Il est souvent acquis que les réserves de pétrole sont suffisantes pour les 30 à 40 prochaines années. Cependant, le véritable problème n’est pas de savoir quand sera produit le dernier baril de pétrole, mais plutôt de savoir quand la production mondiale de pétrole va commencer à décliner. Depuis plusieurs années, il existe un débat houleux entre les experts pétroliers, d’un côté les « optimistes » (Exxon Mobil, l’OPEP) et de l’autre, les « pessimistes » (géologues indépendants, anciens responsables de compagnies pétrolières).
Sur ce sujet, la France et les pays de l’OCDE sont conseillés par l’Agence Internationale à l’Energie (AIE), qui publie chaque année un rapport sur la situation pétrolière mondiale (le World Energy Outlook –WEO-). Dans les années précédentes, l’AIE pouvait être qualifiée d’optimiste, vue qu’elle déclarait que les réserves étaient suffisantes jusqu’en 2030. Cependant, en 2008, et ce pour la 1ère fois, comme le précise Dr. Fatih Birol
[1] (Chef-Economiste de l’AIE, responsable du WEO), l’Agence a réalisé une analyse détaillée de la situation, champ par champ (ou
bottom-up) ; analyse qui est donc bien plus précise et fiable.
Ils ont analysé les 800 champs pétroliers les plus importants qui contribuent pour les 2/3 environ de la production mondiale. Et sur ces 800 champs, environ 600 sont en déclin (soit 75%) ; avec un taux de déclin annuel de 6,7% (y inclus les investissements pour limiter le déclin) ou 9,1% dans le cas contraire
[2]. Et donc pour maintenir le niveau actuel de la production de pétrole (environ 86 millions de barils par jour –MBJ-) d’ici 2030, il faudrait découvrir et produire 43 MBJ juste pour compenser le déclin naturel (comme le précise Dr. Birol, l’équivalent de 4 nouvelles Arabie-Saoudite
[3]). Une mission impossible quand on sait que la production de pétrole est en déclin irréversible dans 54 des 65 plus importants pays producteurs de pétrole (selon l’Académie Suédoise des Sciences) et que l’on consomme désormais 3 barils de pétrole, pour chaque baril découvert
[4].
En parallèle, ils ont étudié les projets pétroliers qui seront réalisés au cours des 10 prochaines années. Comme il faut compter 5/10 ans pour que l’on puisse produire du pétrole suite à une découverte, ils ont une idée très précise de la situation à venir. Et donc les nouveaux projets, dans le meilleur des cas, c’est-à-dire s’ils sont tous finalisés (ce qui est improbable avec la crise financière), ne peuvent remplacer que 50% des champs en déclin. Pour être plus claire, d’ici 2015 la production de pétrole aura déclinée d’au moins 12.5 MBJ (plus que la production Saoudienne). Dr. Birol en parle peut-être plus clairement dans cette interview :
En fait, bien que les réserves de pétrole non-conventionnelles soient importantes, la production va décliner d’ici quelques années (2011-2013
[5]), notamment par faute d’investissements. Comme vous pouvez l’imaginer, un déclin de la production de pétrole aura des effets majeurs sur nos sociétés (déjà fragilisées par la crise actuelle). Les alternatives ne seront pas non plus développées à temps ; une étude du US Department of Energy, conclut qu’il faudrait agir 20 ans avec le Peak Oil (déclin de la production) pour éviter une crise « économique, politique et sociale, sans précédents »
[6]. A titre d’exemple, pour remplacer 50% du parc automobile (par des voitures électriques notamment), il faudrait 10 à 15 ans.
En 2008, le Commissaire Européen à l’Energie, Andris Piebalgs, parlait très clairement du problème en déclarant qu’après le Peak Oil, la production de pétrole pourrait décliner de 4% par an, soit 20% en 5 ans
[7]. A titre de comparaison, le 1er choc pétrolier avait été causé par un déclin (artificiel : embargo) de 5% sur une courte durée. Comme vous pouvez l’imaginer un déclin de la production de pétrole aura des effets dramatiques sur le transport (qui dépend à 95% du pétrole : avions, bateaux, voitures, camions), sur la production agricole (qui dépend du pétrole pour les tracteurs, pesticides et le transport) et bien entendu sur une économie déjà fragilisée. Les troubles sociaux (manifestations, montée des extrêmes) et géopolitiques (guerres pétrolières, tensions entre les grands acteurs : USA, UE, Russie, Chine, OPEP) qui peuvent en résulter sont aussi extrêmement sérieux (même l’Armée Américaine en parle dans ce récent rapport
[8]).
Réveillez-vous !