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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Un anglais sous les tropiques

Un anglais sous les tropiques

Dans le gourbis qui me sert de bidule à remonter le temps, je me disais que la dernière sortie de Benoît Seize sur la capote, juste avant son déplacement en Afrique, continent dévasté par le virus du sida, mettait en évidence un fait indiscutable chez le chef des calotins : la doctrine d’abord, l’humanité plus tard. Je ne sais plus comment qualifier le phénomène qui, de génération en génération et de siècle en siècle reproduit et prolonge tant d’horreur et de bêtise. Pourrait-on parler dans des cas spécifiques de génocide de l’intelligence ?

Je fourgonnais à nouveau dans mes piles afin d’y extraire une lecture à partager. Comme je ne respecte aucun ordre (dieu m’en préserve !), on peut trouver côte à côte la vie d’une amoureuse, des récits érotiques chinois, ou la biographie de Louis Scutenaire par Raoul Vaneigem. Le W de Georges Perec ou les Fenêtres de Pontalis jouxtant, truc assez rare, une histoire du Christ de l’incroyable et talentueux polémiste italien aujourd’hui disparu Giovanni Papini. Ah, la la ! Giovanni Papini. A ce propos, les éditions Allia ont eu la bonne idée d’éditer un petit fascicule de ce remuant auteur italien « La vie de personne ». Truculent !

Finalement, mon choix est tombé de l’étagère, animé de je ne sais quelle étrange volonté : « Un anglais sous les tropiques » de William Boyd. Pourquoi l’Afrique et pourquoi ce livre ? L’Afrique, parce que j’aime ce continent et les gens qui le peuplent et le livre, parce qu’il est magnifique d’humanité, d’humour et de talent. Je l’ai découvert il y a un un moment déjà, à mon retour d’un voyage en Côte d’Ivoire.

Je ne suis pas resté assez longtemps dans ce continent pour me perdre, mais suffisamment pour comprendre ce que des hommes comme Morgan Leafy peuvent chercher à exprimer. Rien dans son comportement ne le différencie de n’importe quel autre fonctionnaire à la coopération, qu’il soit anglais, américain, français, italien ou espagnol. Premier secrétaire au Haut Commissariat britannique dans un état imaginaire de l’Afrique de l’ouest, Morgan s’emmerde sévèrement dans le poste qu’il occupe. Il se faisait une autre idée de sa carrière. Il est l’archétype du planqué. Du haut de sa trentaine, il trimballe de l’embonpoint à revendre et une frustration qu’il noie dans l’alcool et autres menus plaisirs. Comme on dit de quelqu’un qui a des gros besoins sexuels, il tire sur tout ce qui bouge, pas toujours avec le succès escompté. Mais derrière le cliché d’un personnage grotesque, lâche et agaçant, apparaît, en filigrane, un homme vulnérable, une sorte d’ours mal léché qu’un colonialisme dérisoire éclaire de sa propre misère.

Un livre plein d’une saine jubilation écrit avec une certaine virtuosité. En tout cas, c’est ainsi que je le reçois encore après relecture.


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5 réactions à cet article    


  • Lediazec Lediazec 28 mars 2009 18:43

    @ monsieur Renève. Aurais-je réussi à vous agacer ? Votre commentaire m’amuse beaucoup, hélas, je ne dispose pas de trop de temps dans l’immédiat. Je dois quitter les lieux pour une soirée entre amis. Mais diable que cela est... réjouissant ! Pour vous mettre en appétit, je dirai que je déteste tout ce qui est prédigéré. Et pas seulement qu’en cuisine, vous vous en doutez, je suppose. 
    Bien à vous.


    • Bois-Guisbert 29 mars 2009 09:23

      "Je ne suis pas resté assez longtemps dans ce continent pour me perdre..."

      Ah oui, l’Afrique, c’est merveilleux... A condition qu’on sache, consciemment ou non, qu’on en foutra le camp quand on voudra ! Parce que si on était condamné à demeurer ad aeternam dans ce foutoir et en compagnie permanente de ses instinctifs superficiels, on ne tarderait pas à sombrer dans la dépression.

      Même Richard Bohringer, de père allemand, de mère français, sénégalais de pacotille depuis 2002, se garde bien de séjourner trop longtemps dans son pays d’adoption.

      Pour le reste, vous n’avez strictement rien compris à ce qu’a dit le Pape, et encore moins à l’esprit dans lequel il l’a dit, mais comme, à commencer par moi, tout le monde se fout de vos états d’âme, je ne m’étendrai pas sur le conformisme démagogique de vos propos.


      • Lediazec Lediazec 29 mars 2009 14:00

         

        Colis express

        @ Philippe Renève (suite)

        Vous avez raison, je ne suis pas un « ennemi bien redoutable » et votre mansuétude me va droit au coeur. En fait, si j’ai bien saisi votre propos, je suis la bonne bête à qui on lance le caillou et qui le ramène en remuant la queue ? Excellent ! Je toucherai un mot à mon cheval.

        Juste un détail : vous confondez chronique et critique. Mais un homme qui affiche une telle passion pour les orchidées aura corrigé de lui-même.

        Bonne journée à vous.

        @ Bois-Guisbert. Vous avez raison pour l’Afrique en tant que vecteur du meilleur comme du pire. Étant né moi-même dans sa partie nord, colonies espagnoles en pays berbère, m’étant ensuite un peu déplacé, je préfère garder un silence douloureux en la matière, sans démagogie aucune. Vaste sujet, que la démagogie, cher lecteur.

        En ce qui concerne le Pape, j’ai assez mijoté de l’hostie dans le ciel de la bouche pour ne pas avoir de leçons à recevoir pour savoir ce qu’il y a à comprendre dans les propos du pape... La communauté catholique fait ça très bien.

        Dernière chose : pour quelqu’un qui se fout de mes états d’âme, vous utilisez pas mal de salive.

        Bonne journée à vous aussi.


         


        • Annie 30 mars 2009 21:35

          Je ne suis pas intervenue, cela commençait tellement mal. J’adore William Boyd et William Boyd et l’Afrique (ice cream war), mais aussi l’Amérique avec Stars and Bars. Mon livre préféré c’est Brazzaville Beach. Mon mari qui connait m’a dit : cela ne vaut pas la peine d’y aller, mais le livre qui marie trois trames parallèles dont deux consécutives a fait que je me suis intéressée aux mathématiques, à la topologie des haies et aux chimpanzés.
          Continuez à effeuiller votre bibliothèque, et à évoquer des livres que j’avais presque oubliés et qui m’ont donné à l’époque tellement de plaisir.


          • Lediazec Lediazec 31 mars 2009 19:35

            Merci à vous, Annie, pour votre encouragement. Réconfortant. Pas facile d’arrêter un choix de livre ou de film et de se battre avec les mots pour inviter son prochain au festin. Dire en sachant se taire. Annoncer sans dévoiler...
            Bien à vous.

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