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Accueil du site > Tribune Libre > Du bon usage du pléonasme et de l’euphémisme : autorité parentale et (...)

Du bon usage du pléonasme et de l’euphémisme : autorité parentale et piège sémantique

« La Révolution est comme une bicyclette : quand elle n'avance pas, elle tombe », prétendait Che Guevara. En ces temps de Progrès à marche forcée vers le Meilleur des Mondes de ce cher monsieur Huxley, les faits n'ont de cesse de valider la comparaison susmentionnée, tout en venant nous rappeler qu'elle pêchait néanmoins par sa formulation restrictive. Toutefois, puisqu'il est clair que par « Révolution », dans une perspective guévariste (disons, ado-marxiste), il convient d'entendre la transgression et la remise en cause des pratiques antérieures, le lecteur avisé aura, de lui-même, rectifié : la Modernité est comme une bicyclette : quand elle n'avance pas, elle tombe. Voilà qui est déjà beaucoup plus clair, et cela tombe à point, puisqu'il sera ici question de clarification.

Le marxisme orthodoxe -autre tête de l'hydre moderne- entendait changer la société, changer le monde, et de ce fait créer un Homme nouveau. Rien de nouveau sous le soleil rouge des Soviets, l'ambition révolutionnaire des Bolchéviks se cantonnant en la matière à une stricte observance des préceptes énoncés par l'auteur de Das Kapital, quant à la subordination de la superstructure sociale à l'infrastructure économique, impliquant par suite la primauté du fait social sur le fait individuel, en une perspective classiquement hobbesienne : c'est la société qui crée l'individu, et non l'inverse.

L'on sait cependant que l'échec de ce marxisme orthodoxe eut des conséquences diverses, à l'Est et à l'Ouest du Rideau de Fer. Notons quant à cette question particulière que cet échec devint tout à fait évident, dans les faits, dès les années 30 en Union Soviétique, et entériné avec la Grande Guerre Patriotique : dès cet instant, le communisme russe abdiqua, nécessairement et officiellement, ses prétentions à la rupture, à marquer une césure entre un Avant tsariste et réactionnaire, et un Après socialiste et progressiste ; en un mot, il renonça à son caractère moderne, pour ne plus être qu'une nouvelle période de la longue histoire russe. Il suffit, pour s'en rendre compte, de constater qu'aux yeux des historiens soviétiques, Ivan le Terrible tient de la figure progressiste. Difficile, pourtant, d'imaginer pire caricature de l'arbitraire et de la cruauté des mœurs en vogue au XVIème siècle, mais passons sur ce qui n'est qu'une manifestation parmi tant d'autres de la propension des historiens marxistes à s'arranger -parfois contraints et forcés, du reste- avec la réalité des faits.

Mais si le marxisme russe rentra dans le rang, ce ne fut pas le cas de ses pendants occidentaux. Les courants du marxisme culturel et du freudo-marxisme, notamment, rompirent avec la priorité de principe accordée par Marx aux phénomènes sociaux, en formulant des approches révolutionnaires basées non plus sur la subversion du corps social conçu comme un tout englobant, mais sur la subversion de ses particules individuelles. Déçus par ce minable peuple incapable de seulement désirer la Révolution, les Deleuze, Marcuse et autres clowns de l’École de Francfort se mirent en tête de le changer, de le transformer, qu'il le veuille ou non, non plus cependant pour donner naissance à cet homo sovieticus -si dangereusement proche, par l'apparence comme par les valeurs, de son pendant fasciste ou national-socialiste- mais se ralliant, par libido-centrisme -n'oublions pas que l'inepte Wilhelm Reich fut l'un des parrains du freudo-marxisme- à l'Homme Nouveau libéral, la véritable figure du Moderne, centré sur lui-même, ses envies, son pathos in fine réduit à ses instincts les plus bas, et affranchi de toute obligation, donc de tout lien ; et ce, en brisant un à un l'ensemble des repères structurant son identité, aussi bien individuelle que collective. À cet égard, la Théorie du Genre et son cortège de fariboles égalitaires constituent bel et bien la pointe du capitalisme.

La chose ne peut que sauter aux yeux, à l'étude du texte déposé, pour le compte du gouvernement socialiste -qui mériterait, plus que jamais, et en l'honneur d'un certain Wilhelm cité plus haut, d'être plutôt qualifié de reichien- par quelques parlementaires de gauche, relatif au statut du beau/faux parent et dont la lecture a été reportée suite à la guérilla parlementaire menée par l'opposition1. Éliminons d'entrée de jeu les arguments faciles de l'opportunité, comme quoi ce texte ne ferait que prendre en compte des « évolutions de la société », et de l'utilité, puisqu'à les en croire le quotidien des pauvres familles re(dé)composées serait proprement infernal. Primo, en admettant -ce qui n'est pas notre cas- qu'il y ait bien eu évolution passive par le bas -et non modification active par le haut- des comportements sociaux, il est évident qu'il ne ressort pas du travail du Législateur de valider l'ensemble des comportements sous l'unique prétexte de leur existence. Argument fallacieux autant qu'éculé : le vol, le viol et le meurtre sont des réalités de nos sociétés, et le deviennent de plus en plus à mesure de leur ensauvagement inéluctable. Faut-il pour autant les autoriser ? Là encore, le Moderne ne peut opposer à la logique la plus implacable que ses propres superstitions et croyances, sous la forme du vieux principe de préjudice des premiers libéraux. Le divorce de deux adultes consentants ne porte préjudice à personne, nous rétorquera-t-on en conséquence. Les enfants n'en seront pas nécessairement d'accord, mais leur opinion, ce n'est pas nouveau, ne vaut pas un clou. Quant aux difficultés quotidiennes auxquelles ces « familles » sont confrontées, outre la question de la responsabilité individuelle de chacun, qu'il est plus que légitime de soulever dans une société qui se veut libérale -nul n'a contraint ses personnes à se marier, à faire des enfants, à divorcer puis à se remettre en couple- l'on pourrait également se demander en quoi le fait de gérer par la loi -instrument à portée générale par nature- ce qui reste avant tout un ensemble de situations particulières et minoritaires, relève d'une bonne compréhension et d'une saine utilisation du pouvoir législatif. Mais nous reviendrons plus tard sur ce point, bien plus important qu'il n'y paraît en première analyse.

On ne s'attardera évidemment pas sur le lamentable babillage sous forme de soupe progressiste que servent au lecteur les auteurs de la proposition de loi, saupoudré d'une belle louche de cette éternelle mauvaise foi consistant à présenter une situation prétendument apocalyptique où il est urgent pour le droit de se mettre à la page des évolutions sociales. L'exposé des motifs reconnaît lui-même que seuls un peu plus de 10 % des enfants vivent dans des familles décomposées, impliquant -pour les ahuris et les militants socialistes qui se seraient égarés sur ces pages- que 90 % ne connaissent pas cette situation spécifique. Tant pis si, en modifiant les règles pour tout le monde sous prétexte de solutionner des cas peut-être problématiques mais résolument ultra-minoritaires, on met en péril et fragilise la situation -présente ou à venir- de l'immense majorité qui sait, quant à elle, vivre sainement sa vie de couple et de famille sans réclamer incessamment l'onction de l’État. La logique du Législateur socialiste s'apparente à celle du médecin militaire de la vieille école : dans le doute, mieux vaut tout couper. En ce sens elle s'identifie clairement à la structure de pensée moderne, fondée sur l'inversion systématique. Ainsi, au lieu de soigner la pathologie -définie comme une situation a-normale- on adapte la norme à cette même pathologie. Appliquée à un corps vivant, cette logique dysfonctionnelle conduit ineffablement à la mort. Il en va, bien entendu, de même pour un corps social.

Il ne sera pas question ici de détailler une par une l'ensemble des mesures proposées par le texte : nous abandonnons bien volontiers le pinaillage aux parlementaires, puisque de surcroît ils semblent rémunérés à cette fin. Ce qui nous intéresse, c'est bien l'esprit du texte, sa philosophie, ses buts inavoués et inavouables ; et à cette fin, nous en passerons, paradoxalement, par l'analyse de l'argumentaire de ses opposants.

Ceux-ci ont, sans grande difficulté il est vrai -il n'y fallait même pas une licence de droit- identifié les principaux travers de la proposition de loi. La résidence alternée érigée en principe (Art. 7, al. 3 et 4), l'instauration d'un mandat d'éducation quotidienne (Art.10), la possibilité offerte au juge de privilégier un tiers plutôt qu'un parent, stricto ou lato sensu (Art. 11, 12 et 14 notamment) témoignent d'une volonté ingéniériste de transformer activement les relations familiales.

Le choix des mots prend ici toute son importance, et il est malheureux de devoir constater qu'en cette affaire, les opposants au texte tombent systématiquement dans le piège sémantique tendu par la gauche. Ainsi le député UMP de la Manche Philippe Gosselin fustige-t-il la proposition de loi en ce qu'elle «  affirme bien l’emprise du lien social sur le lien biologique ». De son côté, Marion Maréchal-Le Pen, la cadette de l'Assemblée Nationale, élue du Vaucluse, a elle aussi accusé le gouvernement et la majorité, dans « la continuité du mariage et de l’adoption homosexuels », de poursuivre « le remplacement de la famille naturelle par la famille sociale »2.

Stop. Arrêtez les machines. Qu'est-ce donc que ceci, la famille sociale ? Une fois encore, j'invite à en revenir au sens des mots, plutôt que de suivre aveuglément les maux d'ordre d'une gauche vouée au culte de l'euphémisme ; encore qu'il soit plutôt ici question de pléonasme. À partir du moment où l'on définit comme social ce « qui se rapporte à une société, aux relations entre les individus d'un groupe considéré » (dixit le Larousse), l'on ne pourra jamais rien trouver de plus social que la famille biologique ou naturelle. L'opposition entre lien social et lien biologique est donc dépourvue de tout sens.

Cependant, comme nous le faisions remarquer plus haut, la gauche affectionne tout particulièrement les euphémismes. Plus qu'une affection, il s'agit, ainsi que nous le notions, d'une véritable adoration, que nous nommons d'ailleurs l'euphéminisme, en ce qu'il a de commun avec le féminisme une dévirilisation radicale du discours comme de la pensée3. Impossible d'appeler un chat un chat, et dans cette perspective la mise en avant systématique -en fait, pathologique- de l'expression famille sociale doit alerter l'observateur attentif, lui révéler que c'est un autre mot qui se dissimule derrière les atours sympathiques -et tellement « de gauche »- de cet adjectif social.

Mais alors, quel est donc ce mot qui effraie tant les socialistes et leurs alliés ? Et en allant plus loin, ce mot qui fait tout aussi peur -ne serait-ce que de manière inconsciente- aux adversaires du texte ou en tous cas à certains d'entre eux, au point de ne pouvoir le prononcer et de préférer reprendre le lexique imposé par l'adversaire ? Il n'est pourtant guère difficile à trouver, puisqu'il gouverne la majeure partie du texte, dans ses propositions concrètes, plus encore que dans l'exposé fallacieux de ses motifs.

« On ne choisit pas sa famille ». Chacun connaît ce vieux proverbe, qui, comme tous les vieux proverbes, en dit bien plus qu'il n'en a l'air de prime abord. Les liens familiaux sont de nature objective : ils existent en eux-mêmes, tissés de sang et de chair, et s'imposent avec une rudesse toute organique. Émotionnellement, matériellement et en dernière instance juridiquement, ils s'imposent à l'individu, lui conférant responsabilités et obligations. Disons-le : la famille est une contrainte, une contrainte magnifique, mais bien une contrainte ; car qu'est-ce que la contrainte, sinon l'absence de choix ?

C'est cette nature, impérative et impérieuse, du lien biologique -ou de son imitation par l'adoption plénière- qui agace tant la gauche, cette grande pourvoyeuse de libertés individuelles. Or le Moderne entend pouvoir tout choisir : ses aliments, son travail, la marque de sa voiture, sa sexualité, et ainsi de suite, sans que jamais aucune attache d'aucune sorte ne prétende l'arrimer, le fixer, l'enraciner. La haine de toute identité, donc de toute insertion dans une entité collective, frappe logiquement aussi bien l'appartenance à la nation que l'appartenance à la famille. Droit du sang ou droit du sol, la gauche en finit toujours par tout réduire à cette seule alternative intellectuellement malhonnête, étant néanmoins entendu que le sol doit demeurer aride et stérile, et qu'aucune racine ne vienne s'y enfoncer. Jacques Attali ne nous a-t-il pas enseigné que « les nations sont des hôtels » ? Si bien qu'on devine à quoi se résume la famille : tout au plus, une association, un groupe de colocataires. Tout se résume en tous cas au choix, donc à la volonté, donc au consentement ; finalement à un autre mot, celui, précisément, que nous cherchions.

Au contrat.

Cet aspect est tout à fait central dans le texte. Bien que l'exposé de ses motifs s'efforce d'enfumer le lecteur, en précisant qu'il entend « mieux prendre en compte la parole de l’enfant dans le cadre de toute procédure le concernant », cette volonté ne fait guère illusion, puisque dès le début, le paragraphe consacré au chapitre IV dans le préambule est plus court que tous les autres, et que ledit chapitre IV est lui-même le moins fourni, en adjoignant aux dispositions existantes la simple phrase : « le mineur est entendu d’une manière adaptée à son degré de maturité. » Ce qui, admettons-le, fait une belle jambe à la fois au mineur en question -dont on vérifie ainsi que sa parole constitue en réalité le cadet des soucis des promoteurs du texte- et au juge qui se coltinera l'interprétation de cette formule plus que vaseuse.

La suprématie accordée à la volonté des adultes est en revanche, quant à elle, très claire. Le droit positif accordait déjà aux familles recomposées des outils pour gérer le quotidien, via la délégation de l'autorité parentale validée par un juge. On devine sans peine la nature des arguments devant justifier l'ajout, à côté de cette délégation, d'un mandat d'éducation quotidienne, quant à lui totalement contractuel. Lesdits arguments seront, à peu de chose près, les mêmes que ceux avancés pour demander la baisse du SMIC et la démolition du Code du Travail : souplesse, flexibilité, liberté. La protection de l'enfant, de ses intérêts, de son simple équilibre -notion renvoyant à une réalité inquantifiable et immatérielle, donc dépourvue d'intérêt pour le Moderne- est perçue comme un frein insupportable à la volonté souveraine des adultes.

Des adultes, écrivons-nous, et non des parents. Le texte est empreint de ce relativisme niveleur, propre à l'esprit moderne, qui au nom de la lutte contre les discriminations réfute toute distinction, toute appréciation, tout jugement qui ne se fonderait pas exclusivement sur la volonté individuelle, et en conséquence qui n'existe que dans la mesure et dans la limite de l'existence, dûment manifestée par voie contractuelle, de cette même volonté. Ceci se traduit par la mise au même niveau du parent et du tiers, le juge étant invité à ne pas faire primer le premier sur le second, toujours en vertu d'un mystérieux « intérêt de l'enfant » dont a priori tout le monde se fout. Le mandat d'éducation quotidienne réduit de fait l'autorité parentale à une composante du patrimoine de chaque parent, qui se voit libre d'en faire procuration à qui il le désire, puisque malgré les préventions, une fois de plus tout à fait malhonnêtes, de l'exposé des motifs, rien, dans le corps de la proposition de loi, n'empêchera une mère divorcée de confier son enfant aux bons soins de son dernier plan Q. En ce sens, c'est à juste titre que Marion Maréchal-Le Pen stigmatise l'incitation faite aux parents « de se déresponsabiliser contractuellement de l’exercice conjoint et quotidien de l’autorité ». Au renforcement des liens contractuels avec le tiers -dont le texte consacre d'ailleurs le droit d'annuler unilatéralement le mandat : faut pas pousser Mémé dans les orties- répond logiquement l'affaiblissement du lien naturel avec le père ou la mère.

De même, le nécessaire pendant de la contractualisation des rapports familiaux est leur judiciarisation. Un contrat est certes la volonté des parties, mais de parties égales, nécessitant le recours à la justice civile pour trancher les litiges. Nulle raison que les « contrats familiaux », tels le mandat d'éducation quotidienne, échappent à la règle. Dès lors que la vie de famille, et plus précisément ici la vie de l'enfant, se voit soumise aux aléas des tyrannies égocentriques de parents et de beaux-parents qui n'ont plus d'adulte que la dénomination, l'intervention du juge en deviendra logiquement un élément clé. Le texte proposé n'en fait pas mystère, qui consacre la possibilité pour le juge de maintenir le mandat accordé au tiers alors même que les deux parents -dont on a déjà vu que le lien privilégié avec l'enfant était nié- entendraient le lui retirer.

On comprend dès lors le modèle de société promu par la gauche. La chance que nous avons, dans notre malheur de respirer sous le règne de la Modernité, réside d'ailleurs dans la vision vivante que nous offre les sociétés plus progressistes que la nôtre. Si bien que pour étudier, avant qu'ils ne se produisent chez nous, les résultats des mécaniques d'ingénierie sociale à l’œuvre en Europe, il suffit de jeter un coup d’œil Outre-Atlantique, les États-Unis demeurant le modèle indépassable de nos élites tordues.

C'est qu'au pays des Indiens et des bisons... pardon, des cowboys et de la malbouffe, on ne compte plus les cas particulièrement scabreux d'enfants adoptés à l'étranger puis abandonnés. Un phénomène qui, en première lecture, n'a rien pour surprendre ceux qui ont les pieds ancrés dans la réalité. Malgré toute la bonne volonté du monde, le mécanisme de l'adoption -fait pour donner des parents à des enfants qui en sont privés, et non l'inverse, doit-on le rappeler- ne fait qu'imiter le lien naturel de la famille par le sang. Le lien adoptif est plus ténu, plus fragile, puisqu'il s'apparente, déjà, à un mécanisme contractuel.

Les hypothèses américaines qui nous intéressent dénotent toutefois un certain nombre de spécificité psychologiques qu'il serait malavisé d'ignorer. De nombreux abandons ont lieu des années après l'adoption, donc, logiquement, alors même que le temps aurait dû renforcer les liens entre parents et enfant. D'autres jettent une lumière des plus crues sur ce véritable comportement psychopathologique de parents -psychopathologie au sens le plus strict d'absence de sentiments envers autrui- qui semblent virtuellement incapables de ressentir le moindre affect vis-à-vis de l'enfant adopté4, perçu comme un banal objet, au mieux comme ces chiens qu'on recueille sous le coup d'une émotion aussi soudaine que creuse pour les abandonner trois mois plus tard sur la voie publique parce qu'il gênent les projets de vacances du couple.

Ainsi, de la même manière que l'autorité parentale n'est plus qu'un actif, avec la voiture et le compte en banque, du patrimoine du parent, l'enfant lui-même devient un bien parmi les autres, susceptible à l'instar de ceux-ci de faire l'objet de mandats, de négociation, de discussion, de prêt, de partage, d'échange... et, bien entendu, de vente, via les revendications persistantes en matière de PMA et de GPA.

Il serait profondément malhonnête -autant dire, sur ces questions, profondément de gauche- de terminer notre propos sans établir le lien certain qui existe, en terme d'opportunité ainsi que d'opportunisme politiques, entre ce statut de contractuel pseudo-parental et la progression des attaques contre la famille en provenance du lobby LGBT. Qu'il existe un mouvement travaillant le corps social, produisant de plus en plus de parents inaptes à simplement agir en tant que tels, et que ce mouvement ait à voir avec l'emprise croissante d'un esprit de la Modernité, méta-historique et méta-politique, qui gangrène depuis plus de deux siècles les sociétés occidentales, est un fait. Ce fait ne doit, toutefois, pas nous empêcher d'identifier, au-delà de ses causes sous-jacentes, ses origines plus immédiates, et le travail de sape mis en œuvre par le lobby homosexualiste et ses puissants relais, politiques, financiers et d'opinion. De telle sorte qu'il convient de rapprocher la proposition de loi des parlementaires socialistes et Verts de l'une des plus vieilles obsessions du lobby rose, la reconnaissance de l'homoparentalité.

Selon notre bonne habitude, nous nous attacherons ici au sens des mots. Qu'importe les élucubrations risibles et fantasmagoriques des universitaires et scientifiques prométhéens, qu'ils soient anthropologues, psychologues, sociologues ou médecins : tout enfant a un père et une mère, c'est-à-dire n'a qu'un père et qu'une mère, faute de quoi on a affaire, non à un être humain, mais à un pauvre cobaye de laboratoire. Ceci étant posé, l'on est amené à réaliser que le mot homoparentalité, outre sa nature intrinsèquement oxymorique, appartient à la catégories des mauvais esprits que vénèrent les thuriféraires de l'euphéminisme, par lequel ceux-ci désignent une réalité des plus glauques.

Cette réalité concerne la quasi-totalité des cas particuliers réunis sous le vocable de « familles homoparentales », et il n'est pas hasardeux de constater qu'elle fournit le gros de la chronique judiciaire touchant ces mêmes prétendues familles. Formulons la chose de façon plus claire : l'homoparentalité n'est pas une forme de famille, mais un contentieux judiciaire touchant la structure de la famille. S'établit en effet à chaque fois une « relation à trois » entre, d'un côté, le parent homosexuel et son nouveau partenaire, et de l'autre le parent hétérosexuel, les deux premiers cherchant à éliminer le troisième du schéma familial.

Un cas autrichien (CEDH 19 février 2013, X contre Autriche5), qui a fait couler pas mal d'encre à l'époque, apporte des éclaircissements bienvenus sur les méthodes des militants LGBT dans ce genre d'affaire. Sauce euphéministe, l'affaire est présentée comme un nouveau cas de discrimination homophobe. L'on sait pourtant qu'en réalité la procédure a été initiée par le couple de lesbiennes suite au refus du père biologique et ex-compagnon de l'une d'elles, de renoncer à son autorité parentale sur leur enfant, et ce afin que la nouvelle compagne de son ex-moitié puisse l'adopter. Relisez bien la dernière phrase, elle vaut son pesant d'or, et jette comme un doute sur l'humanisme affiché et revendiqué du lobby le plus gay du monde occidental. Face à cette attitude scandaleusement rétrograde, réactionnaire et homophobe, le duo de lesbiennes ne put cependant répliquer directement contre le père : la ficelle eût été trop grosse, l'aveu trop monstrueux, qui revenait à accuser de discrimination un homme refusant naturellement de renoncer à tout lien avec son enfant, à seule fin de céder sa place à la nouvelle compagne de la mère.

L'intérêt d'un statut du beau-parent se dégage de lui-même de l'énoncé sommaire de ce cas d'espèce. Il permet au « troisième parent » d'obtenir une reconnaissance officielle et les droits qui vont avec -mais comme on l'a signalé dans la proposition socialo-verte, pas les obligations, culte du consentement oblige- sans avoir à lutter en justice -ce qui coûte du temps et de l'argent- afin d'évincer le second parent biologique, vis-à-vis duquel il se retrouve en situation d'égalité parfaite -du moins, bien sûr, tant qu'il n'a pas répudié l'enfant.

Il n'est pas difficile, considérant ce qui précède, de deviner pourquoi, et même si, comme nous en faisions la remarque, la chose est probablement inconsciente, la droite -plus précisément ici l'UMP- éprouve quelque difficulté à remplacer «  famille sociale  » par «  famille contractuelle  », dans la mesure où cette contractualisation/judiciarisation des rapports familiaux n'est rien de plus que la conséquence des avancées les plus récentes du libéralisme, qu'elle soutient par hypothèse de toutes ses forces. Tout n'étant que marchandise, rien ne saurait se situer hors du commerce, pas même les aspects les plus intimes et les plus précieux de l'existence -surtout pas, serions-nous tentés d'ajouter, puisque, étant les plus précieux, ils sont in potentia les plus rentables. Il importe cependant que la droite non-libérale -même si elle s'assume pas comme telle- récuse le vocabulaire euphémistique de la gauche, et renvoie ainsi celle-ci à ce qu'elle est : un vulgaire agent de la marchandisation du corps social, qui n'est jamais que l'objectif ultime de la Modernité. Nous terminerons comme nous avions débuté notre propos, quant à cette idée que cette même Modernité, semblable à une bicyclette, ne peut que s'effondrer si elle s'arrête, en l'espèce si on oblige à s'arrêter pour réfléchir à cette notion, et faire prendre conscience au plus grand nombre de cette perversité de son objet comme de son effet. En fin de compte, une image plus évocatrice et plus judicieuse que la bicyclette serait celle du requin : un animal dangereux, dont l'immobilité est synonyme de sa propre mort. Encore qu'à titre personnel, nous privilégierons une autre comparaison, encore bien plus parlante puisqu'elle rend compte de la nature auto-destructrice de la Modernité, celle de la pente. On justifiera ce point par cette excellente citation de Guido De Giorgio, qui mieux de longs développements précise l'ensemble de notre pensée sur cet aspect précis :

« À cet égard, nous ne nous adressons qu’à ceux qui, évidemment accusés d’être des utopistes anachroniques ignorant la "réalité concrète de l’histoire", savent rester impassibles, parce qu’ils ont compris que, désormais, il ne faut plus dire aux apologistes du "concret" : "arrêtez-vous", ou "retournez-vous" ou encore "levez la tête", mais plutôt : "toujours plus vite, toujours plus dans le sens de la pente, brûlez les étapes, rompez toutes les digues. La chaîne ne vous est pas mesurée. Cueillez donc les lauriers de toutes vos conquêtes. Volez avec des ailes de plus en plus légères, un orgueil de plus en plus affirmé, avec vos victoires, vos empires, vos démocraties. Continuez, car la fosse se remplit et il faut de l’engrais pour le nouvel arbre déjà formé qui fleurira en un instant sur votre tombe.  »

 

2Les mots mis en gras l'ont été par l'auteur.

3La propension hystérique des euphéministes à l'hyperbole quand ils combattent les moulins à vent du fascisme, du racisme et de l'antisémitisme ne présente ici aucun caractère paradoxal.

4Les amateurs de faits divers se rapporteront pour plus de détails à cette histoire d'un garçons russe expédié à l'aéroport avec sa petite valise, et, de façon encore plus convaincante, à l'affaire du réseau d'échange d'enfants sur Internet : http://www.lepoint.fr/monde/etats-unis-ils-echangent-leurs-enfants-adoptes-sur-internet-10-09-2013-1722956_24.php

 


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7 réactions à cet article    


  • trevize trevize 24 mai 2014 13:36

    C’est dense. On sent que vous êtes remonté !
    J’ai voté oui, même si je ne suis en grande partie pas d’accord avec vous, parce que j’ai trouvé qu’au contraire de certains auteurs, vous n’avez pas écrit ça juste pour cracher votre bile sur votre « adversaire » le « moderne » comme vous dites, mais avez plutôt tenté d’exposer simplement vos craintes.


    • trevize trevize 24 mai 2014 14:03

      Et donc pourquoi ne suis-je pas d’accord ?

      La famille EST une construction sociale. Même si les liens biologiques existent, c’est nous qui avons décidé de (plus ou moins) calquer, mouler la société sur ces liens. Les tribus primitives ont d’autres structures, l’apparente sacro-sainte légitimité de la famille ne provient que du fait que nous vivons avec elle depuis des siècles.

      La notion de famille a changé avec les époques. Jusqu’à la 2e GM, en France, les familles étaient beaucoup plus regroupées, plus larges, avec plusieurs générations, voire plusieurs foyers (couples + enfants) sous le même toît. Ce qu’on appelle famille maintenant, c’est la famille nucléaire (papa maman et les enfants), elle n’est vraiment née qu’après la guerre.

      La famille, pour beaucoup c’est très bien, mais elle peut aussi être le siège des pires atrocités dont l’humain est capable. Visitez donc ce site :
      http://jeconnaisunvioleur.tumblr.com/

      Combien d’enfants violés, battus au sein de leur propre famille ? A qui on demande de se taire lorsqu’ils dévoilent l’affreuse vérité ? On leur demande de se taire pour sauver les apparences, pour maintenir l’unité de la famille !! La famille serait donc plus importante que les individus qui la composent et qu’elle est sensée protéger ?
      Combien de ces enfants atteignent l’âge adulte en pensant que tout cela est normal, parce qu’ils n’ont jamais rien connu d’autre que ça, parce qu’on leur a dit que c’était comme ça chez tout le monde, et qu’ils n’ont jamais eu l’occasion de s’apercevoir que ce n’était pas vrai ? Et que se passe-t-il après ça, d’après vous ? Cette vie détruite prolongera le cercle vicieux, en reproduisant le même schéma au sein de la famille qu’elle fondra.
      A une autre échelle, plus faible, qui ne connaît pas quelqu’un qui souffre de ses liens familiaux ? Des parents abusifs, intrusifs, des pestes, dont on aimerait bien arriver à se détacher, mais qu’on arrive jamais à rejeter, coincé dans le cercle vicieux de la morale qui nous dit que la famille est sacrée ?

      Je ne suis pas en train de dire que c’est le cas partout, je ne dis pas qu’il faut absolument détruire la famille au plus vite, je dis juste qu’il est légitime de parler de ces problèmes, car un esprit malsain ne peut pas engendrer des esprits sains. La gangrène qui ronge nos société est connue depuis bien longtemps, mais on continue à ne pas vouloir la voir. Poser la question de l’importance que l’on doit réellement accorder à la famille, c’est le premier pas vers la résolution de ce problème. Poser la famille comme sacrée et intouchable, c’est le plus sûr moyen de continuer à alimenter le cercle vicieux.



      • Doume65 24 mai 2014 14:36

        « Le choix des mots prend ici toute son importance »

        « suivre aveuglément les maux d’ordre »

        Qu’est-ce qui a justifié le choix du mot « maux » ?
        Un jeu de « maux » que je n’arrive pas à piger, ou une simple erreur ?


        • claude-michel claude-michel 25 mai 2014 09:41

          Exemples de

          pléonasmes...« Sarkozy-Paranoïa »...« Hollande-Scooter »...« Merkel-Mark »...Mitterand-Pétain"...etc.. !

          • Diogène diogène 26 mai 2014 11:02

            Article laborieux et confus !

            La plus grosse confusion est l’amalgame marxisme-stalinisme.
            Cest comme si on confondait christianisme et église catholique !!!

            Nul !

            • 雛罌粟 雛罌粟 19 juin 2014 05:40
              Hé bé… j’en ai connu qui s’écoutaient parler.
              Il y en a manifestement qui se regardent écrire. Sur cet interminable et filandreux gloubiboulga je me bornerai à une observation : l’évocation du cas autrichien remonté jusqu’à la CEDH témoigne d’une malhonnêteté insigne et d’une nette propension à la déformation.
              L’imputation d’homophobie s’adressait, en ce cas d’espèce, non au père — quoi qu’en pense notre polygraphe azimuté — mais à l’état autrichien.

              En effet, si — au lieu d’un couple de femmes — il se fût agi d’un couple hétérosexuel non marié, la justice autrichienne aurait pu permettre l’adoption de l’enfant par le nouveau compagnon de la mère. Or elle a renoncé même à examiner l’affaire eu égard à la composition (deux femmes) du couple requérant.
              Il s’agit donc bien — très exactement, si les mots ont encore un sens — d’un cas caractérisé d’homophobie institutionnelle…

              Et je cite le § 125 de l’arrêt :
              « Si la demande d’adoption introduite par
              les première et troisième requérantes
              avait été présentée par un couple
              hétérosexuel non marié, les tribunaux
              n’auraient pas pu lui opposer une fin de
              non-recevoir.
              Ils auraient au contraire
              été tenus de vérifier, conformément à
              l’article 180a du code civil, si cette
              adoption répondait à l’intérêt du
              deuxième requérant [i. e. l’enfant].
              Et si le père de l’enfant avait refusé de
              consentir à l’adoption, ils auraient dû
              rechercher s’il existait des circonstances
              exceptionnelles justifiant qu’ils passent
              outre à ce refus comme le leur permettait
              l’article 181 § 3 du code civil (pour un
              exemple d’application de cette procédure,
              voir l’arrêt Eski, précité, §§ 39‐42,
              rendu dans une affaire où était en cause
              une adoption coparentale par un couple
              hétérosexuel marié et dans laquelle les
              juridictions autrichiennes avaient
              longuement analysé cette question en
              mettant en balance les intérêts de toutes
              les personnes concernées – ceux du couple,
              ceux de l’enfant et ceux de son père
              biologique – après avoir dûment entendu
              chacune d’elles et établi les faits
              pertinents). »

              Relisez bien la dernière phrase, elle vaut son pesant d’or, et jette une lumière crue sur ce qu’est la pratique banale de l’adoption au sein de couples de sexes opposés !

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