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De Michael Schumacher à Vincent Lambert

Une décision cruciale du Conseil d’État est attendue vendredi prochain pour décider de la vie ou de la mort de Vincent Lambert. Une expertise avait été ordonnée mais aucune étude ne pourra jamais prétendre savoir quelle sera l’évolution effective et pas seulement probable de l’état de santé de Vincent Lambert.

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Victime d’un grave accident de ski le 29 décembre 2013 dans les Alpes, le champion de course automobile Michael Schumacher est sorti du coma et a été transféré ce lundi 16 juin 2014 de l’hôpital de Grenoble à l’hôpital de Lausanne pour une longue période de convalescence. Au début du mois de février, des rumeurs sur le décès du coureur avaient même été diffusées sur les réseaux sociaux tant son état était fragile.

La bonne nouvelle de l’amélioration de la santé de Michael Schumacher apporte une lueur d’espoir même là où il ne devrait plus y en avoir. La médecine a fait d’énormes progrès en quelques décennies, tant sur les diagnostics que sur les traitements, mais elle n’est pas toute puissante et beaucoup d’évolutions, heureuses ou malheureuses, n’ont pas toujours été anticipées.

En d’autres termes, face au corps humain, face à la vie, les pouvoirs des hommes sont relativement modestes et l’humilité consiste à le reconnaître même si, fort heureusement, la science continue à avancer et à soigner de mieux en mieux.

Je rappelle cette petite évidence parce que la science n’aura jamais de pertinence lorsqu’elle croira condamner un malade définitivement. Les soubresauts de la vie sont tels qu’un "condamné", pour des raisons parfois inexplicables, finalement, contre tout espoir, réussisse à "s’en sortir", c’est-à-dire, à faire surface, à retrouver un semblant d’éveil dans le monde des hommes, parfois diminué.

Or, la sortie du coma du très médiatique Michael Schumacher intervient à un moment clef du débat en France sur la question de la fin de vie. Pas parce qu’un projet aurait été rédigé et soumis aux parlementaires. Simplement parce que la justice va revenir dans l’actualité de manière brutale ce vendredi 20 juin 2014, au Conseil d’État pour statuer sur un patient, Vincent Lambert, qui n’aurait plus de signe d’éveil depuis son accident de la route le 29 septembre 2008, mais qui serait capable de vivre longtemps sans forcément une aide extérieure (hors alimentation).

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J’avais déjà évoqué cette douloureuse décision à prendre, et les conseillers d’État chargés de cette délicate question n’étaient pas préparés à devoir statuer ainsi, car si la justice administrative est bien en cause, puisqu’il s’agit d’abord de juger de la pertinence, ou pas, d’une décision administrative (la décision d’un hôpital public, puis celle d’un tribunal administratif), sa résonance aura un très grand impact dans l’interprétation de la loi Leonetti du 22 avril 2005.

Pour rappel succinct, la justice a été saisie parce que la famille proche est divisée sur la décision à prendre. L’épouse ainsi que le personnel soignant de l’hôpital avaient décidé de mettre fin aux jours de Vincent Lambert considérant que son état ne pourrait jamais évoluer (progresser) et que cette situation devait le faire souffrir. Cependant, aucun signe clinique n’indique de souffrance. Mais les parents de Vincent, au contraire, considèrent qu’il faut le maintenir en vie parce que son état pourrait changer et peut-être le faire revenir un jour dans son ancien monde, peut-être dans très longtemps (certains cas de réveil ont eu lieu après plusieurs dizaines d’années de coma).

Parce que les membres du Conseil d’État n’ont pas voulu prendre leur décision à la légère, ils ont décidé de repousser cette décision en demandant une nouvelle expertise médicale sur l’état réel et actualisée de Vincent Lambert. Les juges suprêmes vont avoir donc la lourde tâche, dans quelques jours, de prendre leurs responsabilités, et en quelques sortes, car il s’agit bien de cela, d’accepter ou de refuser de condamner à mort un malade.

La décision aura une importance juridique essentielle dans le débat national sur l’euthanasie active. On pourrait croire par exemple que l’interdiction, par le Conseil d’État, faite aux médecins de mettre fin aux jours de Vincent Lambert, ce serait la victoire des opposants à l’euthanasie active.

Mais le résultat serait peut-être bien différente : par réaction, des militants très actifs pourraient alors se prévaloir de ce jugement négatif pour expliquer qu’il faudrait une nouvelle loi qui aille plus loin (les Belges aussi ne cessent d’aller plus loin dans leur législation sur l’euthanasie …au point de permettre à un enfant de se faire euthanasier : ils n’ont pas la majorité sexuelle car ils ne seraient pas en toute conscience de leurs actes sexuels mais la loi belge considère désormais qu’ils seraient en toute conscience …pour réclamer la mort !).

L’auteur de la loi du 22 avril 2005, le député d’Antibes Jean Leonetti, considère, au contraire, que la loi permet déjà la fin anticipée de la vie de Vincent Lambert et qu’il n’y a donc pas lieu de légiférer, car sa loi a réussi à obtenir un équilibre à la fois de consensus (politique et social) et de sagesse (éthique).

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Je note une évolution fort positive dans le traitement de ce sujet très sensible par les médias. Il y a quelques jours, un reportage sur une chaîne d’information continue montrait plus de nuances que les questions habituellement assez peu subtiles des sondages sur ce thème.

Il expliquait notamment, comme la loi actuelle le permet, que l’important, c’est de prendre toutes les mesures médicales pour éviter la souffrance, même si cela risque de précipiter la mort (ce qui est généralement le cas), mais ces mesures n’auraient pas pour but de donner la mort, ce qui est très différent de l’injection d’un produit létal dont l’autorisation pourrait ouvrir tous les abus criminels, individuels (extorsion d’héritage etc.) mais aussi collectifs (le coût d’un malade étant financé par la collectivité).

J’espère que les juges administratifs, dans leurs réflexions, vont penser avant tout à Vincent Lambert et à lui seul, dont c’est l’unique sujet. En dehors de tout esprit dogmatique. Le "réveil" de Michael Schumacher est aussi la démonstration que le pire n’est jamais sûr et que la médecine humaine ne doit pas se prétendre justice divine : personne ne sait ni ne saura quelle sera son heure, et, le cas échéant, rien n’interdit …un peu de "rab".


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (17 juin 2014)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
La nouvelle culture de la mort.
La dignité et le handicap.
Communiqué de l'Académie de Médecine du 20 janvier 2014 sur la fin de vie (texte intégral).
Le destin de l'ange.
La déclaration des évêques de France sur la fin de vie du 15 janvier 2014 (à télécharger).
François Hollande.
La mort pour tous.
Suicide assisté à cause de 18 citoyens ?
L’avis des 18 citoyens désignés par l’IFOP sur la fin de vie publié le 16 décembre 2013 (à télécharger).
Le Comité d’éthique devient-il une succursale du PS ?
Le site officiel du Comité consultatif national d’éthique.
Le CCNE refuse l’euthanasie et le suicide assisté.
François Hollande et le retour à l'esprit de Valence ?

L’avis du CCNE sur la fin de vie à télécharger (1er juillet 2013).
Sur le rapport Sicard (18 décembre 2012).
Rapport de Didier Sicard sur la fin de vie du 18 décembre 2012 (à télécharger).
Rapport de Régis Aubry sur la fin de vie du 14 février 2012 (à télécharger).
Rapport de Jean Leonetti sur la fin de vie du 28 novembre 2008 (à télécharger).
Loi Leonetti du 22 avril 2005 (à télécharger).
Embryons humains cherchent repreneurs et expérimentateurs.
Expérimenter sur la matière humaine.
La découverte révolutionnaire de nouvelles cellules souches.

Euthanasie : les leçons de l’étranger.
Euthanasie, le bilan d’un débat.
Ne pas voter Hollande pour des raisons morales.
Alain Minc et le coût des soins des très vieux.
Lettre ouverte à Chantal Sébire.
Allocation de fin de vie.


 


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3 réactions à cet article    


  • claude-michel claude-michel 17 juin 2014 09:53

    Attention..pour le pilote allemand..lire la presse allemande plus au courant de son état réel que l’attaché de presse de la famille.. !


    • GEORGES LE POETE 17 juin 2014 15:33

      Tu veux dire que la sortie de Schumacher de l’hôpital de Grenoble a été provoquée afin que le conseil d’Etat n’autorise pas l’euthanasie en France ? Donc, on peut en conclure que s’il avait été hospitalisé dans un autre pays, il n’y aurait pas ça... ?


      • Mmarvinbear Mmarvinbear 18 juin 2014 12:07

        En dehors de tout esprit dogmatique. Le « réveil » de Michael Schumacher est aussi la démonstration que le pire n’est jamais sûr et que la médecine humaine ne doit pas se prétendre justice divine : personne ne sait ni ne saura quelle sera son heure, et, le cas échéant, rien n’interdit …un peu de « rab ».


        Il y a quand même des différences flagrantes : Schumacher a très tôt montré des signes d’activité cérébrales, même ralentis et est sorti du coma après 6 mois.

        Pour Lambert en revanche, cela fait 6 ans que son cerveau n’est plus actif au niveau de la conscience. Et son corps ne montre plus d’activité.

        En terme d’espoir, on est proche du zéro. Et Lambert lui-même, infirmier et connaissant bien la chose, avait notifié qu’il ne voulait pas devenir un tel légume.

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