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Accueil du site > Tribune Libre > Outreau : responsabilité des magistrats, des médias et des citoyens

Outreau : responsabilité des magistrats, des médias et des citoyens

Lors de la Commission parlementaire dite « d’Outreau », nous avons vu les médias faire leur mea culpa (même si leurs auditions ont été moins médiatisées que celles des magistrats). Mais il ne faut pas tomber dans les mêmes travers que ceux qui critiquent les autres sans nuance. Dans cette affaire, chaque acteur a sa part de responsabilité, ainsi elle révèle de façon encore plus impressionnante les points faibles de notre société toute entière.

 

 

Certes, la Justice constitue, pour la plupart de nos concitoyens, un grand mystère. Cette opacité, véhiculée depuis des siècles, a contribué à entretenir incompréhension, peur, hostilité, voire fantasme.

 

Cette situation peut sembler paradoxale, dans la mesure où les tribunaux ne font qu’appliquer les lois, votées par les citoyens (même si c’est indirectement), et que « nul n’est censé ignorer ».

 

L’image du magistrat hors de la cité, dans sa tour d’ivoire, est toujours présente alors que la Justice s’est ouverte au regard extérieur (intervention des magistrats auprès des représentants élus, dans le cadre des CCPD, intervention de magistrats dans les écoles, Journées de la Justice, plaquettes d’explication disponibles dans toutes les juridictions, présence de scolaires aux audiences...).

 

Les magistrats font des efforts pour expliquer leur travail et ses conditions. Aujourd’hui (dans les petites juridictions que je connais), des victimes sont reçues lorsque leurs plaintes sont classées sans suite (pas dans toutes les affaires, mais dans les affaires les plus difficiles psychologiquement)...

 

Nous sommes loin de la Justice de caste, que certains aiment encore décrire, mais pourtant l’idée que les magistrats sont assoiffés de pouvoir et qu’ils se lèvent le matin en se demandant qui ils pourront mettre en prison dans la journée est encore vivace, hélas ! Finalement, on peut se demander si ce n’est pas rassurant pour nos concitoyens de penser que les magistrats sont « des monstres » !

 

 

Pour continuer sur cette idée, il faut également évoquer les médias à qui on reproche de vouloir faire du « sensationnel » au mépris de la vérité et de leur déontologie. Se multiplient aujourd’hui les contre-enquêtes, les débats sur des affaires, parfois non encore jugées.

 

Mais si ces médias font ce genre de documentaires, n’est-ce pas parce que les citoyens ont soif de cette réalité sordide ? Ce voyeurisme n’est-il pas une façon de se rassurer sur sa « normalité » (le monstre, c’est l’autre) ?

 

Les gens ne supportent plus de « ne pas savoir ».

 

Comme dans les films, une information doit contenir les faits, les personnages et leur psychologie, l’intrigue et le dénouement ! Tout ça en cinq minutes, au journal de 20 heures, avec si possible des détails le plus scabreux possible. Les journalistes se lancent donc dans des hypothèses, des supputations, des sous-entendus, pour satisfaire ce spectateur (lecteur ou auditeur) qui, comme dans la vie, ne supporte plus l’attente !

 

Après, plus rien ne peut être retenu, les gens descendent dans la rue car un fait divers s’inscrit dans je ne sais quelle idéologie subversive... Et que veulent ces citoyens ? Des coupables !

 

 

Si on n’a que la Justice qu’on mérite, on a également les médias qu’on mérite !

 

 

 

Toute cette affaire est, me semble-t-il, sans précèdent dans l’histoire de notre société.

 

Mais je suis inquiet, inquiet de voir la suite qui va être donnée par nos politiques, et quand on entend un candidat à la présidence dire qu’il faut faire « payer un juge », que ce même candidat demande à ses policiers d’arrêter n’importe qui pour « trouver des coupables » dans la « fameuse crise des banlieues », alors qu’il s’avéra par la suite qu’aucune charge ne pouvait être retenue contre eux, quand on voit qu’un magistrat s’est fait sanctionner pour avoir osé écrire dans un journal ce qu’il pensait des causes de cette crise, j’ai peur...

 

 

J’ai peur que les politiques, par leurs lois ou leurs propos, ne concourent à cette catastrophe qu’est la défiance envers les institutions. Je ne suis pas sûr qu’ils aient à y gagner (sauf peut-être quelques sombres intérêts personnels...).

 

 

Ne tombons pas dans cet abyme qu’ouvre l’émotion suscitée par telle ou telle affaire, dont nous ne connaissons que ce que nous voulons bien entendre !


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9 réactions à cet article    


  • Justice citoyenne (---.---.93.39) 16 mars 2006 16:08

    Merci de vôtre opinion cher Citoyen.

    Voyons donc les choses en face sereinement : l’instruction judiciaire est marquée par le sceau du secret. Secret de polichinelle en maintes occasions où certains procès-verbaux atterrissent dans les salles de rédaction par des voies tout autant .... « secrètes ».

    Car la presse a vent de pièces ou d’informations couvertes par ce fameux « secret » de l’instruction, n’est-ce pas ?

    Or, les sources de nos amis journalistes qui nous informent au gré de ces fuites de dossiers judiciaires dits « secrets » jouissent elles aussi du « secret » !

    La procédure judiciaire est donc nimbée de mystère.

    Seuls quelques Initiés ont accès au saint des saints : Le Tout Puissant Juge d’Instruction ; le Président de la Juridiction saisie au fond du dossier pour en juger, voire, à l’occasion, tel(le) ou tel(le) journaliste ou plutôt « journaliste » piloté(e) ou non par les « RG » sans parler de services encore plus ....« secrets » !

    Arrêtons-là cette gabegie !

    Garantissons aux citoyennes et citoyens de la République la transparence démocratique en matière judiciaire.

    Merci de votre attention.


    • (---.---.127.62) 18 mars 2006 12:14

      Bonjour, Vous écrivez tout et son contraire. Après avoir évoqué des atteintes au secret de l’instruction, vous écrivez un secret partagé que par quelques personnes. Quant aux policiers des RG, vous leur donnez beaucoup de pouvoir. La question principale est de savoir qui a intérêt à donner à la presse certaines informations soumises au secret de l’instruction.


    • miaou (---.---.4.142) 17 mars 2006 01:27

      Un élément supplémentaire pour être complet : la responsabilité de l’homme politique. Celle-ci intervient à plusieurs niveaux : * les moyens de la justice (on se situe, par rapport à la moyenne européenne, à un des taux les plus bas en la matière) => affaires bâclées ou ignorées faute de temps, culture de l’aveu privilégiée face aux preuves scientifiques, la misère du pénitencier (une honte pour la France) * l’engorgement législatif (plus on se sait inutile, plus on en fait), les réformes successives : => des strates de textes qui se rajoutent en se contredisant parfois, sans soucis de cohérence. * la rancune envers la justice de certains députés impliqués dans certaines affaires

      La commission parlementaire est-elle apte à donner des leçons aux institutions judiciares et médiétiques ? Ne devrait-elle pas « s’auto-interroger » ?


      • Gil (---.---.93.79) 18 mars 2006 11:34

        Bonjour Andrea,

        Vous vous permettez dans votre article de mettre en cause la responsabilité des citoyens dans ce qu’il convient d’appeler le scandale d’Outreau. Un peu facile ! les citoyens n’ont strictement rien à voir là-dedans, si ce n’est qu’ils ne pouvaient réagir autrement à une époque ou la presse et la justice disaient publiquement que tous ces gens étaient coupables de crimes affreux. Et comment le public aurait-il pu réagir autrement ?

        Avec le recul et le dénouement que l’on sait, on peut dire :

        1- Nous avons été visiblement, non pas informés, mais DESINFORMES. Je n’irai pas jusqu’à parler de manipulatiuon de l’opinion, mais lorsque des faits ne sont pas établis, il convient de ne pas les présenter au public, ou pour le moins, d’émettre un certain nombre de réserves. Par exemple, ne pas publier les noms et photos de personnes dont on ignore si leur culpabilité est avèrée.

        2- Les journalistes, toujours à l’affut du scoop, n’ont pas par ailleurs sorti leurs infos de nulle part, ils ont des sources. Leur arrivent-ils seulement de vérifier la véracité de leurs sources ?

        3- Quels étaient les buts de ceux qui ont communiqué ces infos à la presse pour qu’elles soient communiquées ?

        Quant au citoyen, il est prévenu : il convient de prendre avec la plus grande prudence ce qui est publié dans la presse...


      • Gil (---.---.93.79) 18 mars 2006 11:36

        Bonjour Andrea,

        Vous vous permettez dans votre article de mettre en cause la responsabilité des citoyens dans ce qu’il convient d’appeler le scandale d’Outreau. Un peu facile ! les citoyens n’ont strictement rien à voir là-dedans, si ce n’est qu’ils ne pouvaient réagir autrement à une époque ou la presse et la justice disaient publiquement que tous ces gens étaient coupables de crimes affreux. Et comment le public aurait-il pu réagir autrement ?

        Avec le recul et le dénouement que l’on sait, on peut dire :

        1- Nous avons été visiblement, non pas informés, mais DESINFORMES. Je n’irai pas jusqu’à parler de manipulatiuon de l’opinion, mais lorsque des faits ne sont pas établis, il convient de ne pas les présenter au public, ou pour le moins, d’émettre un certain nombre de réserves. Par exemple, ne pas publier les noms et photos de personnes dont on ignore si leur culpabilité est avèrée.

        2- Les journalistes, toujours à l’affut du scoop, n’ont pas par ailleurs sorti leurs infos de nulle part, ils ont des sources. Leur arrivent-ils seulement de vérifier la véracité de leurs sources ?

        3- Quels étaient les buts de ceux qui ont communiqué ces infos à la presse pour qu’elles soient communiquées ?

        Quant au citoyen, il est prévenu : il convient de prendre avec la plus grande prudence ce qui est publié dans la presse...


        • (---.---.127.62) 18 mars 2006 12:09

          Bonjour Gil,

          Ce n’est pas parce que j’évoque la responsabilité de chacun d’entre nous dans notre soif de savoir que j’occulte les autres responsabilités. Je ne pense pas q’une personne en particulier ait voulu manipuler la presse et l’opinion, les médias ont un but essentiel : vendre. Ils connaissent l’appétit des consommateurs pour les informations de ce type. Peut-être que ce que nous devons tous apprendre, c’est la ^patience =, mais je ne crois pas que notre société en temps réel aille dans ce sens.

          Lorsque vous dites « Quant au citoyen, il est prévenu : il convient de prendre avec la plus grande prudence ce qui est publié dans la presse... » Je crois que c’est une belle idée, mais sommes-nous tous assez armés pour ne pas se laisser aller dans l’émotion par des informations dramatiques ?


        • (---.---.137.30) 18 mars 2006 12:53

          L’appel à la morale individuelle est toujours une duperie : on ne peut pas légiférer les consciences, seulement les les institutions ou organisations diverses. En tant qu’individu, je suis pour la loi du talion (si on touche à ma mère ou à ma fille...je fais un malheur !), pas en tant que juge, journaliste, ou etc.. Il y a toujours une morale subjective chez les juges, les médecins, etc... , et une conscience qui se voudrait objective chez les individus qui ne sont pas directement concernés, mais il ne faut pas confondre les rôles.


          • aspi-rine (---.---.191.40) 18 mars 2006 19:15

            Dans mon propos, il n’a jamais été question de légiférer sur les consciences ! L’idée est que la société est l’image de ses membres et que changer les esprits est possible, mais bien entendu pas avec des lois... Les scandales comme celui d’Outreau doivent nous interroger tous, notamment sur notre besoin de voir des coupables désignés immédiatement.Sevand


          • Adriana 28 mai 2011 15:39

            Bonjour Sevand,
            Je te rencontre avec un article par ici ?
            salutations cordiales,Adriana :)

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