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Les marchés financiers sont-ils facteurs de croissance économique ?

Maurice Allais disait qu'il faut toujours : « [...] faire en sorte que les mouvements, euphoriques ou dépressifs, de la psychologie collective n’entrainent, par leur impact sur les comportements de demande de monnaie (thésaurisation) ou de crédit, des fluctuations erratiques de l’activité économique, pouvant parfois déboucher sur des crises systémiques, avec leur cortège de désastres matériels et humains ». Quel héritage de cette pensée aujourd'hui ? Quel Etat des lieux ?

La question du mode de financement optimal dans une économie constitue une problématique cruciale, discutée et non résolue dans la théorie quand il s’agit de centrer l’analyse sur une évaluation empirique du lien entre le développement du secteur financier et la croissance économique, une croissance qui, pour être durable, doit être en grande partie déterminée par l’accroissement de la productivité et donc par l’investissement et l’innovation. On considère en France que l’expression de « marchés financiers » correspond à un sous-ensemble du marché des capitaux. On entend par marché de capitaux les marchés sur lesquels se rencontrent les agents qui apportent des fonds et les agents qui recherchent des fonds. Le marché monétaire est le premier des deux sous-ensemble du marché des capitaux, celui-ci concerne les emprunts de court terme, soit une période d’emprunt allant de 24 heures à un an, et potentiellement dans une vision plus large le moyen terme, les emprunts pouvant aller jusqu’à 7 ans. Le marché financier est le deuxième sous-ensemble du marché des capitaux, c’est un lieu d’échange et d’émission de valeurs mobilières qui sont empruntés et/ou prêtés à Long terme, soit au-delà de 7 ans. On distingue deux compartiments sur le marché financier : le marché primaire sur lequel sont cédés les titres nouvellement émis et le marché secondaire sur lequel ces titres sont échangés. Il est possible de trouver dans certaines définitions une inversion entre marché des capitaux et marchés financiers, ce qui pourrait amener à regrouper sous le qualificatif de « marchés financiers » le marché des taux d’intérêt des dettes monétaire (CT) et obligataire (LT), le marché des changes où s’échange des devises les unes contre les autres (Il existe d’autres marchés sur les produits de base, l’or et l’argent mais ceux-ci sont marginalisés, du fait de leur taille, par les autres.), etc. Sans que cela ne dénie l’importance des autres marchés, l’analyse se centrera surtout ici sur le marché des actions, notamment dans le rôle que joue celui-ci en matière de réduction de l’incertitude. Une fois ces éclairages apportés, comment répondre de manière efficace aux exigences de la société qui reste intéressé, notamment depuis 2008, par la manière dont la finance est conduite ? L’interrogation qui se pose est de savoir si les marchés financiers ont-ils été, sont-ils et seront des facteurs de croissance à l’avenir. Présenter l’analyse fondamentaliste et traditionnelle des marchés financiers sur les liens entre croissance économique et développement du secteur financier permettra de mieux comprendre les controverses sur cette corrélation ainsi que les enjeux qui en découlent en matière de croissance et de stabilité financière.

L’impact du système financier sur la croissance économique

Théorie de l’efficience et marché financier : un outil de financement de l’économie réelle

Si l’on met de côté l’autofinancement, il existe deux méthodes de financement au sein des économies où il existe des interactions monétaires, le financement externe indirect (où la relation de financement s’établit par l’intermédiation d’une banque ou autre institution financière qui accorde le crédit seulement après avoir collecté la somme nécessaire auprès d’un agent à capacité de financement) et le financement externe direct, qui fait rentrer les MF (marchés financiers) dans le jeu du financement de l’économie réelle (situation où il n’est plus nécessaire de passer par l’intermédiaire d’une banque pour obtenir un crédit dans la mesure où il est possible de se rendre directement sur le marché primaire où se concentre les offres de capitaux afin de pouvoir obtenir en tant qu’emprunteur ou investisseur des capitaux contre des titres standardisés). Le financement désintermédié permet d’obtenir, en principe, les capitaux d’agents à capacité de financement à moindre coût, c’est l’efficience opérationnelle, et permet également par ailleurs l’accroissement de la concurrence et de l’innovation via le jeu de l’offre et de la demande, jeu qui s’appliquerait, dans la vision fondamentaliste, sur les marchés financiers comme sur n’importe quel autre marché. Les marchés financiers assurent deux fonctions fondamentales exercées également dans le cas du financement indirect : la collecte de ressources, d’une part, soit la mobilisation de l’épargne disponible et, d’autre part, l’orientation de ces ressources vers les agents en déficit et en besoin de financement. C’est l’efficience allocative. La vision fondamentaliste voit dans les marchés financiers les structures qui donnent aux entrepreneurs les signaux dont ils ont besoin pour évaluer la valeur fondamentale du capital (la vision qu’a l’entrepreneur de la rentabilité futur de son investissement), dans cette perspective l’utilité sociale des MF est de permettre un bon investissement en calculant les profitabilités futurs qui indiquent les secteurs prometteurs pour l’investissement, c’est l’efficience informationnelle des MF, l’idée est de pouvoir percer l’incertitude et le mystère qui pèse sur l’avenir. En 2000 par exemple, au moment où le marché sur les valeurs internet liées au commerce internet ont commencé à croître cela a révélé à l’ensemble des acteurs qu’il y avait un gisement de croissance et ce type d’évaluation a permis un fort investissement dans cette branche. On aurait donc des opérateurs sur ces marchés qui sont spécialisés dans l’analyse de l’incertitude. Cette théorie est une théorie du reflet, la finance n’aurait pas d’autonomie et essaie, au mieux, de saisir la structure même de l’économie réelle, la finance est dans cette optique au service de la production et du réel et le cours du titre est une source d’informations.

Un impact discutable et discuté

De l’interprétation des corrélations empiriques

Il est utile d’utiliser des données empiriques dans la mesure où celle-ci sont capables d’apporter des éclairages supplémentaires dans le débat. Ces données empiriques sont souvent réutiliser par les théoriciens du sous-développement pour comprendre si les MF sont utiles à la croissance économique et de savoir si ce sont les MF qui tirent la croissance ou si les MF ne font que suivre la croissance. On doit alors tenter de faire un lien entre des variables censées être représentatives de l’état de développement des marchés financiers (en matière d’indicateur de taille, de liquidité et d’internationalisation du marché…) et de l’accroissement de la production généralisée à l’échelle d’un état (comme le taux de croissance du PIB notamment). Une première étude utilisée par Myriam Doriat-Duban dans l’un des documents du corpus est celle de King et Levine en 1993 qui établissent une corrélation sans distinguer pour autant les marchés financiers des banques, Levine en réalise une autre en 1996 à partir d’un échantillon de trente-huit pays sur la période 1976-1993. Cette étude établit que la liquidité a été un facteur de croissance (Australie, Canada, Etats-Unis, Allemagne, Brésil et en France) alors que l’illiquidité a fait croître moins vite la production dans d’autres pays (Argentine, Belgique, Luxembourg, Autriche, Colombie, Dannemark). La liquidité apparait alors comme un facteur potentiel de croissance à long terme. Doriat-Duban ajoute que cette étude de Lévine est reconfirmée par Levine et Zervos, on peut contester d’ailleurs que le fait que Levine confirme sa propre étude soit un gage de sérieux et d’objectivité, qui observe que la liquidité est le facteur le plus significativement corrélé à la croissance économique au détriment de la taille, de la volatilité (la fluctuation de la valeur) et de l’intégration internationale. On peut reprocher à ces études leur négligence de la propension marginale à épargner ainsi le fait qu’empiriquement il est difficile de dissocier l’impact du système financier de l’impact du secteur bancaire en matière de croissance économique, certains y voit une complémentarité tandis que d’autres y voit une opposabilité potentielle en matière de stabilité et de lutte contre les risques systémiques. Il se peut également que le dvpt du MF ne soit pas à l’origine de la croissance mais simplement le fruit d’anticipations favorables à une reprise de l’activité économique, rien ne garantirait alors que le dvpt du système financier permettrait le développement des pays du Sud en sous-développement. Robinson affirme que les marchés financiers ne font que suivre le dvpt de l’économie réel tandis que Lucas dénonce le rôle exagéré que les économistes font jouer au système financier, d’autres encore, comme Goldsmith, estiment que le sens de la causalité ne peut pas être établi avec certitude. Patrick propose de distinguer le dvpt financier exogène (initié par l’offre de services financiers) du dvpt financier endogène (par la demande de services financier), dans le premier cas les MF provoquent la croissance et dans le second cas ils ne font que la suivre.

 Critique de l’approche fondamentaliste et instabilité financière.

Un certain nombre de points montre les limites de la théorie de l’efficience des MF. Keynes est celui qui a compris que le monde économique était le monde de l’incertitude. « Il n’existe aucune base scientifique sur laquelle on puisse évaluer une quelconque probabilité, simplement nous ne savons pas ». L’incertitude sur le futur est une donnée essentielle des économies capitalistes car celles-ci sont en mouvement permanent du fait d’individus décentralisés et innovant et c’est cette incertitude qui a des conséquences sur nos façons de faire et nos comportements en tant qu’agents macro-économiques. On peut inclure dans l’ensemble de ces comportements l’arbitrage consommation-épargne mais également l’investissement. Et la valeur de l’actif en bourse n’est pas essentiellement déterminé par le jugement hypothétiquement objectif des agences de notations mais également et avant tout par les comportements mimétiques et conventionnels des opérateurs sur les marchés financiers qui ont parfois raison et parfois se trompe. Par ailleurs, Sur un marché financier, un acteur peut calculer ce que va rapporter un actif mais il a d’autres possibilité, il peut revendre son actif, la liquidité introduit la possibilité d’acheter et de vendre, si on a un titre x qui vaut moins qu'une action y selon la loi de l’efficience on n'achètera pas l'action y. Dans la réalité, on peut l’acheter en pensant que le prix augmentera ensuite, ce qui s’impose sur un marché liquide ce sont les variations liquides du prix de cet actif sur le marché, l’investisseur sera plus intéressé donc par ce que pensent les autres agents. Ce concept est celui de l’autoréférentialité des MF d’André Orléans : l’anticipation de l’évolution des cours détermine l’action des investisseurs. On peut déduire certains dangers de ces comportements moutonniers si on les relie à la question des anticipations autoréalisatrices, on voit bien une situation d’interconnexion de marchés. En somme, ce qui compte sur un marché c’est l’opinion de marché. « Peu importe la qualité du raisonnement s’il doit être démenti par la bourse. Pas plus qu’un homme politique, le gestionnaire ou l’analyste ne peut avoir raison contre l’opinion majoritaire de ses électeurs : c’est le marché qui vote. » Disait Pierre Balley. La comparaison avec le vote tout à fait frappante, si on pense que la finance relève du domaine du calcul rationnel on peut être choqué par cette comparaison avec le calcul politicien où chacun cherche à influencer les autres alors que le marché peut parfois porter sur la même conjoncture, les mêmes données, des appréciations différentes. Par ailleurs, certaines études empiriques ont constaté que les marchés financiers s’inscrivaient dans des cycles historiques (la probabilité de rendements élevés est d’autant plus fortes qu’ils ont été faibles par le passé, pas de démarche aléatoire donc) et constate également une surréaction des marchés financiers aux informations.

Si une corrélation est empiriquement prouvée on ne saurait sacrifier la stabilité financière au profit de la croissance économique. Par ailleurs, prétendre que les marchés financiers sont facteurs de croissance partout, toujours et à toute époque n'a aucun sens.

Aujourd'hui, la régulation-prohibition des MF s’avère nécessaire et doit prendre le pas sur la simple régulation-surveillance qui a montré ses limites dans un contexte difficile ou la relance généralisée apparaît, en Europe par exemple, comme une solution potentielle. Un retour aux monnaies nationales en Europe est également une piste à étudier. Mais si la finance refuse toute diminution de ses gains, s'accroche à sa logique de rentabilité excessive, et menace de faire porter in fine le poids de l’ajustement financier à l’économie toute entière via une restriction des conditions du crédit, alors il y avoir là, d’un point de vue strictement économique, un motif sérieux d’une nationalisation intégrale ou partielle du secteur bancaire, d’une part, et de la prise en charge de mesures de régulations importantes sur les MF, d’autre part. 


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5 réactions à cet article    


  • howahkan Hotah 8 février 2014 11:23

    Ils sont des agents indispensables comme d’autres de captation du vrai travail au profit d’une caste parasite qui ne fait rien de concret, donc inutile au groupe, au moyen de l’argent qui comme il n’a pas d’existence n’a que la valeur que le dominant veut bien lui donner toujours obligatoirement collectif.....comme le dominant va donner une valeur a certains metiers, là ou lui va se trouver et qui sont tous des métiers de fainéant parasitaires du vrai travail...

    c’est pourtant simple non ?


    • spartacus spartacus 9 février 2014 10:53

      L’achat d’une maison, si vous pensez la vendre pour votre retraite, est efficient puisque rien ne garantit sa valeur dans le futur. 

      Aller voir un bon film est également efficient, puisque vous n’êtes jamais certain de savoir si ce dernier va vous plaire avant de l’avoir lu. 

      L’erreur de cette étude est de considérer l’incertitude du marché des actions comme facteur de l’instabilité de ce marché.

      A force de se concentrer sur l’efficience on en oublie l’important. 
      L’efficience fait elle que l’entreprise qui fait l’objet de l’investissement doit son succès ou son échec sur le marché libre à la chance ou son efficacité ? Son succès ou son échec sur le marché libre à l’efficience ?

      Effectivement, le marché n’est pas parfait. Mais la solution étatique proposée ne s’est jamais révélée meilleure mais toujours pire.

      L’exemple des marchés de ultra réglementé depuis, n’ont jamais empêché les variations (exemple : marché de l’oignon USA). De même la taxe Tobin vendeuse sur le plan populaire possède en elle des effets pervers dévastateurs. Comme la délocalisation de la finance vers des cieux ou elle n’existe pas. Comme elle fera peser sur l’entreprise émettrice la taxe plus que le marché.

      L’incertitude est un fait qui s’applique a tout. Les Keynésiens en font une excuse factice le jacobinisme. Ils feraient mieux de se poser la responsabilité des idées Keynésiennes qui fait qu’avec 56% du PIB par l’état nous en sommes toujours en crise.

      • bourrico6 10 février 2014 11:10

        Toujours aussi ringard.

        C’est comique de voir un extrémiste accuser les autres d’extrémisme.
        Et ça devient hilarant que cet extrémiste ne s’en aperçoit même pas.


      • claude-michel claude-michel 9 février 2014 12:42
        Les marchés financiers sont-ils facteurs de croissance économique ?....avec les banques ce sont les vampires qui sucent le sang des peuples... !

        • EntreiciThropocène 9 février 2014 18:44

          Oui, la croissance des inégalités sociales est un marché très porteur.

           

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