Les secrets de l’univers vont-ils changer le monde ?
Acte I
L’hiver est bien arrivé, conformément à mon calendrier alternatif qui fait commencer cette saison le 15 novembre, les suivantes étant prévues pour les 15 février, mai et août. C’est comme ça. Le 15 février, je me sens au printemps et l’automne commence pour moi le 15 août, avec cette chatoyante luminosité précédant la tombée de la nuit. L’hiver me refroidit cette année. Pas à cause de la température, qu’elle soit enregistrée ou ressentie. En effet, les météorologues annoncent la température ressentie en plus de la température mesurée sous abris. Ben ma brav’dame, je ne sais pas ce que c’est que cette température ressentie. L’autre jour il faisait moins de dix degrés et j’ai croisé mon voisin, un gars robuste d’un certain âge, il était en chemise. Cette notion de température ressentie n’a aucun sens. Par contre, le climat social et politique est ressenti différemment, selon qu’on se situe dans une zone rurale en Bretagne ou alors en plein Paris, avec son métro où l’on fait des rencontres formidables et je veux bien le croire car c’est NKM qui le dit, elle qui sort de polytechnique ! Du coup, toute cette ambiance parsemée d’absurdités et de marasme social me refroidit.
Finalement, ces quelques lignes ironiques constituent un remède à la morosité. Je me sens morose ces temps-ci et ça ne se voit pas sur mon visage. Peut-être à cause des dix kilos de chanterelles ramassées sur de la mousse il y a peu dans une improbable forêt de pins en même pas trois heures avec ma compagne. La chanterelle se cuisine avec un zeste de citron, un brin de persil, de l’échalote et un peu de vin blanc. Ce champignon donne de la gaîté à un plat et finalement, ça évite d’halluciner sur une possible fin du monde extrapolée à partir des dépêches déprimantes lancées dans les médias. Bien que n’étant pas de confession judaïque et ne célébrant pas Hanoucca, j’en profite néanmoins pour remercier Dieu de m’avoir guidé vers les champignons et j’allume un cierge symbolique dédié à la chanterelle et à notre avenir pour l’instant mal barré. Finalement ça serait idiot que le monde finisse, avant même que l’humanité ait compris le sens de son origine, de son existence sur terre et de son dessein dans l’universel.
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Acte II
Comme le suggère Thomas Nagel, des découvertes inédites et imprévisibles pourraient d’ici peu changer radicalement notre vision de la nature et de l’univers. Il y sera question de métaphysique mais l’adage dit que quand le crépuscule tombe, que l’étrangeté du monde glace l’esprit, le savant se doit de rester rigoureux comme un hiver interminable tel un sage givré pour l’éternité. Rester zen sans chercher à avoir la banane de peur de devenir un singe savant. Fixer calmement la théorie quantique algébrique, puis la correspondance AdS/CFT et espérer trouver dans cette forêt d’équations les secrets de l’univers. Ce nouveau regard sur la nature, la physis, l’univers, pourrait entraîner un changement de vision dans les domaines de la biologie ainsi que celui de l’origine des espèces et de la vie. La route du chercheur est néanmoins longue et puis quand un chercheur trouve, il suscite des sentiments pas toujours bienveillants, surtout lorsqu’il renverse les conventions établies. Et ces conventions héritées de Newton qui ne les aurait pas acceptées, ces conventions renforcées par un siècle de positivisme, de scientisme, d’objectivisme, elles sont solides, autant que l’ont été les croyances religieuses pour les moines médiévaux. Et elles sont utiles, autant que peut l’être un verre d’eau quand on a soif.
Le temps passe et les idées finissent par trépasser lorsqu’elles ne parviennent pas à s’incarner. Et finalement, je finis par douter, reculant devant la possibilité de déduire à partir de la cosmologie quantique une conséquence si décisive qu’elle pourrait faire basculer le cours de la science moderne issue de Newton. Avec un nouveau sens. Entraînant dans son sillage le matérialisme, la biologie, l’évolution et mettant un terme aux « illusions naturalisantes » en sciences cognitives. Cependant, même sans cette découverte incroyable qui ne se sera pas découverte, le basculement est prévu, d’ici une décennie, ou un siècle. Mais franchement, ça aurait de la gueule, une démonstration bien ficelée et publiée dans une bonne revue, Nature par exemple. Je m’en tiendrai à l’hypothèse d’une « réalité physique » à extraire à partir des théories quantiques et cosmologiques. A extraire directement ou peut-être à mettre en correspondance, moyennant une hypothèse supplémentaire, avec la question du vivant et de la conscience.
A titre de conclusion provisoire, je m’en tiendrai à cette hypothèse qui devrait séduire tous les chercheurs authentiques en quête du sens de l’univers. A partir, disons de 1995, la physique contemporaine et notamment la cosmologie quantique ont créé un contexte épistémologique inédit par rapport à celui de 1930, hérité des découvertes d’Einstein et des magiciens du quantique (Bohr, Dirac, Schrödinger…). Il y a donc une nouvelle forêt d’équation. Je crois qu’elle porte quelques fruits ontologiques et métaphysiques. Dans le cas contraire, elle n’est que jeu mathématique de haute voltige. La physique du 21ème siècle a certainement commencé et s’offre comme « prodromes mathématiques » à la physique post-moderne, laissant entrevoir une nouvelle révolution copernicienne dont nul ne peut prédire où elle nous conduira. L’option est ouverte pour une troisième cosmologie après celles de Newton puis Einstein, ainsi qu’une troisième mécanique, après celle de Lagrange puis de Dirac et les quantiques ; et pour finir, une troisième théorie de l’entropie.
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Acte III
Les grandes découvertes ne se sont pas faites en un jour. Elles interviennent de plus dans un contexte historique élargi. Je me demande quel changement de « monde » pourrait advenir en relation avec le changement de paradigme que je pressens avec des détails de plus en plus précis. Cela fait bizarre, voire présomptueux que de s’interroger sur un hypothétique paradigme accompagnant un changement de monde imprévisible. Peut-être le passé nous éclairera-t-il. Je pressens la fin de la Modernité mais il est peu probable que le début de cette époque puisse nous éclairer sur sa fin. La ligne directrice, c’est que la forme culturelle (et cultuelle) d’une société, ses réalisations artistiques, techniques et scientifiques sont adossées à un rapport au monde qui joue le rôle d’un principe architectonique plus ou moins dissimulé.
Si l’on devait choisir une figure savante symbolisant l’avènement de la Modernité, ce serait sans doute vers Newton que l’on se tournerait. Le père de la gravitation a fondé la cosmologie moderne quelques décennies après les réflexions de Descartes et Bacon annonçant un nouveau rapport au monde. L’homme se découvrit une vocation à utiliser la nature. Le grand principe derrière Newton et ses successeurs, c’est que pour utiliser la nature, il faut la mesurer. Newton est contemporain des jardins « millimétrés » à la française. Ce qui nous propulse vers une autre étape, 1870, celle de la médecine et biologie moderne, avec Pasteur, Claude Bernard et bien évidemment Darwin. Cette étape s’inscrit dans la Modernité en accompagnant un nouveau rapport au corps (qu’on trouvera dans l’impressionnisme, le fauvisme et l’expressionnisme allemand). Toujours plus de maîtrise et l’homme utilisé par l’industrie. Le biopouvoir est associé à cette étape. Allez, un siècle de plus, la génétique et la mécanique quantique. Les médias, les écrans et les manipulations sur le psychisme de plus en plus intense, avec la publicité au début du siècle dernier et maintenant, le contrôle planétaire des communications par les services secrets. La Modernité commence avec Newton mais finit-elle avec la NSA et le GPS ?
La Modernité possède plusieurs traits majeurs qui ne sont pas si nombreux. J’ai esquissé cette idée de rapport au monde qui prend tout son sens avec les technologies contemporaines. En une formule, être moderne c’est le « faire » avec une emprise sur les choses et les hommes. Corollaire de cette formule, à force de faire, je me regarde faire à en devenir narcissique. Etape supplémentaire, le narcissisme déployé dans la sphère du mal. Détruire l’autre, vertige de l’emprise, issue maudite de la Modernité. Mais ne soyons pas si négatifs, la Modernité a ses bons côtés. Le problème, c’est que le rapport au monde en est devenu presque pathologique, dévoilant une technologie inhumanisante et une culture livrée à la bêtise et l’inhumanité. Le paroxysme moderniste version technopolitique offre nombre de facettes, depuis la NSA jusqu’aux délires climatiques, d’aucuns ayant décidé que l’homme avait la possibilité de contrôler la température de la terre comme si c’était une serre.
On comprend que les avantages et les pièges de la Modernité sont étroitement entrelacés aux savoirs scientifiques, à l’expérimentalisme, aux modèles mécanistes de la vie et maintenant de la conscience. Tout doit être calculable et maîtrisable. L’objectivité a envahi la subjectivité au point de la profaner. La malédiction moderniste aboutit à une humanité profanée. En préambule à la déclaration des droits de l’homme il faudrait commencer par cette formule : l’homme est sacré. La raison reste le seul rempart contre la déshumanisation dans le technocosme. La raison n’est cependant qu’un outil opérant dans un espace idéologique. Le rapport au monde post-moderne repose sur la conscience et suscite une foi universelle qui ne se fige pas dans le marbre des discours religieux.
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Acte IV
Maintenant que l’essentiel est dit, je replonge à nouveau dans la forêt des théories scientifiques avec quelques doutes sur la nécessité d’exposer le nouveau paradigme, surtout dans le champ de la cosmologie. Ce qui s’y passe est très étrange et je crois bien que si les gens avaient la réalité en face, ou bien ils ne comprendraient pas, ou bien ils seraient saisi d’effroi tant le socle de leur certitude serait ébranlé et l’image métaphysique devenue angoissante. Ils se verraient comme une onde d’énergie matière remplissant une boîte à soupe formée d’une succession de tranches spatiales dans un espace anti-de-Sitter… La conscience face à l’univers est source d’angoisses et d’inquiétudes. Les hommes ont utilisé les religions pour contenir ces propensions parfois psychotiques. Dieu pas forcément opium mais plutôt Lexomil du peuple. La science moderne a supplanté les religions, offrant une image quelque peu dégradée du sens de l’univers. L’homme craint plus la nature dans ses déchaînements physiques et l’invisible pathogène. L’homme craint aussi la technique et ses accidents imprévisibles. Ces craintes sont très modernes dans leur principe scientifique, mais aussi archaïques dans leur principe psychologique. La Modernité, un tableau d’équation lu par des gens dotés du psychisme affectif d’un mammifère.
Pour ce qui relève de la théorie du vivant, de l’évolution et de la conscience, le nouveau paradigme n’aurait pas forcément d’incidence en terme d’applications pratiques permettant d’améliorer la qualité de vie. Tout au plus offrirait-il un nouveau regard sur le monde mais je ne pense pas que le rapport au monde en devienne inédit. En fait, le nouveau paradigme conçoit un monde qui ressemble plus à ce qu’en ont relaté les philosophes, sages et autres mystiques qu’à cet univers matériel fait de forces, champs, objets et mécanismes. Un monde dont la compréhension diffère néanmoins, avec la fascinante question du temps, de l’énergie et de l’information. Et de la téléologie. Ce qui signifie que le mystère de la création a été remplacé par le mystère des fins. Nous qui arrivons à la fin de la civilisation sommes en mesure de comprendre enfin le mystère des fins. La Modernité s’achève, non pas achevant le sens de l’existence mais en brisant les chaînes mentales et idéologiques qui maintiennent l’humanité en état de servitude matérielle. Un monde nouveau s’ouvre mais il a toujours été ouvert. Ce qu’il y a de plus à notre époque, c’est que la science livre les éléments pour comprendre cette ouverture. Et peut-être aller plus loin mais sans savoir où exactement.
C’est donc cette inconnue qui fascine et rend le champ scientifique et philosophique contemporain passionnant. Mais c’est comme les champignons. Il faut faire l’effort de les chercher pour les trouver. Derrière cette inconnue je ne vois pas d’applications pratiques pour améliorer une existence déjà bien dotée en moyens matériels et technologies, du moins dans les pays avancés. Le nouveau paradigme ne promet pas de résoudre la mort mais peut-être de la voir différemment. Il ne laisse guère espérer dans le champ des maladies incurables mais on ne sait jamais. Pour l’instant, la société moderne avance en oeuvrant pour un bon nombre de causes perdues, comme le cancer, ou des causes vaines, comme le climat. La Modernité a sécrété les dispositifs qui la freinent, voire la propulsent dans une impasse.
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Acte V
Les quelques secrets de l’univers et plus précisément, les secrets de la relation entre l’homme et l’universel, ont été divulgués dans une version inachevée par les sages et les prophètes il a deux millénaires. Les sages n’ont pas compris le Temps. Ils ont extrapolé la création à partir des révélations. En gros, ils ont mal compris le relation entre la théologie et la téléologie.
La civilisation a reposé sur une volonté d’élévation. Maintenant, à l’ère technocosmique, la confirmation des secrets sous une forme inédite ne changera pas grand-chose car la Modernité n’a plus de dessein. La Modernité a prodigieusement œuvré au service des moyens. Qui sont devenus une fin. L’homme étant devenu un moyen et donc, rabaissé et dégradé. Plus rien à attendre d’un système de pensée qui institue l’asservissement généralisé. La politique est devenue une farce.
Le reste navigue entre poésie, contemplation, rêveries esthétiques et pourquoi théories physiques. Bientôt, les secrets révéleront des choses bien plus étonnantes que celles consignées dans les livres de Capra ou Sheldrake. La cosmologie post-moderne pourrait bien expliquer la conscience, les phénomènes surnaturels et les synchronicités formelles dévoilées par Sheldrake. Comprendre pourquoi un chien retrouve son maître après avoir parcouru des centaines de kilomètres sera accessible à l’intelligibilité. Mais franchement, ça apportera quoi, l’essentiel étant que le chien retrouve son maître et réciproquement, quoique…
Finalement, ces secrets n’ont peut-être pas une réelle utilité, sauf pour ceux qui cherchent les mystères de l’univers. Bref, des connaissances partagées entre initiés et pour le bon peuple, la science vulgarisée sur France Inter. Guérir le cancer, le sida et alzheimer, quel intérêt dans une société qui se décompose avec ses égoïsmes ? La cosmologie quantique reste un jeu pour les métaphysiciens. Ainsi soit-il !
J’ai encore ramassé dix kilos de chanterelles, la vie est belle !
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