Parler d’une « mafia islamiste » n’a rien d’incohérent. Contrairement à ce que l’on croit généralement, le mot "mafia" n’est pas d’origine italienne mais arabe. Comme beaucoup d'autres mots, il s’est trouvé introduit dans le langage sicilien lors de l’occupation de cette île par les troupes maghrébines (*).
En effet, lorsque les Maghrébins, sous le royaume aghlabide (le royaume aghlabide correspond, grosso modo, à la Numidie), avaient occupé la Sicile, ils y avaient trouvé un pays extrêmement pauvre, une société à structure féodale et une population miséreuse. Les terres appartenaient à quelques très grandes familles (les latifundia étaient des grands domaines agricoles constitués depuis l’époque romaine de l'Antiquité), l’écrasante majorité de la population était formée de paysans sans terre. Devant cette situation, les Maghrébins avaient alors réalisé des réformes agraires, démantelé les latifundia et encouragé la création de petites fermes. Lorsque, deux siècles et demi plus tard, en 1091, les Maghrébins furent chassés de Sicile par les Normands, les anciennes familles riches reprirent leurs latifundia, en massacrant au passage les petits paysans accusés d’avoir abjuré le christianisme et d’avoir collaboré avec les Sarrazins. De nouveau, les calamités d’antan se sont abattues sur la majorité de la population sicilienne. Il est donc aisé de penser que le mot mafia vient du mot maghrébin آفة (A’fa) qui veut dire : calamité, fléau, devenu mafia.
Caractéristiques d'une mafia
Les six caractéristiques qui définissent une mafia (d’après Wikipédia) se retrouvent chez les Frères Musulmans tunisiens, égyptiens et autres :
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Structuration de l'organisation qui suppose un engagement réciproque de ses membres et un certain nombre de règles internes.
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La violence qui est à la fois utilisée pour accéder à des richesses et pour protéger l'organisation par l'intimidation.
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La mafia a aussi un rôle social. Les mafieux cherchent à avoir des rôles importants dans des activités de médiation sur le plan politique, social ou économique, en particulier pour la jonction entre la sphère légale et illégale.
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Un ancrage territorial. Ainsi tout en ayant des activités internationales (la Oumma musulmane), les mafias cherchent à garder des liens sur leurs territoires d'origine (Ennahdha en Tunisie, Frères Musulmans en Égypte).
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La coexistence entre les activités légales et illégales entre l'ensemble des ressources de l'organisation. Ce sont des organisations très riches dont les revenus occultes ne sont connus que des chefs. Personne, à part le "capo di capi" tunisiens, ne sait ce qu'il advient des millions de dollars souvent versés par le Qatar ou par l'Arabie.
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Le lien avec les classes politiques et les institutions, soit à l'échelle régionale (arabe, islamique), soit à l'échelle nationale. Grâce à cette interpénétration, la Mafia islamiste arrive à accéder à certaines ressources, dont des marchés publics. Elle arrive dans certains cas à agir en toute impunité judiciaire parce qu'elle monnaie son soutien à la classe politique à travers l'influence qu'elle exerce sur la société. En Tunisie, elle n'a plus besoin de justifier quoi que ce soit de ses activités illégales, comme la cession des droits de propriété des sociétés nationales à son parrain qatari, au vu et au su de tous, sans que la justice, gangrénée, lève le petit doigt.
On sait que le bureau américain des services stratégiques (OSS), ancêtre de la CIA, a délibérément permis à la mafia de retrouver sa position sociale et économique en tant qu’« État dans l’État » en Sicile et que cela fut, avec l’alliance États-Unis-Mafia forgée en 1943, le tournant décisif dans l’histoire de la mafia et les bases nouvelles pour son activité pendant les soixante années suivantes. Un bénéfice supplémentaire (dans la perspective américaine de la guerre froide) a été que beaucoup de mafiosi siciliens étaient des anti-communistes purs et durs. Ils ont donc été vus comme de précieux alliés. Le même scénario a été reproduit avec les djihadistes et avec Al-Qaïda en Afghanistan, en Tchétchénie et ailleurs.
La Mafia islamiste sévit dans six principaux secteurs d'activités :
(1) la drogue (principalement l'héroïne afghane, mais aussi la cocaïne colombienne qui transite par le Sahel puis par la Maghreb vers l’Europe) ;
(2) la contrebande, qui a connu un essor considérable grâce à l'embargo contre l’Irak de Saddam puis, actuellement, contre l’Iran et la Syrie. Cet embargo rapporte des centaines de milliards de Dollars aux « capo di capi », les émirs du Qatar et de Dubaï.
(3) la vente d’êtres humains (Des filles sont enlevées en Syrie par les djihadistes et revendues aux émirs du pétrole pour des millions de dollars, surtout lorsqu'elles sont vierges ou impubères ). Les organes utiles aux greffes sont prélevés sur les prisonniers et les blessés syriens pour être vendus aux Turcs et aux Israéliens, lesquels les revendent à leur tour comme « pièces détachées » pour les greffes d’organes en Europe et aux États-Unis ; (
Voir la mafia islamiste 2eme partie).
(4) le trafic d'armes (stocks pillés en Irak et en Libye, armes fournies par l'Occident aux djihadistes en Syrie ) ;
(5) le racket (otages européens au Sahel et en Afghanistan, à l’exclusion, curieusement (?) des Anglais, des Israéliens et des Américains). Ce sont généralement les Européens qui sont visés, et principalement les Français. Quelle en est l'explication ?
(6) le recrutement et l’acheminement de « djihadistes » vers les zones de conflits arabo-arabes (à l’exclusion des conflits arabo-israélien ou arabo-américain). Un djihadiste tunisien est acheté 20.000 dollars, les intermédiaires sont des mafiosi islamistes. Vivant, ce djihadiste servira de chair à canons en Syrie. Mort, il alimentera le traffic d'organes. Des filles et des jeunes femmes sont recrutées dans les zones déshéritées des pays arabes(Maroc, Egypte, Tunisie) pour servir de
prostituées halal dans les BMC (Bordels Militaires Ambulants) djihadistes.
Survivre, s'adapter, prospérer
C'est parce qu'elle fut constamment sous-estimée que la Mafia Islamiste paraît aujourd'hui indéracinable.
La première erreur est de nier (« ça n'existe pas ») ou de minimiser (« de simples croyants pieux ») sa réalité. Une forme plus subtile de refus du réel consiste à répéter que la Mafia Islamiste est moribonde, alors qu'elle n'a jamais été aussi puissante et tentaculaire.
La seconde erreur est de la considérer comme le produit d'un archaïsme historique : les « primitifs » disparaîtraient avec les bienfaits du progrès. Or, elle n'a cessé de s'adapter aux bouleversements politiques, économiques et sociaux depuis le XIXe siècle, sachant passer d'une société autoritaire et agraire à la modernité capitalistique, urbaine et mondialisée.
La Mafia Islamiste a démontré aussi sa capacité d'immersion et de renaissance après chaque vague répressive, se faisant oublier puis reconstituant ses forces. Peu d'institutions ont su démontrer de telles capacités adaptatives. Il convient d'ailleurs de lui reconnaître le mérite d'une réelle longévité : le soviétisme a péri au bout de soixante-douze ans (1917-1989) alors que la Mafia islamiste est non seulement bien vivante un siècle après son apparition, mais elle domine et gangrène la quasi-totalité des pays musulmans. Évidemment, tous les phénomènes sociaux ont une fin : La Mafia Islamiste n'échappera pas à cette loi. Cependant, la démocratie semble bien mal outillée pour venir à bout d'une réalité mutante et dotée d'une intelligence collective rare.
La Tunisie cumule des handicaps indiscutables dans sa lutte contre cette superpuissance criminelle : celui d'être un État jeune et financièrement faible ; ensuite d'être comme toutes les démocraties naissantes qui, obsédées par le court terme et par la conduite médiatique des affaires publiques, sont malhabiles face à des entités discrètes et patientes. Avec la Mafia Islamiste, comme avec toutes les autres (Camorra napolitaine, yakuza japonais, etc.), ce qui doit éveiller l'attention n'est pas la violence mais le silence : une mafia n'est jamais aussi dangereuse que lorsqu'elle est parvenue à faire croire à sa mutation ou à sa disparition, un peu comme la pieuvre, qui, grâce à son pouvoir extraordinaire de dissimulation et de mimétisme, arrive à berner ses prédateurs.
Hannibal GENSERIC
(*) L'Émirat de Sicile était un État musulman établi sur l'île italienne de Sicile entre 948 et 1091. Les émirs de Sicile étaient vassaux des califes fatimides. La Sicile était administrée par un gouverneur, ou wâli, qui résidait à Balharm (Palerme) depuis la conquête de cette ville en 831.
Au commencement du gouvernement des Kalbites, la Sicile, surtout dans sa partie occidentale, connut une grande prospérité.
Palerme, la capitale de l'émirat, comptait sous les Kalbites 350 000 habitants, ce qui en faisait une des villes les plus importantes d'Europe, la deuxième derrière Cordoue, la capitale du califat ibérique, qui en comptait 450 000. En 970, le marchand, voyageur et géographe originaire de Bagdad Ibn Hawqal visita Palerme qu'il décrivit comme la cité des 300 mosquées. La cour kalbite accueillit de nombreux savants, juristes, poètes et linguistes.