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Accueil du site > Tribune Libre > Pourquoi dire ce qu’est la glace à un papillon ? Il ne vit (...)

Pourquoi dire ce qu’est la glace à un papillon ? Il ne vit qu’une saison

Je n’ai jamais rien acheté de la marque Apple. Ni mac, ni Iphone, ni Ipad. J’aurais été déshonorée si j’avais encouragé des esclavagistes qui payaient si peu leurs ouvriers. Un jour, à trois cents, les Apple de Foxconn étaient montés sur un toit et avaient menacé de sauter si on continuait à leur offrir une vie de misère. J’avais de vagues smartphones à petits prix. Faits par d’autres esclavagistes sans doute.
Mais j’avais fini par céder.

 A force de voir mes amies, ce ballet des mains, ces caresses, cette intimité avec ces doudous d’adultes gorgés de photos, de livres, de journaux. C’était magique. Et j’avais opté pour la magie amorale.
La première fois que j’avais utilisé mon Iphone, c’était lors d’une réunion politique. En ce temps-là j’écrivais des articles pour un parti et pouvoir twitter des photos, commenter sur facebook était un miracle. Quelle merveille cette petite chose nichée au creux de la main et qui offrait le monde entier. A condition de ne pas oublier sa recharge car ces petits bijoux sont très gourmands. Et j’avais dû finir mon article sur mon vieil ordi. Que j’avais pris heureusement. Mon vieil ordi avec son clavier aux lettres effacées, encrassées par des miettes. Jusqu’à quand le petit bijou resterait-il lisse comme un diamant ?


J’étais allée à ce meeting avec des copains et nous avions tracté, décoré, abondamment filmé et photographié. Et le soir, sur Facebook, bombance. Chacun partageait son butin. Des mœurs d’écureuil avec des moissons de trouvailles. On était encore ensemble à liker, à s’envoyer des mamours. Et mon petit poulet blanc, revigoré par son cordon ombilical, crachait tout ce qu’il pouvait, à peine effleuré. C’était un temps où les mots naissaient de caresses. C’était fini de galoper sur des claviers réticents en donnant des coups d’ongles. La vie naissait dans le silence. Sans aucun cri.
Vincent m’avait montré comment faire pour récupérer des applis marrantes. Il y en avait une en particulier qui s’appelait « Relooking. » On mettait sa photo et on se retrouvait avec des cheveux de toutes les longueurs, de toutes les couleurs, des jambes plus fines, des yeux plus verts ! Avec Aurore, pendant le retour, on avait joué à ça. Mdr, comme on dit…Quand nous nous étions séparés, Vincent m’avait intrigué :
- Je t’en enverrai une autre demain. Surprise !


Et le lendemain, j’avais reçu l’appli. Elle s’appelait « Moi ». Encore une histoire de relooking ? J‘avais effleuré la fleur de l’icône et je m’étais vue tout de suite. A Aix. Lors du meeting. Incroyable ! Mais ce n’était pas une appli. C’était lui qui m’avait filmée pendant toute la journée. Et avec un montage ! Tantôt je me voyais, tantôt je voyais ce que j’avais vu. Et quasiment en temps réel ! Comment avait-il fait pour que je ne le remarque pas ? J’étais restée une heure environ à regarder, revenir en arrière, avancer plus rapidement, tant était fascinante une histoire si proche mais déjà oubliée. Comme on oublie vite. Puis j’avais arrêté. J’étais allée manger. Et quand j’étais revenue, tellement curieuse de recommencer, j’avais vu que ce petit film sur Aix n’était pas le seul. Il y avait tout un catalogue. Avec des dates. Bien d’autres jours où il n’avait pas été là. J’ai cliqué sur le vendredi qui avait précédé. Au moment où j’étais encore avec Vincent. L’autre. Et je me suis vue de la même manière.

C’était ma vie, seconde après seconde. Je voyais Vincent. Je voyais son visage couché sur le mien. Je nous voyais couchés. Mon cœur battait plus violemment encore que ce jour-là. Ce jour-là, nous nous étions séparés définitivement. Mais ce « définitivement » fondait sous mes doigts qui le caressaient, forçant les détails, revenant inlassablement sur cette main entre mes cuisses que je n’avais pu voir et qui m’appartenait à présent tout à fait. Je volais sur nos deux corps. J’étais moi et j’étais comme ces morts qui flottent autour de leur vie, n’osant la quitter. J’appelai Vincent. L’autre.
- Qu’est-ce que c’est ?
Il rit, tranquillement comme s’il m’avait offert une carte qui fait « Pouic » quand on lui appuie dessus.
`- Alors ? Surprise ?...
Il avait l’air tout fier. J’étais en train de rêver. Cela arrive. J’entendis à peine Vincent qui disait :
- Je passe demain. Il y a des fonctions que tu ne connais pas.
Encore mieux ! Je voulais lui dire… Mais il avait raccroché. Je me mis sur le lit. Je fermai les yeux. Mais cela ne dura que quelques minutes. Comment ne pas recommencer ? Puisque cela existait. Puisque cela m’était offert. Tout explorer. Jusqu’à quelle année cette apli allait-elle ? Je l’appelais « appli » pour la rendre plus acceptable. Je pris mon bijou devenu gouffre. Il avait un étui en cuir rose. Je le gardai un instant dans ma main. Et puis je fus au diable.


Toutes les dates de ma vie étaient alignées. D’un glissement de mon majeur, je les faisais défiler. Je m’arrêtai au hasard. Je n’avais pas le courage de choisir. Je tentai un petit clic, une manière de dire : « Ressuscite ma vie ! Viens à moi ! Viens ! » Et elle venait si facilement… Qui était-ce ? Une gamine sur la plage qui se baignait. Je reconnus, d’après une vieille photo, un maillot en laine tricotée avec des pompons sur le côté. Ridicule. Mais j’avais des jambes si fines. Des seins plats. C’était un jour avec des vagues. Je voyais ce que j’avais vu alors et je me voyais. Comme il ne pouvait s’agir que d’un trucage, je penchais pour des photos qu’il avait prises sur mon Facebook. Mais les moments avec Vincent ? Avait-il placé des caméras chez moi ? Et soudain ce fut un cri venu dans des larmes. Je voulais voir mes morts ! Vite ! Je voulais les revoir vivants ! Qui ? Je pensais à ma grand-mère bien-aimée. En quelle année ? Mes doigts étaient les papillons qui ont soif de résurrection. Des rues de l’ancienne ville… Un grand coup de cœur quand je me suis retrouvée dans la cage de mon escalier. Là, j’avais vécu seize ans. J’ai monté les marches. Je me suis appuyée contre la porte. Je suis entrée dans le petit couloir et en faisant trois pas, les pièces étaient si petites, j’ai vu ma grand-mère adorée qui cuisinait devant le vieux poêle. Je ne bougeais même pas. J’étais dans le miracle absolu.


Je suis partie chez Vincent en courant.
- Qu’est-ce que c’est ? Comment est-ce possible ?
- Qu’en penses-tu ? Tu veux un thé ?
- Heu…Oui…
Comme si une conversation, un acte normal, pouvait gommer l’incompréhensible. Il m’apporta un thé. Puis, calmement, me dit :
- Ne penses-tu pas que, s’il y a des siècles de cela, on avait dit à des hommes qu’un jour il leur suffirait de tapoter avec leurs doigts sur des chiffres pour entendre aussitôt la voix du bien-aimé à l’autre bout du monde, pour voir son visage même, pour tout voir en ce monde en l’instant même où cela se produit, ne penses-tu pas qu’ils ne l’auraient pas cru ? Et pourtant, n’est-ce pas un acte banal de nos vies ? Y faisons-nous attention ? Cherchons-nous à en comprendre les mystères ?
- Oui, mais là, c’est totalement différent. C’est…Enfin…
- C’est toute ta vie. C’est ça ? Et cela te paraît impossible ?
- Quand même. Oui.
- Hé bien cela ne l’est plus.
Il y eut un long silence.
- Cela est très simple, dit-il. Tu connais le phénomène des ondes ? Quand nous vivons, notre conscience trace des ondes. Elles étaient jusqu’à présent inaccessibles et maintenant elles ne le sont plus. C’est une technologie qui va sortir dans un an environ.
Technologie…Ce mot était curieux. Mal accordé avec la magie de ce que j’avais vu. Mais nos simples téléphones n’étaient-ils pas magiques, eux aussi ?
- Comment se fait-il que tu saches tout ça ? Que tu aies ce… « prototype » ?
- Tu permets que j’aie des secrets ?
Il me regarda de cet air que j’avais parfois remarqué. Un peu amoureux peut-être. Mais Vincent ne pouvait exister à cause de Vincent. Ce fut un instant dans le monde classique où j’étais « moi » avant d’être éparpillée dans les secrets de mon bijou. Et comme je ne savais comment poursuivre, une pensée me traversa l’esprit :
- Tu m’avais dit qu’il y avait d’autres choses qu’on pouvait faire. Non ?
Comme si celles-ci, déjà, étaient digérées. Normales.
- Ah ! Oui ! Je vais te montrer. Regarde.
Il prit mon tel, ouvrit l’application « Moi », banalement, puis me dit :
- Tu vois, si tu cliques sur quelqu’un qui a traversé ta vie, tu peux aller sur son fil perso. Tu peux lire sa vie comme tu lis la tienne. Ce ne sont que des fils qui se croisent, tu sais.
Et il eut à nouveau ce regard que je ne cherchais pas à faire naître.


Quand je fus chez moi, mon premier geste fut de cliquer sur Vincent. L’autre. Il vivait avec quelqu’un. Ils s’étaient connus après que nous nous fussions séparés. Je voulais les voir ensemble. Les voir au lit. Je choisis un week-end. Un peu tard. Mais il était seul à peindre dans son atelier. Je fis couler un bain. Je mis du Bach. Et pendant une heure, je le regardai peindre. Nous étions comme autrefois. Dans notre intimité d’autrefois. Je voyais ce qu’il voyait. J’étais son regard. J’étais son miroir. Et soudain elle entra. Il lui sourit. Ils s’embrassèrent. Je coupai. J’avais le cœur coupé.
Les jours passèrent. Je ne vivais plus. J’allais d’une vie à une autre. D’un lit à un autre. Je repassais tous les hommes de ma vie. Il y eut un moment parfait. C’était un homme que j’attendais dans un hôtel. Nous avions passé trois mois avant de nous revoir. Et soudain il frappait à la porte. Il était face à moi, dans un pays étranger, dans le soleil près d’un jasmin. Ce moment, rien que lui, je l’ai passé en boucle plus de cent fois. Pourtant c’était un homme que je connaissais à peine . Un amour sans avenir. Mais c’était lui le radieux.

Le lendemain, je demandai à Vincent, l’autre :
- Je ne sais pas s’il est bon que cette découverte soit offerte aux hommes. Car on ne vit plus, Et bientôt ma vie ne sera que moi, sans avenir, regardant mon passé et celui des autres.
Il sourit, hésita un peu, puis lâcha le morceau.
- Il vaut mieux attendre de mourir pour le faire, en effet. Comment t’expliquer ? Tu sais que nous élevons des moutons pour les manger ? Et tant d’autres choses, non ? Nous vivons dans un monde carnivore, ne crois-tu pas ?
- Sans doute.
- Alors voilà. En fait on nous élève. Nous sommes du bétail. Comme des agneaux ou des porcelets. Eux sont aimés pour leur chair et nous pour nos émotions.
Et comme je le regardai fixement, ne trouvant rien à dire, abasourdie :
- Oui. Il y a des créatures dans un autre monde qui aiment aspirer nos émotions. Nous ne sommes là que pour les faire jouir. Elles sont penchées sur nos vies, comme toi tu étais penchée sur la tienne. Voilà pourquoi, sans doute, nos vies sont si orageuses Car le sang de nos cœurs les ravit. Tous les jours tes passions nourrissent l’invisible. Tu es suivie. Tu es aimée. Tu as tes fans. Comme sur Facebook !
J’éclatai de rire. C’était tellement énorme !
- C’est vrai, me dit-il en venant tout près. Nous sommes des créatures d’aquarium. Des cobayes sentimentaux. Des sources de joie et de mélancolie. On nous biberonne là-haut, dans le grand vide. Nos larmes sont chères. Nos cris les font jouir.
- Mais qui « ils » ?
- Qui tu veux. Quelle importance…Des dieux, des morts…Tu es leur chair.
- C’est absurde. Ca ne m’intéresse pas.
- Je te comprends. Il y a un vers d’un poète chinois qui dit : « A quoi sert-il d’apprendre au papillon l’existence de la glace. Il ne vit qu’une saison. »
Il se leva, prit mon téléphone et effaça tout.
- Hé ! Mais pourquoi ? Non ! Je voulais encore ! Tu me voles, là ! Tu me voles ma vie !
Je le haïssais. Comme tout désormais me paraîtrait fade !
- Je t’enverrai quelque chose demain. Un souvenir. Désolé. Je ne peux pas te laisser ça. J’ai déjà pris beaucoup de risques en te le montrant. Je n’aurais pas dû. Fâchée ?
Il me rendit le téléphone et disparut.

Pendant quelques jours, chaque fois que mon téléphone couinait, je défaillais. J’imaginais toujours, soulevant le cuir rose de son étui, que j’allais revoir l’appli « Moi ». Puis, le temps passant, je n’y pensai plus. Un jour, cependant, je reçus l’envoi que Vincent m’avait promis. Un petit message vidéo. Il avait écrit : « Fait avec les moyens du bord. C’est moins brillant que précédemment. Mais c’est un de ces moments dont je t’ai parlé où j’ai un max de fans là-haut parce que j’éprouve des émotions extraordinaires. A toi de voir. Suis-je aimé des dieux ? Sont-ce leurs lèvres qui glissent la nuit sur ma gorge ? »
J’ouvris la vidéo. C’était un petit film. On le voyait en train de sourire devant un écran. Puis brusquement il tourna l’ordinateur qu'il regardait vers moi et je me vis en photo. Il me disait, chuchotant : « Tu me dévores. On me dévore. J’aime. »
La vie simple était de retour.

 


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25 réactions à cet article    


  • Claudius Claudius 12 novembre 2013 12:21

    « revenant inlassablement sur cette main entre mes cuisses » écrivez-vous


    C’est un film Aix ?

    Pour le reste, heureusement que Juan Asensio vous ait pas empoignée

    Juan .. vous connaissez ?

    Vous êtes la Yannik Haenel des hôtes d’Agora

    Merci, continuez



    • Ariane Walter Ariane Walter 12 novembre 2013 16:15

      Non, je ne connais pas vos références. Je chercherai.


    • Emmanuel Aguéra Emmanuel Aguéra 12 novembre 2013 14:08

      Pas mal Ariane. J’ai bien aimé. Malgré que je n’ai pas de téléphone intelligent.
      A quand la même, avec disons... une moissonneuse-batteuse et un bel agriculteur, par exemple ? Y’a pas qu’les ondes, dans la vie, y’a aussi les meules de foin
      En tous cas vous m’aviez habitué à plus de points d’exclamation, du caractères bien gras et de la majuscule intempestive, à l’illisible en bref (indépendamment, je le jure, de mon avis sur Mémel !) ... Et voilà que, là, ça liquide fluide et ça déroule cool.
      Attaquez-donc sur la moissonneuse ; je vous attends au jet du grain.

      ps : à propos de JLM, vous l’avez tapé dans « moi » ? alors ?...


      • Ariane Walter Ariane Walter 12 novembre 2013 16:03

        ahahahaha !!! Je n’y ai pas pensé... Disons que j’avais d’autres priorités...
        Au sujet des meules de foin , je les ai tentées et j’en ai gardé un souvenir horrible car cela pique d’une manière insupportable...
        Le sable et le foin...Deux rêves qui s’effondrent...La banalité de draps propres finit par l’emporter. Des draps impeccablement tirés d’un blanc d’agenda. (Agenda : agere : faire. les choses qui doivent être faites...)


      • gaijin gaijin 12 novembre 2013 15:37

        simplement superbe
        .......et tellement juste


        • Ariane Walter Ariane Walter 12 novembre 2013 16:06

          Merci.
           Je crois que la simplicité vient de la règle du jeu. C’était un concours de nouvelles et il y avait un nombre de mots à respecter. Et j’ai passé plus de temps à couper qu’ écrire !!! Mais comme l’écrivait Pascal : « Excusez-moi, je n’ai pas eu le temps de faire plus court. »


        • Ariane Walter Ariane Walter 12 novembre 2013 15:59

          C’est une épidémie qui a commencé du temps de Narcisse et de l’eau miroir, non ? Et qui a continué avec les miroirs, les yeux des autres dans lesquels nous jugeons de notre effet, et tout l’art autobiographique, ces portraits, ces récits, ces chansons...
          Bref, c’est une longue histoire...


        • Fergus Fergus 12 novembre 2013 16:06

          Bonjour, Ariane.

          Je suis en accord avec les questions que pose ton article. Personnellement, je n’ai même pas de téléphone portable, m’en remettant à celui, basique, de mon épouse lorsqu’il me faut téléphoner hors de chez moi.

          Le problème de notre temps, ou plutôt des accros aux innovations technologiques, c’est moins d’être en contact avec les autres que de leur imposer, via les réseaux sociaux, leurs propres pensées et leurs propres images. Evidemment, en retour, ces « amis » ou « followers » peuvent leur asséner messages et images dont nos braves « geeks » n’ont rien à battre. Finalement, c’est un peu comme ces conversations que l’on surprend parfois entre deux individus : les deux parlent, suivent leur idée, et ne prêtent pas la moindre attention au propos de leur interlocuteur. Un grand classique !

          Les NTIC ont donné une dimension supplémentaire aux manifestations d’ego. Mais que de solitude derrière ces artifices de sociabilité !


          • Ariane Walter Ariane Walter 12 novembre 2013 16:14

            j’essaierai d’être plus indulgente.
            Lorsque nous naissons, nous sommes, pour la plupart au centre d’un tourbillon d’amour. Chaque bébé , dans une famille normale , est une sorte de divinité.
            mais cela passe et vers sept ans , il entend pour la première fois la phrase terrible « mais qu’il est bête ce gosse. »
            C’est la première fois qu’il appelle sans cesse sa mère ou son père sur une plage « regarde-moi ! regarde-moi ! » ce qui prouve qu’on ne le regarde plus.
            Et peut-être qu’on ne va cesser, toute sa vie, d’essayer d’apparaître sous son meilleur jour pour retrouver cet amour des premiers temps.
             
            C’est donc un procédé artificiel, mettre une photo sur fB qui correspond à de très violentes nécessités. « regarde-moi ! »
            Et l’art également ...Et l’héroïsme.Et celui qui se sent inutile et impuissant, mal aimé, est bien malheureux.


          • Fergus Fergus 13 novembre 2013 09:40

            Bonjour, Ariane.

            « C’est la première fois qu’il appelle sans cesse sa mère ou son père sur une plage « regarde-moi ! regarde-moi ! » ce qui prouve qu’on ne le regarde plus. » En fait, cela commence souvent bien avant 7 ans, parfois dès 3 ou 4 ans. Combien de fois n’ai-je pas été agacé par des parents qui lisaient ou vaquaient à d’autres occupations sans caractère d’urgence et qui restaient sourds aux tentatives de leur enfant pour les intéresser à leur activité.

            « mettre une photo sur fB qui correspond à de très violentes nécessités. « regarde-moi ! » » Quand on en arrive à de telles manifestations impérieuses d’un problème existentiel, c’est inquiétant, non ? Il semble que beaucoup de jeunes, phagocytés par les usages technologiques, ne parviennent plus à se construire dans les rapports humains « normaux », ceux qui se développent dans les relations physiques avec les personnes.


          • cevennevive cevennevive 12 novembre 2013 17:05

            Ho non Ariane, pas de ces « engins » pour moi ! Surtout pas !


            Ma vie passée, présente et future est bien plus belle dans mon imagination, dans mes rêves et dans mes mots que sur n’importe quel écran.

            Regarder la vie à travers un filtre me fait horreur. J’avais un mari qui ne vivait nos voyages (parfois très lointains) que derrière un objectif. Quel dommage !

            Et les odeurs, le chaud, le froid, le mouillé, le sec, l’iode de l’océan et des vagues, la douceur d’une mangue cueillie sous son arbre ? Pourra-t-on les reproduire sur ces « engins » de science fiction ? Au secours !

            Ah, je sais bien que ce texte est une nouvelle écrite pour une circonstance particulière, et non dicté par les états d’âme de la suffragette que je connais.

            Ouf !

            • Ariane Walter Ariane Walter 12 novembre 2013 17:52

              Bonjour Danièle,
              Oui, exact, c’était un thème imposé, mais je dois quand même t’avouer que je trouve le téléphone la plus grande invention magique de tous les temps. La voix de nos amours au creux de l’oreille car il n’y a rien de plus personnel qu’une voix.On tapote qqs chiffres et l’on est au-delà du réel.
              Vraiment, j’y suis très sensible..
              Et un téléphone n’empêche pas d’imaginer , de rêver et de retrouver des parfums.


              • cevennevive cevennevive 12 novembre 2013 18:09

                Ariane qui me coupe les L : Comment vais-je voler avec un seul ?


                Oui pour la « voix de nos amours au creux de l’oreille... ». Mais elle est bien plus « prégnante » lorsqu’elle ne sort pas d’un téléphone, non ?

                C’est vrai, le téléphone fut une grande invention, de même que le fax et les courriels. Je me souviens, au début des années 1980, j’étais « au bout du monde » et j’ai reçu un dessin par fax de mon petit bout de chou, resté à Alès.

                Mais vois ce que l’on a fait aujourd’hui de ces belles inventions : des groupes de jeunes, filles ou garçons, ensemble, pianotant sur leur clavier devant un collège sans même échanger un mot, des couples au resto, les yeux rivés sur leur écran respectif. Etc. C’est psychédélique et effrayant !


                • Ariane Walter Ariane Walter 12 novembre 2013 18:58

                  Ce sont des doudous pour adultes inaccomplis ,chère Danielle !!!


                • Loatse Loatse 12 novembre 2013 18:13

                  Bonsoir Ariane

                  lu dans sciences et vie le spécial de janvier 2012

                  « Le décodage de la pensée vient de franchir une étonnante étape : Une équipe est parvenue à reconstituer via un scanner cérébral, les scènes d’un film qu’un sujet était en train de regarder »

                  (suivi des images reconstituées... c’est stupéfiant !)

                  voir les vidéos des neurologues sur youtube taper : ...« reconstruction from brain activity »

                  En appli pour smartphone il fallait y penser ! ... avec à la clef la terrifiante tentation de ne plus vivre le moment présent mais de se perdre dans ce qui n’est plus et ne reviendra jamais.. ...

                  Brrrrr !

                  Tu ne peux que le gagner ce prix, c’était très convaincant (et fort bien écrit) mais est ce vraiment de la fiction, humpf ?... smiley



                  • Ariane Walter Ariane Walter 12 novembre 2013 19:01

                    Bonjour Loatse :
                    Ah ! C’est encore de la fiction, oui...Je crois que le plus fascinant est de revoir ses morts, de passer des instants avec eux... Mais cela arrivera. J’en suis sûre.
                    On n’en est pas si loin d’après ce que tu me racontes....
                    Étonnante aventure humaine qui va peut-être finir sous la glace...Mais pas nos rêves et nos pensées. On va y croire...
                    Merci. Bonne soirée.


                    • volt volt 12 novembre 2013 19:03

                      « ne plus pouvoir sortir de Moi », ça doit être une définition des enfers aussi ?

                      quant à ceux qui s’en amusent de leurs cobayes, envisagez que l’enjeu est...
                      de vie ou de mort, maintenant, et au-delà.
                      la clef centrale de votre texte remarquable, là où tout est dit :
                      « Il vaut mieux attendre de mourir pour le faire »
                      et en effet, c’est d’un enterrement qu’il s’agit ; à ce titre, la scène de menace de suicide collectif de départ, par-delà l’atrocité des conditions de travail, raconte déjà peut-être quelque chose comme « l’atrocité des conditions de loisir » .. Debord avait déjà signalé tous ces voyages qui n’en étaient plus, du fait de ne trouver leur réalité que dans la transmission filmée ou photographiée, ma vie devenue spectacle, Moi ?
                      I never dared pretending to be anything more than... a file, a small file u know.

                      • Ariane Walter Ariane Walter 13 novembre 2013 09:29

                        C’est toujours un plaisir de lire, au sujet d’un texte qu’on a écrit, des interprétations auxquelles on n’avait pas pensé mais qui sont extrêmement justes. Car dans l’ecriture , il y a un flot qui porte et qui, curieusement , ne prête pas à reflexion par sa rapidité même. On a l’impression qu’on visite avec qq´un une partie de sa maison et qu’il fait remarquer des détails qui avaient échappé.


                        En matière de fantastique, nos rêves , la nuit, restent totalement inexpliqués. Je les trouve aussi « fantastiques » que l’aplli de la nouvelle. Pourquoi ce délire du cerveau ? Ce fil conducteur du « moi » car c’est moi qui rêve, ces éternels changements, cette vie parallèle. 
                        Que de mystères...

                        Oui, tout compte fait cette appli existera. Destructrice. Comme tout ce qui nous entoure.
                        Merci de votre attention.

                      • Balkanicus 13 novembre 2013 03:20

                        Très poétique..... J adore


                        • Ariane Walter Ariane Walter 13 novembre 2013 09:31

                          Merci. Le plaisir partagé est le plaisir suprême.


                        • Pepe de Bienvenida (alternatif) 13 novembre 2013 07:22

                          C’est plus Narcisse que Borges, mais les développeurs d’applis ont compris que c’est ce qui fera leur succès.


                          • Ariane Walter Ariane Walter 13 novembre 2013 09:30

                            Alors, au travail !


                          • Hervé Hum Hervé Hum 13 novembre 2013 11:13

                            Pourquoi dire ce qu’est la glace à un papillon s’il ne vit qu’une saison ?

                            Pour lui donner envie d’en vivre une de plus...

                            C’est ce qui vous est arrivé je crois ! smiley


                            • Jean-François Dedieu Jean-François Dedieu 13 novembre 2013 13:43

                              Merci Ariane pour cette poésie d’une énième dimension avec, pas loin, un peu du mythe de Faust. Initialement prêt à succomber au sortilège, j’ai vite réalisé que la machine me renverrait à un passé plus véridique, plus prosaïque que la vision apprivoisée que je m’en suis faite. Quant à communiquer avec la centaine de milliards d’êtres qui nous ont précédés, même si les arbres, les pylônes et les satellites n’y suffiraient pas, je n’en pense pas que c’est plus réaliste que de renouer avec ceux avec qui on a partagé, une page sinon une ligne de vie malgré l’instantanéité du téléphone, du courriel, des réseaux sociaux et d’ Agoravox. 

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