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Gustave Doré, victime des avant-gardes

Gustave Doré, le surdoué, qui dessine comme il respire depuis l'enfance, refuse l'académisme et la formation classique. Mais il est piégé par son époque qui lui offre un succés prodigieux. Il se rêvait grand peintre et sculpteur, les critiques le renvoient à ses illustrations et ses gravures. Au musée d'Orsay, une somptueuse exposition lui rend justice.

"Le plus illustre des illustrateurs" fut-il un "génie raté" ? D'une certaine manière, il l'a bien cherché. C'est ce que montre l'exposition du musée d'Orsay, qui lui rend justice avec une sorte de sévère honnêteté. Gustave Doré le surdoué, qui dessine comme il respire depuis l'enfance, qui refuse l'académisme et la formation classique, a été piégé par son époque. Il se rêvait grand peintre et sculpteur, on le renvoie toujours à ses illustrations et ses gravures. Il en a souffert.

 L'exposition nous mène vers ce que nous avions toujours voulu savoir, surtout si on la complète avec le porte-folio proposé sur le web par la BNF. Entre tableaux et sculptures, les murs sont couverts d'agrandissements de gravures, parfois sur écran lumineux, où apparaît, comme sous une loupe, le trait même de Doré, son grain, ces fines hachures travaillées à l'infini. Nous cheminons à l'intérieur du dessin. Autre merveille : les deux ou trois pièces, disposées au milieu de l'exposition, juxtaposant les illustrations de Doré et les œuvres cinématographiques qui les démarquent presque exactement, de Méliès à Tim Burton, en passant par Cecil B. DeMille.

Gustave veut être au four et au moulin. Il commence avec la caricature et l'illustration et rencontre un succès inouï. Il est considéré comme le père de la bande dessinée. Ses créations sont repris pour les "lanternes magiques" et autres spectacles destinés au grand public. Il dessine sur bois pour les gravures, avec le projet de se confronter au œuvres maitresses de la littérature occidentale, La divine comédie, Don Quichotte, les Fables de la Fontaine, etc. Catholique pratiquant mais sans doute tourmenté, sa vision des grandes scènes bibliques, s'imprime dans la mémoire collective. On parle parfois de peintre-prédicateur. Chroniqueur de son époque, il est pratiquement le seul à nous révéler, en image, la réalité de Londres au siècle du Progrès, ses bas-fonds, sa misère sordide. On en oublie : l'ami des gens du cirque, qui les croque, mais parfois endosse l'habit de clown, l'alpiniste émérite qui livre là encore une vision de la montagne qui marque la mémoire collective.

Et pendant ce temps, Gustave Doré souffre. Les critiques assassinent ses "véritables" œuvres d'art. Il n'est ni pompier, ni provocateur. Seulement démesuré, expressif, romantique, torturé. Les intellectuels lui demandent sans ménagement de retourner à ses crayons et à ses planches de bois. Le noble art n'est pas pour lui. Cette image le poursuit après la mort. Doré est piégé par son siècle. D'abord par la technique, car il s'impose de travailler à l'intérieur des formats de la nouvelle imprimerie grand public. Ensuite par les lois d'un marché qui lui apporte beaucoup d'argent mais qui oriente la facilité de son talent vers les besoins de son immense clientèle. Doré s'épuise, se dissout, se disperse dans la recherche des faveurs du public bourgeois.

Mais d'une certaine manière, Doré refuse aussi ce que la bourgeoisie assignait comme tâche à l'artiste : mettre l'art en dehors de la vie sociale, dans un ghetto, s'enfermer dans l'élitisme, se couper du réel. Le bourgeois veut des avant-gardes vaguement inquiétantes et de plus en plus hermétiques. Des artistes maudits faisant scandale. Cela le rassure. Lui peut se consacrer à l'industrie, à la technique, à la science, aux choses sérieuses. Doré échappe donc à l'avant-gardisme qui débute alors, à la fin du XIXe siècle, avec l'impressionnisme, le fauvisme, le surréalisme, le cubisme...toutes ces écoles que la bourgeoisie considère avec ravissement comme "en avance sur leur temps".

Résultat : Doré, comme créateur, a failli sombrer dans l'oubli. Dans le fond des bibliothèques, passé l'éclat trompeur des couvertures, ses petits cartouches noirâtres, sur du papier de mauvaise qualité qui roussit avec les années, ont bien vieilli, à l'heure de la quadrichromie. Or, Gustave Doré a failli se réduire à cela ! Mais pendant ce temps, l'inspiration de Doré, son emprise sur l'imagination collective, prenait son envol, grâce à la bande dessinée, au cinéma. L'exposition a remis les choses en place.

 


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4 réactions à cet article    


  • claude-michel claude-michel 11 mars 2014 13:25
    Gustave Doré, victime des avant-gardes....Non victimes des modes !..et sans doute son goût pour l’argent peut être.. ?


    • claude-michel claude-michel 12 mars 2014 08:09

      J’ai oublié de dire que l’article est très bien fait+++
      Une bonne recherche....pour un artiste qui n’en mérite pas tant (a mes yeux)... !


    • Pierre de La Coste Pierre de La Coste 12 mars 2014 14:46

      Merci, mais vous êtes un peu dur pour Gustave...et trop aimable pour moi. Allez voir l’expo, elle est remarquable.


    • lsga lsga 20 juin 2014 18:56

      rappelons ici que l’auteur est un inculte stupide et raciste, tout juste bon à se saouler la gueule à l’eau bénite.

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