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L’unité arabe, alternative à l’intégrisme musulman et à la violence

Pour s’opposer efficacement au rêve d’unité religieuse que Ben Laden et ses émules proposent aux populations de cette région du monde, il faut pouvoir rendre vivant un rêve d’une force supérieure, ou mieux encore s’il existe, un espoir collectif. Et s’il existe un tel espoir, il ne peut être qu’autour de l’idée d’unité arabe, qui constitue, du Maroc à l’Irak, un immense levier psychologique individuel et collectif, propre à libérer les énergies des peuples et des individus.

J’entends déjà les voix des « experts reconnus », ceux pour qui l’avenir se décline à l’imparfait[1]  : « Allons, mon bon Monsieur, soyez sérieux, l’unité arabe est une utopie, elle est morte dans les années 1950/1960. Elle n’a plus aucun sens aujourd’hui. ».

C’est ce son de cloche que j’ai entendu en Europe et aux Etats-Unis, depuis plus de deux ans, que je développe l’analyse suivante[2] :
« Il faut un rêve pour s’opposer à un autre rêve. La démocratisation du Moyen-Orient est un projet rationnel, qui ne parle pas au cœur des peuples de la région, et qui fait fi des différentes identités collectives, culturelles et géographiques qui la composent. Pour s’opposer efficacement au rêve d’unité religieuse que Ben Laden et ses émules proposent aux populations de cette région du monde, il faut pouvoir rendre vivant un rêve d’une force supérieure, ou mieux encore, s’il existe, un espoir collectif[3]. Et s’il existe un tel espoir, il ne peut-être qu’autour de l’idée d’unité arabe, qui constitue, du Maroc à l’Irak, un immense levier psychologique individuel et collectif propre à libérer les énergies des peuples et des individus. »

Comment nous, Européens, pouvons-nous penser honnêtement que les peuples arabes n’aspireraient pas à l’unité, alors que nous-mêmes, qui pourtant ne bénéficions pas d’une langue commune comme le monde arabe, estimons que c’est un objectif essentiel pour notre civilisation ? Comment pouvons-nous penser que l’image d’une Europe détruite, divisée, marginalisée il y a 60 ans, qui réussit, grâce à son processus d’unification, à redevenir une puissance globale de premier plan, riche et moderne, n’inspire pas les jeunes élites du monde arabe ?

Si la dernière tentative d’unité arabe est bien morte dans les années 1950/1960, nous en savons quelque chose, nous, occidentaux, car c’est nous qui l’avons tuée, afin de préserver nos intérêts commerciaux et pétroliers dans le monde arabe, sur fond de conflit israëlo-palestinien. C’est d’ailleurs l’élimination de cette composante historique de la sphère politique arabe, la composante unitaire non religieuse, qui a laissé le champ entièrement libre à l’intégrisme religieux. L’échec complet de la politique américano-britannique en Irak[4], comme l’enlisement du processus EuroMed, imposent désormais aux Européens de regarder certains faits objectivement : les tentatives de « diluer » le monde arabe dans un espace plus vaste (Grand Moyen-Orient de Washington) ou réducteur (Euromed de Bruxelles) ne fonctionnent pas. Des deux côtés, la partie arabe se dérobe. Les dictateurs que nous soutenons à bout de bras ne veulent pas de la démocratie qui annonce leur fin ; et les peuples/citoyens ne se reconnaissent pas dans ces espaces baroques, tissés par des technocrates déconnectés des réalités de leur civilisation, et des diplomates motivés par l’affaiblissement du pouvoir arabe (Qui, dans le monde arabe, s’est jamais senti appartenir à l’EuroMedland ou être un GrandMoyenOriental ?).

Le résultat de ces échecs est éloquent : guerres civiles, terrorisme, racisme, insécurité, pauvreté, risques de guerre... Ce qui ne laisse qu’une alternative : remettre en cause les hypothèses qui ont présidé aux décisions durant les dernières décennies, et parler des « tabous » qu’elles supposent.

Mon analyse sur la nécessaire relance de l’unité arabe butait jusqu’à présent sur une question centrale : qui allait la réaliser [5] ? Mon expérience du monde arabe, développée notamment à travers le développement de réseaux de terrain sur toute la zone EuroMed dans les années 1990, me laissait penser, bien entendu, que c’était bien dans les jeunes générations arabes, les 20/30 ans, que pouvait germer un tel espoir, mais encore fallait-il en avoir des éléments de preuve.


Ces trois dernières semaines m’ont apporté deux éléments de preuve qui me permettent aujourd’hui d’affirmer qu’il y a bien un processus en cours de renaissance de l’unité arabe, certes encore embryonnaire, mais désormais enclenché.

D’une part, j’ai eu la bonne surprise d’être spontanément confronté à l’expression de cet espoir lors de ma récente visite en Israël/Palestine. A trois reprises, des publics différents de jeunes Arabes (étudiants, jeunes politiciens ou technocrates) ont directement et spontanément abordé la question de l’unité arabe, en relation avec leur réflexion sur le Moyen-Orient en 2020. Pour citer une jeune responsable palestinienne ayant récemment étudié aux Etats-Unis : « Avec mes amis étudiants jordaniens, saoudiens, marocains, égyptiens... à Cambridge (Massachussets), on parlait souvent du besoin d’unité arabe, du fait que les Européens nous offrent un exemple que nous devons suivre pour le monde arabe. » L’espoir est donc bien là, dans les têtes des futurs cadres arabes.
Parallèlement, j’ai découvert dans la revue de presse GlobalEurope UE-Monde arabe[6] d’Europe 2020 que la première réunion du Parlement arabe venait de se dérouler au Caire[7] le 27 Décembre dernier[8]. Bien entendu, le chemin est encore infiniment long, vers l’unité arabe ; mais enfin, nous, Européens, savons que ce qui importe, c’est de commencer, et qu’ensuite, pour persister, il faut que cet espoir habite aussi les jeunes générations. Hasard du calendrier et de mes déplacements, j’ai pu constater à cette charnière 2005-2006 que les deux conditions nécessaires étaient remplies : un processus institutionnel s’engage et une partie des jeunes générations a l’espoir qu’il réussisse. Associés à la crainte de l’effacement historique (Guerre froide), et à l’existence d’un parrain bienveillant (les Etats-Unis), ce sont bien là les ingrédients qui ont fait le succès du projet communautaire européen.


Désormais la question est donc simple pour l’Union européenne : veut-elle accompagner ce processus et l’aider à aboutir, ou pas ? Veut-elle être ce « parrain bienveillant » de l’unité arabe ? Et si oui, comment s’y prendre ?
A la première question, ma réponse est claire, nette et définitive : oui, l’Union européenne peut et doit être ce « parrain bienveillant ». Cela doit même devenir la priorité stratégique de ses relations avec l’ensemble de cette région du monde.
Pour réussir, elle va devoir élaborer une doctrine entièrement neuve pour les relations UE-Monde arabe à l’horizon 2020/2025 (une génération)[9]. Ce qui est une chance, car elle pourra ainsi se dégager des politiques nationales traditionnelles en la matière, qui sont incapables d’aborder ce nouvel enjeu, faute d’y avoir jamais pensé et d’avoir la taille pertinente.
Parallèlement, cela implique de remettre en cause fondamentalement l’intégralité du processus EuroMed, et d’abandonner le concept sans objet du « Grand Moyen-Orient ».

Paradoxalement, une telle évolution vers l’unité arabe, à condition qu’elle se fasse avec une finalité démocratique (et là les années à venir de construction européenne vont être cruciales, en tant qu’exemple), constituera une opportunité unique de règlement du conflit israëlo-palestinien. Un monde arabe unifié, dans le cadre d’un processus politique ouvert, ayant notamment bénéficié d’un accompagnement constructif de l’Union européenne, n’aura aucune crainte d’Israël et pourra sereinement aborder la question de ses relations avec lui[10].


[1] leur équation intellectuelle est toujours très simple : « Il était une fois = il sera toujours »
[2] Même si le séminaire GlobalEurope 2020 sur l’avenir des relations UE/Monde arabe avait conclu au fort potentiel de cette perspective : synthèse GlobalEurope 2020 - UE/Monde arabe
[3] L’espoir est plus efficace que le rêve car il s’ancre dans la réalité, révèle une conscience des difficultés et se conçoit comme construction faite par et pour ceux qu’il anime ; alors que le rêve est une attente irréaliste d’un avenir parfait, dont le plus proche voisin est le cauchemar. Les Européens ont beaucoup rêvé au début du XXe siècle, et à chaque fois, cela s’est terminé en cauchemar. C’est pourquoi, comme j’ai eu largement l’occasion de l’expliquer aux audiences américaines rencontrées au printemps dernier qui me mentionnaient le livre très intéressant de Jeremy Rifkin, The european dream, je crois que le projet communautaire des Européens d’après 1945, est un « espoir européen » (« The European Hope ») et non pas un « rêve ». C’est peut-être la grande différence entre les visions d’avenir européenne et américaine. Pour avoir déjà, à plusieurs reprises, échoué dans le maintien durable d’une unité du monde arabe, les Arabes sont très certainement plus proches d’une vision à l’européenne de cette même unité, un espoir donc, plutôt qu’un rêve. Cette différence n’est pas que sémantique. Elle a de profondes implications stratégiques et opérationnelles pour tous ceux qui s’essaieront à réussir l’unité arabe.
[4] N’en déplaise aux adeptes du « politiquement correct » rhétorique, il est temps d’appeler un chat un chat. L’invasion de l’Irak est un échec complet. Les mascarades électorales de 2005 ne servent qu’à essayer de cacher encore quelque temps à un peuple américain qui s’en doute désormais que toute cette aventure est un immense gâchis ; et que Washington et Londres sont en train d’essayer de s’enfuir de cette région sans en avoir l’air. Les problèmes ne vont faire que s’accroître dans les années à venir. Il est donc temps pour les Européens et toutes les personnes/puissances de bonne volonté d’ouvrir de nouvelles pistes, car celles tentées ces dernières années ont conduit dans une impasse. Le temps de ménager les pompiers-pyromanes est désormais terminé.
[5] Et c’est d’ailleurs la question que m’ont posée rapidement ceux qui, de plus en plus nombreux ces derniers temps, conviennent du potentiel d’un tel projet.
[6] Elaborée par Europe 2020 et diffusée gratuitement chaque semaine via Internet
[7] http://www.arabtimesonline.com/arabtimes/kuwait/Viewdet.asp?ID=6272&cat=a
[8] Le peu d’échos dans la presse européenne et américaine de cet événement illustre combien nos politiques envers cette région sont focalisées sur ce qui nous intéresse, et non pas ce qui peut vraiment intéresser les Arabes eux-mêmes.
[9] Cf. le rapport GlobalEurope 2020 UE-Monde arabe
[10] Ce devra d’ailleurs être un des éléments, intégré à la contribution européenne à l’unité arabe.

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10 réactions à cet article    


  • Alexandre Santos (---.---.183.51) 12 janvier 2006 20:14

    Je ne sais pas en quoi les européens auraient à accepter ou non l’union arabe. Par ailleurs, il me semble que les pires ennemis de l’union arabe sont les différents pays arabes, dont les relations sont envenimées par des rivalités chroniques. Il suffit de voir les relations Algero-marocaines, entre la Syrie et tous les pays qui l’entourent, etc, etc...

    J’ai l’impression que le seul verrou qui maintient les institutions supranationales arabes en place est le conflit israélo-palestinien. Sans lui cela ferait longtemps qu’elles auraient volé en éclats.

    De toute façon l’immaturité politique des régimes en place empêche toute association à l’image de l’UE, qui se base sur la confiance mutuelle et sur le respect de principes démocratiques.

    Bref, avant de songer à une union, il faudra auparavant assainir les systèmes politiques nationaux, il me semble.

    Et puis n’oublions pas qu’il n’y a pas que des arabes, dans les pays arabes... Une union basée sur l’identité arabe risque de ne pas enthousiasmer ces minorités.


    • (---.---.131.78) 12 janvier 2006 21:37

      - « J’ai l’impression que le seul verrou qui maintient les institutions supranationales arabes en place est le conflit israélo-palestinien »

      Les institutions arabes supranationales ont été créées sous l’impulsion des Etats-Unis, comme c’était le cas pour les institutions supranationales africaines ou pour la CE pour l’Europe après la fin de la 2e guerre (voir les conditions du plan Marshall), afin, entre autres, de réduire le nombre des interlocuteurs, étouffer les voix discordantes minoritaires et rendre l’epsilonesque démocratie de ces pays le moins directe possible.


    • (---.---.202.38) 12 janvier 2006 20:37

      Il faudrait encore savoir ce que c’est que les pays arabes. Savez vous qentre le Maroc et le Yemen deux personnes lambda ne se comprennent pas parce qu’elles ne parlent pas la même langue.

      Le Monde arabe c’est la péninsule arabique, deja la Syrie et la Jordanie sont à la lisière de ce monde là.

      Alors le maghreb, est aux antipodes. Le maghreb n’est pas arabe, c’est une utopie des dirigeants des années 1950.


      • (---.---.131.78) 12 janvier 2006 21:29

        - « La démocratisation du Moyen-Orient est un projet rationnel, qui ne parle pas au cœur des peuples de la région ... »

        Pourquoi les « peuples de la région » ne pourraient-ils pas comprendre et adopter un projet rationnel ? Pourquoi ne seraient-ils sensibles qu’aux rêves ? Pourquoi faudrait-il parler à leur coeur et pas à leur cerveau ? Seraient-ils dotés d’un coeur mais pas d’un cerveau ?

        - « ... et qui fait fi des différentes identités collectives, culturelles et géographiques qui la composent. »

        Pourquoi un projet démocratique est-il capable de prendre en compte les identités collectives, culturelles et géographiques dans d’autres régions du monde, comme l’Europe, mais pas dans le monde arabe ?

        - « Les dictateurs que nous soutenons à bout de bras ne veulent pas de la démocratie qui annonce leur fin ... »

        Si les « dictateurs que nous soutenons » ne veulent pas de démocratie alors on les laisse faire et on leur propose une unité arabe soutenue par un parrain bienveillant. Drôle d’argument pour justifier l’échec présumé du projet démocratique ?

        - « parrain bienveillant »

        Pourquoi le « monde arabe » aurait-il besoin d’un « parrain bienveillant » ? N’est-il pas capable de se prendre en main tout seul ?

        - « l’Union européenne peut et doit être ce ’parrain bienveillant’ »

        Dans l’intérêt de qui ? Et l’avis des « peuples » du « monde arabe » dans tous çà ?

        - "Un monde arabe unifié, dans le cadre d’un processus politique ouvert, ayant notamment bénéficié d’un accompagnement constructif de l’Union européenne, n’aura aucune crainte d’Israël et pourra sereinement aborder la question de ses relations avec lui."

        Le but de votre exposé, est-il de proposer une solution servant l’intérêt des « peuples » du « monde arabe » ou une solution assurant la paix et la prospérité à Israël, en détournant ces « peuples » de Ben Laden, laissant ainsi le champs libre à leurs « dictateurs que nous soutenons » normaliser leurs relations avec Israël sans souci de représailles de Ben Laden ?

        Enfin, deux remarques :

        1 - Vos propos confortent l’idée que les « peuples » du « monde arabe » sont des immatures, irrationnels et qu’ils ont besoin d’un « parrain » (relation paternaliste). Ces arguments me rappellent ceux développés il y a quelques siècles pour justifier et légitimiser la colonisation.

        2 - Dans votre exposé, vous oubliez de mentionner que la souffrance sociale et économique, l’injustice, le sentiment d’impuissance (entre autres) poussent ces « peuples » du « monde arabe » dans les bras de Ben Laden, puisqu’ils ont perdu l’espoir dans leurs dirigeants. Si vous pensez réellement au bien-être de ces « peuples », une condition nécessaire est de les laisser tranquilles et libres de toute ingérence extérieure. Ainsi, ils auront enfin les moyens d’édifier le projet et l’union qu’ils souhaitent avec ceux qu’ils souhaitent, dans la forme qu’ils souhaitent ? Mais est-ce là votre préoccupation ?


        • Franck Biancheri Franck Biancheri 13 janvier 2006 23:39

          Je persiste à trouver toujours très étonnant les commentaires très critiques, qui veulent faire autorité, mais dont les auteurs cachent courageusement leur identité. Le débat d’idée masqué est en effet assez éloigné de ma conception de la démocratie qui exige la responsabilité.

          Toujours est-il que je réagis à ce commentaire du fait de la manipulation de mon texte qui y est pratiquée, sur la forme et sur le fond.

          1. loin de moi l’idée de prétendre que les Arabes seraient moins attirés par la démocratie que d’autres peuples. en revanche, la démocratie est un concept, qui, partout dans le monde, parle plus à l’esprit et au rationnel que les espirations collectives à l’unité. cela est vrai aussi bien pour les Arabes que pour les Européens ou autre. Et c’est encore plus vrai quand cette démocratie veut être imposée de l’extérieur.

          2. Je ne sais pas où l’auteur du commentaire prend ses sources mais il ne peut lui avoir échapper que le projet démocratique actuellement sur la table, celui du Grand Moyen Orient, mélange allègrement les Pakistanais, les Iraniens et les Arabes ... entre autres. Je rappelle à l’auteur que les Pakistanais et les Iraniens par exemple ne sont pas arabes. Il s’agit donc bien de projets « fourre-tout » déconnectés des réalités culturelles de la région. Pour le reste je serais très heureux que notre illustre commentateur inconnu nous donne des exemples de projets d’intégration politique réussis impliquant des peuples et civilisations aussi divers. Personnellement je n’en connais pas. Et il suffit de voir le problème que pose la candidature turque à l’UE pour mesurer l’ampleur du problème.

          3. Je n’ai jamais écrit qu’il faille laisser tomber la démocratie et suivre les dictateurs. Bien au contraire, j’estime qu’on ne peut générer une dynamique qui parvient à la démocratie (et donc à se débarasser des dictateurs) qu’en changeant de niveau d’action et en s’appuyant sur la mobilisation générée par le projet d’unité arabe. En Europe aussi il y a eu un lien étroit entre l’unification du continent et l’extension de la démocratie.

          4. L’UE a eu besoin d’un parrain bienveillant. Les Etats-Unis en leur temps, rôle joué à l’époque par la France, en ont eu besoin aussi. Si l’auteur du commentaire avait une quinzaine d’année, je trouverai cela très rafraichissant « tout faire tout seul, sans l’aide de personne ». Malheureusement, sa volonté systématique de déformer mes mots pour essayer de faire jouer un éventuel réflexe « politiquement correct » chez le lecteur m’indique qu’il n’y a ici aucune fraîcheur mais bien plutôt une pratique déjà bien usée.

          5.L’intérêt des uns et des autres peut coincider dans la durée. Les relations entre Europe et Etats-Unis au cours de la Guerre froide l’ont prouvé récemment. Et l’UE peut être autre chose qu’une puissance classique. C’est justement tout l’enjeu actuel et des années à venir que de déterminer si l’UE suivra les voies « impériales » habituelles de la puissance ou au contraire aidera d’autres régions à expérimenter ce qui a réussi chez elle. C’est dans ce domaine aussi que Newropeans en temps que mouvement politique de taille continentale entend jouer un rôle d’invention. A 500 millions on peut rêver de politiques qui paraissent impossible quand on est 60 millions.

          6. Israel ! Alors là on arrive au coeur de l’objectif du commentateur inconnu : surtout ne pas laisser penser qu’une idée originale qui s’écarte des débats ressassés depuis des décennies puissent exister. Donc il faut forcément essayer de faire rentrer le concept d’unité arabe aidée par l’UE dans un clivage Européens contre Arabes, multiculturel contre unité culturelle, racisme, ... et in fine le conflit israelo-palestinien qui devrait résumer toute la situation pour toujours. Notre commentateur inconnu aurait-il peur de perdre des fidèles ?

          Pour conclure, l’unité arabe si elle doit se faire se fera par les Arabes et en particulier par les jeunes générations du monde arabe actuel. Elle ne sera faite ni par les Européens, ni par les Américains, ni par les experts et autres compagnons de route de telle ou telle cause arabo-palestinienne en Europe ou ailleurs. En revanche, l’UE en particulier peut aider et aider beaucoup pour un projet qui requiert également beaucoup d’ingénierie politique, administrative, économique, ... . Le partenariat sert notamment à éviter d’avoit tout à faire soi même tout seul tout le temps !

          En conclusion, avec cette remarque « laisser ces peuples libres de toute ingérence » ... on est vraiment en plein « politiquement correct » : manipulations des mots, du sens, déclaration pleines de phrases creuses mais qui sonnent bien. Au XXI° siècle où pouvez vous trouver un endroit de la planète où les gens puissent vivre sans être fortement influencés par le reste du monde ? et l’influence en soi n’est pas mauvaise pour peu qu’elle soit choisie et maitrisée. Ce qui justement, pour les Arabes, implique de pouvoir s’unir pour être de taille à équilibrer la puissance de ces continents-régions en nombre croissant (UE, Etats-Unis, Amérique du Sud, Chine, inde, ... ).

          Mais d’ailleurs, pourquoi voulez vous a tout pris que les Arabes soient sans influence extérieure ? L’isolement intellectuel des peuples n’est jamais le fait de ceux qui souhaitent leur épanouissement. Bien au contraire, c’est l’aspiration de ceux qui veulent les faire vivre sans points de comparaison, donc sans liberté de penser autrement, de vouloir autre chose.

          je ne dis pas que c’est ce à quoi vous aspirez pour le monde arabe, mais je souligne que votre discours y conduit tout droit !


        • (---.---.24.69) 16 janvier 2006 20:00

          L’anonymat m’évite d’être rangé dans une case socio-politico-ethnique avec tous ses préjugés et ses arrière-pensées. Libre à vous de l’interpréter comme vous le souhaitez. Je pourrais vous inverser votre critique en assimilant la déclinaison de l’identité à une volonté de constitution d’un capital symbolique, nécessaire de nos jours, comme vous devez le savoir, à la poursuite d’ambitions politiques (en plus simple, vous vous faites de la promotion).

          Je pourrai aussi vous accuser de manipulation en lisant vos réponses à mon commentaire, mais je préfère plutôt dire que vous m’avez mal compris, ou mieux, que je me suis fait mal comprendre. J’essaie d’être plus explicite cette fois-ci.

          1. Vous affirmez que « la démocratie est un concept, qui, partout dans le monde, parle plus à l’esprit et au rationnel que les espirations collectives à l’unité ». Pourquoi ?

          2. Je ne défends ni le Grand Moyent Orient, ni l’Euro-med, ni Ben Laden. Vous remarquerez au passage que ni les peuples européens, ni les « peuples du monde arabe » n’appellent à ces projets, ni au votre d’ailleurs. Je ne sais pas d’où vous prenez vos sources mais il ne peut vous échapper que les marocains ne sont pas de grands copains avec les saoudiens, ni avec les libyens (avez-vous demander à une marocaine ce qu’elle pense de partager son lit conjugal avec un libyen ?) et que les saoudiens et la plupart des citoyens riches des états de la péninsule arabique considèrent les maghrébins comme de faux arabes indignes du statut d’arabe. N’en parlons pas du ressentiment des kabyles (dont beaucoup ne parlent même pas l’arabe) envers les arabes. Votre projet n’est-il pas lui aussi un concept « « fourre-tout » déconnecté des réalités culturelles de la région » ?

          3. « j’estime qu’on ne peut générer une dynamique qui parvient à la démocratie (et donc à se débarasser des dictateurs) qu’en changeant de niveau d’action ». Cette phrase laisse entendre que l’union des arabes est un pré-requis à l’instauration de la démocratie. Ce qui revient à dire que la démocratie sera instaurée du haut vers le bas. Cette forme de démocratie est en application depuis la création de la notion d’état, il y a quelques dizaines de siècles. Regardez l’état du monde. Ca vous plait ? Ca vous donne envie de continuer ?

          Ne vaudrait-il pas mieux une démocratie où les peuples acquièrent leur indépendance et leur autonomie, adoptent le système politique qui leur convient, créent les institutions dont ils ont besoin, sous la forme qu’ils souhaitent, avec qui (de l’intérieur et de l’extérieur) ils le souhaitent (c’est le sens de « laisser ces peuples libres de toute ingérence ») ? Mais là, il y a danger. Les peuples libérés ne voudront peut-être pas du parrainage bienveillant que vous leur proposez. Dois-je vous rappeler les exemples des révolutions françaises de 1789, de 1848 et de 1871 qui ont été menées du bas vers le haut sans l’aide de parrains bienveillants. Mais quand vous dites : « En Europe aussi il y a eu un lien étroit entre l’unification du continent et l’extension de la démocratie. » je m’aperçois que nous ne partageons pas la même vision de la démocratie.

          Vous vous êtes réjoui de la première réunion du Parlement arabe et vous l’avez considéré comme un début de l’unité arabe. Je ne sais pas d’où vous prenez vos sources mais il ne peut vous échapper que ce parlement est constitué de représentants illégitimes des « peuples du monde arabe ». La plupart sont issus de partis uniques dans leur pays et qu’ils représentent les tyrans et les dictateurs dont nous parlions. Drôle de projet avec ce « début ».

          4. Et c’était par pur altruisme ? Pour la paix dans le monde ? La France a aidé les Etats-Unis pour contrer l’empire anglais. Les Etats-Unis ont aidé la France et l’Europe occidentale pour contrer l’union soviétique. Vous voulez que l’UE aide à unir les « peuples du monde arabe » pour contrer Ben Laden. Et les peuples dans tous ces calculs ?

          5. Vous faites partie de la minorité de ceux qui pensent que l’UE (unité économique qu’on essaie de travestir en unité sociale) sous sa forme actuelle et les conséquences sociales qu’elle engendre, est une réussite qui fait rêver 500 millions d’européens et que c’est un modèle à exporter au reste du monde. Le modèle de l’UE fait probablement rêver les dictateurs arabes et les multinationales qui les soutiennent/rançonnent, mais pas leurs peuples.

          Vous êtes plus crédible si vous dites que « A quelque centaines de milliers de dominants on peut rêver de politiques de domination qui paraissent impossible quand on est quelques dizaine de milliers ».

          6. N’est-il pas possible d’envisager d’autres idées que celles « ressassées depuis des décennies » et la votre (que vous considérez originale) ? J’attire votre attention sur le fait que c’est vous qui, dans votre conclusion, en présentant l’avenir idyllique des « peuples du monde arabe » après l’adoption des remèdes que vous préconisez, avez retenu, parmi tous les problèmes et malheurs des « peuples du monde arabe » qui seraient ainsi résolus, de ne citer que ceux de la crainte d’Israël et de la normalisation des relations avec lui.

          Comme je l’ai écrit plus haut, je ne cherche aucun profit symbolique de mes commentaires. Je n’ai rien à perdre : ni fidèles (tiens ! Un préjugé ? Aurai-je eu droit à ce mot si j’avais décliné mon identité ?), ni position, ni pouvoir, ni autorité. Ce qui n’est pas votre cas.

          « L’Europe peut et doit aider ... » Avez -vous envisagé ce qui se passerait si la Chine et l’Inde se disaient la même chose de ces « peuples » ? N’est-il pas plus logique et profitable de laisser ces « peuples » demander l’aide politique, administrative, économique, etc. des partenaires qu’ils souhaitent, sous la forme qu’ils souhaitent, quand ils le souhaitent ?

          Libre à vous de penser que la solution d’escalade avec un pôle arabe qui équilibre la puissance des autres pôles déjà existants ou en gestation assurera la paix et le bonheur. L’histoire a prouvé que ce type de raisonnement, cette fuite vers l’avant, est un danger pour l’humanité entière. Mais, sachez qu’il existe aussi d’autres propositions, différentes de la votre et de celle prônée par Ben Laden, comme par exemple, rendre les groupes hégémoniques actuels inoffensifs et laisser les peuples du monde entier se réunir et réfléchir aux solutions qui leur conviennent, y compris celles qui ne conviennent pas à leurs maîtres actuels. Solutions qui répondent aux aspirations des uns et des autres, dans le respect de chacun, sans violence ni arrière-pensées et qui prennent en compte les contraintes globales comme l’écologie, la santé, etc.


        • (---.---.123.90) 13 janvier 2006 13:44

          Lorsque l’on fait partie de la majorité silencieuse et que l’on entend au milieu du concert des pleureuses une voix raisonnable et constructive comme celle de M. Biancheri sur un thème aussi vital que l’avenir du Monde Arabe dont le basculement est notoirement en train d’entrainer notre planète entière, il est particulièrement désespérant de devoir subir des commentaires tels que ceux qui suivent cet excellent article !!!

          D’un coté, un discours d’élites bien pensantes et politiquement correctes tentant de faire croire que s’ils ont failli c’est qu’il n’y a pas de solution ; de l’autre des extrémistes appelant à la haine comme seule solution envisageable, vraiment ces commentaires résument bien le problème de notre société où seules les ultra-minorités d’incapables ou de dingues s’autorisent à prendre le porte-voix !

          Je le dis donc haut et fort :« M. Biancheri, ce que vous dites là est exactement ce que la majorité attend comme impulsion de la part des dirigeants de ce monde ». Personne de raisonnable ne peut en effet se projeter une seule seconde dans l’avenir de guerre à perpétuité ou de non-avenir que nous proposent les minorités agissantes.

          Comme vous j’ai suivi la création de ce parlement arabe que j’ai salué comme la première bonne nouvelle venue de cette région depuis 10 ans, et je me suis étonnée de l’absence de commentaire de la presse sur cet événement. Je comprends mieux cette absence à la lecture des commentaires dont on vous a infligé...


          • (---.---.11.106) 13 janvier 2006 21:46

            Je ne pense pas que vous soyez une majorité (peut-être, vous l’êtes en ne considérant que les membres et sympathisants du « think tank » de M. Biancheri), ni que vous soyez silencieux. Les propos et les idées similaires à ceux exposés pas M. Biancheri sont bien relayés et répandus. La technique de se passer pour une « majorité silencieuse » dans le but de se présenter comme des victimes et de vous attribuer une certaine légitimité et rationalité est vielle comme le monde. Il suffit de faire le tour de nos médias pour s’en convaincre. Le patronat omniprésent dans les médias pleurniche de ne pas y avoir assez de parole. Idem pour les défenseurs du « oui » au dernier référendum. La liste est longue.

            Les « élites bien pensantes », « raisonnables » et qui tiennent des « discours politiquement correctes » dirigent et influencent depuis des siècles, partout dans le monde. Qu’en est-il ressorti ? Notre pitoyable état actuel. J’apprécie fortement votre raisonnement qui explique que si les élites ont échoué, c’est que le problème n’avait pas de solution. Pourquoi avez-vous écarté la possibilité que les élites puissent se tromper ? Probablement, c’est votre vision élitiste, de classe et de castes du monde qui vous empêche d’aborder le problème sous cet angle.

            Qualifier ceux qui s’opposent à vos idées d’« extrémistes appelant à la haine comme seule solution envisageable », d’« incapables » et de « dingues » ne mérite aucun commentaire. Je vous invite seulement à rentrer dans le terrain du débat et de quitter celui de l’insulte gratuite.

            Diviser le monde de façon binaire entre « élites bien pensantes » et « extrémistes » et limiter l’éventail des solutions entre deux choix : un impérialisme, où les états européens (et non leurs peuples) y jouent un rôle de « parrain bienveillant » et les « peuples du monde arabe » de dominés immatures et une guerre à perpétuité trahit une vision manichéenne du problème et de ses solutions. Vision qui a prouvé ses limites.


          • (---.---.13.204) 22 mars 2006 19:08

            « ... j’ai découvert dans la revue de presse GlobalEurope UE-Monde arabe d’Europe 2020 ... »

            Mon Dieu ! Il découvre des informations qu’il fournit. C’est fort ça !


            • BF (---.---.160.169) 26 mars 2006 22:04

              Les références de Monsieur Biancheri et de son think thank sont.....impressionnates......

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