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Les mauvaises news… Puis Sourions & Contons

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Bon j’vais pas conter fleurette, et compter le trèfle à quatre feuilles, mais plutôt vous raconter l’histoire de 3 jeunes femmes, merveilleuses qui il y a longtemps ont fait un truc de ouf, ou en bon français : sont rentrées dans les livres d’histoire. Elles sont connues comme : “The housewife explorers who climbed the Himalayas” en French : “ les femmes au foyer qui escaladèrent l’Himalaya  »

Tout commence… En Angleterre. Un soir de janvier 1958 dans la petite ville de Oxted dans le Surrey ; 3 couples, les Davies, les Sims et les Deacock installés bien au chaud devant la cheminée sont en train d’élaborer le futur voyage-aventure que doivent faire ces Messieurs. Il faut dire que ces 3 hommes dans leur trentaine sont des militaires, des montagnards expérimentés, surentrainés et font partis tous de la British-Pakistani Forces Himalayan Expedition. Apres le diner, les hommes passent au fumoir pendant que ces dames débarrassent la table.

Cela fait peu de temps qu’elles se connaissent, mais un vrai courant s’est établi tout de suite. La vaisselle terminée, elles vont dans le salon, et se préparent à ce que logiquement la soirée aille en se languissant sous les craquements des buches qui tombent une à une dans la cheminée. Sauf que.

Ces trois jeunes femmes ont en commun d’être totalement autonomes, et d’avoir toutes eux une éducation hors norme et des expériences humaines intéressantes, en fait ; Elles ont tout, sauf le profil de la « bobonne » qui reste entre ses fourneaux et son tricot ; femme typiquement épinglée des années 50.

Eve Sims a 25 ans, et a passée 2 ans sur une moto à sillonner la Nouvelle Zélande et l’Australie. Antonia Deacock a 26 ans et vient d’Afrique du sud. Son père ambassadeur lui a permis de faire le tour du monde ; et enfin, la + expérimentée, Anne Davies 35 ans, fille d’un officier en poste dans le sud de l’Inde et au Pakistan, elle y a vécu 12 ans et parle l’Urdu et l’Hindi, elle est passionnée d’alpinisme et a déjà été une des 1eres femmes à aller dans le haut Cachemire en compagnie de son mari et de son bébé de 3 mois, tout ça à dos de mule.

 

Nos jeunes femmes bien installées papotent et de fil en aiguille sans vraiment s’en rendre compte tout en dégustant des Toffees plaisantent à propos d’aventures. Elles échafaudent un voyage qui partirait de Londres, traverserait toute l’Europe d’Ouest en Est, puis, l’Afghanistan, le Pakistan et l’Inde pour un total de 25.000 km allé/retour en voiture, et afin d’installer la cerise sur le gâteau : 400 km à pied dans l’Himalaya pour découvrir la vallée du royaume Tibétain Bouddhiste du Zanskar - juché à 3500 d’altitude et avec des cols jusqu’à 5.000 mètres ; inhabitée, lunaire…

C’est à ce moment que les maris reviennent prêt qu’ils sont à se séparer et à rentrer home, suite à moult whiskies bien tassés. Quelle n’est pas leur surprise lorsque leurs 3 épouses d’un seul élan, d’une seule voix sortent : « C’est nous qui partons faire cette expédition, et ça dans 5 mois ! » Le plus cocasse, c’est que les 3 hommes d’abord interdit, se regardent, puis éclatent de rire et acceptent. (en y croyant absolument pas)

Les Dés sont jetés Ladies !

C’est là que leurs qualités d’organisatrices entrent en scène. Elles trouvent un sponsor, « Ovomaltine » qui finance un véhicule tout terrain flambant neuf ; avec comme seule exigence qu’elles tournent des images avec une camera 16mm qui servira à produire un film publicitaire. Puis, pour les équipements… ce sont les maris qui s’y collent, pris au jeu finalement devant la volonté inflexible de leurs chères et tendres. Pourtant…

Entre parenthèse. Faut dire que la presse s’était emparée du sujet et en avait ses choux gras en se moquant de « ces épouses qui feraient mieux de rester à la maison pour s’occuper de leurs enfants et maris au lieu de jouer les alpinistes, les aventurières du dimanche », c’est ce qu’écrivait le Daily Mirror’s en ce printemps 58.

Enfin le 5 mai 1958, les 3 femmes claquent la bise et montent dans le Land Rover 8 cylindres à long châssis qui va traverser 20 pays en 6 semaines aller/retour, puis, nos aventurières devront marcher 21 jours aller/retour en Inde pour atteindre Padam, la capitale de Zanskar - région la plus haute et la plus inhabitée du globe.

C’est parti !

Dans l’auto les rôles sont distribués : Anne Davis est le “skipper”, le boss, Eve Sims, le navigateur qui répare et Antonia Deacock, l’écrivain, le cinéaste mais aussi responsable du bon fonctionnement de l’équipement. Les jeunes femmes vont se relayer pour conduire le jour et camper la nuit, sauf en Iran où les températures sont trop élevées et où il faut inverser. Elles traversent : Angleterre, France, Allemagne, Autriche, Yougoslavie, Grèce, Turquie, Iran, Pakistan et Inde. Tout va se passer comme un charme pendant ces 12.000 km, pas une panne, rien d’autant qu’à cette époque le réseau Land Rover est si bien fait, qu’à presque chaque village on y trouve un concessionnaire ; Donc, pas grand-chose à raconter dans le journal de bord ; de la bonne humeur, des chansons… RAS !

L’arrivée à New Delhi. Triomphale ! Et un RDV avec le 1er ministre Jawaharlal Nehru, compagnon du Mahatma Gandhi qui exceptionnellement et avec plaisir permet à l’expédition d’entrer dans « les territoires inconnus », en clair ; elles ont un pass qui permet de visiter les régions interdites aux étrangers.

La « Montée »

Des bas : Cette pauvre femme qui ayant marché 3 jours dans la montagne pour sauver son bébé, et qui meurt dans les bras d’Antonia Deacock. Elle-même tombe malade, il faut redescendre et aller à Manali. Mais aussi des hauts : manger des « caramels glacés » (neige et lait concentré), retourner au camp de base puis escalader des hauteurs jamais vues par des occidentaux ; les guides à notre retour qui ont décorés notre tente avec des edelweiss. L’accueil du village de Phirtse-la situé à 3800 metres. Enfin nous arrivons à Padam.

Padam  : Pour être honnête quelle déception. C’est petit, désert, noir et sombre et ne ressemble absolument pas à ce que nous pensions être « une capitale » des cieux… Pourtant écrit Anne : « Nous avions tout fait pour arriver là »

… à partir de ça.

Les images tournées sont trop sombres, donc inutilisables pour un film commercial. Le carnet de bord se tait presque. Presque rien de leurs expériences à haute altitude dans cette vallée déserte n’est arrivé à nous… Ont-elles croisées les peuples nomades gardiens de Yaks ? Ce qui est certain c’est qu’elles sont entrées dans les livres d’histoire pour être les premières femmes occidentales à avoir vus cette vallée du Zanskar.

Retour

8 octobre 1958. La phrase qui résume ce quelles ont dit à la presse à leur retour en Angleterre après encore tout de même 12.000km de 4x4 : « I'd been my father's daughter, my husband's wife, but this time I was somebody on my own »

- J’ai été la fille de mon père, l’épouse de mon mari, mais cette fois ci, j’étais enfin moi-même.

L’après…

Arrivées à bon port, elles mirent les cartes, les gants, les bottes au rebut car les maris en rang d’onion bises en bandoulière… Les médias étaient à autre chose et les 3 belles se séparèrent assez rapidement pour suivre leur homme en différentes villes, continents.. Elles eurent des enfants, une famille, des carrières, des petits enfants ; l’une d’elle, Antonia Deacock écrivit un livre « No Purdah in Padam  » en 1960, puis… Silence… Long, très long. Pourtant un pic rocheux de là bas dans l’Himalaya porte le nom de ces femmes : Wives' Peak - le pic des épouses…Et aussi un montagnard français, et c’est à notre honneur, Michel Peissel qui les mentionna dans son livre Le royaume caché .

Ce n’est que seulement en 2008, 50 ans après que des journalistes s’intéressèrent enfin et à nouveau à ces belles DAMES. Qui avaient pris de l’âge.

Cette année là, 2008, les 3 femmes se retrouvèrent au pays de galles où Davies et Sims habitent, Antonia Deacock étant venue d’Australie. Un films court leur a été consacré ; les bobines trop noires digitalisées montées, des interviews… Mais ces trois héroïques s’en tamponnaient le coquillard. Et puis… depuis 2008 le temps à passé.

  • Anne Davies est morte peu après ces retrouvailles.
  • Antonia Deacock est morte récemment en Australie.
  • Reste plus que toi dear Eve Sims… Qu’il n’y a pas si longtemps disais aux médias :

« We had a year of notoriety, of sorts, and then we crept back into our shells” “Nous avons eux une seule année de relative notoriété, puis, nous sommes retournées en nos coquilles”

Moi, je les aime ces 3 femmes fortes-fortes femmes, belles, enfantant, donnant… Toutes enfouies ; Je les admire du fond du cœur sincèrement.

Les pistes vers l’Himalaya, celles vers les hauts ; les sommets, les pics. Celui des « Wives » blanches. L’âme de ces filles hante, lorsque que le vent s’égraine des sommets hurlent, les drapeaux mortuaires claquent ; Anne, Antonia et Eve, soudain, sortent des glaçons, chantent une belle chanson des pays de Galles, et aussi soudainement… Le vent se calme. Paisible. Les filles ont gagnées ! Il est temps de retourner en bas.

God save the Queens et Land Rover.

 

Georges Zeter/Mars 2014

 

http://www.telegraph.co.uk/education/3356077/The-housewife-explorers-who-climbed-the-Himalayas.html


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5 réactions à cet article    


  • alinea Alinea 8 mars 2014 13:05

    Très bel hommage aux femmes George L. Zeter !


    • cevennevive cevennevive 8 mars 2014 14:49

      George, bonjour et merci pour ce bel hommage.


      Je ne connaissais pas l’histoire de ces trois femmes et je suis heureuse que vous nous la fassiez connaître.

      J’ai, dans ma bibliothèque toutes sortes de récits de voyages ou d’expériences de vie en pays étrangers ou hostiles, écrits par des femmes : Alexandra David-Neel, Isabelle Eberhardt, Ella Maillard, Lady Lucie Duff-Gordon, etc. Et je veux aujourd’hui, par l’intermédiaire de votre bel article les fêter et penser plus particulièrement à elles.

      Je pense aussi à toutes celles qui se sont cantonnées, par obligation ou par choix, aux soins de leur famille et de leur intérieur.

      Je les aime toutes.

      J’ajoute que mon petit-fils m’a annoncé qu’il allait avoir une fille. Cette nouvelle, le jour de la fête des femmes est bien opportune !

      Mais je voudrais tranquilliser les Messieurs, je ne suis nullement misandre. C’est juste que les hommages au cours de l’histoire de l’humanité sont presque toujours distribués aux hommes, et qu’il est rare d’y rencontrer mes consoeurs.

      Cordialement Georges.

      PS : Même si vous partez de notre pauvre France, promettez-nous d’écrire encore sur ce site !


      • alinea Alinea 8 mars 2014 14:56

        Bonjour cevennevive,
        il y a les courageuses, les audacieuses, les aventurières, il y a les combattantes et celles qui assurent, et toutes aiment et donnent, hommelibre a raison aussi, les femmes n’ont jamais été dans les remises de l’Histoire et si l’on ne voit pas que ce qui nous est montré, nous savons tous que hommes et femmes sont faits pour procréer... le progrès.


      • Prudence Gayant Prudence Gayant 8 mars 2014 17:08

        Elles sont féministes, elles sont conspuées. Elles sont des femmes rien que des femmes, elles sont aussi conspuées.

        En fait les hommes ne savent pas ce qu’ils attendent d’elles. 
        Qu’elles ouvrent la bouche ou se taisent elles ont toujours tort. Tort d’être des femmes.
        Tant qu’il y aura une journée consacrée aux femmes, rien n’aura changé pour elles. Le jour où cette journée disparaîtra du calendrier, elles seront considérées comme faisant parti entièrement de l’humanité.
        Ce jour là, les hommes se retrouveront bras ballants à ne pas savoir quoi faire le 8 mars. 

        • lautrecote 10 mars 2014 13:26

          Le 8 mars, je suis allé faire « mes » courses, j’ai fait un peu de ménage.

          J’ai rêvé d’un monde où l’idée même d’une « journée des femmes » serait scandaleuse.

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