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Bizutages : le laisser-faire inadmissible de l’armée russe

L’armée russe et les côtés obscurs de la Force. Cette fois encore, la tradition tourne à la catastrophe. Baptêmes violents de toutes origines sont des manifestations devenues inadmissibles.

Le 27 janvier, on apprend que le soldat russe Sytchev de Tcheliabinsk (Oural) a dû être amputé des deux jambes et de sa masculinité à la suite des tortures et de passages à tabac qu’il avait dû subir lors d’un bizutage.
Le ministre russe de la Défense, Sergei Ivanov, condamne le bizutage "honteux". L’affaire date du nouvel an, mais a été étouffée jusqu’ici. Le général de l’Armée de terre, Alexeï Maslov, qui patronnait la caserne, n’était pas présent lors des faits, et a déclaré que si ce genre de pratiques existait bien, il ne devait pas être bien grave ni courant. Il a été tout de même envoyé sur place pour éclaircir les circonstances du drame.
Le jeune soldat a été frappé pendant trois heures par des anciens, et a dû attendre trois jours avant d’être secouru et admis dans un hôpital civil. La gangrène avait déjà fait son œuvre et seule l’amputation pouvait encore le sauver. Actuellement, il lutte encore pour sa vie.
L’enquête criminelle a été ouverte pour déterminer si le général Victor Sidorov était responsable d’un abus de pouvoir. Sept soldats, dont trois officiers, ont été mis sous les verrous. A la Douma, les débats n’ont pas manqué, comme si l’affaire était unique. Une dizaine d’enquêtes du même type sont déjà à l’actif de cette garnison. Une députée a posé la question de savoir comment les mères allaient encore accepter d’envoyer leurs garçons à l’armée. La chambre du Parlement n’a pourtant pas jugé bon de convoquer le ministre de la Défense pour l’interroger.
En octobre 2004 déjà, l’ONG de défense des droits de l’Homme Human Rights Watch avait publié un rapport détaillé fustigeant les sévices physiques, humiliations, passages à tabac et viols faisant des dizaines de morts, entraînant des centaines de tentatives de suicides et des milliers de désertions chaque année dans l’armée russe.
Le passage à tabac se cache sous la tradition "d’omerta" qui a décidément bon dos. La guerre de Tchétchénie a manifestement laissé des traces. La violence de la guerre s’était incrustée à l’intérieur même des casernes. Les suicides parmi les soldats ont triplé en un an, et ont "éclairci" les rangs de quelque 276 soldats ; plus de la moitié peuvent être attribués à des suites de bizutage. Évidemment, les chiffres officiels sont bien moins tragiques. Ce qui apparaît avec ce scandale n’est probablement que le sommet de l’iceberg. Et, nous ne sommes pas dans la prison d’Abougraib, cette fois.
L’armée, le monde estudiantin, les joyeux camps de vacances d’adultes vivent trop souvent le même « combat ». Par des travers parfois insidieux, ils ont tous un relent de roussi à des niveaux de moins en moins dangereux dans cette liste, bien entendu, des victimes consentantes sous les attaques plus ou moins violentes de bourreaux d’occasion. Un pacte de non-agression « post opératoire » est à la base de la continuation de traditions dégénérant parfois vers des sommets et des rites de pur sadomasochisme. « Les ados doivent faire leur crise », « péter les plombs », « disjoncter » pour grandir, disent les anciens. Pour en arriver aux extrêmes mentionnés ci-dessus ?
Sous un vieux et fallacieux désir de vouloir faire partie de l’élite des anciens et de gagner son ticket dans la cour des Grands, les « bleus » (pourquoi cette couleur innocente ?), de tous temps, se sont sentis obligés de se faire initier lors des grandes occasions de l’intronisation dans "le" groupe. En parlant de couleurs (pas de la peau), il s’agirait plutôt de « noir » face au « blanc ».

La quarantaine ou le rejet sont les primes du refus de participer. Faisant presque partie de l’instruction, il n’y aurait pas de chance d’arriver au bout d’une année sans ce passage « obligé ». En général, avilir et casser l’ego sont les buts atteindre.
L’armée est une école de l’obéissance, mais pas de la perte de personnalité. Dans l’armée américaine, si l’on en croit les films, nos bons GI’s participeraient à cet état d’esprit.
Les sévices encourus sont devenus inadmissibles, que ce soit pour l’entrée à l’armée ou l’entrée dans la « Grande Ecole ». Rien ne devrait faire penser qu’une parfaite admission parmi les autres passe par l’intermédiaire de cette technique de bizutage.
La bienvenue dans les rangs, les bisous du titre, seraient bien plus adaptés à la situation qu’une déstabilisation dès le début par la peur. Le baptême est, dans son concept initial, un événement bien pacifique.
Cette déviance devient une vengeance des anciens sur les suivants pour continuer la tradition.
Subir les pires insultes (mais, si ce n’était que cela !) dans un avilissement total par des "juges" avec un degré d’alcool dans le sang ne rapporte pourtant aucun avantage.
Briser cette chaîne de la peur serait une tradition bien plus enrichissante.
Il y a de nombreuses années, jeune étudiant, je suis aussi passé par cette filière en entrant à l’université. Je sais donc de quoi je parle.
Si cette manifestation est souvent présentée sur Internet avec un sourire, comme un bon souvenir, il n’en reste pas moins qu’on pourrait paraphraser une citation célèbre de cette manière :

"Une petite victoire de l’homme, mais un grand pas vers la « déshumanité »".

"Baptême. Rite sacré d’une telle efficacité que celui qui trouve le chemin du ciel sans l’avoir reçu sera plongé dans les affres de la détresse pour l’éternité." Ambrose Bierce

"Je suis esclave de mon baptême. Parents, vous avez fait mon malheur et vous avez fait le vôtre." Arthur Rimbaud


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