peux vous dire qu’on peut en trouver des critiques fondées sur Cyrulnik ou Dolto :

        La Face Cachée de Françoise Dolto Les Secrêts Cachés de la Résilience

      • Illel Kieser ’l Baz 27 janvier 2009 08:23

        @auteur,
        Avec plus de 30 ans de retard dans le domaine de la pyschologie, comment voulez-vous que les médias fassent autre chose que suivre les tendances du moment ?
        Mais il n’y a pas que les "mass media" pour diffuser une cuture différente. La tendance actuelle des populations est de se réfugier dans les valeurs de stabilité et de sécurité. Tout ce qui dérange sera donc mis à l’index et vu comme dangereux.

        Internet, au moins fournit des moyens de diffusions parallèles des idées. Il y a au moins cela, ce n’était pas le cas dans les années 80.


      • roblin 24 janvier 2009 11:03

        Sa parution sur beta politique était une version moins bien de l’article, avec quelques erreurs rectifiées.


        • roblin 24 janvier 2009 11:16

          Pour ceux que ça interesse, il y a à cette adresser des traductions d’articles d’Alice Miller seulement en anglais sur son site traduits en français :

          Liste des Traductions de Textes d’Alice Miller

          • pigripi pigripi 24 janvier 2009 12:42

            Je suis très intéressée par le travail d’Alice Miller que je ne connaissais pas.

            En effet, j’ai commencé à écrire ma biographie que je dédie à tous les enfants maltraités par les comportements et les paroles de leurs parents et de leur entourage sans pour autant avoir subi des sévices corporels, des viols, de la malnutritien ou de tout ce que peut produire la misère.

            Toutefois, dans ma démarche, je n’accuse vraiment ni rien ni personne mais je raconte tous les évènements et les paroles qui m’ont blessée et qui ont limité l’épanouissement de mon potentiel au nom de parti pris, de préjugés, de principes et d’aveuglements égoïstes.

            J’ai eu la chance, après plusieurs essais décevants et inefficaces, de rencontrer une thérapeute qui m’a appris à vivre avec mes blessures en comprenant les mécanismes qu’elles avaient construit en moi-même pour m’enfermer dans ma souffrance d’enfant.

            Plutôt que de "résilience", je préfère parler de "catharsis", cet instant rare et précieux mais libérateur, quand la connaissance des faits entre en synergie avec l’émotion, c’est à dire avec la parole du corps, et qu’on se dégage brusquement des filets traumatiques.

            Merci pour cet article, je vais aller voir de plus près les travaux d’Alice Miller ...


            • roblin 24 janvier 2009 13:00

              Vous pourrez une fois que vous aurez commencé de prendre connaissance du travail d’alice miller (la partie article de son site web est très intéréssantes, vous pouvez aussi lire des témoignages de sa partie courriers) vous pouvez lui écrire votre témoignage (adresse pour la contacter en fin de l’’article), il est toujours intéréssant d’avoir des témoignages comme le votre. Vous pouvez par exemple lui envoyer un extrait de votre livre.


            • Illel Kieser ’l Baz 26 janvier 2009 19:07

              @pigripi,
              bonsoir,
              Je serais intéressé par votre livre : Le titre et comment se le procurer ? Je recueille tous les témoignages afin de les porter chaque fois que possible.
              Bien à vous


            • Philou017 Philou017 24 janvier 2009 15:00

              Je suis relativement d’accord avec ce qui est dit, mais je n’approuve pas cette presque deification d’Alice Miller. En psychologie plus que dans n’importe quel domaine, personne ne détient la vérité. Et des vérités differentes sont souvent complémentaires.

              Evitez de retomber dans les querelles de chapelles qui ont produit differentes écoles qui ne se parlaient pas. Ces attitudes infantiles ont certainement favorisé le retour du tout médicament, qui s’apparente à une camisole chimique, et qui est un retour en arriere lamentable.
              Si les psy (les analystes en tous cas) ont fait des progres dans la compréhension des maladies, il leur en reste d’important à faire dans l’ouverture d’esprit.


              • Illel Kieser ’l Baz 27 janvier 2009 08:32

                @philou017,
                Il n’y a pas déification d’A. Miller. Regardez plutôt du côté de Dolto. Vous soulignez l’absence de concertation entre les écoles et les "cartels". C’est bien mais encore faut-il que les auteurs différents puissent avoir accès aux circuits de l’édition (je ne parle pas des médias). De ce point de vue l’auteur a raison.
                Sortez de l’Hexagone et vous verrez que les disicplines des sciences humaines n’ont pas les problèmes de cloisonnements que nous connaissons ici.
                La psychanalyse, c’est l’intégrisme des sciences humaines, tout ce qui la critique semble la renforcer.
                Alice Miller n’a jamais prétendu détenir La Vérité, elle a écrit selon son expérience.


              • easy easy 24 janvier 2009 21:48
                Au fond, ce qui motive beaucoup de nos "papiers" d’allure universaliste, c’est le rejet de la guerre, de la violence, de la torture.

                Qui, parmi les êtres humains (Hitler et Pol Pot inclus) n’a pas rêvé à un moment ou à un autre, d’un monde nettement plus doux et respectueux des faibles, des fragiles, des affaiblis ?

                Qui, parmi nous, n’a pas échafaudé un plan, une stratégie, une politique, une philosophie, une religion, visant à réduire la violence ?
                La violence ?
                Réduire la violence ?
                Vraiment la violence ?
                Non, en fait, ce n’est pas exactement la violence que l’on vise à éradiquer dans nos rêves. C’est plus exactement l’injustice qui nous est faite, l’injustice que nous ressentons, que nous pensons subir. C’est surtout la violence qui nous est faite qui nous insupporte, qui blesse notre amour-propre.
                Violence subie contre laquelle nous serions disposés à pratiquer une certaine forme de... violence même lorsqu’elle s’appelle "non-violence"
                 
                Alice Miller insiste sur les violences non visibles
                 
                Quoi que l’on fasse, à partir du moment où l’on proteste, on fait acte de violence car on brutalise, on choque, on renverse quelqu’un. Que ce soit avec un bâton ou avec un crayon, que ce soit avec une banderole ou avec la seule parole, si l’on exprime une protestation, on procède de violence. Le « J’accuse » de Zola était violent, tout comme « I have a dream ». Ces deux professions de foi n’étaient pas considérées comme des douceurs ou des compliments par ceux qu’elles visaient. Car toute profession de foi, va à l’encontre de celle d’autrui et crée ou formalise un conflit.
                 
                La violence est partout y compris dans le silence et l’immobilité, dans certains cas. Par exemple, lors d’un procès, un accusé qui refuse de s’exprimer, peut choquer ceux qui attendent de lui qu’il le fasse.
                Tout peut être considéré comme violent, y compris « Il faut que je te dise Marcel, je suis follement amoureuse de toi » Le Marcel qui entend ça alors qu’il n’avait pas du tout envie de l’entendre, se retrouve avec un problème ; son amoureuse lui fait violence en l’obligeant quelque part à répondre positivement.
                Le théâtre Butô, la tour Montparnasse, une interrogation surprise en classe, le fait d’être belle, le fait d’être riche, « Le Docteur Jivago », « La liste de Schindler », une contravention, un licenciement, tout contient de la violence.

                Le même Gandhi, qui s’étiquetait non-violent (sur le plan physique on peut lui concéder cela) s’acharnait à adopter des attitudes "violentes" et "choquantes" pour ceux qui, avant lui, trouvaient que le cours des choses était acceptable. Car c’est faire violence à un Anglais convaincu de sa supériorité raciale, que de le contester sur ce point.
                Et pendant qu’il passait aux yeux du monde pour un parangon de pacifisme et d’ouverture, il avait, en son foyer, un comportement très dur. Il est même allé jusqu’à renier un de ses fils au motif qu’il avait soutenu un autre fils précédemment renié. Pour rester sur son cas, je signale que s’il a pu tirer profit de son abstinence sexuelle en consacrant toute sa sainte énergie à une politique "altruiste", il n’a versé dans l’abstinence qu’à la suite d’un conflit d’ordre privé (Son père "à qui il devait tout" étant mort alors que Gandhi forniquait sans mesure)

                 
                Je suis né en 1952 de l’union entre un Indochinois et une Française. A l’époque, l’union de mes parents était contre nature, aberrante, aux yeux de ces deux peuples mais surtout aux yeux des Indochinois que martyrisaient les Français.
                Vivant alors à Saïgon, j’ai été immédiatement insulté par la communauté des gosses Viets qui constituaient la seule communauté dans laquelle je devais m’inscrire. Deux ans après la défaite française de Dien Bien Phu, chaque gosse Viet tenait à vérifier sur le « sale bâtard de colonisateur » que je leur apparaissais de par mon physique, qu’il était possible de casser du Blanc.
                Imaginez un « demi-blanc » constamment seul face à des dizaines de gamins tout joyeux de vérifier qu’un blanc pouvait être défait. J’ai connu toutes les échelles de la violence (Mais pas celles dues à des armes de guerre, contrairement à Kim Phuc, la fameuse fillette grillée qu napalm)
                Je les relativise donc.
                 
                Je suis arrivé en France à 15 ans et ici j’ai été traité de Niac, de Coolie, de Nuoc Mam, de chinetoque, etc. Et cette fois par cette autre communauté dans laquelle je devais m’inscrire, la communauté des jeunes Français. Et là encore je pris des coups.
                 
                Mes enfants ont eu droit à tout ce qu’on peut attendre d’un père ayant passé toute sa jeunesse dans un tel contexte d’isolement extrême. J’ai fait tout ce que j’ai pu pour ne pas produire sur eux des actes de violence physique d’abord, psychologique ensuite. Et bien malgré tout, il « m’a fallu » frapper 4 ou 5 fois mon fils aîné (avec une trique) Il serait trop long de détailler les circonstances dans lesquelles cela s’est produit mais croyez seulement que conscient de ma détermination à ne jamais user de violence physique, ce fils a tiré sur la corde jusqu’à sa rupture, et cela afin de me mettre à la faute. Cela afin de réduire enfin quelque part la trop haute image de son père.
                 
                En filigrane de ce témoignage, vous devinez que j’ai élevé mes enfants avec une éthique fortement marquée. J’avais un message « d’amour » à faire passer. Je voulais prouver que l’amour l’emporte sur tout. Je transformais ma rancœur en réalisations d’amour. Que dis-je, en démonstrations d’amour. Démontrer, démontrer, toujours démontrer la prévalence de l’amour. Et bien cela s’est fait avec tant de force que c’en est devenu violent.
                 
                Chez nous, tout était fort en sel et en poivre, tout était coloré, puissant et contrasté. Rien de cette vie que je le suis faite ne fut pastel.
                 
                Lorsqu’aujourd’hui, mes trois enfants étant grands, j’analyse ce que j’ai fait de mon rêve d’un monde plus tendre, je vois que partout, dans tous les recoins de ma vie et de mes paroles, il y avait de la violence.
                On ne peut pas être revendicatif ou révolté sans être violent quelque part. Et toute violence qu’on prétendrait effacer du champ du visible, se retrouve avatarisée, métamorphosée, dans le champ de l’invisible, dans le masqué, ne serait-ce que dans la qualité rhétorique, dans la quantité de travail abattu, dans la méticulosité, dans le perfectionnisme, dans la qualité orthographique ou sémantique ou encore dans le seul fait de Savoir, de tout savoir.
                 
                La violence est donc partout. Elle est tellement partout, sous mille et une formes, que c’est à elle que l’on doit tout ce qu’on pourrait trouver de positif dans ce monde. Il n’y a pas un seul œuf de poule, un seul morceau de poisson pané, un seul collier de perle, un seul carré de soie, une seule perruque ou natte de plage, qui ne soit issu d’une quelconque forme de violence.
                 
                Vient la question du pardon.
                Il fallait effectivement se poser la question que s’était posée Alice Miller : Le fait de pardonner à ceux qui nous ont fait du mal ne serait-il pas la pierre sur laquelle nous poserions à notre tour notre propre levier de violence ?
                 
                Tsssss !
                L’homme est fondamentalement un utilisateur de leviers.
                 
                Il se sert de tous les points d’appui possibles pour déplacer ses montagnes
                Aucune œuvre humaine -Celle d’Alice Miller incluse- ne peut se passer du principe du levier et du point d’appui.
                 
                Et il n’y a aucune évolution, révolution, transformation, trituration, vinification, macération, transmutation, sans travail, sans violence, sans contrainte, faite à soi-même en principal, faite aux autres, tant qu’à faire.
                 
                 
                 
                 
                 
                Le levier, le point d’appui, c’est de la force, c’est du mouvement, c’est de la friction, de l’énergie
                 
                Il y a donc violence et il y a l’appel au cessez-le-feu ; il y a la guerre et il y a la paix ; il y a l’appel à la lutte, à la haine, et il y a l’appel au calme, à la modération, à la paix, au pardon.
                 
                 
                Quoi ? Selon Alice, les enfants ne devraient jamais pardonner à leurs parents les violences de toutes sortes qu’ils auraient subies ?
                Kim Phuc n’aurait donc pas dû pardonner aux US de l’avoir brûlée car elle s’est alors autorisée à faire subir des violences similaires à ses enfants ou à des tiers ?
                Quoi, on pourrait pardonner à des tiers mais surtout pas à nos parents ?
                 
                En vertu de quel principe seuls les parents devraient être interdits d’accès au pardon, à la réconciliation, à la paix ?
                 
                Le problème d’Alice c’est qu’elle ne tient pas compte des méta et anamorphoses que nous réalisons sur nos problématiques originelles.
                Quiconque digère ses souffrances les transforme et les mute en autre chose, en quelque chose de toujours différent de toujours surprenant, y compris par une attitude de pardon qui peut être considérée comme…excessive (Cf cas Kim Phuc)
                 
                 
                 
                Ensuite il y a les actes, isolés ou considérés isolément et il y a les acteurs. C’est l’acteur de la violence en son entier qu’il faudrait haïr à tout jamais ou seulement ses actes ?
                 
                Ce que je crois c’est que la notion de pardon est aussi universelle que la notion de haine perpétuelle. Le 4 ème Commandement n’est qu’une des traductions du sentiment de pardon qui se pratique partout et sous toutes sortes de formes.
                 
                Ce qui me semble important n’est certainement pas d’abolir le pardon en espérant rayer la violence de la surface de la Terre, mais plutôt de pouvoir en parler. La chose la plus importante que l’Humanité ait eu à faire a déjà été fait : Elle a dit que la violence était en très grande partie maîtrisable, canalisable, transformable en quelque chose de plus aimable, de plus sociable et qu’il fallait toujours privilégier cette transformation de la violence au lieu de la laisser s’exprimer de la manière la plus brute. 
                 
                Parler de la violence subie, c’est cela qui est loin d’être évident dans tous les cas. Et en effet, l’enfant se trouve souvent dans une situation où il manque de verbe, d’audience et de crédit pour dire ses souffrances, pour élever une protestation verbale.
                 
                A partir du moment où il existe la Déclaration des Droits de l’Enfant, tout enfant de France est en position de pouvoir, un jour ou l’autre parler des souffrances qu’il a subies de la part des uns et des autres.
                 
                Tout enfant de France peut dire, en tous cas à 20 ans, que ses parents l’ont mis en souffrance du fait de lui avoir choisi un prénom qui lui a posé constamment des problèmes « Pierre PONCE ; Emilie DEVIN ; Coquelicot LIBEY… » de lui avoir mis des baffes sans discernement, des coups de pied humiliants, des vêtements ridicules, d’avoir vu en lui un surdoué ou au contraire un idiot, de l’avoir poussé à faire médecine alors qu’il aurait préféré étudier la musique, de l’avoir privé de caresses ou de lui en avoir trop donné, de l’avoir fait nabot ou aveugle, de l’avoir intoxiqué avec la fumée de cigarette ou de l’avoir placé dans une école inadéquate, de l’avoir écœuré des carottes ou de l’huile de foie de morue, etc.
                Si lors d’un « procès » privé, le parent reconnaît ses erreurs, cela suffira à constituer réparation et ces fautes reconnues seront pour toujours considérées comme n’étant pas à reproduire.
                 
                Le champ des autres fautes restant entièrement libre d’accès.
                 
                Comment peut-on concevoir qu’en conséquence d’une faute, d’une seule erreur, un parent soit définitivement rejeté, condamné, banni par son enfant ?
                 
                Est-il besoin de frapper son enfant 246 fois pour être coupable de violence ou une seule baffe suffit ?
                Est-il besoin de sodomiser son fils en larmes pour être violent envers lui ou un simple baiser sur sa bouche serait déjà violence ?
                Est-ce que ne jamais frapper son fils mais bombarder les enfants de la cité voisine serait être un bon parent ?
                (Sur ce point Gandhi aurait eu tendance à faire l’inverse, il aurait plutôt mieux traité les gosses des tiers que les siens)

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